ICPE : dématérialisation du régime de la déclaration, simplification du régime de l’enregistrement et diverses retouches de régimes spécifiques

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Par Sébastien BECUE

Green Law avocat

Le décret n°2015-1614 du 9 décembre 2015 modifiant et simplifiant le régime des installations classées pour la protection de l’environnement et relatif à la prévention des risques s’inscrit dans l’effort gouvernemental de simplification globale des démarches administratives en proposant :

  • une salutaire dématérialisation de la procédure de déclaration des ICPE (I) ;
  • une simplification et un renforcement de la participation pour le régime d’enregistrement des ICPE (II) ;
  • diverses retouches, notamment en matière d’éoliennes, d’industries extractives, de canalisations et d’autorisation unique (III).

 

 

La salutaire dématérialisation de la procédure de déclaration des ICPE

 

Nous vous informions de son arrivée en mars, lors de la mise en consultation publique du projet de décret, la dématérialisation de la procédure de déclaration est dorénavant actée. Elle a pour objet de faciliter les échanges entre les entreprises et les administrations et de réduire les délais de procédure.

440.000 installations soumises à déclaration, 10.000 nouveaux dossiers par an, un millier d’inspecteurs ICPE: cette mesure aura certainement un effet simplificateur bienvenu.

Le système de télé-déclaration sera disponible à compter du 1er janvier 2016 mais les déclarants auront toutefois, s’ils le souhaitent, jusqu’au 31 décembre 2020 pour utiliser l’ancien système.

  • Remplacement du récépissé par la « preuve de dépôt immédiate »

Jusqu’à maintenant, le dossier de déclaration devait être remis en triple exemplaire papier aux services préfectoraux. Les services pouvaient alors solliciter la communication de pièces complémentaires et c’est seulement lorsque le dossier était considéré comme complet que le déclarant se voyait remettre un récépissé de déclaration ainsi qu’une copie des arrêtés fixant les prescriptions applicables à son installation.

Désormais, le déclarant se rendra sur une page dédiée du portail www.service-public.fr sur lequel il remplira un formulaire CERFA et téléchargera ses pièces.

Une fois le dossier complété, le déclarant verra apparaître les prescriptions générales applicables à son installation et devra indiquer reconnaître en avoir pris connaissance pour pouvoir recevoir la preuve du dépôt.

On note qu’alors que le projet de décret prévoyait la possibilité pour le préfet de solliciter l’envoi de « compléments » au dossier de déclaration pendant quinze jours à compter du dépôt, cette disposition, que nous critiquions en mars pour les incertitudes qu’elle aurait engendrées, n’a pas été retenue dans le texte final.

Par ailleurs, le décret procède à la dématérialisation des demandes de prescriptions particulières et notifications relatives au régime de déclaration (changement d’exploitant, modification des conditions d’exploitation, notification de mise à l’arrêt définitive…).

  • Renforcement de la possibilité de consultation des preuves de dépôt par les tiers

Avant l’intervention de ce décret, le récépissé devait être affiché en mairie pendant un mois.

Désormais, la preuve de dépôt sera accessible en ligne pendant une durée minimale de trois ans (sur le site de la préfecture). Le CSPRT indique que ce délai a été fixé pour tenir compte du délai de caducité de trois ans (la déclaration devient caduque si l’installation n’a pas été mise en service dans le délai).

Les preuves de dépôt seront ainsi accessibles plus longtemps, plus facilement et plus aisément manipulables pour les tiers.

  • Simplification de la procédure des arrêtés de prescriptions particulières

La demande d’enregistrement fait l’objet d’un formulaire CERFA et l’avis du CODERST devient facultatif, sur décision du préfet.

  • Précisions concernant les installations déclarées au sein d’un établissement autorisé

L’article R. 512-50 précise à quel régime sont soumis les installations qui n’entrent pas dans le champ du régime aggravant de l’article R. 512-32 selon lequel le régime de l’autorisation est applicable aux installations « de nature, par leur proximité ou leur connexité avec une installation soumise à autorisation, à modifier les dangers ou inconvénients de cette installation ». A défaut, elles sont donc soumises au régime de la déclaration.

La simplification du régime de l’enregistrement et le renforcement de la participation du public

 

Pour rappel, le régime de l’enregistrement, créé en 2009, concerne plus de 11.900 installations et 500 nouveaux dossiers par an. La modification prévue par le présent décret entre en vigueur à compter du 16 mai 2017.

  • Simplification du format du dossier de demande

A l’instar des demandes d’autorisation et de déclaration, la demande d’enregistrement va désormais faire l’objet d’un formulaire CERFA. Afin qu’il puisse être mis en ligne sur le site de la préfecture, le demandeur est désormais tenu de fournir au préfet une version électronique de son dossier de demande.

  • Ajout d’une description des incidences environnementales au dossier d’enregistrement

Désormais, le dossier de demande d’enregistrement devra contenir une description des incidences notables que l’installation est susceptible d’avoir sur l’environnement, en fournissant les informations prévues à l’annexe II.A de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 (telle que modifiée par la directive 2014/52/UE du 16 avril 2014), à savoir :

«  1.  Une description du projet, y compris en particulier:

   (a) une description des caractéristiques physiques de l’ensemble du projet et, le cas échéant, des travaux de démolition ;
   (b) une description de la localisation du projet, en accordant une attention particulière à la sensibilité environnementale des zones géographiques susceptibles d’être affectées.
  1. Une description des éléments de l’environnement susceptibles d’être affectés de manière notable par le projet.
  2. Une description de tous les effets notables, dans la mesure des informations disponibles sur ces effets, que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement résultant:
   (a) des résidus et émissions attendus ainsi que de la production de déchets, le cas échéant ;
   (b) de l’utilisation des ressources naturelles, en particulier le sol, les terres, l’eau et la biodiversité. 

 

4. Il est tenu compte des critères de l’annexe III, le cas échéant, lors de la compilation des informations conformément aux points 1 à 3. »

Diverses mesures relatives à la prévention des risques

 

  •  En matière d’éoliennes

Les dispositions suivantes sont applicables à compter du 1er janvier 2016.

D’abord, le décret étend la possibilité de prorogation du délai de caducité aux éoliennes soumises à déclaration.

Pour rappel, les autorisations ICPE des éoliennes disposent d’un délai spécial de caducité par rapport aux autres ICPE. La règle générale, prévue à l’article R. 512-74, est que l’autorisation devient caduque si l’installation n’a pas été mise en service dans un délai de trois ans ou lorsque l’exploitation a été interrompue pendant plus de deux années consécutives.

L’article R. 553-10 prévoit que, pour les éoliennes, le délai de trois ans sans mise en service peut être prorogé par le préfet, sur demande de l’exploitant, dans une limite totale de dix ans incluant le délai initial.

Le présent décret précise que les éoliennes soumises à déclaration peuvent elles aussi bénéficier de cette prorogation. Nous pensons que le texte le permettait déjà dans sa rédaction initiale, mais le décret vient couper court à tout débat.

Ensuite, le décret vient régler la question du délai de caducité des autorisations/déclarations des éoliennes bénéficiant du régime transitoire des droits acquis.

Ces éoliennes peuvent désormais elles aussi bénéficier des règles de caducité prévues aux articles précités R. 512-74 et R. 553-10, aux conditions suivantes :

  • Le délai de mise en service de trois ans court à compter du 1er janvier 2016 ou à compter de la date de notification à son bénéficiaire du permis de construire mentionné à l’article L. 553-1 si celle-ci est postérieure au 1er janvier 2016 ;
  • Le délai de mise en service n’excède pas huit ans, ce délai incluant les trois ans ;
  • Le délai de mise en service est suspendu jusqu’à la notification à l’auteur de la décision administrative ou à l’exploitant :

-d’une décision devenue définitive en cas de recours contre le permis de construire ;

-d’une décision devenue irrévocable en cas d’action en démolition exercée devant le juge judiciaire contre le permis de construire.

Enfin, le décret prévoit la publicité des décisions de prorogation du délai de caducité.

  • En matière d’autorisation des industries extractives

A compter du 1er janvier 2016, les demandeurs d’autorisation de carrières et installations de stockage de déchets non inertes résultant de la prospection, de l’extraction, du traitement et du stockage de ressources minérales doivent fournir un plan de gestion de gestion des déchets d’extraction lors de la demande d’autorisation.

  • En matière de canalisations

En premier lieu, le décret prévoit que l’extension d’un ERP ou d’un IGH ne fait plus systématiquement l’objet d’une servitude d’utilité publique d’interdiction. Désormais le type de servitude applicable dépendra de l’analyse de compatibilité prévue au premier tiret du b de l’article R. 555-30.

L’ouverture d’un ERP ou d’un IGH continue néanmoins à faire systématiquement l’objet d’une servitude d’interdiction.

En second lieu, le point de départ du délai de recours d’un an des tiers contre les décisions individuelles en matière de canalisations de transport part à compter de « la publication » et non plus de « la publication ou de l’affichage ».

Enfin, un nouvel article R. 555-53 prévoit que les arrêtés et décisions ministériels individuels relatifs aux canalisations de transport doivent être publiés au JO ;les arrêtés et autres actes préfectoraux individuels relatifs aux mêmes canalisations sont publiés au recueil des actes administratifs et sur le site internet de la préfecture ;

Toutes ces décisions sont en outre adressées aux maires des communes concernées.

  • En matière d’autorisation unique ICPE

  Le décret modifie le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’ICPE afin de permettre les recours devant le juge administratif contre les rejets des demandes d’autorisation unique résultant :

  • du désaccord consécutif suite aux consultations de l’architecte des Bâtiments de France et les différentes autorisations et accords prévus à l’article 8 du décret ;
  • du caractère complet du dossier de demande ;
  • du fait que le projet est trop risqué au regard des objectifs protégés par le code de l’environnement (articles L211-1 et L511-1) ou contraire aux règles qui lui sont applicables.