SOLAIRE : Le Conseil d’Etat rejette le référé-suspension contre la réduction tarifaire

par Maître Stephanie GANDET (Green Law Avocats)

Par une ordonnance en date du 23 décembre 2021, le Conseil d’Etat (cf. ci-dessous n° 458989) a rejeté le recours en référé-suspension formé par l’Association SOLIDARITE RENOUVELABLES et autres, contre le décret et l’arrêté du 26 octobre 2021 relatifs à la révision de certains contrats de soutien à la production d’électricité d’origine photovoltaïque.

Pour rappel, la loi de finance pour 2021 prévoyait en son article 225, pour les installations de puissance crête installée de plus de 250 kW, une réduction tarifaire. Cette réduction était justifiée par la baisse du coût d’installation des centrales et des « effets d’aubaine » potentiels.

Cet article introduit cependant le mécanisme de la clause de sauvegarde, permettant au producteur concerné de demander à bénéficier, sur demande, d’un niveau de tarif ou d’une date différents de ceux résultant de la réduction, ou d’un allongement de la durée de son contrat, à condition que les nouveaux tarifs soient de nature à compromettre sa viabilité économique.

Le Conseil Constitutionnel avait, dans sa décision n°2020-813 DC du 28 décembre 2020, déclaré cet article 225 conforme à la Constitution, en retenant notamment que :

« La baisse importante et rapide des coûts de production des installations photovoltaïques au sol ou sur grande toiture, qui avait été mal anticipée lors de la fixation des conditions tarifaires, a eu pour conséquence une augmentation considérable du profit généré par certaines installations de production d’électricité bénéficiant de ces contrats. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu remédier à la situation de déséquilibre contractuel entre les producteurs et les distributeurs d’électricité et ainsi mettre un terme aux effets d’aubaine dont bénéficiaient certains producteurs, au détriment du bon usage des deniers publics et des intérêts financiers de l’État, qui supporte les surcoûts incombant aux distributeurs. Ce faisant, le législateur a poursuivi un objectif d’intérêt général. »

Pour l’application de la loi, un décret et un arrêté en date du 26 octobre 2021 sont ensuite venus préciser les modalités de mise en œuvre de la réduction tarifaire.

Les requérants demandaient ici la suspension des deux textes au motif exposés que :

  • L’urgence était remplie au vu de l’atteinte grave portée aux intérêts financiers et patrimoniaux des producteurs, et au vu du temps manifestement insuffisant laissé pour engager les démarches nécessaires, ainsi que l’atteinte grave à l’intérêt public constitué par le développement des énergies renouvelables ;
  • Il existait un doute sérieux quant à la légalité des textes, en ce qu’ils :
    • Méconnaissent le principe de sécurité juridique ;
    • Sont entachés d’incompétence négative ;
    • Méconnaissent l’objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la norme ;
    • Ne prennent pas suffisamment en compte les spécificités des zones non-interconnectées ;
    • Méconnaissent la Directive 2009/28/CE ;

Le Conseil d’Etat rejette toutefois les prétentions des requérants.

On note à ce titre que le Conseil d’Etat ne se prononce pas sur l’urgence, admettant de fait mais sans insister, sur le peu de temps laissé aux producteurs pour engager les démarches nécessaires.

Il retient en premier lieu que le mécanisme de la clause de sauvegarde, qui permet de bénéficier d’un allongement de la durée du contrat – et ce même si les producteurs doivent provisionner les montant perçus au titre des anciens tarifs qu’ils seront susceptibles de devoir reverser – pallie le risque pour la sécurité juridique.

Il écarte ensuite les incompétences négatives soulevées, et notamment celle de la Commission de Régulation de l’Energie, à laquelle les textes donnent un pouvoir d’examen concret dans le cadre de la clause de sauvegarde.

Il valide également la méthode de calcul, écartant sa complexité et son obscurité, et la rétroactivité illégale de la méthode

Enfin, il affirme que la baisse tarifaire n’était pas imprévisible pour un opérateur prudent et avisé – et notamment les professionnels ; qu’en conséquence, les moyens tirés de la méconnaissance de la Directive précitée doit être écarté.

Affaire à suivre donc, qui au vu de l’ampleur de la réduction et du nombre de producteurs affectés, devrait donner lieu à un contentieux important devant les juges du fond.