Contentieux administratif: le recours gracieux par voie électronique (Décret du 20 octobre 2016 relatif aux modalités de saisine de l’administration par voie électronique)

Par Fanny ANGEVIN – GREEN LAW AVOCATS Le recours gracieux est défini par le code des relations entre le public et l’administration comme « le recours administratif adressé à l’administration qui a pris la décision contestée » (article L. 410-1 du code des relations entre le public et l’administration). Il est précisé dans ce même code que « Toute décision administrative peut faire l’objet, dans le délai imparti pour l’introduction d’un recours contentieux, d’un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai. » (article L. 411-2 du code des relations entre le public et l’administration). Ce recours est particulièrement utilisé, celui-ci permettant à l’autorité administrative de remédier aux illégalités dont pourrait être entachée la décision de l’administration sans avoir besoin de l’intervention du juge et ayant la particularité d’interrompre le délai de recours contentieux contre une décision de l’administration. Le décret n°2016-1411 du 20 octobre 2016 relatif aux modalités de saisine de l’administration par voie électronique a été publié au journal officiel le 22 octobre 2016. Ce décret prévoit notamment la codification ainsi que la modification des dispositions relatives au droit des usagers de saisir l’administration par voie électronique. Il comporte comme nouveauté principale le droit de saisir une administration par voie électronique pour toute personne. A ce titre, il prévoit que l’administration doit informer le public des téléservices qu’elle met en place. A défaut d’information, le public peut saisir l’administration par tout type d’envoi électronique. Il est particulièrement intéressant de noter que ce décret prévoit que l’administration doit émettre un accusé de réception électronique, qui indique lorsqu’il s’agit d’une demande, « si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite d’acceptation ou à une décision implicite de rejet ainsi que la date à laquelle, à défaut d’une décision expresse, et sous réserve que la demande soit complète, celle-ci sera réputée acceptée ou rejetée ». En outre, cet accusé de réception doit mentionner la date de réception de l’envoi, la désignation du service chargé du dossier, et en cas de refus de d’une demande, les voies de recours à l’encontre de la décision. Il peut donc être suggéré qu’un recours gracieux pourra désormais être introduit par voie électronique. Un recours gracieux étant une demande, les modalités relatives à l’accusé de réception et aux mentions à citer dans ce dernier lui seront applicables. Enfin, il reste néanmoins à clarifier sous quelle forme cette saisine de l’administration par voie électronique sera effectuée, d’autant plus que ce décret est entré en vigueur depuis le 7 novembre dernier. Les services administratifs devront en tout état de cause rapidement s’adapter à ce nouveau régime, qui a le mérite de faciliter la saisine des autorités.

Immobilier / illégalité du raccordement au réseau public d’assainissement : un dol peut être constitué à défaut de précisions suffisantes dans l’acte de vente

Par Aurélien BOUDEWEEL- Green Law Avocat   Par un arrêt publié au bulletin en date du 24 août 2016, la Cour d’appel de Bordeaux (ca-bordeaux-24-08-2016) rappelle dans le cadre de la vente d’un immeuble, que l’absence de précision suffisante dans l’acte d’informations relativement au raccordement au réseau public d’assainissement peut être constitutive d’un dol. En l’espèce, après qu’une vente fût signée, les acquéreurs ont sollicité par la voie judiciaire la réparation de leur préjudice tenant à l’absence de raccordement au réseau public d’assainissement sur le fondement de l’article 1641 du code civil relatif à la garantie contre les vices cachés et subsidiairement à l’article 1604 du code civil tenant au défaut de conformité de la chose vendue et à l’article 1116 du code civil sanctionnant le dol (nouvel article 1137 du Code civil). Les acquéreurs soutenaient que les anciens propriétaires n’avaient jamais installé de système d’assainissement individuel. Rappelons que l’article L 274-1 du Code de la construction et de l’habitation énonce qu’en « cas de vente de tout ou partie d’un immeuble bâti, un dossier de diagnostic technique, fourni par le vendeur, est annexé à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l’acte authentique de vente (…). Le dossier de diagnostic technique comprend, dans les conditions définies par les dispositions qui les régissent, les documents suivants : 1° Le constat de risque d’exposition au plomb prévu aux articles L. 1334-5 et L. 1334-6 du Code de la santé publique ; 2° L’état mentionnant la présence ou l’absence de matériaux ou produits contenant de l’amiante prévu à l’article L. 1334-13 du même code ; 3° L’état relatif à la présence de termites dans le bâtiment prévu à l’article L. 133-6 du présent code ; 4° L’état de l’installation intérieure de gaz prévu à l’article L. 134-6 du présent code ; 5° Dans les zones mentionnées au I de l’article L. 125-5 du Code de l’environnement, l’état des risques naturels et technologiques prévu au deuxième alinéa du I du même article ; 6° Le diagnostic de performance énergétique prévu à l’article L. 134-1 du présent code ; 7° L’état de l’installation intérieure d’électricité prévu à l’article L. 134-7 ; 8° Le document établi à l’issue du contrôle des installations d’assainissement non collectif mentionné à l’article L. 1331-11-1 du Code de la santé publique (…) »  Par un jugement en date du 2 octobre 2014, le tribunal de grande instance de LIBOURNE avait rejeté la demande des acquéreurs aux motifs qu’un diagnostic technique et que l’acte notarié précisaient que l’immeuble était raccordé indirectement au réseau public d’assainissement. La juridiction civile a alors considéré que la garantie contre les vices cachés devait être écartée et que ne pouvait être retenue ni le défaut de conformité ni la manœuvre dolosive. Les acquéreurs ont alors interjeté appel du jugement. Dans le cadre de la procédure d’appel, la Cour d’appel censure l’appréciation portée par le tribunal aux motifs que le caractère illégal du raccordement n’avait pas été mentionné aux acquéreurs : «Il ressort de ces éléments et des clauses du contrat de vente susvisées que M. V. a certes été informé de ce que l’immeuble qu’il acquérait n’était pas équipé d’un système d’assainissement individuel, et qu’il était raccordé au tout-à-l’égout de la commune de manière indirecte, par l’intermédiaire d’une pompe de relevage située sur le fonds voisin. En revanche, il n’était nullement informé du caractère illégal de ce raccordement et du fait qu’il s’agissait d’un branchement « sauvage ». En effet, la mention relative à la possibilité pour la commune de procéder au contrôle de la conformité des installations de raccordement et d’exiger le cas échéant leur mise en conformité dans les conditions des articles L.1331-1 et suivants du code de la santé publique n’était pas de nature à l’informer de l’illicéité de la situation, mais avait pour seul effet de porter à sa connaissance l’existence d’une législation en matière de contrôle et de mise aux normes des installations de raccordement » (…). « Il résulte de ces éléments que les consorts D.-B. n’ont pas informé leur cocontractant d’une part du caractère sauvage du raccordement de l’immeuble au tout-à-l’égout, d’autre part de ce qu’ils devaient prendre en charge les frais de fonctionnement de la pompe de relevage non seulement pour leur propre consommation, mais aussi pour celle de leurs voisins. Les consorts D.-B. étaient parfaitement informés de cette situation dont ils étaient eux-mêmes à l’origine, afin de se soustraire au paiement de la taxe de raccordement et aux frais engendrés par une installation d’assainissement individuel. En ne portant pas ces éléments à la connaissance de leur acquéreur, ils ont fait preuve d’une réticence dolosive qui a eu pour conséquence de placer ce dernier, à son insu, dans une situation illégale susceptible d’être à tout moment dénoncée par la commune, avec les conséquences financières qui en seraient résultées ». L’enjeu était de taille puisque comme le souligne la Cour d’appel, l’article 1331-1 du Code de santé publique prévoit que «Le raccordement des immeubles aux réseaux publics de collecte disposés pour recevoir les eaux usées domestiques et établis sous la voie publique à laquelle ces immeubles ont accès soit directement, soit par l’intermédiaire de voies privées ou de servitudes de passage, est obligatoire dans le délai de deux ans à compter de la mise en service du réseau public de collecte ». Au visa de cette disposition, la commune peut procéder au contrôle de non-conformité des installations de raccordement privées au réseau de public d’assainissement et si nécessaire, ordonner leur mise en conformité voire même procéder d’office et aux frais du propriétaire les travaux indispensables. L’arrêt de la Cour d’appel est intéressant puisqu’il se fonde sur la notion de dol visée par l’article 1116 du code civil pour accueillir la demande de réparation des acquéreurs. La difficulté tenait à ce que l’acte de vente précisait que l’immeuble n’était relié qu’indirectement au réseau public d’assainissement. La cour considère ainsi que les mentions figurant dans l’acte tenant au réseau d’assainissement n’étaient pas suffisamment complètes, précises et avaient pour but de tromper les futurs acquéreurs. Notons que la jurisprudence a déjà eu l’occasion de rappeler que…

Mise à distance de l’épandage des phytosanitaires : un nouveau projet d’arrêté

Par Fanny ANGEVIN – GREEN LAW AVOCATS   L’arrêté du 12 septembre 2006 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits visés à l’article L. 253-1 du code de rural et de la pêche maritime a fait l’objet  d’une décision du Conseil d’Etat en date du 6 juillet 2016 n°391684, qui enjoint à l’Etat d’abroger ce dernier. Cet arrêté prévoit les conditions d’utilisation des produits phytosanitaires. Il comporte notamment des dispositions relatives à la limitation des pollutions ponctuelles (article 5 à 10 de l’arrêté), des dispositions relatives aux zones non traitées au voisinage des points d’eau (article 11 à 14 de l’arrêté) ainsi que des dispositions relatives aux distances minimales devant être respectées afin d’utiliser les produits phytosanitaires (annexes 1, 2 et 3 de l’arrêté). Il est donc une réelle feuille de route pour nombre d’acteurs dans le domaine des produits phytosanitaires. Dans sa décision du 6 juillet 2016, le Conseil d’Etat a considéré que cet arrêté devait être abrogé. En effet, selon ce dernier l’article 8 de la directive 98/34/CE du 22 juin 1998 modifiée prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques, tout Etat membre souhaitant adopter une nouvelle règle technique au sens de la directive doit en informer la Commission européenne. Or, le Conseil d’Etat souligne dans sa décision qu’il n’y a pas eu en l’espèce de notification du projet d’arrêté à la Commission européenne et que partant, ce dernier a été pris à l’issue d’une procédure irrégulière. Par conséquent, le Conseil d’Etat enjoint à l’Etat d’abroger l’arrêté du 12 septembre 2006 dans un délai de six mois à compter de la décision. Afin de mettre en œuvre cette obligation, un projet d’arrêté a été diffusé par le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt (téléchargeable via ce lien). Le ministère précise dans sa note accompagnant le projet d’arrêté que ce dernier vise « à renforcer la protection des personnes, et à encourager le renforcement de la lutte contre la dérive en améliorant le dispositif permettant d’évaluer les moyens efficaces et en élargissant le périmètre des moyens concernés ». Le projet d’arrêté est composé des titres suivants : Dispositions générales relatives à l’utilisation des produits ; Dispositions particulières relatives à la limitation des pollutions ponctuelles ; Dispositions relatives au risque de transfert par dérive de pulvérisation en bordure des points d’eau et des zones non cultivées adjacentes ; Dispositions relatives au risque de transfert par ruissellement en bordure des points d’eau ; Dispositions relatives aux lieux accueillant des groupes de personnes vulnérables, aux lieux fréquentés par le public et à la proximité des lieux d’habitation ; Ainsi que d’autres dispositions diverses. Ce projet d’arrêté comporte tout particulièrement des dispositions plus précises en ce qui concerne la protection des travailleurs et les modalités d’utilisation des produits phytosanitaires en fonction du vent. Il introduit, par ailleurs, la possibilité de réduire les zones non traitées à proximité de certaines zones non cultivées et du principe de zones non traitée à proximité des lieux d’habitation. Enfin, il convient de noter que le calendrier concernant ce projet d’arrêté sera contraignant, l’Etat ayant jusqu’à début 2017 afin d’adopter une nouvelle version de l’arrêté.

L’action de groupe en matière environnementale pourra bientôt être exercée

Par Graziella DODE- GREEN LAW AVOCATS On l’attendait avec impatience, elle devrait bientôt voir le jour. L’Assemblée nationale a adopté en dernière lecture le 12 octobre 2016 le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle dont le titre V est relatif à l’action de groupe.   Le chapitre IV du projet de loi traite de l’action de groupe en matière environnementale et en vertu de son article 60 prévoit d’insérer un article L. 142-3-1 dans le code de l’environnement. Cet article dispose notamment que « lorsque plusieurs personnes placées dans une situation similaire subissent des préjudices résultant d’un dommage dans les domaines mentionnés à l’article L. 142-2 du présent code, causé par une même personne, ayant pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles, une action de groupe peut être exercée devant une juridiction civile ou administrative. » Cette action tendra à la cessation du manquement, à la réparation des préjudices corporels et matériels résultant du dommage causé à l’environnement ou à ces deux fins. Elle ne pourra être exercée que par des associations agréées par décret en Conseil d’Etat dont l’objet statutaire comporte la défense des victimes de dommages corporels ou la défense des intérêts économiques de leurs membres, ou par des associations agréées en application de l’article L. 141-1 du code de l’environnement. Ce filtre tend à canaliser les causes environnementales mais n’en entrave pas moins le droit au recours collectif en imposant un intermédiaire entre la juridiction et les victimes qui n’a aucune raison d’être : si la nature a besoin d’être représentée, les victimes environnementales demeurent juridiquement capables. Dans ce dernier cas, il s’agira d’associations régulièrement déclarées depuis au moins trois ans et exerçant leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature et de la gestion de la faune sauvage, de l’amélioration du cadre de vie, de la protection de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, de l’urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances et, d’une manière générale, œuvrant principalement pour la protection de l’environnement. Ces associations de protection de l’environnement pourront porter leur action aussi bien devant les juridictions civiles qu’administratives. Sauf disposition contraire, l’action de groupe sera introduite et régie selon les règles prévues au code de procédure civile. Il faut encore remarquer qu’à peine d’irrecevabilité, l’action de groupe ne pourra être exercée qu’après l’expiration d’un délai de 4 mois après mise en demeure. Enfin précisons que le Lundi 17 octobre 2016, le Conseil constitutionnel a été saisi de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle par au moins 60 sénateurs et au moins 60 députés  ; affaire à suivre (2016-739 DC).

Création de la filière de responsabilité élargie du producteur (REP) relative aux navires de plaisance et de sport hors d’usage (NPSHU): publication d’une étude de l’ADEME pour un futur cadre de la filière

Par Fanny ANGEVIN – GREEN LAW AVOCATS L’ADEME a publié en septembre 2016 une étude préalable relative à la mise en place de la filière de collecte ainsi que du traitement des navires de plaisance ou de sport hors d’usage sous la responsabilité des producteurs REP.[1] L’étude est disponible sur le site de l’ADEME. Pour rappel la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, en son article 89, prévoit qu’à compter du 1er janvier 2017, toutes les personnes physiques ou morales qui mettent sur le marché national à titre professionnel des navires de plaisance ou de sport sont tenues de contribuer ou de pourvoir au recyclage et au traitement des déchets issues de ces produits. Cet article a ensuite été codifié à l’article L. 541-10-10 du code de l’environnement. Or, il convient de noter que cet article a par la suite été modifié par la loi n°2016-816 du 20 juin 2016 pour l’économie bleue qui a remplacé l’année 2017 par l’année 2018, retardant ainsi la mise en œuvre de cette filière REP. De manière à mettre en place cette obligation, un projet de décret a aussi été mis en consultation jusqu’au 26 août 2016. Afin d’accompagner dans la rédaction de ce décret et d’être en possession d’informations récentes sur les NPSHU, l’étude de l’ADEME vise à renseigner les parties prenantes sur l’état actuel de la collecte et du traitement de ces déchets ainsi que sur la future organisation de la filière. L’étude de l’ADEME comporte notamment une première partie relative à l’état des lieux de la filière de collecte et de traitement des NPSHU. Cette partie effectue tout d’abord un état des lieux européen de la collecte ainsi que du traitement des NPSHU, puis une description de la filière existante de collecte ainsi que du traitement en France, une estimation du gisement de NPSHU et comporte des informations sur l’économie de la filière de collecte ainsi que du traitement de ces déchets. L’étude présente, dans une seconde partie, le champ d’application de la REP, les rôles ainsi que responsabilités des différents acteurs concernés, les besoins de financement de la collecte et du traitement des NPSHU et l’articulation avec les autres filières sous la responsabilité des producteurs. Enfin, cette seconde partie présente l’environnement juridique de la filière des NPSHU. A ce titre, il sera intéressant de noter que le rapport envisage les risques de contournement des obligations relatives à la REP ainsi que les solutions afin d’y remédier. [1] Deloitte Développement Durable (Véronique MONIER, Mathieu HESTIN, Manuel TRARIEUX, Alexis LEMEILLET, Marie LAROCHE), Nautique Conseil (Vianney DUPONT) et Horizons Experts (Gérard MAUMENEE) – 2016 – Etude préalable à la mise en place de la filière de collecte et de traitement des navires de plaisance ou de sport hors d’usage sous la responsabilité des producteurs (REP) – Rapport – 187 pages.