Urbanisme : précisions du juge administratif sur l’urgence à suspendre un refus de permis

Si l’appréciation de l’urgence à suspendre un permis est désormais essentiellement réglée par la loi, la question du refus de permis demeure pour un temps encore à la totale appréciation du juge des référés.
L’espèce est intéressante en ce que le Conseil d’État a justement eu à apprécier l’urgence à suspendre un refus de permis, plus spécifiquement de régularisation.
Monsieur et Madame B étaient propriétaires d’une maison située à Contes, dans les Alpes-Maritimes, sur laquelle a été édifiée, sans autorisation, une extension de 57 m² d’emprise totale au sol.
Le 11 mai 2023, afin de régulariser cette situation, le sieur B a déposé une demande de permis de construire.
Le 28 août 2023, par arrêté, sa demande a été rejetée. Monsieur B a d’abord formé un recours gracieux contre ce refus, qui a également été rejeté.
Si l’appréciation de l’urgence à suspendre un permis est désormais essentiellement réglée par la loi, la question du refus de permis demeure pour un temps encore à la totale appréciation du juge des référés.
L’espèce est intéressante en ce que le conseil d’État a justement eu à apprécier l’urgence à suspendre un refus de permis, plus spécifiquement de régularisation.
Monsieur et Madame B étaient propriétaires d’une maison située à Contes, dans les Alpes-Maritimes, sur laquelle a été édifiée, sans autorisation, une extension de 57 m² d’emprise totale au sol.
Le 11 mai 2023, afin de régulariser cette situation, le sieur B a déposé une demande de permis de construire.
Le 28 août 2023, par arrêté, sa demande a été rejetée. Monsieur B a d’abord formé un recours gracieux contre ce refus, qui a également été rejeté.
Il a donc demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Nice de suspendre l’exécution de cette décision de refus.
Le 25 avril 2024, ce juge a fait droit à sa requête et a enjoint à la commune de Contes de réexaminer la demande de permis de construire dans un délai de six semaines.
Le 13 mai 2024, la commune de Contes a saisi le Conseil d’État afin qu’il annule cette ordonnance.
Pour suspendre un refus opposé à une demande de permis de construire sollicitée pour régulariser une construction illégalement édifiée, la condition d’urgence est-elle remplie ?
Le Conseil d’État a répondu à cette question par la négative : il n’y a pas d’urgence à suspendre ce refus (décision commentée : CE, 4 février 2025, n° 494180 ; décision commentée téléchargeable aussi sur Doctrine).
L’article L. 521-1 du Code de justice administrative dispose que :
« Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu’il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision. ».
D’abord, la Haute Assemblée a estimé que le juge des référés a commis une première erreur de droit :
« Pour retenir l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué, le juge des référés s’est fondé sur l’illégalité de la demande de pièces complémentaires adressée le 5 juin 2023 à M. A. B, portant, d’une part, sur la production d’une copie de la lettre du préfet relative au défrichement des parcelles du pétitionnaire et, d’autre part, sur la superficie exacte située en zone UD de ces parcelles. Toutefois, si la demande relative à la superficie exacte située en zone UD des parcelles ne porte pas sur une des pièces mentionnées au livre IV de la partie réglementaire du code de l’urbanisme, la lettre du préfet relative au défrichement des parcelles du pétitionnaire est mentionnée à l’article R. 431-19 du code de l’urbanisme et fait ainsi partie des pièces qui peuvent être exigées en application du livre IV de la partie réglementaire de ce code. La demande relative à cette lettre faisait donc obstacle en l’espèce à la naissance d’un permis tacite à l’expiration du délai d’instruction et à ce que la décision de refus de permis de construire en litige soit regardée comme procédant illégalement au retrait d’un tel permis tacite. Par suite, le juge des référés a, en jugeant le contraire, commis une erreur de droit » (CE, 4 février 2025, n° 494180, point 5).
Ce faisant le Conseil d’État précise et relativise la portée de sa jurisprudence commune de Saint-Herblain (CE, Section, 9 décembre 2022, n° 454521, A.) dans laquelle il avait considéré que le délai d’instruction n’est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n’est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l’urbanisme.
Désormais il admet que dès lors que la demande de pièces complémentaires porte sur au moins une pièce exigible, le délai d’instruction est valablement interrompu (CE, 4 février 2025, n° 494180, B.).
Ensuite, la Haute Juridiction fait référence à la motivation :
Les dispositions de l’article L. 424-3 du Code de l’urbanisme « ne font pas obstacle, en cas de contestation devant le juge de l’excès de pouvoir d’une décision soumise à l’obligation de motivation qu’elles prévoient, à ce que l’administration fasse valoir en cours d’instance que cette décision est légalement justifiée par un autre motif que ceux qui y sont énoncés » (CE, 4 février 2025, n° 494180, point 6).
Enfin, le Conseil d’État a mis en exergue une autre erreur de droit :
Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif que la commune de Contes avait fait valoir devant lui que le refus de permis de construire en litige était légalement justifié par un motif tiré de la méconnaissance des règles de hauteur fixées par l’article UD 8 du règlement du plan local d’urbanisme de la commune. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le juge des référés du tribunal administratif a également commis une erreur de droit en déduisant de ce que ce motif n’était pas mentionné dans la décision de refus attaquée et n’avait été invoqué par la commune qu’en cours d’instance que le moyen tiré de ce que cette décision était entachée d’une insuffisance de motivation était propre à créer un doute sérieux quant à sa légalité » (CE, 4 février 2025, n° 494180, point 7).
Après avoir annulé l’ordonnance, le Conseil d’État a écarté la demande de suspension pour défaut d’urgence :
Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire déposée par M. A. B a pour objet de régulariser une construction édifiée plusieurs années auparavant sans autorisation, de sorte que la situation d’urgence dont il se prévaut résulte de son absence de respect des règles d’urbanisme. Par ailleurs, il n’est établi ni que son épouse et lui-même se trouveraient dans une situation financière et familiale telle qu’elle puisse caractériser une urgence à ce que les effets de la décision de refus de permis de construire du 28 août 2023 soient suspendus, ni, surtout, que la délivrance d’un permis de construire à caractère seulement provisoire à laquelle pourrait conduire le réexamen de la demande que le juge des référés pourrait ordonner en conséquence d’une telle suspension suffirait à ce que le requérant puisse vendre son bien à bref délai en dépit de l’irrégularité de la construction édifiée. Dans ces conditions, la condition d’urgence prévue par les dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative n’apparaît, en l’état de l’instruction, pas satisfaite » (CE, 4 février 2025, n° 494180, point 11).
Ainsi la Haute juridiction semble extrêmement réticente à admettre l’urgence à suspendre un refus de PC de régularisation.
On sait que l’article 4 du projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables qui prévoit la création d’un article L. 600-3-1 au sein du Code de l’urbanisme selon lequel s’est attiré les foudres du Conseil d’État.
La nouvelle disposition (non adoptée à ce jour) prévoyant :
Lorsqu’un recours formé contre une décision d’opposition à déclaration préalable ou de refus de permis de construire, d’aménager ou de démolir est assorti d’un référé suspension sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la condition d’urgence est présumée satisfaite
Mais dans un son avis du 2 mai 2024 le Conseil d’État faisait valoir que cette disposition aura pour effet de « complexifier le traitement des requêtes de référé sans lien avec l’objectif recherché énoncé par l’étude d’impact ».
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