Solaire / Contrats d’achat signés avant 2011 : Quels fondements juridiques pour une remise en cause des tarifs ?

Par Me Stéphanie GANDET et Me Yann BORREL, Avocats associés – GREEN LAW AVOCATS

Selon un article qui a été publié dans le Journal les Echos le 16 septembre 2020, l’Etat souhaiterait que les contrats d’achat d’électricité photovoltaïque conclus avant 2011 soient renégociés. Même si pour l’heure, cette information n’a pas été officialisée, elle n’en suscite pas moins déjà la vive inquiétude et l’indignation au sein de la filière photovoltaïque, et ce de façon justifiée.

On se souvient que dans son rapport de mars 2018 sur « Le soutien aux énergies renouvelables », la Cour des comptes avait pointé du doigt le caractère trop élevé de ces soutiens. Visiblement influencé par ce rapport, le Ministère de l’Economie et des Finances souhaiterait que les contrats portant obligation d’achat soient renégociés, ce qui pourrait permettre de dégager jusqu’à 600 millions d’euros d’économies selon les informations communiquées par le journal « Les Echos ».

A ce stade, une chose est sûre : la mise à exécution de ce projet ne ferait que fragiliser encore davantage la filière.

En effet, celle-ci a déjà été soumise à rude épreuve à la suite de l’entrée en vigueur du « décret moratoire » du 9 décembre 2010, puis de l’arrêté ministériel du 9 mai 2017 qui avait créé un dispositif de soutien a minima, encore récemment, de l’arrêt la Chambre commerciale de la Cour de cassation qui a jugé non réparables, les préjudices constitués de la perte de la chance de bénéficier d’un tarif d’achat malgré le caractère tardif ( et fautif donc) des traitements par ENEDIS des demandes de raccordement au réseau …

Les catégories de contrats concernés par la renégociation (il s’agirait a priori des plus grandes >250 kWc conclus avant 2011 selon l’article paru), l’ampleur de la renégociation ainsi que les modalités de sa mise en œuvre suscitent de très vives interrogations.

En particulier, il est permis de s’interroger sur le fondement juridique et plus largement la légalité de mise en œuvre de la renégociation de ces contrats.

En effet, les aides financières à la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables sont encadrées par le droit de l’Union européenne (cf. Dir. (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables).

Par ailleurs, en droit interne, si la loi prévoit que les contrats peuvent être « suspendus ou résiliés par Electricité de France, les entreprises locales de distribution ou les organismes agréés mentionnés à l’article L. 314-6-1, dans des conditions approuvées par l’autorité administrative » (cf. C. énergie, art. L. 314-7), en revanche elle ne prévoit pas la possibilité de les modifier.

Néanmoins, les contrats qui ont été conclus avant 2011 sont, pour l’essentiel, administratifs par détermination de la loi. Or si les contrats administratifs sont soumis au principe de mutabilité, l’application d’une norme nouvelle à des situations contractuelles n’en est pas moins enfermée dans d’étroites limites que le Conseil d’Etat a dessinées dans sa jurisprudence (CE 8 janvier 2009, Compagnie Gale des Eaux (CGE) et Commune d’Olivet, n°271737 et 271782).

Il faudra sans attendre la parution du Projet de loi de Finances pour 2021 pour tenter d’en savoir plus à ce sujet à moins que d’ici là, les autorités aient renoncé à leur projet tant il paraît éloigné de l’ambition affichée par la Commission européenne dans son « Pacte vert pour l’Europe » [COM(2019) 640 final]. Pour rappel, la Commission européenne a insisté dans son Pacte Vert sur le fait qu’il est « impératif de mettre en place un secteur de l’énergie reposant largement sur les sources renouvelables, tout en abandonnant rapidement le charbon et en décarbonant le gaz ».

Le cabinet Green Law Avocats, qui défend historiquement les intérêts de la filière photovoltaïque, suit l’évolution de ce dossier avec la plus grande attention et sera mobilisé pour en contester la légalité.