Eau: les installations bénéficiant d’un droit fondé en titre sont soumis au régime des IOTA (CE, 2 décembre 2015, n°384204

Par Me Marie-Coline Giorno Green Law Avocat   Saisi d’un recours en excès de pouvoir tendant à obtenir l’annulation des articles 7 et 17 du décret n°2014-750 du 1er juillet 2014 harmonisant la procédure d’autorisation des installations hydroélectriques avec celle des installations, ouvrages, travaux et activités prévue à l’article L. 214-3 du code de l’environnement, le Conseil d’Etat vient de rendre sa décision. Il s’agit de la décision présentement commentée (Conseil d’État, 6ème / 1ère SSR, 2 décembre 2015, n°384204, mentionné dans les tables du recueil Lebon) Dans cette même affaire, il convient de rappeler que les requérants avaient, déposé, par un mémoire distinct, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur les dispositions du II de l’article L. 214-6 du code de l’environnement (dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2005-805 du 18 juillet 2005 portant simplification, harmonisation et adaptation des polices de l’eau et des milieux aquatiques, de la pêche et de l’immersion des déchets) mais que celle-ci n’avait pas été transmise au Conseil constitutionnel (cf. notre analyse sur cette décision ici). Aux termes de la décision du 2 décembre 2015, le Conseil d’Etat a rejeté la requête des requérants en estimant qu’ils n’étaient pas fondés à demander l’annulation des dispositions réglementaires du code de l’environnement issues des articles 7 et 17 du décret du 1er juillet 2014 harmonisant la procédure d’autorisation des installations hydroélectriques avec celle des installations, ouvrages, travaux et activités prévue à l’article L. 214-3 du code de l’environnement. Après avoir précisé quelles dispositions du code de l’environnement s’appliquaient aux droits fondés en titre [1] (I), le Conseil d’Etat a rejeté tant les moyens dirigés contre l’article 7 du décret (II) que ceux formulés à l’article 17 de celui-ci (III). Sur les dispositions du code de l’environnement applicables aux installations bénéficiant de droits fondés en titre La première question posée au Conseil d’Etat était de déterminer si les installations et ouvrages fondés en titre étaient soumis à l’ensemble des dispositions de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II de la partie législative du code de l’environnement dénommée « Régimes d’autorisation ou de déclaration » et, notamment, à l’article L. 214-4 du code de l’environnement et en particulier à son II et à son II bis aux termes desquels : « II.- L’autorisation peut être abrogée ou modifiée, sans indemnité de la part de l’Etat exerçant ses pouvoirs de police, dans les cas suivants : 1° Dans l’intérêt de la salubrité publique, et notamment lorsque cette abrogation ou cette modification est nécessaire à l’alimentation en eau potable des populations ; 2° Pour prévenir ou faire cesser les inondations ou en cas de menace pour la sécurité publique ; 3° En cas de menace majeure pour le milieu aquatique, et notamment lorsque les milieux aquatiques sont soumis à des conditions hydrauliques critiques non compatibles avec leur préservation ; 4° Lorsque les ouvrages ou installations sont abandonnés ou ne font plus l’objet d’un entretien régulier. II bis.-A compter du 1er janvier 2014, en application des objectifs et des orientations du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, sur les cours d’eau, parties de cours d’eau ou canaux classés au titre du I de l’article L. 214-17, l’autorisation peut être modifiée, sans indemnité de la part de l’Etat exerçant ses pouvoirs de police, dès lors que le fonctionnement des ouvrages ou des installations ne permet pas la préservation des espèces migratrices vivant alternativement en eau douce et en eau salée. » Cet article ne vise que les autorisations délivrées aux installations, ouvrages, travaux ou activités aquatiques (IOTA): les installations et ouvrages fondés en titre ne sont pas expressément mentionnés dans cet article. Afin de déterminer si les installations et ouvrages fondés en titre étaient soumis à l’article L. 214-4 du code de l’environnement, le Conseil d’Etat s’est fondé sur les dispositions du II de l’article L. 214-6 du code de l’environnement, dans leur rédaction résultant notamment de l’ordonnance du 18 juillet 2005 portant simplification, harmonisation et adaptation des polices de l’eau et des milieux aquatiques, de la pêche et de l’immersion des déchets. Selon ces dispositions, « Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d’une législation ou réglementation relative à l’eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre. » La Haute Juridiction s’est également fondée sur le VI de l’article L. 214-6 du code de l’environnement selon lequel « Les installations, ouvrages et activités visés par les II, III et IV sont soumis aux dispositions de la présente section ». Au regard de ces éléments, le Conseil d’Etat a considéré « qu’il résulte des dispositions citées ci-dessus que les installations et ouvrages fondés en titre sont soumis, en vertu du VI de l’article L. 214-6 du code de l’environnement, aux dispositions des articles L. 214-1 à L. 214-11 du code de l’environnement, qui définissent le régime de la police de l’eau, notamment à celles qui définissent les conditions dans lesquelles, en vertu de l’article L. 214-4, l’autorisation peut être abrogée ou modifiée sans indemnisation ». Cette position était particulièrement prévisible depuis la décision QPC du Conseil d’Etat du 8 juillet 2015 (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 08 juillet 2015, n°384204, Inédit au recueil Lebon, consultable ici et commentée ici). Le Conseil d’Etat avait en effet estimé « qu’il résulte des dispositions du II de l’article L. 214-6 du code de l’environnement citées au point 2 que les installations et ouvrages fondés en titres sont réputés déclarés ou autorisés, conformément aux dispositions de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code de l’environnement, en fonction de leur classement dans la nomenclature prévue à l’article L. 214-2 du code de l’environnement, laquelle est établie selon des critères objectifs fondés sur les effets de l’installation ou de l’ouvrage en cause sur les milieux aquatiques ; que les requérants ne sauraient sérieusement soutenir que les dispositions de l’article L. 214-6 du code de l’environnement qu’ils critiquent impliqueraient que les installations et…

Eolien/Prise illégale d’intérêts : Personne ne peut contourner la prescription pas même le ministère public! (Cass12 nov.2015)

Par Aurélien Boudeweel Green law avocat Dans un arrêt en date du 12 novembre 2015 (C.cass, 12 novembre 2015, n°14-83.073), la Cour de cassation a censuré une Cour d’appel ayant condamné des élus pour recel de prise illégale d’intérêts. En l’espèce, deux conseillers municipaux, poursuivis initialement du chef de prise illégale d’intérêts, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour avoir recelé des sommes d’argent versées annuellement, correspondant au montant des locations de parcelles leur appartenant et supportant des fermes d’éoliennes dont l’installation avait reçu l’avis favorable du conseil municipal auquel ils ont participé. Les deux conseillers municipaux avaient été condamnés en première instance. En appel, la Cour confirmait le chef de recel aux motifs : « (…)les prévenus contestent que la poursuite pour recel soit possible puisqu’ils seraient déclarés coupables de l’infraction originaire et du recel ; que cependant, ils ne sont pas poursuivis pour prise illégale d’intérêt, ces faits étant atteints par la prescription alors que le recel de l’infraction est un délit continu ; qu’il n’y a donc pas de conflit de qualification ; que par ailleurs, l’ensemble des faits supportant la qualification de recel a été examiné dans le cadre de l’information puisque les prévenus ont été mis en examen pour avoir « étant investis d’un mandat électif public, pris, reçu ou conservé directement ou indirectement un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont ils avaient au moment de l’acte en tout ou partie de la charge d’assurer la surveillance ou l’administration » ; qu’il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré MM. B… et A… coupables des faits reprochés ». La cour de cassation censure l’arrêt d’appel puisque le délit de recel ne pouvait pas être poursuivi dans la mesure où le délit principal était prescrit : « alors que la prescription qui couvre le délit originaire, s’étend au recel lorsque les deux infractions procèdent des mêmes faits ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a expressément constaté que les faits de prise illégale d’intérêts, visés dans la plainte à l’origine des poursuites, étaient atteints par la prescription ; qu’en déclarant MM. A… et B… coupables de recel des fruits de cette même infraction, elle a méconnu les textes et principes susvisés ».   Rappelons que l’article L. 2131-11 du Code général des collectivités territoriales déclare « illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataire ». Le non-respect de cette disposition entraîne l’intervention du juge répressif au visa de l’article 432-12 du Code pénal réprimant la prise illégale d’intérêts. Dans les faits, le délit est constitué quand l’intéressé reçoit ou conserve, directement ou indirectement un intérêt quelconque dans l’entreprise ou l’opération concernée. De plus, il doit avoir au moment de l’acte en tout ou partie la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement de l’entreprise ou de l’opération concernée. Il est de jurisprudence que le maire et les adjoints ne peuvent pas en règle générale se porter acquéreur des biens de la commune ou louer un bien communal (CE, 9 nov. 1984, Maguy Laborde Casteix : Dr. adm. 1984, comm. 503. – TA Lyon, 5 oct. 1993, Duperrat : JCP G 1994, IV, 165). Dans ce cas la délibération du conseil municipal autorisant la vente doit être annulée (CE, 25 mars 1987, Delerue : Gaz. Pal. 1988, 1, pan. dr. adm. p. 63). Il est important de relever qu’en application de l’article 8 du Code de procédure, le délit de prise illégale d’intérêts se prescrit par 3 ans. C’est exactement cette prescription que constate la Cour de cassation dans l’espèce qui lui est soumise. La haute juridiction censure le raisonnement de la Cour d’appel qui avait tenté de contourner la prescription de l’infraction de la prise illégale d’intérêts qui était acquise, en poursuivant les deux élus du chef de « recel » de prise illégale d’intérêts. En affirmant que le ou les auteurs d’une prise illégale d’intérêts ne peuvent pas être poursuivis pour recel de prise illégale d’intérêts, infraction visée par l’article 321-1 du Code pénal, la Cour de cassation met un coup d’arrêt aux comportements des juridictions du fonds qui n’hésitent pas à adapter les chefs de poursuite lorsqu’une prescription est encourue, pour obtenir la condamnation des personnes qu’ils poursuivent.

ICPE : dématérialisation du régime de la déclaration, simplification du régime de l’enregistrement et diverses retouches de régimes spécifiques

Par Sébastien BECUE Green Law avocat Le décret n°2015-1614 du 9 décembre 2015 modifiant et simplifiant le régime des installations classées pour la protection de l’environnement et relatif à la prévention des risques s’inscrit dans l’effort gouvernemental de simplification globale des démarches administratives en proposant : une salutaire dématérialisation de la procédure de déclaration des ICPE (I) ; une simplification et un renforcement de la participation pour le régime d’enregistrement des ICPE (II) ; diverses retouches, notamment en matière d’éoliennes, d’industries extractives, de canalisations et d’autorisation unique (III).     La salutaire dématérialisation de la procédure de déclaration des ICPE   Nous vous informions de son arrivée en mars, lors de la mise en consultation publique du projet de décret, la dématérialisation de la procédure de déclaration est dorénavant actée. Elle a pour objet de faciliter les échanges entre les entreprises et les administrations et de réduire les délais de procédure. 440.000 installations soumises à déclaration, 10.000 nouveaux dossiers par an, un millier d’inspecteurs ICPE: cette mesure aura certainement un effet simplificateur bienvenu. Le système de télé-déclaration sera disponible à compter du 1er janvier 2016 mais les déclarants auront toutefois, s’ils le souhaitent, jusqu’au 31 décembre 2020 pour utiliser l’ancien système. Remplacement du récépissé par la « preuve de dépôt immédiate » Jusqu’à maintenant, le dossier de déclaration devait être remis en triple exemplaire papier aux services préfectoraux. Les services pouvaient alors solliciter la communication de pièces complémentaires et c’est seulement lorsque le dossier était considéré comme complet que le déclarant se voyait remettre un récépissé de déclaration ainsi qu’une copie des arrêtés fixant les prescriptions applicables à son installation. Désormais, le déclarant se rendra sur une page dédiée du portail www.service-public.fr sur lequel il remplira un formulaire CERFA et téléchargera ses pièces. Une fois le dossier complété, le déclarant verra apparaître les prescriptions générales applicables à son installation et devra indiquer reconnaître en avoir pris connaissance pour pouvoir recevoir la preuve du dépôt. On note qu’alors que le projet de décret prévoyait la possibilité pour le préfet de solliciter l’envoi de « compléments » au dossier de déclaration pendant quinze jours à compter du dépôt, cette disposition, que nous critiquions en mars pour les incertitudes qu’elle aurait engendrées, n’a pas été retenue dans le texte final. Par ailleurs, le décret procède à la dématérialisation des demandes de prescriptions particulières et notifications relatives au régime de déclaration (changement d’exploitant, modification des conditions d’exploitation, notification de mise à l’arrêt définitive…). Renforcement de la possibilité de consultation des preuves de dépôt par les tiers Avant l’intervention de ce décret, le récépissé devait être affiché en mairie pendant un mois. Désormais, la preuve de dépôt sera accessible en ligne pendant une durée minimale de trois ans (sur le site de la préfecture). Le CSPRT indique que ce délai a été fixé pour tenir compte du délai de caducité de trois ans (la déclaration devient caduque si l’installation n’a pas été mise en service dans le délai). Les preuves de dépôt seront ainsi accessibles plus longtemps, plus facilement et plus aisément manipulables pour les tiers. Simplification de la procédure des arrêtés de prescriptions particulières La demande d’enregistrement fait l’objet d’un formulaire CERFA et l’avis du CODERST devient facultatif, sur décision du préfet. Précisions concernant les installations déclarées au sein d’un établissement autorisé L’article R. 512-50 précise à quel régime sont soumis les installations qui n’entrent pas dans le champ du régime aggravant de l’article R. 512-32 selon lequel le régime de l’autorisation est applicable aux installations « de nature, par leur proximité ou leur connexité avec une installation soumise à autorisation, à modifier les dangers ou inconvénients de cette installation ». A défaut, elles sont donc soumises au régime de la déclaration. La simplification du régime de l’enregistrement et le renforcement de la participation du public   Pour rappel, le régime de l’enregistrement, créé en 2009, concerne plus de 11.900 installations et 500 nouveaux dossiers par an. La modification prévue par le présent décret entre en vigueur à compter du 16 mai 2017. Simplification du format du dossier de demande A l’instar des demandes d’autorisation et de déclaration, la demande d’enregistrement va désormais faire l’objet d’un formulaire CERFA. Afin qu’il puisse être mis en ligne sur le site de la préfecture, le demandeur est désormais tenu de fournir au préfet une version électronique de son dossier de demande. Ajout d’une description des incidences environnementales au dossier d’enregistrement Désormais, le dossier de demande d’enregistrement devra contenir une description des incidences notables que l’installation est susceptible d’avoir sur l’environnement, en fournissant les informations prévues à l’annexe II.A de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 (telle que modifiée par la directive 2014/52/UE du 16 avril 2014), à savoir : «  1.  Une description du projet, y compris en particulier:    (a) une description des caractéristiques physiques de l’ensemble du projet et, le cas échéant, des travaux de démolition ;    (b) une description de la localisation du projet, en accordant une attention particulière à la sensibilité environnementale des zones géographiques susceptibles d’être affectées. Une description des éléments de l’environnement susceptibles d’être affectés de manière notable par le projet. Une description de tous les effets notables, dans la mesure des informations disponibles sur ces effets, que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement résultant:    (a) des résidus et émissions attendus ainsi que de la production de déchets, le cas échéant ;    (b) de l’utilisation des ressources naturelles, en particulier le sol, les terres, l’eau et la biodiversité.    4. Il est tenu compte des critères de l’annexe III, le cas échéant, lors de la compilation des informations conformément aux points 1 à 3. » Diverses mesures relatives à la prévention des risques    En matière d’éoliennes Les dispositions suivantes sont applicables à compter du 1er janvier 2016. D’abord, le décret étend la possibilité de prorogation du délai de caducité aux éoliennes soumises à déclaration. Pour rappel, les autorisations ICPE des éoliennes disposent d’un délai spécial de caducité par rapport aux autres ICPE. La règle générale, prévue à l’article R. 512-74, est que l’autorisation devient caduque si l’installation n’a pas été mise en service…

Photovoltaïque: homologation des nouveaux tarifs d’achat d’électricité, période du 1er juillet au 30 septembre 2015 (arrêté du 3 décembre 2015)

Par un arrêté du 3 décembre 2015, publié au journal officiel du 15 décembre, les nouveaux tarifs d’achat de l’électricité produite par les installations photovoltaïques ont été homologués. Les tarifs T1, T4 et T5 sont donc les suivants pour la période du 1er juillet au 30 septembre 2015:   En revanche, les tarifs pour la période du 1er octobre au 31 décembre ne sont pas encore homologués.              

Urbanisme : détermination de l’autorité compétente lorsque le permis de construire est attribué au nom de l’Etat (CE, 25 novembre 2015, n°372045)

Par Me Marie-Coline Giorno Green Law Avocat   « L’État, c’est moi », aurait affirmé Louis XIV le 13 avril 1655 devant les parlementaires parisiens… Louis XIV disparu, il devient difficile de savoir qui désormais représente l’Etat…et ce plus particulièrement en matière de permis de construire délivrés “au nom de l’Etat”, lorsqu’il existe un désaccord entre le maire et le Préfet lors de l’instruction d’une demande d’autorisation d’urbanisme. Aux termes d’une décision du 25 novembre 2015 (CE, 1ère / 6ème SSR, 25 novembre 2015, n°372045, mentionné dans les tables du recueil Lebon), le Conseil d’Etat a déterminé qui, en cas de désaccord sur le permis de construire, aurait le dernier mot entre le maire ou le Préfet dans l’hypothèse où le maire reviendrait sur l’avis qu’il avait émis initialement. Les faits de l’espèce étaient les suivants. Un permis de construire avait été sollicité sur le territoire d’une commune dépourvue de plan local d’urbanisme mais dotée d’une carte communale et n’ayant pas fait le choix, par le vote d’une délibération en ce sens de son conseil municipal, de conférer au maire le pouvoir de statuer en son nom sur les demandes d’autorisation d’urbanisme. Dans cette commune, les autorisations d’urbanisme étaient donc délivrées au nom de l’Etat. Le chef du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction s’était déclaré favorable au projet, tandis que le maire, postérieurement à l’expiration du délai au terme duquel son avis était réputé favorable, avait émis un avis négatif. Le Préfet avait alors décidé d’accorder le permis de construire sollicité. La commune avait saisi le tribunal administratif qui avait annulé ce permis au motif qu’il émanait d’une autorité incompétente. Par un arrêt du 12 juillet 2013, la cour administrative d’appel de Lyon avait confirmé le jugement grâce au motif suivant: « 7. Considérant qu’il est constant que la commune […], dépourvue de plan local d’urbanisme mais dotée d’une carte communale, n’a pas fait le choix, par le vote d’une délibération en ce sens de son conseil municipal, de conférer au maire le pouvoir de statuer en son nom sur les demandes d’autorisation d’urbanisme ; qu’il ressort des pièces produites […]que le responsable de ce service de la direction départementale des territoires, qui y a d’ailleurs expressément visé l’article R. 422-2 e) précité du code de l’urbanisme, s’est déclaré favorable au projet, manifestant ainsi un désaccord avec le maire […], lequel avait porté sur le formulaire de demande de permis un avis négatif ; que, toutefois, cet avis, daté du 30 mars 2010, est intervenu plus d’un mois après que, le 18 janvier 2010, [le pétitionnaire] a renouvelé sa demande de permis de construire et en a déposé le dossier à la mairie de […]; que le maire de cette commune avait ainsi déjà émis, par son silence, un avis réputé favorable et épuisé sa compétence consultative ; qu’il n’existait en conséquence, l’avis défavorable du 30 mars 2010 devant être ignoré, aucun désaccord entre ce maire et le responsable du service instructeur ; que les faits antérieurs à cet avis réputé favorable, et notamment le refus de permis de construire opposé le 5 mai 2007, sont sans incidence ; que le préfet était dès lors incompétent, comme l’a jugé le tribunal, pour délivrer [au pétitionnaire] le permis de construire en litige ; » (CAA Lyon, 12 juillet 2013, n°13LY00643)   Le pétitionnaire s’était alors pourvu en cassation. Le Conseil d’Etat devait donc désigner qui était l’autorité compétente pour prendre la décision sur la demande d’autorisation d’urbanisme, question qui nécessitait de déterminer si un maire pouvait changer d’avis après avoir émis un premier avis favorable. Aux termes de sa décision, le Conseil d’Etat a censuré la position de la Cour administrative d’appel de Lyon. Il a, tout d’abord, indiqué à qui devait en principe échoir la compétence en matière d’urbanisme. Principe de compétence du Maire: dans les communes qui ne sont pas dotées d’un document d’urbanisme ou qui sont dotées d’une carte communale mais dans lesquelles le conseil municipal n’a pas délibéré pour donner la compétence au maire en matière d’instruction d’autorisations d’urbanisme, l’article L. 422-1 du code de l’urbanisme dispose que le permis de construire est délivré au nom de l’Etat, par le maire ou par le Préfet. Plus exactement, l’article R.422-1 du code de l’urbanisme précise que « Lorsque la décision est prise au nom de l’Etat, elle émane du maire, sauf dans les cas mentionnés à l’article R. 422-2 du code de l’urbanisme où elle émane du préfet. » Exceptions à la compétence du Maire: Parmi les exceptions listées à l’article R. 422-2 du code de l’urbanisme, il est notamment exposé que le Préfet est compétent pour délivrer le permis de construire dans les communes visées au b de l’article L. 422-1 du code de l’urbanisme « En cas de désaccord entre le maire et le responsable du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction mentionné à l’article R. 423-16 » du code de l’urbanisme. Ces précisions sur la compétence apportées, le Conseil d’Etat a alors examiné quelle était la procédure lors de l’instruction d’un permis de construire délivré au nom de l’Etat. Il a notamment souligné qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 423-72 du code de l’urbanisme, «  Lorsque la décision est de la compétence de l’Etat, le maire adresse au chef du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction son avis sur chaque demande de permis et sur chaque déclaration. Cet avis est réputé favorable s’il n’est pas intervenu dans le délai d’un mois à compter du dépôt à la mairie de la demande de permis […] ». De plus, le Conseil d’Etat a relevé que, selon l’article R. 423-74 du même code : « Le chef du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction adresse un projet de décision au maire ou, dans les cas prévus à l’article R. 422-2, au préfet. / Dans les cas prévus à l’article R. 422-2, il en adresse copie au maire […] ». Cet état du droit rappelé, le Conseil d’Etat devait donc déterminer si le maire pouvait retirer son avis favorable pour…