La cohabitation des éoliennes et des radars : plus que jamais une question d’expert! (CE, 30 déc. 2013, “Sté E.”)

Le Conseil d’Etat a rendu un arrêt ce 30 décembre 2013 qui constitue une nouvelle étape sur le long chemin des opérateurs éoliens cherchant à cohabiter avec un radar météo (CE, 30 décembre 2013, “Ste E.”, n°352693). Cet arrêt fait suite à celui de la Cour administrative d’appel de Douai du 30 juin 2011 qui avait confirmé la légalité d’arrêtés préfectoraux de refus de permis de construire fondés sur la localisation d’un parc éolien dans la zone dite “de coordination” autour d’un radar météo (soit entre 5 et 20km autour du radar). Il n’est pas inutile de rappeler que l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai intervenait lui même à la suite d’une expertise ordonnée par ladite Cour, et réalisée par un expert dont il sera établi par la suite qu’il ne présentait pas les garanties d’impartialité requises. En effet, un autre opérateur dont une expertise avait été diligentée devant le TA d’Amiens à l’égard d’un autre radar météo (celui d’Avesnes s/ Helpe, alors que le dossier devant la CAA de Douai et maintenant jugé par le Conseil d’Etat concernait le radar d’Abbeville), avait sollicité la récusation de cet expert, avec succès (voir notre analyse de l’ordonnance de récusation du 10 avril 2012). Un pourvoi en cassation est enregistré en décembre 2011 contre l’arrêt de la CAA de Douai fondé sur l’expertise réalisée par cet expert. Cependant, le Conseil d’Etat par une décision du 30 décembre 2013 rejette ce pourvoi en considérant notamment: “8. Considérant qu’aux termes de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors applicable : ” Le permis de construire peut être refusé ou n’être accordé que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions projetées, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d’autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ” ; 9. Considérant que la cour a relevé que le projet de champ éolien serait de nature à provoquer ” un affaiblissement de la précision et de la fiabilité des estimations des précipitations à partir des mesures en réflectivité, d’une part, et, surtout, une dégradation de l’évaluation de la vitesse du vent par mode Doppler, d’autre part ” ; qu’elle a également estimé que la société requérante ne pouvait utilement soutenir que les radars utilisés pourraient être adaptés afin de permettre la réalisation de son projet ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait insuffisamment motivé son arrêt en jugeant que les perturbations engendrées par le parc éolien seraient de nature à altérer le fonctionnement du radar météorologique ne peut qu’être écarté ; 10. Considérant que la cour a porté sur les faits qui lui étaient soumis et qu’elle n’a pas dénaturés une appréciation souveraine en jugeant, par une décision suffisamment motivée et exempte d’erreur de droit, qu’il ressortait des pièces du dossier que les dysfonctionnements induits par les éoliennes sont de nature à porter atteinte à la sécurité publique au sens de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme en raison de la perturbation importante de la détection des phénomènes météorologiques dangereux qu’elles entraînent, sans réelle possibilité de neutralisation de leurs effetset, par suite, que le préfet de la Somme n’avait pas commis d’erreur d’appréciation en refusant de délivrer le permis de construire les installations litigieuses ;’ Contrairement à ce qu’un survol de la décision pourrait laisser penser, il nous semble que la Haute juridiction ne pouvait malheureusement pas juger dans un sens différend. D’une part, s’agissant du défaut d’impartialité de l’expert que l’opérateur avait soulevé postérieurement à l’arrêt de la Cour et pour la première fois en cassation, il s’agit là d’un “moyen nouveau”. Juridiquement, il est constant qu’un tel moyen est inopérant (et même sans qu’il soit besoin d’en informer préalablement les parties en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative : CE, 24 novembre 2010, Commune de Lyon, n° 325195, T. p. 932). C’est profondément regrettable, surtout qu’en l’espèce, le défaut d’impartialité de cet expert avait été reconnu par une décision définitive du Tribunal administratif d’Amiens au sujet d’une expertise sur certains points comparables. C’est dire que le Conseil d’Etat, pour un pur motif de procédure, est contraint de ne pas censurer un rapport d’expertise dont il est de notoriété publique qu’il est profondément biaisé. D’autre part, le juge de cassation n’a pu ici que contrôler, s’agissant des faits qui ont été soumis à l’appréciation des juges d’appel, que leur “dénaturation” . Rappelons que le juge de cassation suit le principe selon lequel il ne contrôle pas les faits en cassation. Notamment, il s’interdit de contrôler les éléments de preuve car ils relèvent de la souveraineté des juges du fond (CE, 7 mars 1962, Jaffré : Rec. CE, tables, p. 1086. – 19 janv. 1966, Lion Mayer : Rec. CE, p. 43. – 13 nov. 1991, Brami, req. n° 98515. – sect., 10 juill. 1992, Normand : Rec. CE, tables, p. 889-905. – 22 mars 1993, CHR de Brest : Rec. CE, p. 79). Néanmoins, certains contrôles peuvent encore être opérés en cassation, comme celui de la “dénaturation des faits”. La dénaturation des faits peut permettre au juge de cassation de sanctionner les appréciations opérées par le juge du fond à partir du moment où elles ont donné des faits une interprétation fausse ou tendancieuse (CE, 4 janv. 1952, Simon : Rec. CE, p. 13, concl. M. Letourneur. – 9 févr. 1966, com. Gouv. près la commission régionale des dommages de guerre de Colmar c/ Dame Debré-Feldbau : Rec. CE, p. 101. – 16 mars 1975, Bischoff : RD publ. 1975, p. 1453. – 3 déc. 1975, Bové : RD publ. 1976, p. 618. – 25 nov. 1985, Dame Frapier de Montbenoît-Gervais : Rec. CE, p. 911. – 23 juin 1993, Cne de Lespinasse, req. n° 129363. – 13 déc. 1993, Albert Beaume, req. n° 117130 : Dr. fisc. 1994, n° 13, comm. 644, concl. Loloum. – 26 janv. 1994, Knafo : Dr. fisc. 1994, n° 15, comm. 751. – 26 janv. 1994, Panas : Dr. fisc. 1994, n° 18, comm. 831. –…

Démontage des éoliennes industrielles : pourquoi cela restera exceptionnel (TGI Montpellier, 17 septembre 2013)

Faut il pour les opérateurs désespérer d’avoir tenté d’implanter des éoliennes en milieu rural? Nous ne le pensons pas, même à la lecture du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Montpellier le 17 septembre 2013, qui a fait grand bruit au-delà même de la seule filière éolienne, qui se devait d’être scrupuleusement analysé avant d’en tirer d’hâtives conclusions. Parce qu’il ne s’agit pas seulement d’une décision de justice isolée et rarissime. Il s’agit, à l’analyse du jugement motivé qui a été rendu, d’une appréciation conservatrice et finalement peu cohérente avec la réglementation de l’éolien en France. Rappelons tout d’abord les faits : les requérants sont une société et un couple d’habitants d’un Château, classé au titre de la législation sur les monuments historiques et situé sur une commune voisine d’un parc de 10 éoliennes. La construction, autorisée par arrêté de permis de construire, a eu lieu entre 2005 et 2006. Les requérants n’ont semble t-il pas jugé opportun de contester les autorisations d’urbanisme. Ils ont assigné la société exploitante du parc éolien, ainsi que les propriétaires fonciers ayant donné leurs parcelles à bail. Précisons d’emblée que les propriétaires ont été condamnés solidairement au paiement des diverses sommes d’argent par le Tribunal, mais que dans ces rapports solidaires, les sommes resteraient à l’entière charge de l’exploitant éolien. Les requérants ont assigné l’exploitant et les propriétaires devant le TGI de Montpellier, selon la règle classique de la compétence territoriale dépendant du siège du défendeur. Leurs demandes étaient fondées sur l’article 544 relatif au droit de propriété et sur l’article 1382 du code civil (fondement légal de la responsabilité pour faute), double fondement qui rejoint la théorie des troubles anormaux de voisinage. Rappelons le principe dégagé par la Cour de cassation selon lequel « nul ne doit causer à autrui aucun trouble anormal de voisinage » (Cass, 2ème civ., 19 décembre 1986 ; Civ. 2e, 23 oct. 2003, Elissondo et autres c/ SA Intercoop, no 02-16.303, RDI 2004. 276, obs. Bergel). Sur ce fondement, ils demandaient : le démontage des 10 éoliennes sous astreinte de 1500€ par jour de retard et par éoliennes ; le versement à chacun d’entre eux d’une somme de 30 000€ pour le « préjudice de jouissance déjà subi » ; le versement à chacun d’entre eux d’une somme de 20 000€ pour le « préjudice moral déjà subi » ; le versement à chacun d’entre eux d’une somme de 15000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile (c’est-à-dire les frais de procédure et d’avocat). Par jugement du 17 septembre 2013, le TGI de Montpellier a fait partiellement droit à leurs demandes : en condamnant l’exploitant éolien à démonter les 10 éoliennes dans un délai de 4 mois à compter de la signification du jugement et en prévoyant une astreinte de 500€ par jour de retard et par éolienne non démontée ; en condamnant l’exploitant éolien et les propriétaires à payer solidairement aux trois demandeurs une somme totale de 37 500€ à titre de dommages et intérêts, une somme de 5000€ au titre des frais de procédure, ainsi qu’aux dépens. Ce faisant, le Tribunal s’est fondé en réalité sur des éléments factuels apparaissant pour le moins ténus (tels que ressortant du jugement du moins) et en tout état de cause partiels pour qui a déjà ouvert des études d’impact éoliennes : –        deux constats d’huissier de 2009 et de 2012 constatant que les éoliennes étaient visibles depuis la propriété des requérants ; –        un constat d’huissier désigné par requête (de façon non contradictoire donc) ayant interrogé pendant 8 semaines « divers habitants du village » où est situé le château, et « plus éloigné des éoliennes », ce qui fait dire au Tribunal que « les habitants subissent donc un préjudice moindre que les occupants du château » ; On apprend ainsi que 26 personnes ont été interrogées et que 18 d’entre elles ont fait état de nuisances. Il ressort de ces seuls éléments qu’un préjudice de divers ordre est constitué : « En premier lieu un préjudice esthétique de dégradation de l’environnement résultant d’une dénaturation totale d’un paysage bucolique et champêtre, ce qui est d’une gravité bien plus importante et non comparable avec la modification d’un paysage urbain  environnant par la construction d’un immeuble ou d’un mur dans un espace encore non construit ; En deuxième lieu un préjudice auditif dû au ronronnement et sifflement des éoliennes et existant en raison de son caractère permanent même en dessous des limites réglementaires d’intensité du bruit, obligeant à des mesures de protection élémentaires contre le bruit et créant un trouble sanitaire reconnu par l’académie nationale de médecine dans un rapport du 14 mars 2004, visé dans le jugement rendu le 4 février 2010 entre les consorts A. et la Sté Y. et versé aux débats (page 10); » En troisième lieu et surtout un préjudice d’atteinte à la vue dû au clignotement de flashs blancs ou rouges toutes les deux secondes de jour et de nuit, fatiguant les yeux et créant une tension nerveuse auquel s’ajoutent en cas de soleil rasant des phénomènes stroboscopiques et de variation d’ombre, étant précisé que le parc éolien Z., même en admettant comme soutenu en défense qu’il soit situé à 3,3 km du château, cause à ce titre un préjudice supérieur à celui de X. du fait de sa localisation en face du château et non sur son aile ; » Une fois les préjudices constitués selon le Tribunal, il procède à une appréciation, par nature souveraine, de l’ « anormalité » des troubles : « Attendu que cet ensemble de nuisances, de caractère tout à fait inhabituel, permanent et rapidement insupportable crée un préjudice dépassant les inconvénients normaux de voisinage, constituant une violation du droit de propriété des époux W. contraire à l’article 544 du code civil auquel il convient de mettre fin pour l’avenir par démontage des éoliennes, et qui justifie une indemnisation en dommages-intérêts pour ce qui est du préjudice déjà réalisé ; » En l’espèce, on pourra s’étonner à plusieurs égards : 1)      il ne ressort pas qu’une étude acoustique ait été diligentée par les requérants, de sorte qu’à la seule lecture du jugement, il n’est pas établi précisément le niveau sonore des éoliennes, et…

ARRETE TARIFAIRE EOLIEN EN QUETE DE CALENDRIER

Les conclusions de l’Avocat général M. NIILO JÄÄSKINEN, présentées devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) et rendues publiques le 11 juillet 2013 par un communiqué de presse de la Cour, proposent à la haute juridiction de qualifier le mécanisme français de financement de l’obligation d’achat de l’électricité produite par éoliennes « d’aide d’État ».   Pour rappel, l’association Vent de colère avait engagé un recours devant le Conseil d’Etat à l’encontre de l’arrêté tarifaire éolien du 17 novembre 2008 en arguant notamment du fait que cet arrêté instituait une aide d’Etat au regard du droit européen car il instaurait un tarif de rachat de l’électricité supérieur au prix du marché, et aurait du donc faire l’objet d’une notification à la Commission Européenne au sens de l’article 88 du Traité instituant la Communauté Européenne (disposition reprise aujourd’hui à l’article 108 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne).   Cependant, dans une décision du 15 mai 2012 dont nous nous étions fait l’écho ici, le Conseil d’Etat avait décidé de s’en remettre à la Cour de Justice de l’Union Européenne pour trancher la question de l’existence d’une aide d’état en posant la question préjudicielle suivante : « compte tenu du changement de mode de financement de la compensation des surcoûts imposés à Electricité de France et aux distributeurs non nationalisés à raison de l’obligation d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent à un prix supérieur au prix de marché de cette électricité, résultant de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, ce mécanisme [doit-il] désormais être regardé comme une intervention de l’Etat ou au moyen de ressources d’Etat au sens et pour l’application des stipulations de l’article 87 du traité instituant la Communauté européenne [?] ».   C’est dans ce contexte que l’Avocat général de la CJUE a rendu ses conclusions, lesquelles seront très probablement suivies par la Cour.   Si la CJUE rend une décision reconnaissant le mécanisme français de financement de l’obligation d’achat de l’électricité produite par les éoliennes comme constituant une aide d’État, le Conseil d’Etat n’aura guère d’autre choix que d’annuler l’arrêté tarifaire éolien du 17 novembre 2008.   Pour autant dans le cadre de la question préjudicielle posée par le Conseil d’Etat, la CJUE n’a pas à se prononcer sur la compatibilité de l’aide d’Etat avec le marché intérieur de l’union, ce qui signifie que le mécanisme français de financement de l’obligation d’achat éolienne ne sera pas remis en cause à l’issue de cette procédure.   Et on peut s’en féliciter quand l’on sait que le mécanisme de financement de l’obligation d’achat est le même pour la majorité des énergies renouvelables en France…   In fine pour assurer une continuité du tarif d’achat éolien malgré l’annulation annoncée de l’arrêté l’instituant, il faudrait que le Gouvernement s’attache dès à présent à l’élaboration d’un nouvel arrêté tarifaire éolien, en notifiant sans délai à la Commission européenne cette aide d’Etat afin que celle-ci l’approuve au plus vite. D’ailleurs, une demande en ce sens a été formulée par le Syndicat des Energies Renouvelables (SER). Et il semble que le Ministère ait lui aussi décidé d’anticiper la qualification d’aide d’Etat en optant dès le 22 avril dernier pour une pré-notification à la Commission européenne du dispositif national …   D’ailleurs comment les fonctionnaires de la direction de l’énergie et du climat au Ministère de l’Ecologie ont-ils pu rater l’exigence formelle de la soumission préalable à la commission d’une aide d’Etat de l’actuel arrêté ? Car l’ancien système de financement avait échappé de peu à l’annulation (à l’époque le Conseil d’Etat refusait alors de qualifier la contribution au FSPPE d’aide d’Etat : Conseil d’Etat, 9ème et 10ème sous-sections réunies, n° 21 mai 2003, 237466, Rec. Lebon).   C’est dire que le risque de l’annulation a délibérément été pris. Par qui et pourquoi, comment a-t-il été évalué ? Dans l’immédiat le Ministère de l’Ecologie issue de la nouvelle majorité ne manque pas de rappeler que « cette aide d’État n’a pas été préalablement notifiée à la Commission européenne par le précédent Gouvernement » (communiqué de presse du 13.07.13 du ministre)   Et Philippe Martin précise que l’arrêté tarifaire de 2008 continue de s’appliquer, “les procédures en cours n’ayant pas de caractère suspensif ».   De surcroît, gageons que dans l’absolu, la CJUE en suivant son avocat général ne condamnerait pas la CSPE, ce d’autant que, comme le remarque Arnaud Gossement (http://www.greenunivers.com/2013/07/tarif-dachat-deolien-le-dossier-nest-pas-clot-101615/), la question qui lui est posée demeure cantonnée à l’examen d’une des conditions de la qualification d’aide d’Etat.   Mais on relève tout de même que s’interrogeant sur la limitation dans le temps des effets de l’arrêt à venir, l’avocat fait ce grief de fond au mécanisme :   « 51. Tout en admettant que, physiquement, l’énergie provenant de sources différentes se fond dans le réseau de distribution, je relève que, dans le cadre du mécanisme en cause au principal, les fournisseurs n’ont pas la possibilité de différencier les tarifs entre les différentes catégories de consommateurs et que les consommateurs sont privés de la possibilité d’opter pour ou contre l’achat d’énergie renouvelable. Or, les règles applicables dans le marché intérieur libéralisé de l’électricité visent à offrir aux consommateurs un choix réel à des prix équitables et concurrentiels, à stimuler la production d’énergie propre et à renforcer la sécurité de l’approvisionnement. En effet, l’objectif de la divulgation des informations sur les sources d’énergie pour la production d’électricité était déjà souligné dans la directive 2003/54  ».   Et il n’en faut pas plus, pour que certains en appellent déjà à la suppression pure et simple du tarif.   On leur rappellera qu’en tout état de cause, même qualifiée d’aide d’Etat la CSPE « participe du développement durable préconisée par l’Union européenne et entre en revanche sans difficulté dans les prévisions de l’encadrement des aides d’Etat en faveur de l’environnement [et] peut sans doute  se prévaloir aussi des dispositions des directives électricité et gaz »  (p. 593-594). Bref, la question au fond de la compatibilité de l’aide d’Etat ne fait guère de doute pour la doctrine la plus autorisée (Bernadette LE BAUT-FERRARESE et Isabelle MICHALLET,…

Le Rapporteur public, une institution du procès administratif consolidée

Par un arrêt en date du 21 juin 2013 (CE, 21 juin 2013, n°354227), le Conseil d’Etat vient de longuement justifier le rôle du rapporteur public.   Cet arrêt n’est pas anodin puisqu’il fait suite à la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH, 4 juin 2013, Marc Antoine c. France, n°54984/09)  dans laquelle cette dernière a décidé que le fait que seul le rapporteur public, et non les parties à l’instance, obtienne communication du projet de décision du conseiller rapporteur, ne viole pas le droit à un procès équitable tel que prévu à l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.   Cette décision de la CEDH était loin d’être évidente, tant le rapporteur public, lorsqu’il était encore désigné sous le vocable de commissaire du gouvernement, avait pu être remis en cause par la CEDH à l’occasion de plusieurs arrêts (CEDH, Kress c. France, 7 juin 2001, n°39594/98 ; CEDH, Martinie c. France, 12 avril 2006, 58675/00).   C’est sans doute pourquoi, fort de la dernière position de la CEDH,  le Conseil d’Etat vient consacrer dans les considérants ci-après reproduits de longs développements sur le rôle du rapporteur public, ce qui lui assure sans doute un avenir certain dans le procès administratif :   « 2. Considérant que l’article L. 5 du code de justice administrative prévoit que ” l’instruction des affaires est contradictoire ” ; qu’aux termes de l’article L. 7 de ce code : ” Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu’elles appellent ” ; 3. Considérant que les règles applicables à l’établissement du rôle, aux avis d’audience et à la communication du sens des conclusions du rapporteur public sont fixées, pour ce qui concerne les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, par les articles R. 711-1 à R. 711-3 du code de justice administrative ; que l’article R. 711-2 indique que l’avis d’audience mentionne les modalités selon lesquelles les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public ; que le premier alinéa de l’article R. 711-3 du même code dispose que ” si le jugement de l’affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l’audience, le sens de ces conclusions sur l’affaire qui les concerne ” ; 4. Considérant que le principe du caractère contradictoire de l’instruction, rappelé à l’article L. 5 du code de justice administrative, qui tend à assurer l’égalité des parties devant le juge, implique la communication à chacune des parties de l’ensemble des pièces du dossier, ainsi que, le cas échéant, des moyens relevés d’office ; que ces règles sont applicables à l’ensemble de la procédure d’instruction à laquelle il est procédé sous la direction de la juridiction ; 5. Considérant que le rapporteur public, qui a pour mission d’exposer les questions que présente à juger le recours sur lequel il conclut et de faire connaître, en toute indépendance, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l’espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu’appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient, prononce ses conclusions après la clôture de l’instruction à laquelle il a été procédé contradictoirement ; que l’exercice de cette fonction n’est pas soumis au principe du caractère contradictoire de la procédure applicable à l’instruction ; qu’il suit de là que, pas plus que la note du rapporteur ou le projet de décision, les conclusions du rapporteur public -qui peuvent d’ailleurs ne pas être écrites- n’ont à faire l’objet d’une communication préalable aux parties ; que celles-ci ont en revanche la possibilité, après leur prononcé lors de la séance publique, de présenter des observations, soit oralement à l’audience, soit au travers d’une note en délibéré ; qu’ainsi, les conclusions du rapporteur public permettent aux parties de percevoir les éléments décisifs du dossier, de connaître la lecture qu’en fait la juridiction et de saisir la réflexion de celle-ci durant son élaboration tout en disposant de l’opportunité d’y réagir avant que la juridiction ait statué ; que s’étant publiquement prononcé sur l’affaire, le rapporteur public ne peut prendre part au délibéré ; qu’ainsi, en vertu de l’article R. 732-2 du code de justice administrative, il n’assiste pas au délibéré devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel et, selon l’article R. 733-3 de ce code, il y assiste, sauf demande contraire d’une partie, sans y prendre part au Conseil d’Etat ; 6. Considérant que la communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions citées au point 3 de l’article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d’apprécier l’opportunité d’assister à l’audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu’elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l’appui de leur argumentation écrite et d’envisager, si elles l’estiment utile, la production, après la séance publique, d’une note en délibéré ; qu’en conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l’audience, l’ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d’adopter, à l’exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que cette exigence s’impose à peine d’irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public ; 7. Considérant, par ailleurs, que, pour l’application de l’article R. 711-3 du code de justice administrative et eu égard aux objectifs, mentionnés au point 6, de cet article, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l’appréciation qu’il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les…

Principe de participation et ZDE … pour l’histoire du droit

Par trois arrêts en date du 26 juin 2013 (CE, 26 juin 2013, n°364575 ; n°362313 ; n°360466) le Conseil d’Etat est venu préciser qu’il n’existait pas d’obligation de consultation du public pour l’élaboration des zones de développement de l’éolien (ZDE).   Pour ce faire, le Conseil d’Etat a dans un premier temps indiqué que les dispositions de l’article L. 110-1, II, 4° du code de l’environnement énonçant le principe de participation (aujourd’hui l’article L. 110-1, II, 5°) « se bornent à énoncer des principes dont la portée a vocation à être définie dans le cadre d’autres lois » et que par conséquent « elles n’impliquent, par elles-mêmes, aucune obligation de procéder à l’association du public au processus d’élaboration des projets ayant une incidence importante sur l’environnement ».   Dès lors, relevant qu’aucune disposition législative n’a organisé les modalités d’une telle participation, le Conseil d’Etat conclut en ce que « la méconnaissance du principe de participation du public énoncé au 4° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement ne [pouvait] être utilement invoquée au soutien d’une demande tendant à l’annulation d’un arrêté définissant une zone de développement de l’éolien ».   De plus, bien que l’argumentation précédemment évoquée justifiait à elle seule l’absence d’obligation de consultation du public pour les ZDE, les  juges du palais royal ont quand même pris le soin de préciser dans un second temps qu’une ZDE ne constituait pas un projet ayant une incidence importante sur l’environnement.   En effet, ceux-ci ont considéré – à juste titre –  que la décision préfectorale définissant une ZDE « se borne à délimiter un périmètre privilégié par les autorités publiques pour l’implantation des éoliennes sans autoriser la réalisation de travaux relatifs à une telle implantation ; qu’une telle décision préfectorale ne constitue pas, par suite, et en tout état de cause, un ” projet ” ayant une incidence importante sur l’environnement au sens des dispositions du 4° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement ».   Par conséquent, la procédure d’élaboration des ZDE ne pouvait en aucun cas être considérée comme entrant dans le champ d’application du principe de participation tel que prévu par les dispositions de l’article L. 110-1, II, 4° du code de l’environnement.   On sait d’ailleurs que la définition constitutionnelle du principe de participation connaît le même type de limite (l’article 7 de la Charte visant la « décision publique ayant une incidence sur l’environnement ») que sanctionne également le juge constitutionnel (Cons. const., déc., n° 2012-282 23 nov. 2012 QPC, Assoc. FNE et a., préc., consid. n° 22).   S’il est vrai que les ZDE ont disparu depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2013-312 du 15 avril 2013, cette précision n’en demeure pas moins d’importance concernant l’application du principe de participation. Au final la ZDE survivra à sa disparition du droit positif en éclairant la portée du principe de participation … Décidément l’éolien aura contribué à l’écriture du droit de l’environnement même si le juge ne lui rend pas toujours.   D’ailleurs, il convient de noter que la mise en œuvre du principe de participation va prochainement faire l’objet d’une ordonnance, dont le projet actuellement en consultation est disponible ici. Pour plus de compréhension, une note de présentation du projet est également disponible ici. Etienne POULIGUEN – Juriste (Green Law Avocat)