Régularisation d’un document d’urbanisme : le Conseil d’Etat précise l’autorité compétente

Par Maître Lou DELDIQUE, avocat associé GREEN LAW AVOCATS, lou.deldique@green-law-avocat.fr

Par un arrêt en date du 29 juillet 2020 (consultable  ici : CE, 29 juillet 2020, n°428158), le Conseil d’Etat précise que la compétence de l’autorité approuvant la régularisation d’un document d’urbanisme s’apprécie au regard des règles de compétence en vigueur à la date de cette approbation.

L’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme, créé par la loi ALUR (loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové), prévoit une faculté pour le juge administratif de surseoir à statuer pour permettre la régularisation du vice d’un document d’urbanisme :

« Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un schéma de cohérence territoriale, un plan local d’urbanisme ou une carte communale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d’être régularisée, il peut […], surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d’urbanisme reste applicable […]. Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. ».

Cette disposition s’insère dans un objectif général de sécurisation des documents d’urbanisme, puisque l’octroi d’un tel délai de régularisation permet au juge de « sauver » ces documents fastidieux à créer ou amender et dont la délivrance des autorisations d’urbanisme dépend.

En l’espèce, le plan local d’urbanisme de la commune d’Aix-en-Provence, approuvé par son conseil municipal, avait fait l’objet d’une contestation devant le Tribunal administratif de Marseille, qui avait retenu le moyen tiré de l’absence de motivation de l’avis de la commission d’enquête.

En application de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme, le juge avait sursis à statuer et octroyé un délai à la commune pour lui permettre de régulariser le vice constaté. Cette régularisation étant intervenue, le tribunal avait ensuite rejeté le recours, et cette solution avait été confirmée en appel.

Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat confirme l’arrêt de la Cour et précise que la compétence de l’autorité approuvant la régularisation d’un document d’urbanisme s’apprécie au regard des règles de compétence en vigueur à la date de l’adoption de la décision de régularisation, et non à celle d’adoption de la décision initiale : 

« Pour la mise en œuvre des dispositions de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme, eu égard à leur objet et à leur portée, il appartient à l’autorité compétente de régulariser le vice de forme ou de procédure affectant la décision attaquée en faisant application des dispositions en vigueur à la date à laquelle cette décision a été prise. En revanche, comme le soutient la SCI l’Harmas, la compétence de l’autorité appelée à approuver la régularisation doit être appréciée au regard des dispositions en vigueur à la date de cette approbation. Il résulte toutefois des dispositions précitées des articles L. 5217-2 et L. 5218-2 du code général des collectivités territoriales qu’à la date du 29 septembre 2017, la commune d’Aix-en-Provence continuait d’exercer la compétence en matière de plan local d’urbanisme, le transfert à la métropole d’Aix-Marseille-Provence n’étant intervenu que le 1er janvier 2018. C’est donc sans erreur de droit que la cour administrative d’appel de Marseille a jugé qu’il appartenait au conseil municipal de cette commune d’approuver la régularisation du vice tendant à l’absence de motivation des conclusions de la commission d’enquête. »

En effet, la compétence en matière de PLU avait été transférée à la Métropole d’Aix-Marseille-Provence, mais ce transfert n’était intervenu qu’après la régularisation par le conseil municipal, qui était donc bien compétent pour approuver la régularisation du vice entachant son PLU.

Cette solution parait tout à fait évidente en l’espèce, mais elle peut avoir un intérêt beaucoup plus important lorsqu’un transfert de compétence est intervenu avant la mesure de régularisation :  dans cette hypothèse, la nouvelle autorité est compétente pour régulariser le vice, au détriment du principe de parallélisme des formes.

Notons que cet arrêt fait suite à une série de décisions précisant le régime juridique du sursis à statuer prévu à l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme (CE, 12 oct. 2016, n°387308 : sur la possibilité de régulariser un vice de procédure ; CE, 22 déc. 2017, n°395963 : sur l’applicabilité immédiate de la disposition ; CE, 29 juin 2018, n°395963 : sur la possibilité de soulever de nouveaux moyens dans le cadre du recours contre l’acte de régularisation).

Récemment, la Cour administrative d’appel de Lyon précisait encire le champ d’application matériel de cette disposition, qui ne permet pas au juge administratif de surseoir à statuer quand le vice porte sur une procédure de modification des documents d’urbanisme (CAA Lyon, « Commune de Bourg-en-Bresse », n°19LY00503, voir notre analyse ici).