Biogaz/ permis de construire: précisions du juge sur plusieurs arguments récurrents (TA Dijon, 28 avril 2022, jurisprudence cabinet)

Par Maître Stéphanie GANDET – Avocate associée – Mathieu DEHARBE – Juriste – (Green Law Avocats)

Une nouvelle décision du juge administratif vient de rejeter le recours de riverains d’une unité de méthanisation.

Le jugement tranche des points soulevés de manière fréquente dans ce type de contentieux et opère des rappels bienvenus pour les porteurs de projets, de plus en plus souvent l’objet de recours.

Le jugement est disponible ici (jurisprudence cabinet):

Contexte du contentieux contre le permis de construire de l’unité

Par une requête du 9 juillet 2021, une association de riverains et des tiers ont demandé au Tribunal administratif de Dijon d’annuler un permis de construire une unité de méthanisation.

Aux fins d’obtenir l’annulation du permis litigieux, les requérants avaient avancé plusieurs arguments :

– l’insuffisance du dossier de permis de construire ;

– l’insuffisance des voies d’accès et de circulation ;

– l’atteinte à l’environnement ;

– les risques pour la santé et la salubrité publique ;

– la violation d’un plan local d’urbanisme intercommunal.

Un permis de construire modificatif fut délivré en cours d’instance, à la demande du pétitionnaire.

Par un jugement en date du 28 avril 2022, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté le recours après avoir écarté les arguments qui étaient pour la plupart assez classiques dans ce type de contentieux.

Sur la suffisance du dossier de permis de construire de l’unité

Le Tribunal a statué sur le moyen tiré de l’insuffisance du dossier de permis de construire en raison de l’absence de production du récépissé de déclaration ICPE (cf. article R. 431-20 du code de l’urbanisme).

Toutefois, ce moyen est écarté au motif que :

– Les requérants produisent eux-mêmes la déclaration ICPE ainsi que la preuve de dépôt ;

– Le récépissé a nécessairement été produit lors de l’instruction du permis de construire, en ce qu’il est visé par l’arrêté délivrant le permis de construire.

Enfin, en réponse à un argument récurrent (le fait que l’unité de relèverait pas de la déclaration à 30 tonnes / jour), le Tribunal considère que les requérants ne démontrent pas que la déclaration ICPE serait mensongère dès lors qu’ils n’apportent aucun élément de nature à établir que les quantités déclarées seraient sous estimées.

Sur la suffisance des modalités d’accès et de circulation

Le Tribunal administratif a estimé que les modalités d’accès et de circulation du projet sont suffisantes, contrairement à ce que soutiennent les requérants (cf. article R.111-5 du code de l’urbanisme).

Les juges du fonds relèvent que le dossier de permis de construire comprend un plan de masse fournissant suffisamment d’éléments pour apprécier les conditions d’accès et de circulation du projet (bonne visibilité, pas de manœuvre particulière).

Ensuite, ils considèrent que les requérants ne peuvent se prévaloir du règlement de défense extérieure contre l’incendie de l’Yonne, en ce qu’il ne s’applique pas aux installations classées pour la protection de l’environnement.

Enfin, la juridiction constate que le pont à bascule ne peut constituer une entrave pour les engins de lutte contre l’incendie, sachant qu’il n’est qu’un simple dispositif de pesée.

Sur l’absence d’atteinte à l’environnement

Tout d’abord, les requérants n’ont pas été en mesure de démontrer que l’installation aurait des conséquences dommageables pour l’environnement (R.111-26 du code de l’urbanisme) dès lors qu’ils se sont limité à produire un rapport analysant les risques d’accident.

Et ce d’autant qu’il n’avait pas démontré, ni même allégué que les prescriptions applicables à l’unité de méthanisation seraient insuffisantes pour assurer la protection des milieux naturels environnants.

Sur la compatibilité avec la vocation agricole de la zone

Ensuite, le Tribunal administratif de Dijon a jugé que l’installation est compatible avec la vocation de sa zone d’implantation (cf. article R.111-14 du code de l’urbanisme).

A ce titre, le projet présente un caractère agricole au regard des dispositions de l’article L.311-1 du code rural et de la pêche maritime et du décret du 16 février 2011 en ce qu’il porte sur une unité de méthanisation implantée dans un compartiment de terrain à vocation agricole comportant déjà un silo.

Par ailleurs, la juridiction relève que l’association et les tiers ne sont pas fondés à soutenir que le projet serait de nature à porter une atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales (cf. article R.111-27 du code de l’urbanisme).

Sur ce point, le Tribunal estime que :

– le projet se situe dans une zone agricole comportant à proximité immédiate un silo.

– le projet se situe à environ de 200 mètres d’une zone d’habitation dépourvue de caractéristiques remarquables ;

– le projet n’est pas visible depuis visible depuis ces habitations ou en situation de co-visibilité avec cette zone ;

– les bâtiments projetés sont de faible hauteur avec un impact visuel atténué par une haie paysagère ;

– les nuisances olfactives et les risques de troubles à la tranquillité n’ont pas à être pris en compte dans son appréciation du respect de l’article R 111-27 du code de l’urbanisme.

Sur l’absence de risque pour la santé et de salubrité publique

Le Tribunal écarte le moyen habituel tiré des risques pour la santé et la salubrité publique (cf. article R.111-2 du code de l’urbanisme).

D’une part, il estime que les requérants ne sont pas impactés par les odeurs générées par l’installation au motif que:

  • quel que soit le sens des vents dominants, l’insuffisance des prescriptions de l’arrêté ministériel du 10 novembre 2009 en matière de distance minimale avec les habitations et de limitation des odeurs n’est pas démontrée (JORF n°0274 du 26 novembre 2009) ;
  • ces mêmes prescriptions feront l’objet d’évaluation et de contrôles en phase d’exploitation ;
  • le procédé de méthanisation est réalisé dans un espace confiné dépourvu d’oxygène et génère par lui-même peu d’odeur ;
  • les fumiers et matières végétales sont stockés en silo ;
  • le digestat est désodorisé.

D’autre part concernant les bruits engendrés par l’installation, les juges du fonds ont retenu que les équipements du site respecte la limite des 60 dB(A) en limite de propriété.

Ensuite, ces derniers estiment qu’il n’y a pas lieu d’organiser une expertise sur les nuisances olfactives et sonores de l’installation projetée, sachant qu’elles sont susceptibles de se produire en phase de fonctionnement,  qu’elles ne pourront en tout état de cause être constatées que lors de sa mise en service et seront sans effet sur la légalité du permis de construire.

Enfin, le Tribunal juge que le projet ne viole pas les prescriptions de l’arrêté ministériel du 10 novembre 2009 concernant les distances de sécurité entre les sources d’inflammation et les aires de stockage de liquides inflammables ou de matériaux combustibles (JORF n°0274 du 26 novembre 2009). En effet, elles ne s’appliquent pas au digestat et elles sont tout de même respectées par le pétitionnaire.

Sur le respect du plan local d’urbanisme intercommunal

En dernier lieu, le Tribunal écarte le moyen tiré de la violation des règles du plan local d’urbanisme intercommunal.

D’une part, ce document d’urbanisme est entré en vigueur après la date de l’arrêté en litige et n’est donc pas opposable au pétitionnaire.

D’autre part, il autorise l’implantation d’une installation de nature agricole si cette dernière se situe en zone A.

En l’espèce, les juges considèrent que cette dernière condition est respectée en ce que l’installation se situe en zone A et  que son caractère agricole est établi (respect du code rural, silo existant etc…).