ÉLIMINATION DES DÉCHETS : DES MODIFICATIONS EN GESTATION

Par Yann BORREL avocat associé GREEN LAW AVOCATS yann.borrel@green-law-avocat.fr

Au cours du mois de février 2021, le Ministère de la transition écologique et solidaire a soumis à la consultation du public :

–        d’une part, un projet de décret relatif aux conditions d’élimination des déchets non dangereux  ;

–        et d’autre part, un projet d’arrêté pris en application des articles R. 541-48-2 et R. 541-48-3 du code de l’environnement (projets disponibles ici).

Ces deux projets de textes définissent les modalités d’application des articles 6 et 10 de la loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (JORF n°0035 du 11 février 2020).

Pour rappel, l’article 6 de cette loi a imposé aux producteurs ou aux détenteurs de déchets de justifier du respect des obligations de tri prescrites aux articles L. 541-1 à L. 541-50 du code de l’environnement. Cet article prévoit entre autres que « Les producteurs ou les détenteurs de déchets ne peuvent éliminer ou faire éliminer leurs déchets dans des installations de stockage ou d’incinération de déchets que s’ils justifient qu’ils respectent les obligations de tri prescrites au présent chapitre ».

Quant à l’article 10 de la loi, il a interdit de manière progressive la mise en décharge des déchets non dangereux valorisables sachant qu’une telle interdiction est, de prime abord, surabondante voire contradictoire avec le II. de l’article L. 541-2-1 du code de l’environnement qui prévoit que « les producteurs ou les détenteurs de déchets ne peuvent éliminer ou faire éliminer dans des installations de stockage de déchets que des déchets ultimes ».

Les dispositions du projet de décret concernent les installations de stockage de déchets non dangereux non inertes, les installations d’incinérations de déchets non dangereux et les installations de stockage de déchets.

Les principales mesures contenues dans le projet de décret qui retiendront l’attention des exploitants des installations concernées sont rappelées ci-dessous.

Premièrement, le projet de décret énumère les catégories de déchets non dangereux valorisables qu’il est interdit d’éliminer en installation de stockage de déchets non dangereux ou d’incinération.

Cette interdiction est définie en fonction de seuils afin d’interdire de manière progressive leur élimination, en tenant compte du type de déchet concerné. Ces seuils tiennent compte du potentiel de valorisation des déchets et des difficultés de valoriser certains types de déchets.

A cet effet, l’article 1er du projet de décret prévoit de modifier l’article R.541-48-2 du code de l’environnement en ces termes :

« – I. – Les déchets non-dangereux valorisables dont l’élimination en installation de stockage de déchets non dangereux non inertes est interdite sont (…) ». Ce même article énumère la liste de déchets dont le dépôt en centre de stockage sera interdit à compter d’une certaine date en raison de leur composition.

Les premiers types de déchets qui devraient se voir interdire l’accès en centre de stockage, à compter du 1er janvier 2022 sont :

–        les bennes ou autres contenants de déchets non-dangereux dont le contenu est constitué à plus de 30% en masse de métal, ou à plus de 30% en masse de plastique, ou à plus de 30% en masse de verre, ou à plus de 30% en masse de bois, ou à plus de 30% en masse de fraction minérale (béton, briques, tuiles et céramiques, pierres) ;

–        ainsi que les bennes ou les autres contenants de déchets non-dangereux dont le contenu est constitué à plus de 50% en masse de papier ou à plus de 50% en masse de plâtre, ou à plus de 50% en masse de biodéchets ;

Deuxièmement, le projet de décret définit la procédure à suivre pour les déchets entrant en décharge afin de s’assurer du respect des seuils établis. Cette procédure devra être mise en place par l’exploitant de l’installation de stockage de déchets sur la base d’une caractérisation annuelle des déchets apportés réalisée par le producteur ou détenteur des déchets, et d’un contrôle visuel des déchets réceptionnés lors de l’admission sur site ou de leur déchargement. La fréquence de la caractérisation pourra être adaptée en fonction des caractéristiques des déchets, selon des modalités définies par l’arrêté ministériel susmentionné. Les analyses et les tests relatifs à la caractérisation pourront également être réalisés par l’exploitant de l’installation de stockage de déchets ou tout laboratoire compétent.

Troisièmement, le projet de décret définit une démarche de justification du respect des obligations de tri que devront suivre les producteurs de déchets vis-à-vis de l’exploitant de l’installation de stockage de déchets ou de l’incinérateur recevant leurs déchets.

Ainsi, l’article R. 541-48-3 du code de l’environnement prévoit que pour pouvoir éliminer dans une installation de stockage ou d’incinération leurs déchets non dangereux qui ne sont pas gérés par le service public des ordures ménagères et déchets assimilés (en application des articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales), les producteurs de déchets devront justifier du respect des obligations de tri qui leur sont imposées par les articles L. 541-21-1, L. 541-21-2, L. 541-21-2-1 et L. 541-21-2-2 du code de l’environnement et par les textes qui sont pris pour leur application.

Cette justification devra être réalisée une fois par an par la transmission à l’exploitant de l’installation, préalablement à la réception de tout déchet pour l’année en cours, d’une attestation sur l’honneur du producteur des déchets comprenant la liste des obligations de tri auxquelles est assujetti le producteur des déchets et la description des éléments, notamment contractuels, de nature à justifier le respect de ces obligations de tri. Le producteur de déchets devra également y joindre sa ou ses attestations de valorisation reçues l’année précédente.

Pour sa part, le projet d’arrêté ministériel a essentiellement pour objet de préciser les conditions de contrôle des déchets réceptionnés en installation de stockage et d’incinération valorisation énergétique de déchets non dangereux non inertes, de façon à vérifier le respect des dispositions prévues par les articles R. 541-48-2 et R. 541-48-3 du code de l’environnement que le projet de décret prévoit de modifier.

A cette fin, le projet d’arrêté prévoit notamment de modifier l’annexe III de l’arrêté du 15 février 2016 relatif aux installations de stockage de déchets non dangereux afin de préciser les modalités de caractérisation des déchets admis dans les installations précitées.

Il en ressort que le contenu de la caractérisation, l’ampleur des essais requis en laboratoire et les relations entre la caractérisation de base et la vérification de la conformité dépendront du type de déchets. Par ailleurs, le projet d’arrêté liste les déchets dont l’élimination en installation de stockage de déchets non dangereux ne pourra pas être interdite, pour des raisons techniques ou par absence de possibilités de valorisation.

Cette liste, qui figure en annexe du projet d’arrêté, énumère les codes-déchets des déchets non valorisables issus d’opérations de valorisation de déchets ou de processus de productions auxquels ne s’appliquent pas les dispositions du I de l’article R. 541-48-2 du code de l’environnement.

Cette liste est la suivante :

Code déchetLibellé du code
03 03 07refus séparés mécaniquement provenant du broyage de déchets de papier et de carton
03 03 10refus fibreux, boues de fibres, de charge et de couchage provenant d’une séparation mécanique
10 01 01mâchefers, scories et cendres sous chaudière (sauf cendres sous chaudière visées à la rubrique 10 01 04)
10 01 15mâchefers, scories et cendres sous chaudière provenant de la coïncinération autres que ceux visés à la rubrique 10 01 14
10 02 01déchets de laitiers de hauts fourneaux et d’aciéries
10 08 09autres scories
10 09 03laitiers de four de fonderie
10 09 06noyaux et moules de fonderie n’ayant pas subi la coulée autres que ceux visés à la rubrique 10 09 05
10 09 08noyaux et moules de fonderie ayant subi la coulée autres que ceux visés à la rubrique 10 09 07
10 10 06noyaux et moules de fonderie n’ayant pas subi la coulée autres que ceux visés à la rubrique 10 10 05
10 10 08noyaux et moules de fonderie ayant subi la coulée autres que ceux visés à la rubrique 10 10 07
10 11 03déchets de matériaux à base de fibre de verre
10 11 12déchets de verre autres que ceux visés à la rubrique 10 11 11
10 12 08déchets de produits en céramique, briques, carrelage et matériaux de construction (après cuisson)
10 13 11déchets provenant de la fabrication de matériaux composites à base de ciment autres que ceux visés aux rubriques 10 13 09 et 10 13 10
12 01 99déchets non spécifiés ailleurs
19 01 02déchets de déferraillage des mâchefers
19 01 12mâchefers autres que ceux visés à la rubrique 19 01 11
19 03 05déchets stabilisés autres que ceux visés à la rubrique 19 03 04
19 05 01fraction non compostée des déchets municipaux et assimilés
19 05 02fraction non compostée des déchets animaux et végétaux
19 05 03compost déclassé
19 05 99déchets non spécifiés ailleurs
19 06 04digestats provenant du traitement anaérobie des déchets municipaux
19 06 06digestats provenant du traitement anaérobie des déchets animaux et végétaux
19 06 99déchets non spécifiés ailleurs
19 08 01déchets de dégrillage
19 08 02déchets de dessablage

Pour ce qui est de l’entrée en vigueur des dispositions du décret et de l’arrêté, il est prévu que :

  • Les interdictions de stockage de déchets valorisables entre progressivement en vigueur, du 1er janvier 2022 au 1er janvier 2030 ;
  • Les obligations de justification du tri des déchets avant élimination entrent en vigueur au 1er janvier 2022 ;
  • L’arrêté entre également en vigueur le 1er janvier 2022.

A ce jour, ni le décret relatif aux conditions d’élimination des déchets non dangereux, ni l’arrêté pris en application des articles R. 541-48-2 et R. 541-48-3 du code de l’environnement n’a été publié au Journal officiel. Affaire à suivre, donc.