Le Conseil d'étatDans un arrêt du 17 juillet 2013 qui peut être consulté ici, le Conseil d’Etat précise les conditions dans lesquelles un Plan Local d’Urbanisme (PLU) peut interdire en zone urbaine la construction d’antennes relais.

Sensible aux nuisances générées par les antennes-relais de radiotéléphonie et aux interrogations que soulèvent les effets des ondes électromagnétiques sur la santé humaine, une commune avait révisé son PLU de manière à interdire l’implantation de telles dans l’ensemble de ses zones urbaines de la commune.

Des opérateurs de téléphonie mobile ont contesté la légalité de la délibération approuvant cette révision devant le tribunal administratif de Bordeaux, lequel a procédé à l’annulation de la délibération.

Mais la cour administrative d’appel de Bordeaux ayant partiellement infirmé la décision des premiers juges, les opérateurs se sont pourvus en cassation devant le Conseil d’Etat.

La Haute Juridiction confirme que la construction d’antennes-relais est soumise aux dispositions du PLU (rép. Min. n°06550 : JOAN Q, 25 déc. 2007, p.8235), qui peut prévoir des limitations à leur implantation.

Cette solution n’est pas neuve, la jurisprudence ayant déjà validé de telles mesures par le passé (par exemple: CAA Lyon, 25 ma 2004, n°00LY00976).

Mais l’apport de l’arrêt du Conseil d’Etat réside dans le contrôle du juge de la justification des limitations, dans le rapport de présentation, à la construction de ces antennes.

Ainsi, la commune ne peut imposer ces restrictions sans les justifier dans le rapport de présentation, document qui, aux termes de l’article R. 123-2 du code de l’urbanisme « explique les choix retenus pour établir le projet d’aménagement et de développement durable, expose les motifs de la délimitation des zones, des règles qui y sont applicables et des orientations d’aménagement », notamment en cas de modification ou de révision. En effet, le rapport de présentation fait partie intégrante du PLU (C. Urb., art. L. 123-1), et son insuffisance entache d’illégalité l’ensemble du document d’urbanisme (CE, 28 juill. 2004, n°256843 ; CE, 12 juin 1995, n°139750 ; CE, 6 avr. 1992, n°104454).

 « Considérant […] qu’il ressort des pièces des dossiers que le plan local d’urbanisme révisé de la commune d’Arcachon interdit pour l’ensemble des neuf zones urbaines de la commune les installations d’émetteurs-récepteurs de télétransmission ; que cette réglementation, qui fait suite à l’annulation par un jugement du 26 novembre 2002 du tribunal administratif de Bordeaux, confirmé par un arrêt du 6 juin 2006 de la cour administrative d’appel de Bordeaux, de l’arrêté du 29 août 2001 du maire d’Arcachon interdisant l’implantation des équipements de radiotéléphonie à moins de 300 mètres d’une habitation, constitue l’une des principales mesures adoptées à l’occasion de la révision du plan local d’urbanisme ; qu’ainsi que les requérants le soutiennent devant le tribunal administratif, si le rapport de présentation joint au projet de révision du plan local d’urbanisme rend compte de la structuration de la ville en plusieurs quartiers et justifie le parti d’urbanisation général retenu, qui consiste notamment en la préservation du patrimoine bâti de la ville d’hiver pour les constructions en front de mer, il ne comporte aucune indication sur les raisons pour lesquelles les installations d’émetteurs-récepteurs de télétransmission sont interdites dans les différents secteurs urbains ; que, par suite, le rapport de présentation du plan local d’urbanisme d’Arcachon ne satisfait pas, sur ce point, aux exigences de l’article R. 123-2 du code de l’urbanisme ; que la commune d’Arcachon n’est donc pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a jugé que l’interdiction d’installations d’émetteurs-récepteurs de télétransmission dans les différents secteurs de la zone U était entachée d’illégalité ; »

L’arrêt rappelle à bon escient que le Maire de la même commune avait déjà tenté de limiter l’implantation des antennes de radiotéléphonie sur son territoire en interdisant l’implantation des équipements de radiotéléphonie à moins de 300 mètres des habitations. Son arrêté avait cependant été annulé par la CAA de Bordeaux au motif que l’état des connaissances scientifiques relatives à la nocivité des antennes-relais ne permettait pas au Maire de faire usage du principe de précaution dans le cadre de ses pouvoirs de police générale (CAA Bordeaux, 06 juin 2006, n° 03BX00602).

On peut dès lors penser qu’outre les décisions d’urbanisme fondées sur des motifs d’urbanisme, la révision du PLU ou du POS est à ce jour la seule possibilité d’action  pour les collectivités désireuses de protéger leur population, notamment dans les zones densément peuplées en centre ville, au titre du principe de précaution.

Reste néanmoins à savoir si la justification apportée dans le rapport de présentation ne risque pas d’être confrontée aux mêmes critiques que l’arrêté municipal susmentionné… Le juge effectue en effet un contrôle dit « normal » sur la légalité du rapport de présentation, ce qui signifie qu’il apprécie la pertinence du recours au principe de précaution sans se limiter à l’erreur manifeste d’appréciation.

Lou Deldique

Elève-avocat

Green Law Avocat