Artificialisation des sols : publication de trois nouveaux décrets «ZAN»

Par David DEHARBE, avocat gérant (Green Law Avocats)

Le Gouvernement a pris trois décrets n°2023-1096, 2023-1097, 2023-1098 du 27 novembre 2023 afin de compléter le cadre réglementaire de l’objectif zéro artificialisation netteZAN») en 2050 avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers dans les dix prochaines années (JORF n°0275 du 28 novembre 2023, téléchargeable ci-dessous).

En effet, l’article 191 de la loi «Climat et Résilience»  a fixé l’objectif d’atteindre le «ZAN» en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers dans les dix prochaines années (JORF n°0196 du 24 août 2021).

Alors que le gouvernement avait pris des décrets afin de mettre en œuvre l’objectif ZAN (JORF n°0101 du 30 avril 2022 Texte n° 61 ; JORF n°0101 du 30 avril 2022 Texte n° 62) , le Conseil d’État les a annulés en ce que la définition de l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme a été jugée insuffisamment précise (CE, 4 octobre 2023 req. n°465341 465343, pour en savoir plus consultez notre commentaire).

Tirant les conséquences de ces décisions ainsi que des évolutions apportées par la loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux (JORF n°0167 du 21 juillet 2023), le Gouvernement a donc adopté les décrets n°2023-1096, 2023-1097, 2023-1098 concernant :

I. Évaluation et suivi de l'artificialisation des sols


Le décret n°2023-1096 précise que la qualification des surfaces est seulement attendue pour l’évaluation du solde d’artificialisation nette des sols (flux) dans le cadre de la fixation et du suivi des objectifs des documents de planification et d’urbanisme (article R. 101-1, II du code de l’urbanisme, article 1er du décret n°2023-1096).

Sous forme de catégorie, le décret liste les surfaces artificialisées  à l’annexe de l’article R.101-1 du code de l’urbanisme :


En revanche, sont qualifiées comme surfaces non artificialisées dans l’annexe de l’article R.101-1 du code de l’urbanisme :


Dans d’autres hypothèses, le décret souligne que peuvent être considérées comme des surfaces non artificialisées :


Pour les années civiles sur lesquelles il porte et au moins tous les trois ans, le décret dispose que le rapport local de suivi de l’artificialisation des sols comporte notamment les indicateurs et données suivantes (article 3 du décret n°2023-1096 et article R. 2231-1 au code général des collectivités territoriales) :

Dès lors que la commune ou l’intercommunalité dispose d’un observatoire local, elle peut le mobiliser tout en s’appuyant sur les analyses réalisées dans le cadre de l’évaluation du schéma de cohérence territoriale (SCoT) et plan local d’urbanisme (PLU) (article 3 du décret n°2023-1096 et article R. 2231-1 au code général des collectivités territoriales).

Une disposition transitoire est prévue pour les indicateurs que les communes ou intercommunalités ne pourraient pas être en mesure de remplir, en l’absence de données durant les prochaines années (article 4 du décret n°2023-1096).

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II. Des corrections apportées sur la territorialisation de l'objectif «ZAN»

Le décret n°2023-1097 ajuste et complète les modalités d’application de l’objectif «ZAN» pour l’intégration et la déclinaison des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols, pour mieux assurer la territorialisation des objectifs de sobriété foncière et l’équilibre entre le niveau d’intervention de la région d’une part, et du bloc communal via les documents d’urbanisme d’autre part.

Pour adopter une approche plus proportionnée et qualitative du rôle de la région vis-à-vis des documents infra-régionaux, il ne prévoit plus la fixation obligatoire d’une cible chiffrée d’artificialisation à l’échelle infra-régionale dans les règles générales du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET).

Ce nouveau texte adapte la faculté de mutualisation de la consommation ou de l’artificialisation emportée par certains projets d’envergure régionale, qui feront l’objet d’une liste dans le fascicule des règles du schéma, dans le cadre d’une part réservée au niveau régional à ces projets (article 1er décret n°2023-1097 ; article R. 4251-8-1, II du code général des collectivités territoriales).

Cette liste sera au moins transmise pour avis aux établissements publics de SCoT, aux EPCI compétents et aux communes ainsi qu’aux départements concernés par ces projets (article 1er décret n°2023-1096  ; article R. 4251-8-1, II, 4°du code général des collectivités territoriales).

Ce décret prévoit aussi la possibilité de mettre en place une part réservée de l’artificialisation des sols pour des projets à venir de création ou d’extension de constructions ou d’installations nécessaires aux exploitations agricoles et ce notamment pour contribuer aux objectifs et orientations prévus dans les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles (article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime ; article R. 4251-8-1, II du code général des collectivités territoriales).

A noter également, une autorisation d’urbanisme conforme aux prescriptions d’un document d’urbanisme en vigueur et ayant fixé des objectifs chiffrés de lutte contre l’artificialisation des sols en application du IV de l’article 194 de la loi «Climat et Résilience» ne peut être refusée au motif qu’elle serait de nature à compromettre le respect de ces objectifs (JORF n°0196 du 24 août 2021).

Il ressort du décret n°2023-1097 que la traduction de ces objectifs dans les documents d’urbanisme et plus particulièrement via leurs prescriptions, qui sont opposables aux projets, doit permettre de les atteindre (article 2 du décret n°2023-1097 ; article R. 141-6-1 du code de l’urbanisme).

Le texte illustre plus spécifiquement ce point pour les autorisations d’urbanisme des projets de constructions ou installations liées aux exploitations agricoles, qui contribuent à préserver les espaces affectés à ces activités (article 3 du décret n°2023-1097).

Enfin, il précise que les mesures mises en place pour les SRADDET sont également mobilisables en tant que de besoin pour la fixation et le suivi des objectifs dans le schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF), les schémas d’aménagement régional (SAR) et le plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) (article 4 du décret n°2023-1097).

III. Création de la commission régionale de conciliation sur l'artificialisation des sols


Le décret n°2023-1098 vient préciser la composition de cette commission
, comme suit :


Ce même texte encadre aussi son fonctionnement
, selon les modalités suivantes :