Par Lou DELDIQUE, avocate associée (Green Law Avocats)
Le 14 septembre 2023 dans une décision n°2023-1060 QPC, le Conseil Constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l’alinéa 2 de l’article L. 600-8 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n°2013-638 du 18 juillet 2013 (JORF n°0166 du 19 juillet 2013) (téléchargeable ci-dessous).
Par un arrêt n° 23-40.008 du 15 juin 2023, la Cour de cassation a transmis au Conseil constitutionnel cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur l’article L. 600-8 du code l’urbanisme (pour en savoir plus consultez notre commentaire sur le blog).
Pour mémoire, les dispositions de l’alinéa 2 de l’article L.600-8 du code de l’urbanisme dispose que : « La contrepartie prévue par une transaction non enregistrée dans le délai d’un mois prévu au même article 635, est réputée sans cause et les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des avantages consentis sont sujettes à répétition. L’action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l’obtention de l’avantage en nature ».
Dans cette question prioritaire de constitutionnalité, il était reproché aux dispositions législatives litigieuses :
- D’instituer une différence de traitement injustifiée entre les parties à la transaction, en méconnaissance des principes d’égalité des justiciables devant la loi et devant la justice ;
- De porter une atteinte excessive au droit à un recours juridictionnel effectif en ce qu’elles priveraient le requérant, même de bonne foi, de la contrepartie prévue par la transaction, tout en laissant définitivement acquis le bénéfice du désistement au défendeur, bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme ;
- De permettre au titulaire de l'autorisation d'urbanisme d'obtenir la restitution d'une contrepartie à laquelle il avait initialement consenti, les dispositions contestées constitueraient une atteinte au droit de propriété.
Après avoir rappelé le principe d’égalité posé à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le Conseil constitutionnel énonce que rien ne s’oppose à ce que l’action du législateur déroge au principe d’égalité devant la loi en réglant de manière différente des situations distinctes à condition que cette différence de traitement résultant de ces situations doit être en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit (Conseil constitutionnel, 14 septembre 2023, 2023-1060 QPC, point 7).
En l’occurrence, les Sages ont estimé que la différence de traitement établie par les dispositions contestées entre le requérant et le défendeur titulaire de l’autorisation d’urbanisme en cas de non-respect des délais d’enregistrement d’une transaction était justifiée (Conseil constitutionnel, 14 septembre 2023, n°2023-1060 QPC, point 12) sachant que :
- Le législateur a entendu sanctionner le défaut d’enregistrement destiné à assurer la publicité des transactions afin de « dissuader la conclusion de celles mettant fin à des instances introduites dans un but d’obtenir indûment un gain financier (Conseil constitutionnel, 14 septembre 2023, n°2023-1060 QPC, point 10) ;
- Ces dispositions impliquent de limiter les risques particuliers d'incertitude juridique qui pèsent sur les décisions d'urbanisme et lutter contre les recours abusifs (Conseil constitutionnel, n°2023-1060 QPC, point 10 ; pour un autre exemple jurisprudentiel voir Conseil constitutionnel, décision n°2022-986 QPC, 1er avril 2022, Association La Sphinx, point 8) ;
- Au regard de cet objet, l’auteur du recours dirigé contre l’autorisation d’urbanisme est dans une situation différente de celle du bénéficiaire de cette autorisation (Conseil constitutionnel, 14 septembre 2023, n°2023-1060 QPC, point 11).
Dès lors, les Sages de la Rue Montpensier estiment que la différence de traitement instaurée par l’article L. 600-8 alinéa 2 est justifiée en ce qu’elle est en rapport direct avec l’objet de la loi.
En outre, le juge constitutionnel considère que ne portent pas atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif, pour les motifs suivants :
- Les dispositions contestées n’ont, par elles-mêmes, ni pour objet ni pour effet d’interdire aux personnes intéressées de former un recours contre une autorisation d’urbanisme (Conseil constitutionnel, 14 septembre 2023, n°2023-1060 QPC, point 14) ;
- Les dispositions litigieuses se bornent à sanctionner la méconnaissance de l’obligation d’enregistrement de la transaction par laquelle l’auteur du recours s’est engagé à se désister (Conseil constitutionnel, 14 septembre 2023, n°2023-1060 QPC, point 14).
Par conséquent, l’article L. 600-8 alinéa 2 du code de l’urbanisme est conforme à la Constitution dès lors qu’il ne méconnaît ni le principe d’égalité devant la loi et la justice, ni le droit à propriété, ni celui à un recours effectif, .