Organized office folders isolated on whiteUn projet de loi actuellement en discussion au Parlement prévoit deux mesures de simplification et de sécurisation juridique pour les porteurs d’un projet industriel ICPE, les opérateurs éoliens et les unités de méthanisation.

Le Gouvernement a déposé sur le bureau de l’Assemblée Nationale un projet de loi n°1341 permettant l’adoption par ordonnances de mesures visant à simplifier et à sécuriser la vie des entreprises. Selon l’exposé des motifs de projet de loi, le Gouvernement souhaite délester «  les entreprises de certaines tâches administratives, accélérer les procédures auxquelles est soumise la réalisation de leurs projets » sans pour autant « porter atteinte à la protection des intérêts publics qui sont au fondement des réglementations ».

S’agissant des entreprises porteuses de projets de parcs éoliens, d’installations de méthanisation ou plus généralement d’ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement), ce projet de loi – si il est adopté en l’état – leur permettrait d’obtenir, en lieu et place de 3 voire 4 autorisations, un seul permis.  En effet, l’article 14 du projet de loi prévoit à titre expérimental la délivrance d’une autorisation unique pour les porteurs de ces projets (I).

Le projet de loi prévoit en outre la délivrance aux porteurs de projet d’un document dénommé « certificat de projet » énumérant de manière exhaustive les différentes législations applicables à une demande et qui aurait pour effet de les « cristalliser » à l’instar d’un certificat d’urbanisme (II).

 

  • L’autorisation unique, une simplification administrative appréciable

L’article 14 du projet de loi laisse la possibilité au Préfet de département « délivrer aux porteurs de projets une décision unique sur leur demande d’autorisation, valant permis de construire et dérogations nécessaires pour la réalisation de leur projet ».  

Notons d’emblée que ce mécanisme est prévu « à titre expérimental pour une durée n’excédant pas trois ans » et  dans un nombre limité de régions.

L’autorisation unique concernerait :

–          les éoliennes industrielles

–          les installations de méthanisation

–          et dans une moindre mesure, toute installation classée pour la protection de l’environnement.

Cette autorisation unique vaudrait au titre d’autres autorisations administratives nécessaires à la réalisation du projet telles que :

–          Celle au titre de la protection des espèces protégées (dérogation à l’interdiction de destruction d’espèce) ;

–          Celle au titre des ICPE ;

–          Celle au titre de l’autorisation de défrichement si elle est nécessaire ;

–          Le projet de loi et les discussions parlementaires montrent qu’il est envisagé d’intégrer l’autorisation ministérielle d’exploitation d’une installation de production d’électricité .

Les porteurs de projets ICPE ne sont pas oubliés par cette simplification du droit puisque dans un cadre expérimental identique, un interlocuteur, une procédure et une décision uniques sont mis en place. Cette autorisation unique est légèrement différente de celle prévue pour les parcs éoliens et les unités de méthanisation. L’autorisation unique vaut là aussi dérogation au titre des espèces protégées et autorisation de défrichement mais pas forcément permis de construire. Cela se comprend au regard de l’autorité compétente, en droit commun, pour délivrer les autorisations d’urbanisme. Si les permis de construire les unités de méthanisation et les éoliennes relèvent de la compétence du Préfet par dérogation (au titre des installations de production d’énergie), les installations classées voient leur autorisations d’urbanisme en principe délivrées par le Maire.

Les discussions parlementaires ont débuté, et ont permis au Ministre de préciser que :

« […]. L’objectif de l’habilitation sollicitée est de lancer une expérimentation dans différentes régions afin de permettre l’institution d’un permis unique pour tous les projets d’installations classées. Quel est l’objectif du Gouvernement ? Permettre au porteur de projet d’obtenir une seule et même autorisation regroupant les différentes autorisations nécessaires pour sa mise en œuvre, au titre du code de l’environnement, pour les espèces protégées et les installations classées, mais aussi au titre d’autres codes, pour le défrichement en particulier. Il y aurait deux types d’autorisation unique, l’une pour les projets éoliens et de méthanisation incluant les permis de construire et les autorisations nécessaires au titre du code de l’énergie, l’autre pour tous les autres ICPE qui ne couvrent pas les permis de construire et qui restent de la compétence des maires. À l’issue de l’expérimentation, un retour d’expérimentation et une évaluation du dispositif seront réalisés afin d’envisager sa généralisation aux autres régions. Ainsi, le Parlement ne sera pas privé de débat puisque les modifications législatives nécessaires seront portées devant lui. […] »

Le projet de loi prévoit que l’expérimentation se déroulerait dans les régions suivantes : Basse-Normandie, Champagne-Ardenne, Nord-Pas-de-Calais et Picardie qui représentent notamment un quart des projets éoliens français.

L’article 14 a été adopté en première lecture. Des amendements avaient été déposés pour atténuer la portée de l’expérimentation et pour préciser les incidences procédurales de l’autorisation unique.

Le projet de loi a été transmis au Sénat, et l’article 14 est à ce stade, ainsi rédigé :

« Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure législative visant à :

1° Autoriser le représentant de l’État dans le département, à titre expérimental, dans un nombre limité de régions et pour une durée n’excédant pas trois ans, à délivrer aux porteurs de projets relatifs à des installations classées pour la protection de l’environnement une décision unique sur leur demande d’autorisation ou de dérogation, valant permis de construire et accordant les autorisations ou dérogations nécessaires pour la réalisation de leur projet, au titre du 4° de l’article L. 411-2 et du titre Ier du livre V du code de l’environnement, du titre II du livre IV du code de l’urbanisme, du titre IV du livre III du code forestier et de l’article L. 311-1 du code de l’énergie :

a) Pour des installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent soumises à autorisation au titre de l’article L. 512-1 du code de l’environnement ainsi que, le cas échéant, pour les liaisons électriques intérieures à ces installations et pour les postes de livraison qui leur sont associés ;

b) Pour des installations de méthanisation et de production d’électricité à partir de biogaz soumises à autorisation au titre du même article L. 512-1 lorsque l’énergie produite n’est pas destinée, principalement, à une utilisation directe par le demandeur, ainsi que, le cas échéant, pour les liaisons électriques intérieures à ces installations et pour les postes de livraison qui leur sont associés ;

 

2° Autoriser le représentant de l’État dans le département, à titre expérimental, dans un nombre limité de régions et pour une durée n’excédant pas trois ans, à délivrer aux porteurs de projets relatifs à des installations classées pour la protection de l’environnement une décision unique sur les demandes d’autorisation et de dérogation nécessaires pour la réalisation de leur projet, au titre du 4° de l’article L. 411-2 et du titre Ier du livre V du code de l’environnement et du titre IV du livre III du code forestier pour l’ensemble des installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation et non mentionnées au 1° du présent article ;

3° Déterminer, pour les projets susceptibles de faire l’objet de la décision unique prévue au 2°, les modalités d’harmonisation des conditions de délivrance de cette décision unique et des autres autorisations ou dérogations nécessaires au titre d’autres législations. »

  • Le certificat de projet, gage de stabilité juridique pour les porteurs de projet

L’article 13 du projet de loi prévoit l’instauration d’un « certificat de projet » qui à l’instar du certificat d’urbanisme viendrait énumérer les législations applicables ce qui aurait pour effet de les « cristalliser », c’est-à-dire protéger le porteur d’un projet d’un changement de législation dans les 18 mois suivant la délivrance dudit certificat. S’il dépose un dossier de demande d’autorisation dans ce délai, il se verrait garantir une stabilité juridique bénéfique pour la réalisation de son projet.

 Le certificat de projet est ainsi censé faire échec à l’application de certaines lois ou de réglementations postérieures à la délivrance de ce certificat.

La délivrance du « certificat de projet » reste soumise à certaines conditions :

–          Le demandeur doit remplir un dossier préalable (un pré-dossier) ;

–          Le projet doit ressortir de la compétence du Préfet ;

–          Le projet doit être soumis aux dispositions combinées de plusieurs codes, parmi lesquels le code forestier, de l’environnement ou de l’urbanisme.

Selon l’étude d’impact du projet de loi, le certificat revêtirait un caractère opposable à l’administration et aux tiers et contiendrait entre autres :

–          Les différentes législations applicables, notamment celles relevant du code de l’environnement, du code forestier, du code rural et de la pêche maritime ;

–          Un engagement sur le délai pour délivrer les autorisations requises ;

–          La date à partir de laquelle et la durée pendant laquelle les dispositions législatives et réglementaires déterminant les conditions de délivrance des autorisations sollicitées ne changent pas ;

–          Les servitudes, données et contraintes particulières éventuelles ;

–          Les avis et consultations nécessaires ;

–          Un cadrage des éléments qui devront figurer dans le dossier de demande d’autorisation, notamment des éléments constitutifs de l’étude d’impact environnemental et du champ de l’enquête publique ;

–          Un avis de l’administration sur la faisabilité du projet au vu des éléments fournis.

 Toujours selon le projet de loi le « certificat de projet », l’expérimentation triennale se déroulerait en Aquitaine, en Franche-Comté et en Champagne-Ardenne.

Actuellement en débat à l’Assemblée Nationale, le projet de loi et notamment les articles 13 et 14 précités font l’objet de vifs débats, certains députés redoutant par le système de l’autorisation unique une facilitation de la réalisation de projets éoliens au détriment de la protection de l’environnement. En d’autres termes, il y aurait une crainte selon laquelle l’autorisation unique regroupant diverses autorisations administratives reviendrait à revoir à la baisse la protection des intérêts faunistiques, paysagers et boisés.

C’est là confondre, à notre sens, le fond des règles applicables et la forme des autorisations dont l’objet est justement de préserver lesdites règles.

L’adoption d’un permis unique est une avancée à saluer dans sa volonté de simplification. Reste à analyser les résultats de l’expérimentation mais quoi qu’il en soit, ce projet de loi est , sur ces deux aspects, symptomatique de la réglementation actuelle, véritable mille-feuilles législatif et réglementaire alourdissant sans davantage de garanties pour l’environnement la mise en œuvre des projets industriels et plus encore des projets EnR.

L’article 13 relatif au certificat de projet a été adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale en ces termes :

« Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure législative visant à :

1° Autoriser le représentant de l’État dans le département, à titre expérimental, dans un nombre limité de régions et pour une durée n’excédant pas trois ans, à délivrer, à leur demande et sur la base d’un dossier préalable qu’ils fournissent, aux porteurs de projets dont la mise en œuvre est soumise à certaines autorisations administratives relevant de sa compétence régies par les dispositions du code de l’environnement, du code forestier ou du code de l’urbanisme, un document dénommé : « certificat de projet ».

Le certificat de projet peut comporter :

a) Un engagement de l’État sur la procédure d’instruction de la demande, notamment la liste des autorisations nécessaires, la description des procédures applicables et les conditions de recevabilité et de régularité du dossier ;

b) La décision mentionnée au III de l’article L. 122-1 du code de l’environnement résultant de l’examen au cas par cas mené par l’autorité administrative de l’État compétente en matière d’environnement et, lorsque le projet est soumis à étude d’impact, l’avis prévu au premier alinéa de l’article L. 122-1-2 du même code si le porteur de projet le demande ;

c) Un engagement de l’État sur le délai d’instruction des autorisations sollicitées relevant de sa compétence, ainsi que la mention des effets d’un dépassement éventuel de ce délai ;

2° Prévoir que, dans certaines des régions retenues pour l’expérimentation, le certificat de projet peut :

a) Avoir valeur de certificat d’urbanisme, sur avis conforme de l’autorité compétente en la matière lorsque cette autorité n’est pas l’État ;

b) Comporter une notification de la décision, mentionnée au III de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, résultant de l’examen au cas par cas mené par l’autorité administrative de l’État compétente en matière d’environnement ;

c) Mentionner, le cas échéant, les éléments de nature juridique ou technique d’ores et déjà détectés susceptibles de faire obstacle au projet ;

3° Déterminer les conditions dans lesquelles le certificat de projet peut comporter une garantie du maintien en vigueur, pendant une durée déterminée, des dispositions législatives et réglementaires déterminant les conditions de délivrance des autorisations sollicitées ;

4° Déterminer les conditions de publication du certificat de projet et celles dans lesquelles il peut créer des droits pour le pétitionnaire et être opposable à l’administration et aux tiers. »

Enfin, le débat à l’Assemblée Nationale a aussi permis au Gouvernement d’annoncer qu’il publiera prochainement les textes réglementaires permettant de soumettre au seul régime de l’enregistrement les élevages de porcs d’une taille inférieure au seuil européen fixé par la directive 2010/75 du 24 novembre 2010 dite directive « IED ».

Stéphanie Gandet

Avocat associé

Valentin Guner

Green Law Avocat