Le PLU de CUCQ annulé pour méconnaissance de la loi littorale sur Stella plage

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) david.deharbe@green-law-avocat.fr Aux termes de l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme : « En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d’eau intérieurs désignés au 1° de l’article L. 321-2 du code de l’environnement ». Il résulte de ces dispositions que ne peuvent déroger à l’interdiction de toute construction sur la bande littorale des cent mètres que les projets réalisés dans des espaces urbanisés, caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, à la condition qu’ils n’entraînent pas une densification significative de ces espaces, ce que rappelait encore récemment le Conseil d’Etat (CE, 21 juin 2018, n°416564). Rappelons en effet que l’exception au principe d’inconstructibilité de la bande des 100 mètres ne concerne que les espaces urbanisés, dont la jurisprudence a précisé qu’ils doivent : être caractérisés par une densité significative de construction (CAA Nantes, 1er juin 2015, n°14NT01268) ; être bâtis (Rép. min. n° 36448: JO Sénat 28 mars 2002, p. 935), étant précisé que la présence de constructions isolées ou d’équipements publics ne suffit pas (CE, 2 janvier  2005, n° 226269 ; CE, 28 novembre 1997, n° 161572 ; CAA Lyon, 12 novembre 1996, n° 96LY00421 ; TA Rennes, 17 février 1994, Nevo, n°891408). Ainsi ce sont en ces termes que  le Tribunal administratif de Lille vient d’annuler par un jugement (téléchargeable ici : TA Lille, 17 juillet 2018, n° 1608885) la délibération du 23 mai 2016 approuvant le plan local d’urbanisme de la commune de Cucq est annulée en tant que le plan prévoit l’implantation du projet de l’Orientation d’aménagement et de programmation (OAP) du front de mer dans la bande littorale des cent mètres : « Considérant qu’il est constant que le terrain d’assiette du projet de l’OAP du front de mer se situe à Stella plage, en bordure du littoral, en partie dans la bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ; que la zone dans laquelle il est situé ne constitue pas, eu égard au nombre et à la faible densité de constructions qui la caractérise, un espace urbanisé au sens de l’article L. 121-16 précité ; qu’en tout état de cause, l’implantation du projet, qui prévoit la construction de 320 logements, correspondant à 30 000 mètres carrés de surface de plancher, dans des bâtiments d’une hauteur pouvant atteindre R+4+attiques, entraînerait une densification significative de cet espace ; que par suite, l’association requérante est fondée à soutenir que le plan local d’urbanisme méconnaît les dispositions de l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme en tant qu’il prévoit l’implantation du projet de l’OAP du front de mer dans la bande littorale des cent mètres et à solliciter, dans cette mesure, son annulation, ainsi que celle de la décision de rejet de son recours gracieux ». Ici en méconnaissant la loi littorale, les auteurs PLU exposaient leur délibération l’approuvant à une censure évidente au regard d’une jurisprudence constante : le zonage retenu dans la bande des 100 mètres doit permettre de préserver l’inconstructibilité de celle-ci (CE, 25 septembre 1996, n° 138197 ; CAA Douai, 30 novembre  2006, n° 06DA00629 ; CAA Nantes, 13 novembre 2001, n° 00NT01526 ; TA Nice, 5 juillet 1989, Synd. de défense du cap d’Antibes, n°82089 ; TA Caen, 9 juin 1998, Manche Nature, n° 971339 ; CAA Douai, 30 novembre 2006, n° 06DA00629).

Urbanisme / loi montagne : Un intérêt communal suffisant doit exister pour autoriser à titre dérogatoire une centrale photovoltaïque au sol à s’implanter en discontinuité de l’urbanisation existante (CAA Lyon, 13 décembre 2016)

Par Jérémy TAUPIN- GREEN LAW AVOCATS Une décision de la Cour administrative d’appel de Lyon apporte un clairage intéressant sur l’admissibilité des centrales solaires au sol dans une commune concernée par la loi Montagne. La Cour confirme un jugement de première instance ayant annulé un permis de construire une centrale photovoltaïque au sol dans une telle commune (CAA Lyon, 13 décembre 2016, n°15LY00920). En l’espèce, une société avait obtenu un arrêté de permis de construire en vue de réaliser une centrale solaire au sol sur le territoire de la commune des Vastres (Haute-Loire), en discontinuité avec l’urbanisation existante, et ce suite à la délibération favorable du conseil municipal de la commune, par une délibération motivée en date du 15 décembre 2012. Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand avait annulé le permis de construire, après avoir relevé que ce projet ne pouvait être regardé comme réalisé en continuité avec des constructions existantes et n’était pas « au nombre des équipements incompatibles avec le voisinage des zones habitées », en jugeant que l’intérêt communal invoqué par la délibération du conseil municipal du 15 décembre 2012 prise sur le fondement du 4° de l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme (désormais l’article L.111-4 du même code) « ne pouvait fonder une dérogation à la règle d’urbanisation en continuité en zone de montagne ». Cet arrêt mérite plusieurs commentaires. 1 – Sur la confirmation du fait qu’une centrale photovoltaïque au sol n’est pas au nombre des équipements incompatibles avec le voisinage des zones habités Normalement, le principe d’extension de l’urbanisation en continuité de l’urbanisation existante en montagne (article L. 122-5 du code de l’urbanisme) peut être écarté en vue de la réalisation d’installations ou équipements publics incompatibles avec le voisinage de zones habitées. L’incompatibilité peut provenir des nuisances ou des risques que ces équipements sont susceptibles de générer, ce qui justifie qu’ils soient implantés dans une zone éloignée de l’urbanisation. Or, on le voit, une centrale photovoltaïque au sol n’est pas toujours susceptible d’être qualifiée comme étant incompatible avec le voisinage de zones habitées. Il n’existe donc pas toujours une dérogation au principe légal d’urbanisation en continuité. La Cour a en effet considéré en l’espèce que le type de projet en cause n’était « pas au nombre des équipements incompatibles avec le voisinage des zones habitées », en application de l’article L 145-3 du code de l’urbanisme (désormais L.122-7 du même code). La Cour administrative d’appel de Lyon confirme en réalité la jurisprudence déjà existante en la matière par la Cour administrative d’appel de Marseille (en date du 25 mars 2014, que nous avions déjà commentée sur le blog ici). La Cour administrative d’appel de Marseille avait alors refusé de faire déroger une centrale photovoltaïque à la règle d’urbanisation en continuité dans les zones couvertes par la Loi Montagne en considérant : d’abord que la qualification d’installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées était une appréciation in concreto, au cas par cas. ensuite qu’en l’espèce, l’incompatibilité n’était pas caractérisée car le risque pour la sécurité avancé par la société bénéficiaire n’était pas établi et que la gêne visuelle devait être relativisée « en raison de la nature des installations en cause ».   2 – Sur la nécessité pour une commune de justifier d’un intérêt communal suffisant pour autoriser une centrale photovoltaïque en discontinuité de l’urbanisme existant. La Cour a en l’espèce précisé que « l’intérêt communal » invoqué par la délibération du conseil municipal prise sur le fondement du 4° de l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme ne pouvait fonder une dérogation à la règle d’urbanisation en continuité en zone de montagne. En effet, si les dispositions de l’article L. 122-7 du code de l’urbanisme permettent, dans les communes qui ne se sont pas dotées d’un plan local d’urbanisme ou d’une carte communale, d’autoriser la réalisation d’un projet compatible avec le voisinage des zones habitées sur un terrain qui n’est pas situé en continuité d’une forme d’urbanisation existante, cette possibilité n’est ouverte qu’à titre dérogatoire et à condition notamment que l’intérêt communal le justifie, et ce au sens du 4° de l’article L. 111-4 (nouveau). Les centrales photovoltaïques étant bien compatibles avec le voisinage des zones habités, ainsi que rappelé ci-dessus, une commune de montagne doit donc établir avec suffisamment de précision l’intérêt communal à autoriser la réalisation d’une telle centrale en discontinuité de l’urbanisation existante. Or, en l’espèce, la Cour considère « qu’au soutien de son recours, la ministre se borne à reprendre, sans autre précision, les termes de la délibération du 15 décembre 2012 selon laquelle le projet critiqué permettra ” d’améliorer le fonctionnement de la zone humide ” et présente l’intérêt de concourir à la production d’électricité avec des énergies renouvelables et d’assurer à la commune des revenus pérennes par la perception d’un loyer ou de l’imposition forfaitaire des entreprises de réseaux ; que la ministre fait également valoir que les écritures de l’Etat en première instance avaient permis de confirmer ces aspects du projet au regard des conclusions de l’étude d’impact dont il avait fait l’objet, le projet ayant été choisi afin d’assurer au mieux la protection des espaces naturels et des terres agricoles ; qu’eu égard à l’objet poursuivi par les dispositions précitées du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, les justifications dont la ministre se prévaut ainsi en termes généraux sans faire état d’éléments suffisamment circonstanciés tenant à la situation particulière de la commune des Vastres, ne suffisent pas à établir l’existence, au sens du 4° de l’article L. 111-1-2 auquel ces dispositions renvoient, d’un intérêt de nature à justifier la délivrance d’un permis de construire pour une centrale photovoltaïque au bénéfice du dispositif dérogatoire qu’elles prévoient ; » Ainsi, l’intérêt communal n’était pas suffisamment établi en l’espèce. Cet arrêt incite donc à s’entourer de précautions lors des études de faisabilité de projets de centrales au sol dans une commune de montagne: il s’agit d’abord de vérifier si le terrain d’implantation peut être considéré ou non comme en continuité avec l’urbanisation existante, ce qui demeure à favoriser; dans la négative, une véritable démonstration du caractère incompatible avec le voisinage de…

Urbanisme: une piscine constitue-t-elle l’extension d’une construction existante ? (CE, 15 avril 2016, n°389045)

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocats) A l’approche des vacances d’été, une question fondamentale se pose : comment qualifier juridiquement une piscine découverte ? Le Conseil d’Etat a heureusement anticipé ce débat en tranchant la question de savoir si une piscine devait être regardée comme « l’extension » d’une construction d’habitation existante. (CE, 6ème / 1ère SSR , 15 avril 2016, n°389045, Mentionné dans les tables du recueil Lebon) Dans cette affaire, un maire avait accordé un permis de construire et un permis modificatif en vue de réaliser une extension d’une habitation existante située en zone NC et de créer un cellier, un abri extérieur ainsi qu’une piscine, implantée à 4,5 mètres de l’habitation et intégrée à une terrasse dallée contigüe à l’habitation. La zone NC était, selon l’article R. 123-18 du code de l’urbanisme alors en vigueur, une zone de richesses naturelles, à protéger en raison notamment de la valeur agricole des terres ou de la richesse du sol ou du sous-sol. L’article NC1 du règlement du plan d’occupation des sols applicable sur le territoire de la commune interdisait en zone NC toutes les constructions qui n’étaient pas directement liées aux activités agricoles. Par exception à cette règle, l’article NC 2 du même règlement autorisait dans cette zone la restauration et l’extension des constructions existantes en vue de l’habitat, à condition que leur surface hors œuvre brute existante soit supérieure ou égale à 70 m2 et que ces bâtiments soient clos et couverts. Le Préfet de Vaucluse a déféré au tribunal administratif de Nîmes le permis de construire délivré pour la réalisation d’une « extension d’une habitation existante, piscine ». Il estimait en effet qu’une piscine découverte ne pouvait, au regard de l’article NC2 du règlement du plan d’occupation des sols, être autorisée. Par un jugement du 18 octobre 2013, le tribunal administratif de Nîmes a annulé le permis de construire en tant qu’il autorisait la construction de la piscine. Par un arrêt du 22 janvier 2015, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Nîmes en tant qu’il avait annulé partiellement le permis de construire et a rejeté les conclusions du déféré du préfet de Vaucluse auxquelles le tribunal administratif avait fait droit. Elle a considéré qu’ « en vertu de l’article 2 du règlement de la zone NC du plan d’occupation des sols de L. l’extension des habitations existantes est autorisée ; que contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, la piscine et le dallage projetés, qui sont implantés dans la continuité de l’habitation existante avec laquelle elles forment une même unité architecturale, constituent une extension de cette habitation au sens et pour l’application de ces prescriptions » (CAA Marseille, 22 janvier 2015, n°13MA05164) Le ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité a saisi d’un pourvoi le Conseil d’État afin de lui demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille. Le Conseil d’Etat devait donc se prononcer sur le statut juridique des piscines découvertes afin de déterminer si elles pouvaient être incluses parmi les « extensions d’habitation existante » autorisées en zone NC du plan d’occupation des sols. Aux termes de sa décision, le Conseil d’Etat a considéré que « sous réserve de dispositions contraires du document d’urbanisme applicable, une piscine découverte peut être regardée, eu égard à sa destination, comme une extension d’une construction d’habitation existante si elle est située à proximité immédiate de celle-ci et forme avec elle un même ensemble architectural ». Il admet donc qu’une piscine découverte soit regardée comme l’extension d’une habitation à trois conditions : elle doit être située à proximité immédiate de la construction à usage d’habitation existante ; elle doit former avec elle un même ensemble architectural ; le règlement du document d’urbanisme ne doit pas en disposer autrement. En l’espèce, la Haute Juridiction confirme l’arrêt de la Cour administrative d’appel en considérant qu’en jugeant que la piscine et le dallage qui l’entoure, qui sont implantés dans la continuité de l’habitation existante constituaient une extension de cette dernière, la Cour n’avait pas entaché son arrêt d’une erreur de droit et qu’elle avait porté une appréciation souveraine sur les pièces du dossier, exempte de dénaturation. Il pourrait toutefois exister un débat sur le fait que cette extension soit « en vue de l’habitat » comme l’exigeait l’article NC2 du plan d’occupation des sols. Dans cette décision, le Conseil d’Etat vient préciser les critères qu’il avait posés en 2005 lorsqu’il avait jugé que « l‘édification d’une piscine découverte, construction qui n’est pas un bâtiment et pour laquelle le code de l’urbanisme prévoit une exemption de permis de construire, est toutefois soumise au respect des règles d’urbanisme relatives à l’occupation et à l’utilisation des sols ; que si […] l’article NC 1 du plan d’occupation des sols de la commune […], qui énumère limitativement les occupations et utilisations des sols admises en zone naturelle réservée à l’activité agricole, autorise, dans certaines limites, l’extension des constructions d’habitation principale existantes à la date de la publication du plan d’occupation des sols, la construction d’une piscine découverte, qui n’est pas attenante à un bâtiment à usage d’habitation existant, ne saurait être regardée, au sens de ces dispositions, comme constituant une extension de celui-ci ». (Conseil d’Etat, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 9 mai 2005, n°262618, mentionné aux tables du recueil Lebon) Pour qu’une piscine découverte soit considérée comme l’extension d’une habitation, étaient alors exigées, d’une part, l’absence de règles contraires et, d’autre part, la proximité de la piscine avec la construction à usage d’habitation était alors prises en compte. Désormais, une unité architecturale est également requise. Les critères posés par le Conseil d’Etat pour qualifier une piscine d’extension d’une construction d’habitation existante nous semblent pertinents. La piscine est souvent considérée comme étant un équipement de la maison d’habitation (au même titre qu’un garage ou une véranda) lorsqu’elle est située à proximité de la maison avec laquelle elle forme un ensemble architectural. En outre, l’absence de règle contraire est également importante pour ne pas méconnaître l’intention des auteurs du document d’urbanisme et pour protéger les espaces concernés. A toutes fins utiles, il convient…

Modification du PLU : le Conseil d’Etat précise les modalités de prise en compte des conclusions défavorables du commissaire enquêteur (CE, 15 décembre 2015, n°374027)

Le Conseil d’Etat vient de préciser les modalités de prise en compte des conclusions défavorables du commissaire enquêteur lors d’une modification de PLU (CE, 15 décembre 2015, n°374027). Rappelons que si à l’issue d’une enquête publique le commissaire enquêteur émet des conclusions défavorables, cela emporte deux conséquences : d’une part, le juge des référés peut être saisi d’une demande de suspension de la décision prise par l’autorité administrative (voir par exemple : CE, 16 avr. 2012, n° 355792 ; CE, 13 juill. 2007, n° 298772 ; CE 30 avr. 1990, Assoc. Lindenkuppel: LPA 20 févr. 1991, n° 22, note Pacteau ; CE, 14 juin 1991, n° 118315 ; CE, 21 déc. 1994, n° 159960) ;   d’autre part, si l’enquête était afférente au projet d’une collectivité territoriale ou d’un EPCI, celui-ci doit faire l’objet d’une nouvelle délibération de l’organe délibérant (C. envir., ancien article L. 123-12 et actuel article L. 123-16 ; voir aussi sur les conséquences de l’absence d’une telle délibération : TA Grenoble, 12 févr. 2013, n° 1101160).   C’est sur cette obligation de délibérer à nouveau que porte la décision commentée (CE, 15 décembre 2015, n°374027, consultable ici). En l’espèce, plusieurs particuliers avaient demandé au juge administratif d’annuler la délibération par laquelle le conseil municipal d’une commune avait approuvé la modification de son PLU classant en zone agricole à vocation paysagère Ap une zone précédemment classée en zone à urbaniser. La Cour administrative d’appel de Lyon avait annulé ladite délibération au motif que le conseil municipal, n’ayant pas réellement discuté des conclusions défavorables du commissaire-enquêteur préalablement au vote, n’avait pas délibéré en toute connaissance de cause sur le projet soumis à son vote (CAA Lyon, 15 octobre 2013, n°13LY01068). Le Conseil d’Etat censure toutefois cette interprétation. Ainsi, la Haute juridiction a considéré que le texte de l’ancien article L. 123-12 n’impose pas que l’examen des conclusions défavorables du commissaire enquêteur fasse l’objet : d’une réunion distincte de celle au cours de laquelle le conseil municipal approuve la modification du plan local d’urbanisme ; ni d’une délibération matériellement distincte de celle qui approuve le projet ; ni d’un débat spécifique de l’organe délibérant. Le conseil municipal doit donc simplement délibérer sur le projet après avoir pris connaissance du sens et du contenu des conclusions du commissaire enquêteur. Aussi, estimant qu’en exigeant la tenue d’un débat préalable au vote de la délibération, la Cour administrative d’appel de Lyon avait ajouté une condition non prévue par la loi, le Conseil d’Etat annule l’arrêt du 15 octobre 2013 : « Considérant que les dispositions de l’article L. 123-12 du code de l’environnement, comme l’a jugé à bon droit la cour administrative d’appel de Lyon, n’imposent pas que l’examen des conclusions défavorables du commissaire enquêteur fasse l’objet d’une réunion distincte de celle au cours de laquelle le conseil municipal approuve la modification du plan local d’urbanisme ni d’une délibération matériellement distincte de la délibération approuvant le projet ; que, toutefois, elles n’exigent pas non plus que l’organe délibérant débatte spécifiquement des conclusions du commissaire enquêteur, mais lui imposent seulement de délibérer sur le projet, y compris lorsqu’il relève de la compétence de l’exécutif de la collectivité, en ayant eu connaissance du sens et du contenu des conclusions du commissaire enquêteur ; Considérant que la cour a estimé que le conseil municipal, bien qu’informé par le maire des conclusions défavorables du commissaire enquêteur, n’en avait pas débattu préalablement à l’adoption de la délibération approuvant la modification du plan local d’urbanisme de la commune ; qu’en en déduisant que cette délibération avait été prise en méconnaissance de l’article L. 123-12 du code de l’environnement, elle a commis une erreur de droit ; »   Rappelons qu’en toute hypothèse, l’avis défavorable du commissaire enquêteur ne lie pas l’autorité compétente, qui peut tout à fait passer outre (CAA Douai, 1er juin 2011, n° 10DA00193 ; CAA Nancy, 11 févr. 2010,  n° 09NC00474).

Urbanisme : Précisions sur l’application de l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme relatif à la concertation du public : mieux vaut trop que pas assez (CE 25 nov. 2015, n°372659)

Par Me Marie-Coline Giorno Green Law Avocat L’article L. 300-2 du code de l’urbanisme exige que certains projets fassent l’objet d’une concertation publique pendant toute la durée de leur élaboration. Les modalités de la concertation sont, en principe, fixées dans une délibération. Cette formalité est substantielle (CE, 10 févr. 2010,  n° 327149, mentionné dans les tables du recueil Lebon ; CAA Lyon, 29 novembre 2011, n° 10LY01907 ou encore CAA Lyon, 11 octobre 2011, n°09LY02138). L’article L. 300-2 du code de l’urbanisme ajoute que les documents d’urbanisme ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d’entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération ont été respectées. Il s’infère de cette disposition que le juge administratif veille scrupuleusement au respect des modalités de la concertation. Une concertation est ainsi, en principe, irrégulière si les modalités de la concertation prévues dans la délibération les fixant n’ont pas toutes été mises en œuvre. En ce sens, un document d’urbanisme a déjà été censuré dans l’hypothèse où les modalités de concertation prévues par la délibération du conseil municipal n’avaient pas été respectées. Dans cette affaire, deux réunions publiques avaient été tenues et un numéro spécial du bulletin municipal avait été édité conformément aux modalités prévues de la concertation. Cependant, aucun registre n’avait été mis à disposition du public pour que ces derniers puissent y consigner leurs observations comme le prévoyait également cette délibération (CAA Marseille, 25 mars 2014, n° 11MA00409). De même, le fait qu’une boîte à idées, prévue parmi les modalités de la concertation, n’ait pas été mise en place a entaché d’illégalité le document d’urbanisme pris à son issue dès lors que les modalités de la concertation n’avaient pas été respectées (CAA Douai, 8 décembre 2011, n° 10DA01597). Néanmoins, un vice tiré du non-respect des modalités de la concertation peut, parfois, ne pas entacher d’illégalité la décision prise à l’issue de la procédure. Le juge applique alors le principe selon lequel, « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie » (principe dégagé dans Conseil d’État, Assemblée, 23 décembre 2011, n°335033, Publié au recueil Lebon et appliqué récemment en matière de concertation dans CAA Bordeaux, 11 février 2014, n°12BX02488). Par ailleurs, dans des affaires où il était soutenu que les modalités de la concertation méconnaissaient l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat a considéré que la légalité d’une délibération approuvant un plan local d’urbanisme ne saurait être contestée au regard des modalités de la procédure de concertation qui l’a précédée dès lors que celles-ci ont respecté les modalités définies par la délibération prescrivant l’élaboration de ce document d’urbanisme (Conseil d’Etat, 8 octobre 2012, n° 338760, mentionné aux tables du recueil Lebon ou, également en ce sens, CAA Bordeaux, 11 février 2014, n° 12BX02488). Le moyen est donc inopérant. Récemment, le Conseil d’Etat a encore eu l’occasion de préciser sa position sur l’interprétation des dispositions de l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme (Conseil d’État, 1ère / 6ème SSR, 25 novembre 2015, n°372659, mentionné dans les tables du recueil Lebon). En l’espèce, un conseil municipal avait défini les modalités de la concertation devant précéder la révision du plan d’occupation des sols de la commune et sa transformation en plan local d’urbanisme, en prévoyant la mise à disposition d’un registre, l’information du public par bulletin et par voie de presse, l’organisation d’une réunion publique, d’une journée d’information et la mise en place d’une permanence des élus. Cependant, le maire avait également organisé, de sa propre initiative, une concertation supplémentaire auprès des viticulteurs et des artisans, qui ont été reçus individuellement après qu’un questionnaire leur avait été envoyé, et dont il a été fait état dans le bilan de la concertation. La Cour administrative avait jugé que cette consultation supplémentaire, en sus des modalités des modalités définies par la délibération organisant la concertation, entachait d’illégalité la délibération approuvant le plan local d’urbanisme. Le Conseil d’Etat a censuré cette analyse. Il a considéré que « s’il résulte de ces dispositions que la légalité d’une délibération approuvant un plan local d’urbanisme ne saurait être contestée au regard des modalités de la procédure de concertation qui l’a précédée dès lors que celles-ci ont respecté les modalités définies par la délibération prescrivant l’élaboration de ce document d’urbanisme, il ne s’en déduit pas en revanche que l’organisation d’autres formes de concertation en sus des modalités définies par cette dernière délibération aurait, par elle-même, pour effet d’entacher d’illégalité la délibération approuvant le plan local d’urbanisme »  Il en a alors déduit que la Cour administrative d’appel avait commis une erreur de droit en ne recherchant eu égard aux conditions dans lesquelles elle s’était déroulée, cette consultation supplémentaire avait eu pour effet d’entacher d’irrégularité la procédure de concertation prescrite par l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme. En conséquence, il résulte de tout ce qui précède que lorsqu’une concertation publique est nécessaire dans le cadre de l’élaboration d’un projet, en application de l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme, il est impératif que ses modalités soient préalablement définies. Cette formalité est substantielle. Lors de la concertation, les modalités prévues doivent être respectées. Une concertation est ainsi en principe irrégulière si les modalités prévues n’ont pas toutes été mises en œuvre, sauf à considérer que les intéressés n’ont pas été privés d’une garantie ou que l’irrégularité n’a pas été susceptible d’avoir une influence sur la décision finale approuvant le document d’urbanisme soumis à concertation préalable. En outre, lorsque des modalités ont été mises en œuvre en plus de celles définies dans la délibération, il convient de constater que cette circonstance n’entache pas, par elle-même, d’illégalité la décision approuvant in fine le document d’urbanisme. Ainsi, lorsqu’une…