Nous l’avions annoncé sur ce blog, des ordonnances importantes pour le droit de l’environnement sont parues en ce début d’année. Madame Patricia Demaye-Simoni, Maître de conférences des Université, revient sur deux d’entre elles.
L’on doit convenir que la lecture JORF du 6 janvier 2012 ne peut laisser indifférents les spécialistes de ce domaine juridique : en dehors des arrêtés de la ministre de l’Ecologie, le JORF du 6 janvier 2012 ne publie pas moins de 6 ordonnances importantes et 3 décrets intéressant le droit de l’environnement, à savoir :
- L’ordonnance n° 2012-6 du 5 janvier 2012 modifiant les livres Ier et V du code de l’environnement ;
- L’ordonnance n° 2012-7 du 5 janvier 2012 portant transposition du chapitre II de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) ;
- L’ordonnance n° 2012-8 du 5 janvier 2012 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la prévention des pollutions et des risques ;
- L’ordonnance n° 2012-9 du 5 janvier 2012 relative aux réserves naturelles ;
- L’ordonnance n° 2012-10 du 5 janvier 2012 relative à la protection des animaux d’espèces non domestiques non tenus en captivité utilisés à des fins scientifiques ;
- L’ordonnance n° 2012-11 du 5 janvier 2012 portant clarification et simplification des procédures d’élaboration, de modification et de révision des documents d’urbanisme ;
- Le décret n° 2012-12 du 4 janvier 2012 relatif aux conventions d’utilité sociale des organismes d’habitations à loyer modéré pour les logements-foyers ;
- Le décret n° 2012-13 du 4 janvier 2012 relatif à la prévention et à la gestion des déchets ménagers issus de produits chimiques pouvant présenter un risque significatif pour la santé et l’environnement ;
- Le décret n° 2012-14 du 5 janvier 2012 relatif à l’évaluation des moyens d’aération et à la mesure des polluants effectuées au titre de la surveillance de la qualité de l’air intérieur de certains établissements recevant du public.
Parmi ces textes, figurent l’ordonnance portant clarification et simplification des procédures d’élaboration, de modification et de révision des documents d’urbanisme (cf. sur ce blog, « Projet d’ordonnance sur les documents d’urbanisme : la clarification des règles applicables aux documents d’urbanisme », 18/10/2011) ou encore l’ordonnance relative aux réserves naturelles (cf. sur ce blog, « Réserves naturelles régionales : un projet d’ordonnance », 15/11/2011), ces deux textes ayant été présentés en Conseil des Ministres le 4 janvier 2012.
Ainsi que le projet mis à disposition du public l’avait annoncé même si la mouture définitive du texte varie nécessairement de ce projet (cf. notre brève su 15/11/2011 sur ce blog), la seconde ordonnance n° 2012-9 relative aux réserves naturelles en date du 5 janvier 2012 entend clarifier les dispositions applicables au classement des réserves naturelles régionales, créées par la loi n°2002-276 dite Démocratie de proximité du 27 février 2002, et des réserves naturelles corses, régies par la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002.
Dans l’attente d’un décret d’application de la loi, l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions applicables au classement et à la création des réserves naturelles est reportée au plus tard au 31 décembre 2012 (art.11). Pour faciliter la lisibilité des dispositifs, un nouveau régime juridique permet d’harmoniser les procédures de consultations dans les RNR et les RNC (art. L. 332-2 du code de l’environnement). La situation de désaccord du propriétaire est révisée : après enquête publique et délibération de la collectivité fixant le périmètre et la réglementation applicable, « le classement en réserve naturelle régionale est approuvé par décret en Conseil d’Etat, après que l’assemblée régionale a délibéré à nouveau lorsque des motifs de légalité font obstacle à cette approbation » (art. L. 322-2- du code de l’environnement). Les collectivités régionales et la collectivité corse pourront soumettre à un régime particulier les actions susceptibles de nuire au développement naturel de la faune et de la flore (voire même les interdire), à l’exception des activités minières, de l’extraction de matériaux concessibles ou non ainsi que du survol de la réserve. Certaines évolutions ont cependant été gommées du texte définitif, ce qui est le cas de la modification de la durée de l’instance ou encore de la création d’un régime d’autorisation publicitaire (cf. notre brève précédemment citée du 15/11/2011).
La première ordonnance – dont le projet soumis à consultation du public a déjà été également commenté dans une brève en date du 18 octobre 2011 – entend simplifier et clarifier le régime des SCOT, des PLU et des cartes communales. Les dispositions liminaires présentes dans le projet ont disparu mais la philosophie du texte reste la même. L’entrée en vigueur de la réforme est repoussée au plus tard le 1er janvier 2013 à une date déterminée par décret en Conseil d’Etat (sous réserve des procédures d’élaboration et de révisions des SCOT et des PLU prescrites à cette date ou encore, par exemple, des procédures de modification des SCOT et des PLU lorsque le projet de modification a été notifié aux personnes publiques associées à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance) (art. 19 de l’ordonnance).
Concrètement, cette ordonnance n° 2012-11 du 5 janvier 2012 présente les dispositions communes aux SCOT et aux PLU (article 1er) pour préciser les personnes associées à l’élaboration de ces documents (art. L. 121-4 du code de l’urbanisme) ainsi que le contenu du « porté à la connaissance » par l’autorité préfectorale aux communes et intercommunalités : ce « porté à la connaissance » ne concerne plus seulement les informations nécessaires à l’exercice de leurs compétences en matière d’urbanisme, il est étendu au « cadre législatif et réglementaire à respecter ainsi qu’aux projets des collectivités territoriales et de l’Etat en cours d’élaboration ou existants » (art. L. 121-2 du code de l’urbanisme).
Suivent respectivement les dispositions modifiées relatives aux SCOT, aux PLU et aux cartes communales.
Les nouvelles dispositions relatives aux SCOT modifient sensiblement le droit actuel. L’on soulignera rapidement que l’article 2 de l’ordonnance réécrit les procédures d’élaboration et de révision des SCOT (art. L. 122-6 et s. du code de l’urbanisme), que la nouvelle rédaction des dispositions relatives aux SCOT insiste sur le rôle joué par le préfet dans le contrôle dans l’élaboration et la modification de ce document d’urbanisme (art. L. 122-1-1 ou L.122-16 du code de l’urbanisme), sachant que le SCOT doit faire l’objet d’une évaluation dans les 6 années suivant son approbation (art. L. 122-13 du code de l’urbanisme) ! Le champ d’application de la révision du SCOT est étendu à deux hypothèses (lorsque l’établissement public décide de modifier les règles relatives à la protection des espaces fragiles ou encore ambitionne de diminuer l’objectif global concernant l’offre de nouveaux logements – cf. art. L. 122-14-I). Quant à la procédure de modification simplifiée (impliquant une mise à disposition du public pour une durée d’un mois et non pas une enquête publique), elle est inscrite à l’article L. 122-14-3 du même code.
Pour les PLU, l’article 3 de l’ordonnance confirme l’intime liaison entre le droit de l’intercommunalité et les PLU dès lors que les PLU devront couvrir l’intégralité du territoire d’un EPCI compétent au périmètre modifié lors de sa prochaine liaison (art. L. 123-1 du code de l’urbanisme) ou la prise en compte des PLUI (intercommunaux) pour lesquels le préfet disposera d’un droit de veto compte-tenu des objectifs particuliers qui leur sont assignés (art. L. 123-12). De plus, on assiste à la codification de la jurisprudence « Lille Métropole » du 18 février 2010 (aff. 318 234) avec la possibilité de modifier le PLU pour tenir compte des avis joints au dossier d’enquête publique (art. L . 123-10). Enfin, au delà de l’évaluation environnementale (art. L. 123-12-2), le nouvel édifice juridique distingue ici aussi entre une procédure de modification de droit commun soumise à enquête publique et une procédure simplifiée (art. L. 123-13-2 du code de l’urbanisme).
Patricia Demaye-Simoni
Maître de conférences en droit public