Parcs éoliens et autorisation environnementale : des précisions sur l’intérêt agir des collectivités territoriales

Parcs éoliens et autorisation environnementale : des précisions sur l’intérêt agir des collectivités territoriales

Par David DEHARBE, avocat gérant (Green Law Avocats) Dans le cadre d’un contentieux d’autorisations environnementales de parcs éoliens, le Conseil d’État a précisé les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales ont intérêt à agir en tant que « tiers intéressés » (CE, 1er décembre 2023, req. n° 467009 et n° 470723, téléchargeables ci-dessous). Dans la première affaire, par un arrêté du 24 juin 2021, le préfet de l’Allier a délivré à la société Parc éolien du Moulin du bocage une autorisation environnementale pour l’exploitation de cinq aérogénérateurs avec deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Gipcy. La région Auvergne-Rhône-Alpes et les communes de Saint-Hilaire et de Meillers, limitrophes de la commune d’implantation du projet, ont demandé à la cour administrative d’appel de Lyon d’annuler cet arrêté. Dans la deuxième affaire, le département de la Charente Maritime conteste l’arrêté du 22 octobre 2020 par lequel le préfet a délivré à la société Ferme éolienne de Chambon-Puyravault une autorisation unique pour l’installation et l’exploitation d’un parc éolien sur le territoire des communes de Chambon et de Puyravault, comportant douze éoliennes et quatre postes de livraison. Dans deux arrêts en date du 5 juillet et du 4 novembre 2022, les cours administratives d’appel de Lyon et de Bordeaux ont rejeté les requêtes comme irrecevables. Statuant les pourvois du département, de la région et des communes d’implantation, le Conseil d’État a précisé les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales ont intérêt à agir contre les autorisations environnementales en considérant que : Les personnes morales de droit public peuvent contester des autorisations environnementales que si ces dernières sont des «tiers intéressés» au sens de l’article R.181-50 du code de l’environnement (I) ; Ni le département de la Charente Maritime, ni la région Auvergne Rhône Alpes n’ont la qualité de «tiers intéressés» (II) ; Les communes de Saint-Hilaire et de Meillers des projet éolien ont un intérêt à agir contre l’autorisation environnementale (III). I. Reconnaissance aux personnes morales de droit public de la qualité de «tiers intéressés» En matière d’intérêt à agir dans le contentieux des autorisations environnementales, la Haute juridiction rappelle que ces dernières peuvent être déférées à la juridiction administrative par les tiers intéressés conformément aux dispositions de l’article R. 181-50 du code de l’environnement en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l’article L. 181-3 du même code (CE, 1er décembre 2023, req. n° 467009 et n° 470723, points 2). Parmi ces intérêts, les articles L.511-1 et L.181-3 du  code de l’environnement listent les dangers et inconvénients (CE, 1er décembre 2023, req. n° 467009 et n° 470723, points 2) : Soit pour la commodité du voisinage ; Soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques ; Soit pour l’agriculture ; Soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages ; Soit pour l’utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers ; Soit pour l’utilisation rationnelle de l’énergie ; soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. Dans les conclusions rendues dans cette affaire, le rapporteur public refuse de reconnaître une présomption d’intérêt pour agir des collectivités territoriales contre des autorisations environnementales concernant des éoliennes : «Nous ne voyons ici aucune raison qui rendrait opportun ou nécessaire de consacrer de façon prétorienne pour les départements ou les régions une présomption d’intérêt pour agir contre des autorisations environnementales concernant des éoliennes.» (page 3 des conclusions du rapporteur public, page 3). «En dehors du régime particulier des associations agrées, la règle est la même pour tous les tiers, y compris personnes morales de droit public, car ni le département ni la région n’ont de compétence légale pour défendre de façon générale les intérêts protégés par l’article L. 511-1 du CENV auxquels renvoie l’article R. 181-50» (conclusions du rapporteur public, page 3). En effet, le conseil d’État a déjà jugé que les  personnes morales ne peuvent demander en leur qualité de tiers l’annulation d’une décision prise sur le fondement de la police des installations classées que dans les cas où les inconvénients ou les dangers que le fonctionnement de l’installation classée présente pour les intérêts visés à l’article L. 511-1 sont de nature à affecter par eux-mêmes les conditions d’exploitation (CE 30 janvier 2013, req n°347347, considérant n°2). De même, la Haute juridiction a rendu une décision dans le même sens concernant des collectivités étrangères dans un contentieux de décisions prise en matière de police des installations nucléaires (Conseil d’État, 24 mars 2014, req. n° 358882, considérant 2). En reprenant le raisonnement des conclusions de son rapporteur public, la Haute juridiction conditionne la recevabilité des recours des personnes morales de droit public contre les autorisations environnementales que si les inconvénients ou dangers sont de natures à affecter leur situation, intérêts ou compétences : «Au sens de ces dispositions, une personne morale de droit public ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge administratif une autorisation environnementale que dans les cas où les inconvénients ou les dangers pour les intérêts visés à l’article L. 181-3 sont de nature à affecter par eux-mêmes sa situation, les intérêts dont elle a la charge et les compétences que la loi lui attribue.» (CE, 1er décembre 2023, req. n° 467009 point 4 et n° 470723, points 3) II. Absence d’intérêt à agir du département et de la région contre l’autorisation environnementale Sur l’appréciation de l’intérêt à agir de la région Auvergnes-Rhône-Alpes, la Haute juridiction estime que la cour administrative d’appel de Lyon a suffisamment motivé sa décision sans commettre ni erreur de droit ni erreur de qualification juridique et fait une exacte application des règles gouvernant la recevabilité des recours de plein contentieux, en déclarant irrecevable les requêtes de la région et du département. En ce sens, la cour a pu juger que la région Auvergne-Rhône-Alpes ne justifiait pas d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de l’autorisation environnementale litigieuse (CE, 1er décembre 2023, req. n° 470723 point 5): Premièrement, la région n’est…

Le «zéro artificialisation nette» : point sur la mise en œuvre de la réforme (circulaire du 31 janvier 2024)

Le «zéro artificialisation nette» : point sur la mise en œuvre de la réforme (circulaire du 31 janvier 2024)

Par David DEHARBE, avocat gérant (Green Law Avocats)

Dans ce contexte, alors que l’année 2023 a été marquée par l’adoption de dispositions législatives (Cf. loi n°2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux, JORF n°0167 du 21 juillet 2023) et réglementaires (Cf. le décret d’application n°2023-1408 du 29 décembre 2023 définissant les modalités de prise en compte des installations de production d’énergie photovoltaïque au sol dans le calcul de la consommation d’espace, JORF n°0304 du 31 décembre 2023) permettant d’assurer la mise en œuvre concrète du Z.A.N. à l’échelle des territoires, le Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a émis une circulaire le 31 janvier 2024 à l’intention des préfets et des services déconcentrés, afin d’accompagner les acteurs locaux dans la mise en œuvre de la réforme : Circulaire du 31 janvier 2024 relative à la mise en œuvre de la réforme vers le « zéro artificialisation nette des sols ».

Artificialisation des sols : publication de trois nouveaux décrets «ZAN»

Artificialisation des sols : publication de trois nouveaux décrets «ZAN»

Par David DEHARBE, avocat gérant (Green Law Avocats)

Le Gouvernement a pris trois décrets n°2023-1096, 2023-1097, 2023-1098 du 27 novembre 2023 afin de compléter le cadre réglementaire de l’objectif zéro artificialisation (ZAN) en 2050 avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers dans les dix prochaines années (JORF n°0275 du 28 novembre 2023).

Artificialisation des sols : quelle échelle opposable aux PLU pour la ZAN ?

Artificialisation des sols : quelle échelle opposable aux PLU pour la ZAN ?

Par David DEHARBE, avocat gérant (Green Law Avocats)

La loi Climat et résilience de 2021 a fixé un objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) des sols en France à l’horizon 2050.

Comme la loi le prescrit, le Gouvernement a défini les conditions de mise en œuvre de cet objectif sur le territoire par deux décrets du 29 avril 2022

L’association des maires de France (AMF) a demandé au Conseil d’État d’annuler ces décrets par deux requêtes du 28 juin 2022.

Or le Conseil d’État a annulé le deuxième alinéa du II de l’article R. 101-1 du code de l’urbanisme, issu d’un décret du 29 avril 2022, en ce que n’est pas suffisamment précise la définition de l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme (CE, 4 octobre 2023, n° 465341 et 465343).

Planification de l’éolien : Bilan et perspectives

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Dans la continuité de la politique européenne en matière d’énergie ainsi que de la stratégie bas carbone, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) a repris les engagements européens et propose des objectifs nationaux ambitieux sur le plan énergétique, qui ont ensuite été ajustés par la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (LEC). Parmi eux figure l’objectif d’atteindre 33 % de la consommation d’énergie d’origine renouvelable d’ici 2030. Cet objectif est décliné par vecteur énergétique (40 % de la production électricité ; 38 % de la consommation finale de chaleur ; 15 % de la consommation finale de carburant et 10 % de la consommation de gaz doivent être d’origine renouvelable). Pour la réalisation de ces objectifs, une planification du développement des énergies renouvelables, et notamment de l’éolien, était impérative. Dans ce cadre, l’enjeu prioritaire de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est de réduire la consommation d’énergies fossiles importées. Le secteur de l’énergie, à l’instar des autres secteurs, doit en effet contribuer à atteindre l’objectif ambitieux de réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 prescrit par la stratégie nationale bas-carbone. La PPE adoptée par décret du 21 avril 2020 définit les modalités d’action des pouvoirs publics pour la gestion de l’ensemble des énergies sur le territoire métropolitain continental, afin d’atteindre ces objectifs. Elle prévoit notamment pour ce faire un objectif d’augmentation des capacités installées de production éolienne et mesures pour les atteindre. Ces objectifs correspondraient en 2028 à un parc éolien terrestre de 14 200 à 15 500 éoliennes (contre environ 8000 fin 2018). En matière d’éolien en mer l’objectif est d’atteindre 3000 capacités installées en 2023. Pour s’assurer de la réalisation de ces objectifs à l’échéance prévue, le  « projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » comprendra des mesures visant à améliorer cette planification avec une déclinaison par région des objectifs de la PPE en matière d’énergies renouvelables, et l’intégration d’objectifs énergétiques compatibles avec ces déclinaisons dans les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). A cet effet, ce projet prévoit d’insérer un article L.141-6-1 au code de l’énergie prévoyant une déclinaison par région des objectifs d’énergies renouvelables de la PPE après concertation avec les régions (art.21). La ministre de la transition écologique est ensuite venue préciser, à l’occasion d’un débat organisé à l’Assemblée nationale sur le développement des aérogénérateurs dans les territoires, que les SRADDET devront contenir des objectifs énergétiques compatibles avec la PPE qui seront déclinés dans des documents territoriaux pour être juridiquement opposables. Ce projet de loi devrait également prévoir la réalisation par les préfets de région de cartographies des zones propices au développement de l’éolien. La ministre de la transition écologique a en effet exprimé son souhait que les préfets réalisent des cartographies de ces zones devant « impérativement tenir compte des contraintes topographiques, urbaines ou paysagères de chaque territoire, mais aussi des opportunités ».  Ces cartographies devront permettre « de déterminer, dans chaque territoire, les zones où, (…) il y a un paysage remarquable à préserver ou une autre activité à protéger, bref, de faire des éoliennes un élément du développement économique du territoire ». A cet effet, rappelons que depuis l’ordonnance n°2016-1028 un régime de transition permettant notamment la disparition progressive du schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE) a été institué au profit du SRADDET. Les SRCAE comprenaient un schéma régional éolien qui définissait les parties du territoire régional favorables au développement de l’énergie éolienne et auquel il était déjà possible d’annexer des documents cartographiques. Avec cette proposition, la ministre de la transition écologique souhaite s’assurer que les objectifs de la PPE puissent être inscrits, de façon concertée, dans les documents d’urbanisme. Etant précisé que cette cartographie « ne sera pas contraignante mais pourra servir de guide aux collectivités lors de la mise à jour des documents d’urbanisme et orienter les porteurs de projets vers ces zones ». Cette proposition devrait également garantir une bonne acceptabilité du développement de l’éolien dans les territoires car « on ne le dit pas assez : quand leur implantation est faite correctement, les éoliennes apportent des revenus supplémentaires aux agriculteurs et aux collectivités, font revivre les campagnes et revenir l’activité. Une bonne organisation du parc éolien fera ressortir cet aspect positif ». Cette proposition de planification de l’éolien devrait donc figurer au projet de loi Climat et Résiliation qui sera présenté en Conseil des Ministres le 10 février, puis à l’Assemblée nationale fin mars, car, pour emprunter les termes de Madame Pompili : une planification de l’éolien est « impérative à partir du moment où l’on s’est fixé des objectifs et que l’on veut les décliner dans les territoires » car à défaut « on les lance en l’air et on attend de voir s’ils retombent correctement ». Tout ceci nous rappelle l’épisode des schémas éoliens, des ZDE puis des SRE qui ont en commun d’avoir été instrumentalisés non pour développer l’éolien mais pour en freiner le développement…

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