Autorisation environnementale : présentation de la procédure d’instruction

green grass maze, on green background. isolated on white and clipping path is included.Par Jérémy TAUPIN – GREEN LAW AVOCATS

Dans la continuité de notre analyse du régime de l’autorisation environnementale tel qu’issu de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, et de deux de ses décrets d’application (décret n° 2017-81 et décret n° 2017-82), nous vous proposons ci-dessous une présentation des points saillants de la procédure d’instruction applicable à ladite autorisation environnementale.

Cette note sera lue utilement en complément de la note relative au contenu du dossier de demande d’autorisation, et de celle relative à la procédure de cadrage préalable de toutes les procédures (comprenant le certificat de projet)

Pour rappel, un programme de formations sera proposé sur le sujet de l’autorisation environnementale par le cabinet, à la fois sur Lille, Lyon et Paris au premier trimestre 2017 (pré-inscriptions et informations : stephanie.gandet@green-law-avocat.fr).

Ainsi que l’énoncé désormais très clairement le nouvel article L. 181-9 du code de l’environnement, la procédure d’instruction de l’autorisation environnementale est divisée en 3 phases bien distinctes qui constitueront logiquement les trois parties de cette note, à savoir :

  • une phase d’examen ;
  • une phase d’enquête publique ;
  • une phase de décision.

 

Il peut être noté dès à présent, de manière générale que :

Les règles de procédure et de consultation relatives à l’autorisation environnementale se substituent aux règles de procédure et de consultation prévues par les autres dispositions du code de l’environnement et par les autres législations, en tant qu’elles sont relatives à la délivrance des décisions susceptibles d’intégrer l’autorisation environnementale (voir notre précédente ici sur les décisions susceptibles d’intégrer l’autorisation environnementale).

Le service coordonnateur de l’instruction des demandes d’autorisation est :

  • le service de l’Etat chargé de la police de l’eau, soit la DDT, pour les projets qui relèvent principalement du 1° de l’article L. 181-1 (à savoir les IOTA) ;
  • le service de l’Etat chargé de l’inspection des installations classées, soit la DREAL, pour les projets qui relèvent principalement du 2° de l’article L. 181-1 (à savoir les ICPE) ;
  • le service de l’Etat désigné par le préfet dans les autres cas.

Les nouvelles règles de procédure, qui entrent en vigueur le 1er mars 2017, ne devraient donc pas bouleverser les relations entre l’administration et les porteurs de projets. Néanmoins, le guichet unique nécessitera logiquement un temps d’adaptation de la part de l’administration, qui devront s’adapter aux exigences, notamment de délais, que les nouvelles procédures impliquent. En effet, l’objectif affiché est un délai de délivrance de l’autorisation réduit à neuf mois, dont quatre mois pour la phase d’instruction proprement dite.

Le rapport sur l’évaluation des expérimentations de simplifications en faveur des entreprises dans le domaine environnemental, déjà cité au cours de notre analyse sur la réforme avait mis en avant une mauvaise adaptation des services à une organisation en mode projet et des progrès importants à mener en ce sens (ce point faisait par ailleurs l’objet de la recommandation la plus importante du rapport).

Enfin, l’article R.181-55 prévoit d’importantes dérogations à la procédure d’instruction telle que décrite ci-dessous, pour les projets relevant de l’article L.217-1 (IOTA relevant du ministre chargé de la défense ou soumises à des règles de protection du secret de la défense nationale) et de l’article L. 217-1 (ICPE relevant du ministère de la défense). Notamment, pour ce type d’installations, l’autorité administrative compétente est le ministre de la défense et le service coordonnateur est désigné par ce ministre.

I – La phase d’examen

Cette phase est principalement désormais régie par l’article L. 181-9 du code de l’environnement, ainsi que par les articles R.181-16 à R.181-35 du même code.

Il s’agit ici d’un ajout procédural issu de l’expérimentation de l’autorisation unique, qui va permettre, d’une part, aux pétitionnaires d’améliorer leur dossier en collaboration avec l’administration et, d’autre part, de soulager les services de demandes manifestement irrecevables.

 Il est d’une importance capitale puisque le préfet peut rejeter la demande à l’issue de celle-ci, lorsqu’elle fait apparaître que l’autorisation ne peut être accordée en l’état du dossier ou du projet (voir ci-dessous).

  • Durée et procédures de la phase d’examen

Concrètement, le préfet délivre un accusé de réception dès le dépôt de la demande d’autorisation lorsque le dossier comprend les pièces exigées dans le dossier de demande pour l’autorisation qu’il sollicite.

La phase d’examen de la demande d’autorisation environnementale a une durée qui est soit celle indiquée par le certificat de projet lorsqu’un certificat comportant un calendrier d’instruction a été délivré et accepté par le pétitionnaire, soit de quatre mois à compter de la date de l’accusé de réception du dossier.

Cette durée peut être prolongée dans les conditions fixées par l’article R. 181-17, et notamment pour une durée d’au plus quatre mois lorsque le préfet l’estime nécessaire, pour des motifs dont il informe le demandeur. Ainsi, le préfet dispose d’un certain pouvoir discrétionnaire lots de cette phase, sans que ne soient à ce stade détaillés les motifs permettant au préfet de prolonger le délai de la phase d’examen.

En tout état de cause, lorsque l’instruction fait apparaître que le dossier n’est pas complet ou régulier, ou ne comporte pas les éléments suffisants pour en poursuivre l’examen, le préfet invite le demandeur à compléter ou régulariser le dossier dans un délai qu’il fixe.

Le délai d’examen du dossier peut être suspendu à compter de l’envoi de la demande de complément ou de régularisation jusqu’à la réception de la totalité des éléments nécessaires. Il est précisé que la demande expressément mentionner cette suspension des délais.

Les articles R.181-18 à R.181-32 (y compris l’article D. 181-17-1) prévoient quant à eux les différents avis devant être recueillis par l’autorité compétente en fonction des types de projets dont l’autorisation est demandée. Ces avis sont, sauf disposition contraire, rendus dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la saisine de ces instances par le préfet, et réputés favorables au-delà du délai dans lequel ils auraient dû être rendus.

 

  • Issue de la phase d’examen

A l’issue de la phase d’examen, le préfet pourra rejeter la demande, lorsqu’elle fait apparaître que l’autorisation ne peut être accordée en l’état du dossier ou du projet.

Il sera cependant tenu de rejeter la demande d’autorisation environnementale dans les cas suivants :

  • lorsque, malgré la ou les demandes de régularisation qui ont été adressées au pétitionnaire, le dossier est demeuré incomplet ou irrégulier ;
  • lorsque l’avis de l’une des autorités ou de l’un des organismes consultés auquel il est fait obligation au préfet de se conformer est défavorable ;
  • lorsqu’il s’avère que l’autorisation ne peut être accordée dans le respect des dispositions de l’article L. 181-3 ou sans méconnaître les règles, mentionnées à l’article L. 181-4, qui lui sont applicables ;
  • lorsqu’il apparaît que la réalisation du projet a été entreprise sans attendre l’issue de l’instruction ou lorsque cette réalisation est subordonnée à l’obtention d’une autorisation d’urbanisme qui apparaît manifestement insusceptible d’être délivrée eu égard à l’affectation des sols définie par le document d’urbanisme local en vigueur au moment de l’instruction, à moins qu’une procédure de révision, de modification ou de mise en compatibilité de ce document ayant pour effet de permettre cette réalisation soit engagée.

 

La décision de rejet devra être motivée.

Ainsi que nous le précisions précédemment, les tiers ne devraient néanmoins pas avoir intérêt à agir contre cette décision de « recevabilité », dont ils auront bien du mal à établir qu’elle leur porte préjudice.

Notons au contraire que la possibilité de recours par le bénéficiaire à l’encontre de cette décision est explicitement reconnue et soumise à un contentieux de pleine juridiction, comme les autres décisions en matière d’autorisation environnementale (nouvel article L.181-17).

Dans le cas où le préfet estimera que la demande n’a pas à être rejetée, la procédure d’instruction pourra se poursuivre, avec la phase d’enquête publique.

II – La phase d’enquête publique

Cette phase est quant à elle régie par l’article L. 181-10 du code de l’environnement, ainsi que par les articles R.181-36 à R.181-38 du même code.

La phase d’enquête publique fait toujours référence à l’enquête publique environnementale. Il est donc ici opéré majoritairement par renvoi aux dispositions du chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement, sous réserve de certaines particularités clairement énoncées :

  • la généralisation de l’enquête publique unique lorsque le projet est soumis à l’organisation de plusieurs enquêtes publiques, sauf dérogation demandée par le pétitionnaire et accordée lorsqu’elle est de nature à favoriser la bonne réalisation du projet ;
  •  la saisine par le préfet, au plus tard quinze jours suivant la date d’achèvement de la phase d’examen, du président du tribunal administratif en vue de la désignation du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête ; par suite, un nouveau délai de quinze jours est imparti au préfet pour prendre l’arrêté d’ouverture et d’organisation de l’enquête ;
  • la possibilité de joindre au contenu du dossier mis à enquête, outre les avis recueillis en application des articles R.181-19 à R. 181-32 précités, la tierce expertise prévue par l’article L. 181-13 (qui remplace l’ancienne analyse critique prévue à l’article R.512-7 du code de l’environnement), si toutefois celle-ci est produite avant l’ouverture de l’enquête ;
  • la possibilité pour le préfet, de demander l’avis des communes, collectivités territoriales et groupements, outres ceux mentionnés au II de l’article R.123-11, qu’il estime intéressées par le projet, notamment au regard des incidences notables de celui-ci sur leur territoire. L’ensemble de ces avis de pourront être pris en considération que s’ils sont exprimés au plus tard dans les quinze jours suivant la clôture de l’enquête publique ;
  •  comme cela est déjà le cas pour le dossier de demande d’autorisation, les informations dont la divulgation est susceptible de porter atteinte aux intérêts mentionnés au I de l’article L. 124-4 et au II de l’article L. 124-5 sont disjointes du dossier soumis à l’enquête par le préfet. Il s’agit ici d’un élargissement considérable du champ des informations susceptibles d’être masquées ou disjointes, et donc non transmises au public.

III – La phase de décision

Cette dernière phase est principalement régie par l’article L. 181-12 du code de l’environnement, ainsi que par les articles R.181-39 à R.181-44 du même code. Elle concerne tant la phase de décision proprement dite, notamment en ce qui concerne les délais (A) que les prescriptions que pourra contenir l’arrêté d’autorisation environnementale (B).

A. Les délais applicables à la phase de décision proprement dite

Dans les quinze jours suivant la réception du rapport d’enquête publique, le préfet transmet pour information la note de présentation non technique de la demande d’autorisation environnementale et les conclusions motivées du commissaire enquêteur :

  •  à la CDNPS lorsque la demande d’autorisation environnementale porte sur une carrière et ses installations annexes ou une éolienne ;
  • au CODERST dans les autres cas.

Le projet d’arrêté statuant sur la demande d’autorisation environnementale est quant à lui communiqué par le préfet au pétitionnaire, qui dispose de quinze jours pour présenter ses observations éventuelles par écrit.

Le préfet doit statuer sur la demande d’autorisation environnementale dans les deux mois à compter du jour de réception par le pétitionnaire du rapport d’enquête à la suite de sa transmission ou dans le délai prévu par le calendrier du certificat de projet lorsqu’un tel certificat a été délivré et que l’administration et le pétitionnaire se sont engagés à le respecter.

Ce délai est toutefois prolongé d’un mois lorsque l’avis de la CDNPS ou du CODERST est sollicité par le préfet sur les prescriptions dont il envisage d’assortir l’autorisation ou sur le refus qu’il prévoit d’opposer à la demande. Le pétitionnaire est dans ce cas informé avant la réunion de la commission ou du conseil, ainsi que de la faculté qui lui est offerte de se faire entendre ou représenter lors de cette réunion de la commission ou du conseil.

Il est explicitement prévu par l’article R. 181-42 que le silence gardé par le préfet à l’issue de ces délais vaut décision implicite de rejet.

Ces délais peuvent être prorogés une fois avec l’accord du pétitionnaire, et peuvent être suspendus :

  •  jusqu’à l’achèvement de la procédure de révision, modification ou mise en compatibilité du document d’urbanisme permettant la réalisation du projet lorsque celle-ci est nécessaire ;
  • si le préfet demande une tierce expertise dans ces délais.

 

B. Les prescriptions contenues au sein de l’arrêté d’autorisation environnementale

L’arrêté d’autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4, pour chaque type de projet.

Il comporte notamment les mesures d’évitement, de réduction et de compensation et leurs modalités de suivi qui, le cas échéant, sont établies en tenant compte des prescriptions spéciales dont est assorti le permis de construire, le permis d’aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable en application de l’article R. 111-26 du code de l’urbanisme.

Lorsque l’autorisation environnementale est accordée dans le cadre d’un projet, au sens de l’article L. 122-1, dont la réalisation incombe à plusieurs maîtres d’ouvrage, le préfet identifie, le cas échéant, dans l’arrêté, les obligations et les mesures d’évitement, de réduction et de compensation relevant de la responsabilité de chacun des maîtres d’ouvrage.

L’arrêté pourra également comporter :

  • s’il y a lieu, les prescriptions de nature à réduire ou à prévenir les pollutions à longue distance ainsi que les pollutions transfrontalières ;
  • les conditions d’exploitation de l’installation de l’ouvrage, des travaux ou de l’activité en période de démarrage, de dysfonctionnement ou d’arrêt momentané ;
  • les moyens d’analyses et de mesures nécessaires au contrôle du projet et à la surveillance de ses effets sur l’environnement, ainsi que les conditions dans lesquelles les résultats de ces analyses et mesures sont portés à la connaissance de l’inspection de l’environnement ;
  • les conditions de remise en état après la cessation d’activité ;
  • lorsque des prescriptions archéologiques ont été édictées par le préfet de région en application des articles L. 522-1 et L. 522-2 du code du patrimoine, l’arrêté d’autorisation indique que la réalisation des travaux est subordonnée à l’observation préalable de ces prescriptions.

Pour les IOTA, l’autorisation environnementale fixe, le cas échéant, la durée pour laquelle elle est accordée. L’article R.181-53 prévoit par ailleurs notamment que les prescriptions tiennent par ailleurs compte, des éléments énumérés à l’article L. 211-1 du code de l’environnement, explicités par les SDAGE.

Pour les ICPE, les articles L.181-26 et suivants nouveaux sont ceux qui prévoient désormais :

  • la possibilité d’assortir la délivrance de l’autorisation de conditions d’éloignement vis-à-vis d’éléments divers ;
  • la prise en compte par l’arrêté des capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en œuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 et d’être en mesure de satisfaire aux obligations de l’article L. 512-6-1 lors de la cessation d’activité. Il s’agit là d’un assouplissement conséquent, ainsi que nous l’évoquions précédemment ;
  • la possibilité pour l’autorisation de fixer la durée maximale de l’exploitation ou de la phase d’exploitation concernée, et, le cas échéant, le volume maximal de produits stockés ou extraits, ainsi que les conditions du réaménagement, de suivi et de surveillance du site à l’issue de l’exploitation, pour les installations dont l’exploitation pour une durée illimitée créerait des dangers ou inconvénients inacceptables pour les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1, du fait d’une utilisation croissante du sol ou du sous-sol.

A noter en ce qui concerne l’information des tiers que les dispositions relatives à l’avis de publication de l’arrêté d’autorisation dans la presse locale ou régionale sont supprimées, l’arrêté portant autorisation environnementale étant désormais publié sur le site internet de la préfecture qui a délivré l’acte pendant une durée minimale d’un mois.

A nouveau, dans le cadre de l’élargissement de la protection des informations sensibles opéré par la réforme, il est précisé que l’information des tiers s’effectue dans le respect du secret de la défense nationale, du secret industriel et de tout secret protégé par la loi.