Publication du décret n° 2023-722 du 3 août 2023 : les droits acquis cèdent devant l’impératif de mise en conformité avec le droit de l’Union européenne

Par Yann BORREL, avocat associé (Green Law Avocats)

Combien de temps le régime des installations fonctionnant au bénéfice des droits acquis résistera-t-il aux coups de boutoir des institutions de l’Union européenne ? Après le décret n° 2000-258 du 20 mars 2000 (JORF n°69 du 22 mars 2000) et le décret n° 2020-1168 du 24 septembre 2020 (JORF n°0235 du 26 septembre 2020), le décret n°2023-722 du 3 août 2023 est venu à son tour fragiliser un régime juridique biséculaire conçu pour préserver l’existence des établissements face aux évolutions de la réglementation (téléchargeable ci-dessous).

La publication au JORF du décret du 3 août 2023, relatif aux installations classées pour la protection de l’environnement fonctionnant au bénéfice des droits acquis et relevant de la directive 2010/75/UE (dite directive IED, OJ L 334, 17.12.2010, p. 17–119 ), est intervenue à la suite d’une mise en demeure adressée par la Commission européenne à la France le 15 juillet 2023 (consultable ici).

La Commission européenne a reproché à la France d’avoir omis de prévoir, pour les installations bénéficiant des droits acquis, qu’elles doivent disposer d’une autorisation avec des prescriptions conformes aux exigences de la directive IED.

Le régime des installations fonctionnant au bénéfice des droits acquis codifié à l’article R. 513-2 du code de l’environnement a été modifié par le décret du 3 août 2023 pour tenir compte de la mise en demeure adressé à la France.

Première modification :


Si l’installation relève du champ d’application de la directive IED, le Préfet doit prendre, dans les conditions prévues à l’article R. 181-45 du code de l’environnement, un arrêté permettant la poursuite de l’exploitation, à moins que l’installation concernée ait déjà fait l’objet d’un arrêté pris en application de ce dernier article aux fins de satisfaire aux exigences de la directive.

Cet arrêté doit comporter expressément les prescriptions spécifiques au contenu de l’autorisation des installations relevant de la directive IED qui sont nécessaires pour satisfaire à ces exigences. Cet arrêté doit être soumis à la consultation du public dans les conditions prévues à l’article L. 123-19-2 du code de l’environnement.

Deuxième modification :


Pour rappel, l’article R. 513-2 du code de l’environnement prévoit qu’en ce qui concerne les installations qui bénéficient des droits acquis, les Préfets ne peuvent pas prescrire de mesures pouvant entraîner des modifications importantes touchant le gros-œuvre de l’installation ou des changements considérables dans son mode d’exploitation.

Cet article était néanmoins assorti d’une exception lorsque les engagements pris par l’exploitant dans l’étude qu’il a produite sont manifestement insuffisants pour assurer la préservation de la salubrité et de la sécurité publiques ainsi que de la santé, à la condition que les mesures envisagées ne soient pas disproportionnées par rapport à ce que nécessite la protection de ces intérêts.

Le décret du 3 août 2023 a introduit une nouvelle exception à l’article R. 513-2  « Lorsque les mesures prévues par l’arrêté du préfet sont nécessaires pour satisfaire aux exigences de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) ».