Artificialisation des sols : quelle échelle opposable aux PLU pour la ZAN ?

fissure beton

Par David DEHARBE, avocat gérant (Green Law Avocats)

La question de l’échelle des documents graphiques est un enjeu juridique crucial pour la planification réglementaire urbanistique ou environnementale.

C’est pour ainsi dire l’échelle qui concrétise la portée de la contrainte dans l’espace et confère à la norme son effectivité.

Il est singulier que la question se pose souvent lorsque les intérêts environnementaux heurtent frontalement d’autres droits classiques et en particulier celui de propriété.

On pense d’emblée au contentieux suscité par l’échelle des plan de prévention des risques naturels (CAA Marseille, 15 janvier 2010, n° 07MA00918). L’imprécision de l’échelle foncière rendait ici incertaine la contrainte des zones inondables sur le foncier et a finalement le juge à clarifier les choses en annulant les échelles inadaptées : la norme doit être intelligible (TA Lille, 13 oc. 2011, n° 0901120 et 0902453 disponible sur Doctrine).

L’hostilité suscitée par le fameux objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) s’est au final cristallisée au contentieux avec cette question de l’échelle à prendre en compte pour déterminer l’artificialisation des sols.

La loi Climat et résilience de 2021 (JORF n°0196 du 24 août 2021) a fixé un objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) des sols en France à l’horizon 2050. Cette mesure vise à limiter la conversion d’espaces naturels, agricoles ou forestiers, en espaces urbanisés, en fixant un calendrier progressif de réduction de l’artificialisation. Comme la loi le prescrit, le Gouvernement a défini les conditions de mise en œuvre de cet objectif sur le territoire par deux décrets du 29 avril 2022.

Le premier fixe les objectifs et les règles générales en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, tandis que le second fixe la nomenclature de l’artificialisation des sols pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme.

L’association des maires de France (AMF) a demandé au Conseil d’État d’annuler ces décrets par deux requêtes du 28 juin 2022.

Or le Conseil d’État a annulé le deuxième alinéa du II de l’article R. 101-1 du code de l’urbanisme, issu d’un décret du 29 avril 2022, en ce que n’est pas suffisamment précise la définition de l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme (CE, 4 octobre 2023, n° 465341 et 465343, téléchargeables ci-dessous).

Le Conseil d’État relève que la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (JORF n°0196 du 24 août 2021) a inséré un nouvel article L. 101-2-1 dans le code de l’urbanisme, aux termes duquel « un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. Il établit notamment une nomenclature des sols artificialisés ainsi que l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme».

Or selon la Haute juridiction, « En se référant à la simple notion de « polygone », et en renvoyant, pour la définition de la surface de ces derniers, à un arrêté du ministre chargé de l’urbanisme et aux standards du Conseil national de l’information géographique, lesquels ne font pas l’objet d’une définition par décret en Conseil d’État, les auteurs du décret attaqué ne peuvent être regardés comme ayant établi, comme il leur appartenait de le faire en application des dispositions citées ci-dessus du dernier alinéa de l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme, l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme. Par suite, l’association requérante est fondée à demander l’annulation du 2ème alinéa du II de l’article R. 101-1 du code de l’urbanisme dans sa rédaction résultant du décret attaqué. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État la somme de 3 000 euros à verser à l’association des maires de France, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative » (CE, 4 octobre 2023, n° 465341).

On comprend que l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme est un enjeu majeur pour la réussite de cette réforme. Et le législateur avait confié le soin au gouvernement de cette fixer cette échelle. Le pouvoir réglementaire est ainsi censuré pour en pas voir épuisé sa compétence.

La loi Climat (JORF n°0196 du 24 août 2021) a fixé un objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) des sols en France à l’horizon 2050. Cette mesure vise à limiter la conversion d’espaces naturels, agricoles ou forestiers, en espaces urbanisés, en fixant un calendrier progressif de réduction de l’artificialisation. Or, l’Association des maires de France a saisi le Conseil d’État de deux requêtes visant pour chacune d’elle une annulation de ces décrets.

En revanche par sa décision n° 465343, le Conseil d’État rejette la requête dirigée contre le dispositif concernant les schémas régionaux. Il juge notamment que la fixation des objectifs de réduction de l’artificialisation à un niveau régional, dans le cadre des schémas régionaux (SRADDET), objectifs qui s’imposeront ensuite aux documents locaux au niveau intercommunal et communal, est conforme à la loi de 2021.

Plus précisément la haute juridiction, considère qu’ « en prévoyant que le fascicule du SRADDET comporte des règles territorialisées permettant d’assurer la déclinaison des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols entre les différentes parties du territoire régional avec une cible d’artificialisation nette des sols au moins par tranches de dix années, le pouvoir réglementaire n’a pas méconnu les termes de la loi. » .

De la même façon, selon le juge administratif « Si l’article R. 4251-8-1 du code général des collectivités territoriales, cité au point 4, se réfère à une liste des projets d’aménagements, d’infrastructures et d’équipements publics ou d’activités économiques « qui sont d’intérêt général majeur et d’envergure nationale ou régionale », pour lesquels, comme le prévoit l’article L. 141-8 du code de l’urbanisme, la consommation ou l’artificialisation des sols induite est prise en compte dans le plafond déterminé au niveau régional sans être déclinée entre les différentes parties du territoire régional, les précisions ainsi apportées par voie réglementaire aux projets concernés, qui sont les « projets d’aménagements, d’infrastructures et d’équipements publics ou d’activités économiques », ne contredisent pas la loi et sont suffisantes pour en permettre l’application ».