
Par Lou DELDIQUE, avocate associée (Green Law Avocats)
Par un jugement du 14 avril 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a considéré que pour refondre en profondeur un quartier et non en améliorer le cadre de vie et le confort suppose une procédure de révision du plan local d’urbanisme (PLU) et non sa simple modification (jugement n°2106640, 2106874, 2107353, disponible sur Fil Droit Public).
Dans la présente affaire, par une délibération du 18 mars 2021, le conseil d’un établissement public territorial a approuvé la modification d’un PLU d’une commune.
Des associations de riverains et d’habitants de la commune demandent au tribunal d’annuler cette délibération notamment au motif que :
- La délibération est entachée d’un vice de forme dès lors que le rapport de présentation du PLU méconnaît les dispositions des articles R. 151-1 et R. 151-2 du code de l'urbanisme.
- L’établissement public territorial a entaché d’illégalité la délibération querellée qu’en choisissant de modifier, et non de réviser, le PLU de la commune en violation des articles L. 153-31 et L. 153-36 du même code.
Pour mémoire, le Tribunal a accueilli le moyen tiré de la violation des dispositions des articles R.151-1 et R. 151-2 du code de l’urbanisme sachant au vu des insuffisances du rapport de présentation du PLU :
- L'absence de modification de sa partie 1c consacrée à la « justification des choix retenus » pour apporter les justifications prévues à l’article R. 151-2 du code de l’urbanisme, en particulier, sur la cohérence du nouveau règlement avec le projet d’aménagement et de développement durables, qui prévoit de ne pas transformer ce quartier « de manière substantielle » (jugement n°N°2106640 ; 2106874 ; 21073536, point 6);
- L'absence d'exposition des motifs patrimoniaux et urbanistiques pour lesquels certains immeubles des secteurs « vallée belvédère » et « plateau-parc » bénéficient d’une « protection patrimoniale stricte » ou d’une « protection patrimoniale forte » autorisant des « extension et surélévation », tandis que d’autres sont voués à la démolition avec ou sans reconstruction (jugement n°N°2106640 ; 2106874 ; 21073536, point 6) ;
- L'incomplétude de l'analyse l’état initial de l’environnement au titre du 3° de l’article R. 151-1 du code de l'urbanisme, notamment sur l’évolution démographique, l’offre de logements, le bâti et les espaces naturels remarquables de ce quartier, qui constitue un secteur historiquement et démographiquement important à l’échelle communal (jugement n°N°2106640 ; 2106874 ; 21073536, point 6).
Quant au moyen tiré de l’absence de mise œuvre d’une procédure de révision du PLU, le Tribunal estime que ce dernier est fondé dès lors que les transformations envisagées impliquent de changer les orientations du PADD au sens du 1° de l’article L.151-31 du code de l’urbanisme.
En particulier, les juges du fonds considèrent que la délibération litigieuse n’entend pas seulement améliorer le cadre de vie ou le confort des habitants de la cité-jardin mais implique de transformer substantiellement le quartier en y programmant une opération urbaine lourde et d’ensemble (jugement n°N°2106640 ; 2106874 ; 21073536, point 16).
Certes, le Tribunal administratif constate que l’orientation d’aménagement et de programmation (OAP) et le règlement préserveront le plan général de la cité-jardin, ses jardins familiaux et la qualité architecturale des dix-sept immeubles bénéficiant d’une « protection patrimoniale forte » (jugement n°N°2106640 ; 2106874 ; 21073536, point 15).
Pour autant, la juridiction note que ces documents engendrent des transformations substantielles du quartier à savoir :
- Les modifications de l’ensemble des autres immeubles des secteurs « vallée belvédère » et « plateau », en autorisant, comme l’indique le « plan de zonage détaillé », l’élargissement de leur emprise, leur surélévation ou, pour certains d’entre eux, leur démolition reconstruction, en vue de créer 1 000 logements supplémentaires et ainsi d’augmenter d’environ 30% la densité du parc dans ce seul quartier (jugement n°N°2106640 ; 2106874 ; 21073536, point 15) ;
- Les modifications des conditions de circulation et de stationnement au sein de la cité-jardin, prévoyant, selon les dires mêmes de l’établissement, « la suppression de 2,4 hectares de voiries et celle de la totalité des 3,8 hectares de stationnement en coeur d’îlots », la réorganisation de « 28 hectares d’îlots habités (…) sans circulation motorisée » et, ainsi, « une réduction de l’imperméabilisation des sols de 38% » (jugement n°N°2106640 ; 2106874 ; 21073536, point 15) ;
- La construction d’un nouveau pôle santé qualifié d’« équipement public structurant », au sud de la cité-jardin, à proximité de la place Simiand (jugement n°N°2106640 ; 2106874 ; 21073536, point 15).
Pour mémoire au sein du PLU modifié, la nouvelle OAP vise au renouvellement urbain de la cité-jardin et modifie substantiellement les dispositions du règlement applicables dans ce quartier (jugement n°N°2106640 ; 2106874 ; 21073536, point 7).
Pour ce qui est du règlement du PLU, ce dernier comporte les modifications suivantes :
- Identification des immeubles à valeur patrimoniale à protéger et ceux appelés à être démolis avec ou sans reconstruction, délimite les zones ouvertes à la circulation routière et détermine les « emprises en superstructures » et les « volumes de rénovation urbaine » (jugement n°N°2106640 ; 2106874 ; 21073536, point 7);
- Précision des limites imposées pour l’implantation des façades principales, des proportions de linéaire de façade autorisé à l’extension, des limites maximales d’implantation des constructions, ainsi que les hauteurs maximales des constructions et des façades (jugement n°N°2106640 ; 2106874 ; 21073536, point 7);
- Création dans la cité-jardin 1 000 nouveaux logements, ce qui représenterait une augmentation d’environ 30% de la densité du parc existant (jugement n°N°2106640 ; 2106874 ; 21073536, point 7).
Ce jugement du tribunal administratif de Cergy-Ponthoise constitue une des rares illustrations où les juges considèrent que des modifications apportées à l’OAP et au règlement du PLU nécessitent une révision du plan local d’urbanisme en application du 1° de l’article L.153-31 du code de l’urbanisme (pour un autre exemple jurisprudentiel disponible sur Doctrine voir notamment TA de Strasbourg, 31 mars 2015, n° 1401020 considérant 5 ; CAA de PARIS, 18 novembre 2021, 21PA00382, points 7 et 8 ; TA Bordeaux, 4 janvier 2023, n° 2104630, point 7).
En effet à plusieurs reprises, la jurisprudence administrative a refusé d’exiger le recours à la procédure de révision du PLU en ce que les requérants ne démontraient pas les modifications qui ont été apportés impliqueraient un changement de orientations du PADD (CAA de Marseille, 20 juin 2019, 18MA01471, point 5 ; CAA de Lyon, 9 janvier 2020, n° 19LY00029, point 11 ; CAA de Bordeaux, 16 février 2021, 19BX02699, point 15 ; CAA de Versailles, 25 avril 2023, n° 21VE00834, point 9).