conseil d'état à ParisDepuis l’entrée en vigueur du décret n° 2010-369 du 13 avril 2010 modifiant la nomenclature des installations classées, les installations relevant des rubriques n° 2515, 2516 et 2517 de la nomenclature des installations classées sont autorisées à accueillir des déchets non dangereux et inertes. Ces rubriques concernent les activités de traitement de produits minéraux naturels et de déchets non dangereux inertes telles que le broyage, le concassage, le criblage, l’ensachage ou le transit.

Un arrêté ministériel en date du 6 juillet 2011 (NOR : DEVP1109623A) explicite les conditions d’admission des déchets inertes dans les installations relevant des régimes de l’autorisation, de l’enregistrement ou de la déclaration des rubriques susmentionnées. A cet égard, il apparaît à la lecture d’une note de présentation du projet d’arrêté rédigée par la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) que les conditions d’admission de ces déchets ont été fixées par analogie à celles relatives à l’admission de déchets en installations de stockage de déchets inertes (et ce, alors même que les ISDI ne relèvent pas la réglementation relative aux installations classées, ainsi que l’a rappelé le Président du CSPRT le 29 mars 2011, lors de la séance d’examen du projet d’arrêté).

En résumé, l’admission de déchets dans les installations concernées est formalisée par :

  • la remise à l’exploitant d’un document préalable, établi par le producteur des déchets, mentionnant notamment les informations relatives à l’origine des déchets, leur type et, le cas échéant, celles permettant de justifier de leur caractère non dangereux inerte ;
  • la tenue d’un registre d’admission par l’exploitant.

Cet arrêté du 6 juillet 2011 a été déféré à la censure du Conseil d’Etat par une société spécialisée dans le recyclage de matériaux industriels (dans cette affaire, l’intérêt à intervenir d’un syndicat professionnel et d’une autre société de recyclage de matériaux industriels a également été admis). Ce recours a toutefois été rejeté par une décision en date du 29 octobre 2013 (CE 29 octobre 2013, société Y., req. n° 353036).

  • Dans son arrêt, la Haute Juridiction a notamment rejeté les moyens tirés de l’illégalité de la procédure d’élaboration de l’arrêté attaqué.

En particulier, les requérants avaient argué, en substance, du fait que cet arrêté avait été privé de base légale après que la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 512-5 du code de l’environnement a été déclarée inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2012-262 QPC du 13 juillet 2012.

Cette disposition est relative aux installations classées soumises à autorisation. Celles-ci doivent respecter des règles générales et prescriptions techniques qui étaient élaborées dans les conditions prévues par la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 512-5 du code de l’environnement alors en vigueur. Cette disposition a toutefois été déclarée contraire à la Constitution dans la mesure où elle n’assure pas la mise en œuvre du principe de participation du public à l’élaboration des projets de règles et de prescriptions techniques, qui constituent des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement au sens de l’article 7 de la Charte de l’Environnement. Néanmoins, la date d’abrogation de cette disposition a été reportée au 1er janvier 2013, au motif que son abrogation immédiate aurait eu pour seul effet de faire disparaître les dispositions permettant l’information du public sans satisfaire aux exigences de participation de ce dernier (cf., décision n° 2012-262 QPC, considérant n° 9). Par conséquent, dans son arrêt du 29 octobre 2013, le Conseil d’Etat a jugé que le Conseil constitutionnel n’avait pas entendu remettre en cause les effets que cette disposition avait produits avant la date de son abrogation et en a déduit que la déclaration d’inconstitutionnalité était sans incidence sur l’issue du litige, dirigé contre l’arrêté attaqué dont il convient de rappeler qu’il a été édicté le 6 juillet 2011 (cf., req. n° 353036, considérant n° 8).

  • Dans sa décision du 29 octobre 2013, le Conseil d’Etat a ensuite rejeté l’ensemble des moyens tirés de l’illégalité interne de cet arrêté.

En particulier, les requérants avaient avancé que l’arrêté était contraire aux objectifs fixés par la directive 1999/31/CE du Conseil du 26 avril 1999 concernant la mise en décharge des déchets, dès lors qu’il ne visait pas les installations de décharge. Etant donné que tout justiciable peut demander l’annulation des dispositions réglementaires qui seraient contraires aux objectifs des directives communautaires, ce moyen était parfaitement opérant (CE 28 septembre 1984, Confédération nationale des sociétés de protection des animaux de France et des pays d’expression française, rec. P. 481 ; CE 30 octobre 2009, Mme Perreux, rec. p. 408). Le Conseil d’Etat l’a toutefois écarté. A cet égard, il s’est fondé sur le fait que la directive du 26 avril 1999 a pour objectif de prévenir ou de réduire autant que possible les effets négatifs de la mise en décharge des déchets sur l’environnement et qu’elle oblige les Etats membres à prendre des mesures pour que seuls les déchets déjà traités soient mis en décharge. Il en a déduit que l’arrêté attaqué, en réglementant l’admission des déchets inertes non dangereux dans les installations qu’il vise, concourt à la réalisation de l’objectif fixé par la directive du 26 avril 1999, alors même qu’il ne vise pas les installations de décharge.

Au demeurant, le Conseil d’Etat s’est également prononcé sur la légalité de l’arrêté du 6 juillet 2011 au regard des dispositions de l’ordonnance du 17 décembre 2010 prise pour la transposition de la directive 2008/98/CE du Parlement et du Conseil 19 novembre 2008 relative aux déchets. Cette directive oblige notamment les Etats membres à prendre les mesures nécessaires pour parvenir à l’objectif selon lequel, d’ici 2020, la préparation en vue du réemploi, le recyclage et les autres formules de valorisation de matière des déchets non dangereux de construction et de démolition passent à un minimum de 70 % en poids. Par ailleurs, elle établit à l’article 4.1 une hiérarchie des modes de traitement des déchets consistant à privilégier, dans l’ordre la prévention, la préparation en vue du réemploi, le recyclage, toute autre valorisation, notamment la valorisation énergétique et, enfin, l’élimination. Cette disposition a été transposée à l’article L. 541-1 du code de l’environnement, issu de l’ordonnance du 17 décembre 2010 précitée.

Dans son arrêt du 29 octobre 2013, le Conseil d’Etat a considéré que l’instauration par l’arrêté du 6 juillet 2011 d’une procédure d’admission des déchets inertes dans les installations de recyclage identique à celle applicable aux installations de stockage de ces mêmes déchets n’était pas de nature à compromettre la hiérarchie établie en matière de gestion des déchets et la priorité donnée au réemploi et au recyclage des déchets par l’ordonnance du 17 décembre 2010 (cf., considérant n° 10).

Il a également considéré que la procédure d’admission prévue par cet arrêté ne faisait pas peser sur les exploitants des installations concernées des contraintes qui, par leur intensité, seraient de nature à contrarier l’application des dispositions issues de l’ordonnance du 17 décembre 2010 en matière de réemploi et de recyclage des déchets non dangereux de construction et de démolition (cf., considérant n° 11).

Le 29 octobre 2013, le Conseil d’Etat a également rendu un arrêt rejetant le recours exercé par la société Y. à l’encontre de l’arrêté du 29 février 2012 fixant le contenu des registres mentionnés aux articles R. 541-43 et R. 541-46 du code de l’environnement (CE 29 octobre 2013, Société Y., req. n° 359134).

Yann BORREL

Green Law Avocat