Concessions hydroélectriques : publication de deux arrêtés relatifs au dossier de fin concession et à la valorisation des recettes des concessions

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Par Yann BORREL

Green Law Avocat

Alors que l’ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques se fait toujours attendre, la construction d’un nouveau régime juridique applicable à ces concessions se poursuit. En effet, deux arrêtés ministériels, qui viennent compléter ce régime sur deux points très précis, ont été publiés au Journal officiel en date du 10 décembre 2015. Précisément, il s’agit :

  • d’une part, de l’arrêté en date du 27 novembre 2015 relatif à la valorisation des recettes des concessions hydroélectriques mentionnées à l’article L. 523-2 du code de l’énergie (JORF n°0286, p. 22763, texte n° 4) ;
  • d’autre part, de l’arrêté en date du 27 novembre 2015 définissant les modalités de réalisation et de remise du dossier de fin de concession d’énergie hydraulique (JORF n°0286, p. 22763, texte n° 5).

L’arrêté ministériel relatif a la valorisation des recettes des concessions

L’article L. 523-2 du code l’énergie a institué, à la charge du concessionnaire, une redevance proportionnelle aux recettes de la concession. Le principal objectif de cette redevance, qui s’applique à toute nouvelle concession hydroélectrique, y compris lors d’un renouvellement, est de permettre à l’Etat et aux collectivités publiques de récupérer la rente des concessions amorties. Le produit de la redevance est perçu pour partie par l’Etat et pour partie par les communes, les départements et les groupements sur le territoire desquels coulent les cours d’eau utilisés.

Les recettes résultant de la vente d’électricité font partie des recettes de la concession. Elles sont établies par la valorisation de la production aux prix constatés (C. env., art. L. 523-2, al. 1er). Quant aux autres recettes, l’article L. 523-2 du code l’énergie précise qu’elles doivent être déterminées selon des modalités définies par un arrêté pris par le ministre chargé de l’énergie. C’est l’objet du premier arrêté ministériel commenté. Pour le calcul de cette redevance, cet arrêté distingue, d’une part, les recettes issues de la vente des garanties de capacité et d’autre part, les autres recettes de la concession.

Les recettes issues de la vente des garanties de capacité devront être établies par la valorisation du volume des capacités certifiées des installations de production comprises dans le périmètre de la concession, au prix de marché de référence de la capacité dont les modalités de calcul sont définies par la Commission de régulation de l’énergie, en application de l’article 23 du décret n° 2012-1405 du 14 décembre 2012 relatif à la contribution des fournisseurs à la sécurité d’approvisionnement en électricité et portant création d’un mécanisme d’obligation de capacité dans le secteur de l’électricité. Ces modalités de calcul ont été précisées dans une délibération que la Commission de régulation de l’énergie a prise le 6 mai 2015 [lien vers la délibération].

Quant aux autres recettes de la concession, notamment les recettes issues du mécanisme d’ajustement décrit à l’article L. 321-10 du code de l’énergie, elles devront être établies à partir des montants réellement perçus par le concessionnaire.

L’arrêté ministériel relatif au dossier de fin de concession

Aux termes de l’article 29 du décret n° 94-894 du 13 octobre 1994 modifié relatif à la concession et à la déclaration d’utilité publique des ouvrages utilisant l’énergie hydraulique, les concessionnaires ont l’obligation, à peine de se voir infliger une amende, de remettre un « dossier de fin de concession » à l’autorité administrative compétente et ce, dans un délai de dix-huit mois à compter de la demande qui leur a été présentée et au plus tard cinq ans avant la date normale d’expiration du titre de concession. Si le contenu du dossier de fin de concession est défini, dans ses grandes lignes, au deuxième alinéa de l’article 29 du décret du 13 octobre 1994, la liste des indications et des pièces afférentes à ce dossier a été précisée, quant à elle, dans le premier arrêté ministériel commenté.

Cette liste est la suivante :

1°    une copie de l’acte administratif approuvant le contrat de concession, de ses éventuels avenants et annexes ainsi que tout autre accord en vigueur conclu avec l’autorité concédante dans le cadre de l’exécution du contrat de la concession, et, le cas échéant, du règlement d’eau et ses éventuelles modifications ;

2°    une copie de l’ensemble des accords en vigueur conclus avec des tiers par le concessionnaire et présentant un lien avec l’exécution du contrat de la concession ;

3°    une copie des procès-verbaux de récolement des travaux et, le cas échéant, des actes d’approbation des déclarations prévues à l’article L. 511-6 du code de l’énergie relatives à l’augmentation de puissance et des déclarations relatives au turbinage des débits minimaux régies par les dispositions de l’article L. 511-7 du code de l’énergie ;

4°    la liste exhaustive, sur le périmètre concédé et celui de l’ensemble des servitudes, des actes de propriété et de servitudes, présentée sous la forme d’un tableau ;

5°    un dossier de bornage actualisé ;

6°    la liste exhaustive, sous forme de tableaux, de tous les biens, ouvrages, équipements et matériels constituant des biens de retour et des biens de reprise ;

7°    un descriptif détaillé, par unité de production, de chacun des ouvrages, équipements et matériels constituant des biens de retour ;

8°    un descriptif détaillé pour chaque unité de production de chacun des ouvrages, équipements et matériels nécessaires à la production de l’énergie électrique constituant des biens de reprise ;

9°    un descriptif des travaux effectués depuis le début d’exécution du contrat de la concession et ayant affecté la consistance des ouvrages de la concession ou ses caractéristiques essentielles ;

10°  le registre, mentionné à l’article L. 521-15 du code de l’énergie, consignant les dépenses effectuées durant la deuxième moitié de la période d’exécution du contrat de la concession et qui contribuent à la modernisation et à l’augmentation des capacités de production de l’aménagement, ainsi que les demandes d’inscription au registre pour lesquelles l’autorité concédante ne s’est pas encore prononcée ;

11°  un rapport, dont le contenu doit être en relation avec l’importance de l’installation et de son incidence sur l’environnement ;

12°  un relevé des apports hydrauliques, journaliers lorsqu’ils existent et mensuels sinon, sur les trente dernières années dans la zone concédée au niveau de chaque aménagement de retenue ou de prise d’eau ou de point de suivi de ce paramètre ;

13°  une description des modalités d’exploitation ;

14°  un bilan économique d’exploitation ;

15°  un rapport relatif aux moyens en personnel attaché à l’exécution du contrat de la concession.

Au regard de la précision des éléments qu’il est demandé aux concessionnaires hydrauliques de fournir dans les dossiers de fin de concession, le régime juridique applicable aux concessions hydroélectriques contraste singulièrement avec celui applicable aux délégations de service public, puisque la fin de ces contrats ne fait pas l’objet d’un encadrement réglementaire.

Outre le contenu du dossier de fin de concession (cf. art. 1er), l’arrêté ministériel du 27 novembre 2015 détermine les modalités de la remise du dossier à l’autorité compétente (cf. art. 2). Il définit les exigences de forme et de communication du dossier à l’autorité concédante. En particulier, l’arrêté précise que le détail du contenu des pièces doit être proportionné à l’importance à la nature des enjeux, ouvrages et aménagements de la concession. Par ailleurs, si le concessionnaire identifie des éléments du dossier qu’il ne lui est pas possible de communiquer, en raison de leur destruction ou de leur existence et qu’il n’est pas en mesure de communiquer, il doit en justifier par tout moyen.

L’arrêté du 27 novembre 2015 s’applique aux dossiers de fin de concession qui auront été communiqués à l’autorité concédante à compter du 1er janvier 2016. On ne manquera pas de constater que la publication des arrêtés ministériels commentés précède celle d’un projet d’ordonnance et d’un projet de décret sur les concessions d’énergie hydraulique qui avaient pourtant été soumis à la consultation du public au même moment [lien vers communiqué de presse]. Néanmoins, s’il était publié en l’état, le projet de décret ne conduirait sans doute pas à l’abrogation de l’arrêté relatif au dossier de fin de concession. En effet, il comporte, pour l’essentiel, des dispositions analogues à celles figurant à l’article 29 du décret du 13 octobre 1994 sur le dossier de fin de concession.