Réserves de substitution des Deux-Sèvres : des recours rejetés par les juges du fonds

mégabassine

Par Mathieu DEHARBE, juriste (Green Law Avocats)

Par un jugement du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Poitiers a définitivement rejeté les requêtes déposées par plusieurs associations de défense de l’environnement contre les arrêtés préfectoraux autorisant la société coopérative anonyme de l’eau (SCAGE) des Deux-Sèvres pour créer et exploiter plusieurs réserves de substitution dans les départements des Deux-Sèvres, de la Vienne et de la Charente-Maritime (téléchargeable ci-dessous).

Malgré l’opposition des associations de défense de l’environnement, la SCAGE des Deux-Sèvres s’est vue délivrée une autorisation unique de création et d’exploitation de dix-neuf réserves de substitution, dites « méga-bassines », dans plusieurs communes du bassin de la Sèvre Niortaise et du Mignon, parmi lesquelles les communes de Sainte-Soline et de Mauzé-sur-Le-Mignon, conformément à un arrêté interpréfectoral en date du 23 octobre 2017.

Après une concertation entre les parties prenantes et la signature d’un protocole d’accord le 18 décembre 2018, les préfets des Deux-Sèvres, de la Charente-Maritime et de la Vienne ont, par un arrêté modificatif du 20 juillet 2020, réduit le volume de stockage autorisé et le nombre de réserves, désormais fixé à seize.

Par un premier jugement du 27 mai 2021, le tribunal a écarté les contestations relatives au caractère suffisant de l’étude d’impact et de l’étude d’incidence environnementale, tout en prononçant un sursis à statuer jusqu’à ce que les volumes de prélèvement de neuf réserves aient été modifiés dès lors qu’ils avaient été fixés en violation du schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) du bassin Sèvre Niortaise-Marais Poitevin.

Après adoption du nouvel arrêté en date du 22 mars 2022 modifiant lesdits volumes, les juges du fonds rejettent les requêtes en écartant au titre de la légalité externe :

1/ le moyen tiré l’erreur de droit qu’aurait commise l’administration en ne soumettant pas le projet à une nouvelle procédure d’autorisation environnementale au seul motif que celui-ci n’aurait pas dépassé les seuils définis par le pouvoir réglementaire en méconnaissance de l’obligation, qui découle de la directive, d’examiner au cas par cas les incidences négatives importantes susceptibles d’en résulter pour l’environnement ;

2/ le moyen tiré de ce que les modifications contenues dans le nouvel arrêté ne nécessitaient pas d’entraîner une reprise intégrale de la procédure d’autorisation environnementale (changement dans la répartition et le débit des forages, ainsi que les seuils de remplissages) ;

3/ le moyen tiré des insuffisances de l’étude d’impact initiale et du porté à connaissance du SCAGE des Deux-Sèvres sur les impacts des modifications apportées au projet, sur la base de simulations de leurs effets hydrogéologiques effectuées par le Bureau national de recherche géologique et minière (BRGM).

Pour ce qui est de la légalité interne, le tribunal administratif de Poitiers refuse d’accueillir :

1/ le moyen tiré violation de l’objectif de prévention de la détérioration de la qualité des eaux, défini à l’article 4 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2000, en qu’il manque en droit comme en fait ;

2/ le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 10 du SAGE Sèvre Niortaise-Marais Poitevin, dès lors que les nouveaux volumes de prélèvement d’eau pour les neuf réserves ayant fait l’objet d’un sursis à statuer ont été définis conformément à l’interprétation des dispositions du SAGE faite par le Tribunal, pour ce qui est tant leur niveau annuel maximal que la période de référence.

Il revient désormais à la cour administrative d’appel de Bordeaux d’examiner un éventuel appel des associations de défense de l’environnement, et ce d’autant que la juridiction d’appel est déjà saisie du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 27 mai 2021.

Affaire à suivre.