Régularisation et permis de construire : nécessité d’un permis modificatif en cas d’évolution favorable du droit applicable

plan construction

Par Maître Lou DELDIQUE, avocate associée (Green Law Avocats)

Dans une décision n° 464702 du 4 mai 2023, le Conseil d’État considère qu’en cas d’évolution favorable du droit applicable une autorisation d’urbanisme modificative est nécessaire pour régulariser une autorisation d’urbanisme (téléchargeable ci-dessous).

En l’espèce, une société a été autorisée, par un permis de construire délivré par le maire, le 21 décembre 2018, modifié par un permis modificatif délivré le 28 juillet 2020, à édifier un bâtiment à usage de logement et de commerce dans cette commune.

Par un jugement du 16 février 2021, le tribunal administratif de Toulouse, saisi par une association d’une demande d’annulation de ces permis et du rejet du recours gracieux de cette association contre le permis initial, a sursis à statuer sur ces conclusions, sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, il s’agissait de permettre le cas échéant à la société pétitionnaire, dans un délai de cinq mois à compter de la notification du jugement, de régulariser le projet au regard de la règle de hauteur prévue à l’article UA 10 du règlement du plan local d’urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions litigieuses.

Par un second jugement en date du 8 avril 2022, le tribunal administratif, jugeant que cette régularisation n’était pas intervenue, a annulé les décisions contestées.

Le pétitionnaire a introduit un pourvoi devant le Conseil d’État est saisi du pourvoi du pétitionnaire contre le second jugement du tribunal administratif de Toulouse en soutenant que les dispositions de l’article UA 10 du règlement du plan local d’urbanisme (PLU) méconnues par le projet avaient été modifiées par une délibération de la commune du 28 juin 2021, de telle sorte que le projet respectait les règles de hauteur désormais applicables.

Après un rappel des hypothèses dans lesquelles une autorisation d’urbanisme peut être régularisée (1), le Conseil d’État exclut, après qu’il soit déjà sursis à statuer, la régularisation implicite par la seule modification favorable de la règle qui motive l’annulation (2).

1) Rappel des conditions de régularisation de l’autorisation d’urbanisme

Pour mémoire, l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme dispose que « : Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ».

A cette occasion, la Haute juridiction rappelle que lorsqu’une autorisation d’urbanisme a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l’utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l’autorisation, l’illégalité qui en résulte peut être régularisée :


Les conditions précitées pour opérer la régularisation de l’autorisation d’urbanisme découlent d’une jurisprudence constante du Conseil d’État (CE, 2 février 2004, n° 238315, Fontaine de Villiers ; CE, 7 mars 2018, n°404079, Mme Bloch, ; CE, 3 juin 2020, SCI Alexandra, n°420736 ; CE, 10 octobre 2022, Société Territoire Soixante-deux et autre, n°451530).

2) L’évolution favorable du droit applicable ne vaut pas régularisation

Dans le cadre de ce contentieux, le Conseil d’État fournit une nouvelle interprétation des dispositions de l’article L.600-5-1 du code de l’urbanisme.

La Haute juridiction estime que « la seule circonstance que le vice dont est affectée l’autorisation initiale et qui a justifié le sursis à statuer résulte de la méconnaissance d’une règle d’urbanisme qui n’est plus applicable à la date à laquelle le juge statue à nouveau sur la demande d’annulation, après l’expiration du délai imparti aux intéressés pour notifier la mesure de régularisation, est insusceptible, par elle-même, d’entraîner une telle régularisation et de justifier le rejet de la demande » (décision n° 464702, 4 mai 2023, point 3).

Faisant application de l’ensemble des règles précitées au cas d’espèce, la Haute juridiction estime que la modification des dispositions du PLU ne permettait pas de régulariser les permis de construire litigieux, en l’absence de mesure individuelle de régularisation suite à la modification du document d’urbanisme.

De sorte que la seule évolution favorable de la règle méconnue à la suite du sursis à statuer d’urbanisme ne suffit donc pas pour rattraper et purger l’illégalité de l’autorisation d’urbanisme initiale. Il est impératif d’obtenir une autorisation modificative pour formaliser la régularisation.

A défaut d’un permis modificatif de régularisation au cours de la période de sursis à statuer, le permis initial demeure illégal. Il doit être annulé par la juridiction qui statue à la suite de cette période, en dépit de l’évolution favorable du cadre juridique.