Priorités de l’inspection des ICPE pour 2022 : un programme chargé mais rien de très nouveau

Par Maître Marie-Coline GIORNO (Green Law Avocats)

Par une instruction du 22 décembre 2021, mise en ligne le 4 janvier 2022, le ministre de la transition écologique a défini les actions prioritaires de l’inspection des installations classées pour l’année 2022 (instruction consultable ci-dessous).

L’instruction commence par quelques annonces, vivement attendues par les inspecteurs, mais, qui ne sont malheureusement pas nouvelles.

Ainsi, on (ré)apprend que :

  • « L’inspection des  installations  classées  exerce  une  mission  de  police  environnementale  auprès des  établissements  industriels  et  agricoles  qui  vise  à  prévenir  et  à  réduire  les  risques  et  les nuisances liés aux installations, ceci afin de protéger les personnes et l’environnement » : cette accroche avait déjà été employée mot pour mot dans les actions prioritaires de l’année précédente (consultable ici);
  • 30 inspecteurs ont été recrutés en 2021 et 20 inspecteurs seront recrutés en 2022 pour renforcer les effectifs : ces recrutements, salutaires pour des services d’inspection particulièrement chargés, avait déjà été annoncés dans les actions de l’année passée ;
  • L’année 2022 marquera une nouvelle ère dans la transformation numérique du ministère avec la mise en place de GUN S3IC, un système d’information qui « permettra une gestion et un suivi fluidifié des procédures liées aux installations ». Ce nouvel outil devrait permettre à des inspecteurs, de plus en plus mobilisés par des aspects administratifs, de gagner du temps pour se concentrer sur leur cœur de métier, à savoir le traitement des dossiers à forts enjeux et les visites de terrain.  Cependant, il ressort des actions prioritaires pour 2021 que sa mise en place aurait déjà dû avoir lieu l’an dernier…

Une fois ces « mesurettes » annoncées, les actions prioritaires sont détaillées. Comme l’an passé, elles se distinguent en actions pérennes (I) ou thématiques (II).

  1. Les actions pérennes

Les actions pérennes sont rappelées « pour mémoire ». Elles comportent quatre items qui correspondent aux missions de fond de l’inspection :

  • Mission  de  police des  installations  classées :  inspection,  instruction,  vie  de l’installation (1.1) ;
  • Autres missions de police, dans et hors des installations classées (1.2) ;
  • Intégration des   risques   technologiques   et   sanitaires   à   l’échelle   de   la   planification   et de l’aménagement (1.3)
  • Renseignement des   systèmes   d’information correspondant aux actions ci-dessus (1.4).
  1. Mission  de  police des  installations  classées :  inspection,  instruction,  vie  de l’installation

Comme l’an dernier, cette mission de police comporte :

  • Visites d’inspection ;
  • Instruction des demandes d’autorisation et d’enregistrement et de leurs modifications ;
  • Examen des études remises par les exploitants ainsi que des analyses et des rapports des organismes vérificateurs ;
  • Propositions à l’autorité compétente de mise à jour des prescriptions et instruction des cessations d’activité, en appliquant notamment les modifications réglementaires qui ont eu lieu en 2021 ;
  • Lutte contre les exploitations illégales, notamment de gestion des déchets
  1. Autres missions de police, dans et hors des installations classées

Deux missions sont mentionnées comme l’an passé :

  • Application de la réglementation minière et relative à l’après-mine ;
  • Actions de contrôle des équipements et produits à risques ; application   de   la   réglementation   européenne   relative   aux   produits   chimiques et inspections associées. Dans le descriptif de cette action, on note en 2022 l’apparition « d’inspections  relatives  à la mise  en œuvre des mesures  prises  en application de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire. »
  1. Intégration des   risques   technologiques   et   sanitaires   à   l’échelle   de   la   planification   et de l’aménagement

Ces actions sont déjà bien connues des inspecteurs :

  • Contribution à la mise en œuvre des plans de prévention des risques technologiques ;
  • Information auprès des exploitants et des parties prenantes sur la réglementation et l’état de l’environnement ;
  • Gestion   des   sites   et   sols   pollués   et,   le   cas   échéant,   expertise   en   la   matière ;
  • Appui aux préfets et le cas échéant aux collectivités pour la planification : plans déchets, plans santé-environnement ;
  • Concertation avec les parties prenantes.
  1. Renseignement des   systèmes   d’information correspondant aux actions ci-dessus

Le renseignement des systèmes d’information permet sans doute de mettre au point des indicateurs sur l’avancement des différents plans d’action.

  1. Les actions thématiques

Les actions thématiques sont celles qui doivent faire l’objet d’un engagement plus spécifique de l’inspection des installations classées en 2022. Elles traduisent les véritables priorités de l’inspection, au-delà de leurs missions de fond.

La ministre de la transition écologique prévoit une action thématique prioritaire (2.1) et des orientations thématiques des inspections (2.2). Outre des mesures « post-Lubrizol », le thème de la gestion des déchets est prégnant.

  • Action thématique prioritaire : la traçabilité des terres excavées

L’an passé, deux actions thématiques prioritaires étaient demandées :

  • Achèvement de l’instruction des dossiers de réexamen et contrôle des élevages IED
  • Quotas de gaz à effet de serre.

Cette année, seule une action est exigée : elle concerne la traçabilité des terres excavées.

Cette action doit contribuer à vérifier l’application de  la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire(dite loi Antigaspillage) qui a renforcé la traçabilité des terres excavées, avec la mise en place d’un registre national électronique des terres excavées alimenté par les acteurs produisant, gérant ou valorisant des terres excavées.

Ainsi, au 2ème semestre 2022, l’inspection des installations classées doit s’assurer du respect des obligations relatives à la traçabilité des terres excavées en contrôlant par sondage la bonne déclaration, dans le registre   national   des   terres   excavées,  des   informations   relatives   aux   terres   excavées.


Trois inspections seront conduites au minimum sur ce thème par département.

2.2. Orientations thématiques des visites d’inspection

Certaines actions sont systématiques (2.2.1), d’autres sont au choix (2.2.2), une dernière action, enfin, est d’initiative régionale (2.2.3).

 2.2.1. Actions systématiques

Quatre actions systématiques sont demandées aux services d’inspection :

  • l’inspection de toutes les installations classées situées dans un périmètre de 100m autour d’une installation classée dite « Seveso ». Cette action s’inscrit dans un contexte « post-Lubrizol » et vise à identifier les risques d’effets dominos. Cette action ne présente aucune nouveauté puisque sa mise en œuvre s’échelonnait sur trois ans, de 2020 à 2022 ;
  • La vérification de la transmission et de la mise à jour du plan de gestion des déchets par les exploitants d’installations soumises aux rubriques 2516-1 et 2720 de la nomenclature. Le cas échéant, un rappel des exploitants concernés sera réalisé lors du premier   trimestre   2022. En outre, une visite d’inspection ciblée sur le respect des prescriptions du plan de gestion des déchets (PGD) doit être réalisée pour l’ensemble des exploitations soumises à la rubrique 2720 en fonctionnement ou qui ont fait l’objet d’une fermeture récente, et pour 10% du parc des carrières concerné ;
  • La réalisation d’inspections ciblées sur la sous-traitance selon trois axes : la formation / sensibilisation aux risques des opérateurs ou entreprises extérieurs, la maîtrise des procédures d’exploitation et la maîtrise des procédures d’urgence. Sont particulièrement visées par cette action les activités de sous-traitance directement liées à l’unité de production, à la maintenance ou aux contrôles/mesures effectués sur site. Dans la mesure du possible, l’inspection est programmée en présence d’un sous-traitant et, si nécessaire, de l’inspection du travail ;
  • L’inspection d’un quart des installations de stockage de déchets non dangereux et d’un quart des incinérateurs sans valorisation énergétique pour s’assurer, d’une part, de l’absence de déchets valorisables et, d’autre part, de la transmission de documents justifiant du respect des obligations de tri à la source par le producteur du déchet.
  • Cette campagne d’inspection devrait se dérouler au deuxième semestre.

2.2.2. Actions au choix

Plusieurs actions sont ensuite au choix pour les inspecteurs parmi les thèmes suivants :

  • Canalisations de transport et de distribution ;
  • Risque incendie dans les traitements de surface ;
  • Ammonitrates ;
  • Méthaniseurs ;
  • Surveillance des rejets en continu dans l’air des installations classées ;
  • Contrôle des rejets aqueux ;
  • Rejets potentiels de perturbateurs endocriniens des sites pharmaceutiques ;
  • Lutte contre le trafic illégal de fluides frigorigènes et contrôle des équipements contenant des fluides frigorigènes ;
  • Fabricants et importateurs de substances nanoparticulaires ;
  • Interdiction de mise sur le marché de produits en plastique à usage unique ;
  • Interdiction de vente de fruits et légumes sous emballages plastiques ;
  • Tri des déchets par les établissements de restauration rapide

Ces thèmes ont été choisis au regard des évolutions réglementaires récentes ainsi que des accidents, incidents qui se sont produits récemment ou des incertitudes sur la prise en compte de certains polluants.

2.2.3. Action régionale

Comme les années précédentes, chaque région doit mettre en place, sur tout ou partie du territoire, une action locale qu’elle détermine.

En conclusion, il nous semble que le programme de l’inspection pour 2022 s’annonce particulièrement chargé. Les inspecteurs auront sans doute des difficultés à hiérarchiser et à effectuer les différentes actions prioritaires qui leurs sont demandées. Même si la dématérialisation devrait les aider à atteindre les objectifs fixés, encore est-il nécessaire que la migration vers le nouvel outil GUN S3IC puisse se faire cette année et que son appropriation par les inspecteurs soit aisée. A défaut, le gain de temps espéré par ces derniers pour se consacrer à leurs missions de terrain risque d’être réduit. En outre, l’arrivée de nouveaux inspecteurs requerra forcément une période d’adaptation à leur nouveau poste. Dans ces conditions, il pourrait être utile de préciser quelles sont les actions les plus prioritaires parmi les priorités de l’inspection…