Enquête publique et évaluation environnementale : un toilettage par le décret n° 2017-626 du 25 avril 2017

par David DEHARBE (Green Law Avocat) De façon générale, ce décret (Décret n° 2017-626 du 25 avril 2017 relatif aux procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement et modifiant diverses dispositions relatives à l’évaluation environnementale de certains projets, plans et programmes, JORF n°0099 du 27 avril 2017, texte n° 6) prévoit les mesures réglementaires d’application de l’ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement, prise en application du 3° du I de l’article 106 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Il modifie également diverses dispositions relatives à l’évaluation environnementale ou à la participation du public au sein de différents codes. L’ordonnance du 3 août 2016 s’est efforcée de transposer la Directive 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 (modifiant la directive 2011/92/UE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement), dans le cadre du chantier de modernisation du droit de l’environnement, du dernier quinquennat. Au-delà de parachever la modernisation des modalités de participation du public en particulier devant la CNDP mais aussi en dehors de ce cadre s’agissant d’organiser une concertation préalable et un droit d’initiative, le décret toilette le régime de l’enquête publique et de l’évaluation environnementale. L’article 4 du décret du 25 avril 2017 précise les nouvelles modalités de l’enquête publique environnementale applicables depuis le 1er janvier 2017. Le 1° de l’article R. 123-8 du code de l’environnement concrétise l’intégration effective du « rapport sur les incidences environnementales » propre aux plans et programmes et valant évaluation environnementale au dossier d’enquête publique. Surtout le décret n° 2017-626 dématérialise le dossier d’enquête publique des projets et organise les modalités de la participation du public par voie électronique pour les plans, programmes et projets non soumis à enquête publique (art. R. 123-46-1 env.) et la participation du public hors procédure particulière (art. D. 123-46-2 env.). L’article 19 du décret prévoit que par renvoi à l’article 3 de l’ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 susvisée que le nouveau dispositif n’est pas  applicable aux projets, plans et programmes qui ont fait l’objet d’un avis d’enquête publique ou d’un avis de mise à disposition du public avant le 1er janvier 2017. S’agissant de l’évaluation environnementale, l’article 3 du décret apporte encore des modifications au chapitre II du titre II du livre Ier du code de l’environnement et en particulier au tableau annexé à son article R. 122-2.

Energie: Précisions sur le régime de l’autoconsommation « collective »

Par Sébastien Becue – GREEN LAW AVOCATS La publication, le 30 avril 2017, du décret n°2017-676 du 28 avril 2017, parachève la création du chapitre du code de l’énergie dédié à l’autoconsommation, initiée par l’intervention de l’ordonnance n°2016-1019 du 27 juillet 2016 et sa ratification par la loi n°2017-227 du 24 février 2017 que nous avions déjà eu l’occasion de commenter sur le présent blog, ainsi que dans des formations professionnelle et Webinar. L’analyse du projet de décret avait déjà permis d’anticiper sur la mise en place opérationnelle de projets d’autoconsommation. Dorénavant, les nouvelles dispositions précisent les grandes lignes du fonctionnement de la future opération d’autoconsommation collective, tout en renvoyant aux DTR des gestionnaires pour la détermination des détails techniques. Le champ d’application de l’opération d’autoconsommation collective Comme le relevait de manière critique la CRE dans sa délibération sur le projet de décret, une lecture a contrario du nouvel article D. 315-2 du code de l’énergie pourrait permettre une extension de la puissance autorisée des opérations d’autoconsommation collective, au-delà de 100 kWc. L’article D. 315-2 précise en effet qu’il faut entendre par « installation de production », au sens de l’article L. 315-3, l’ensemble des installations appartenant à un même producteur participant à l’opération d’autoconsommation collective. Ainsi que le relève la CRE dans son avis, la lecture combinée de ces deux dispositions semble donc autoriser « plusieurs unités de production d’électricité à participer à une même d’opération d’autoconsommation collective et, ainsi, à cumuler une puissance dépassant le seuil de 100 kilowatts, en dessous duquel l’opération est éligible à bénéficier » d’un TURPE spécifique. Cette disposition semble donc autoriser, implicitement, la participation de plusieurs installations de production d’électricité à l’opération d’autoconsommation collective, pour une puissance cumulée supérieure à 100 kWc avec un TURPE spécial. La mise en place d’une opération d’autoconsommation collective Le décret renvoie la définition des modalités de traitement des demandes d’autoconsommation collective à une DTR des gestionnaires (D. 315-8). La publication de ce document apparaît d’emblée comme une condition impérative de la généralisation de ce régime au-delà des expérimentations en cours. Des formulaires seront par ailleurs mis à disposition pour la déclaration, avant mise en service, des installations participant à une opération d’autoconsommation (D. 315-11). Devront notamment être déclarés : Les données d’identification de l’installation, Les caractéristiques techniques de l’installation et le cas échéant de son raccordement, Le mode de fonctionnement de l’installation, si le surplus fera l’objet d’une revente. L’article D. 315-9 prévoit ensuite qu’un contrat sera conclu entre, d’une part, le gestionnaire et, d’autre part, la structure organisatrice regroupant consommateurs et producteurs impliqués dans l’opération. Un modèle de contrat sera proposé par les gestionnaires via une nouvelle DTR. Le contrat devra notamment préciser : Le nom des producteurs et consommateurs impliqués, Les points de livraison, Les modalités de gestion ainsi que les engagements et responsabilités réciproques d’ENEDIS et de la personne morale dédiée, Les coefficients de répartition ou leur méthode de calcul, Les principes d’affectation sur chaque pas de mesure de la production qui n’aurait pas été consommée par les participants à l’opération. En cas de recours à la possibilité d’alimentation complémentaire prévue par l’article L. 315-4, la mention pour chaque consommateur, de la conclusion d’un contrat de fourniture à ce titre, De même, en cas de recours à la possibilité de revente du surplus ouverte à l’article L. 315-5, la mention, pour chaque producteur, de la conclusion d’un contrat avec un acheteur pour l’électricité produite et non consommée. Le relevé des consommations Il est prévu de s’appuyer sur les compteurs communicants (type Linky), qui devront donc impérativement être installés tant chez les consommateurs que chez les producteurs participant à l’opération (D. 315-3). Ces compteurs relèveront à intervalles réguliers les consommations de l’électricité. Pour la détermination de l’intervalle, le décret renvoie explicitement vers le pas de mesure prévu à l’article L. 321-15 en matière de règlements d’écart (D. 315-1). La méthode de comptage est la suivante : à partir du total de la quantité d’électricité autoproduite (qui ne peut par définition être supérieure à la quantité d’électricité consommée), la part revenant à chaque consommateur est calculée comme le produit de la quantité produite par un coefficient de répartition prédéfini. Il est précisé que la consommation attribuée à un consommateur ne peut être supérieure à celle effectivement mesurée. Ce calcul est effectué à chaque pas de mesure (D. 315-4). La répartition entre consommateurs Le décret prévoit un coefficient de répartition de la consommation « par défaut », fondé sur le prorata de la consommation de chaque consommateur final. Mais une grande liberté est laissée à la structure organisatrice et donc, in fine, aux producteurs et consommateurs, pour définir la clé de répartition, qu’il s’agisse directement d’un coefficient ou d’une méthode de calcul (D. 315-6). Notons, pour exemples, que la CRE envisage la possibilité d’un coefficient fondé sur les tantièmes de la copropriété ou encore sur la participation du consommateur au financement de la centrale. Cette clé doit être définie dans le contrat entre le gestionnaire et la structure organisatrice (D. 315-9 du code de l’énergie). Elle sera la clé de voûte financière du montage. En cas de stockage, il est précisé que les quantités stockées seront dans un premier temps comptabilisées comme des quantités consommées puis, dans un second temps, lorsqu’elles seront délivrées pour consommation, comme des quantités produites (D. 315-5 du code de l’énergie). La répartition entre électricité autoconsommée et fournie par un tiers Lorsqu’il aura été choisi de faire appel à un fournisseur pour l’alimentation complémentaire (hypothèse très probable en pratique), la répartition sera effectuée, pour une période de facturation donnée, par comparaison entre la courbe de charge, d’une part, de la consommation mesurée pour chaque consommateur et, celle, d’autre part, de la quote-part de consommation qui lui est attribuée (D. 315-7 du code de l’énergie).   La puissance maximale injectée Celle-ci est fixée, sans surprise, à 3 kW (D. 315-10 ).   ***   Si ce décret apporte des éclaircissements bienvenus, son contenu est léger et laisse ainsi une grande marge d’appréciation aux gestionnaires pour le détail. Le parachèvement du régime de…

Affichage électoral : le TA de Grenoble rappelle les règles de mise en demeure préalable à un titre exécutoire

Par Fanny ANGEVIN – Green Law Avocats Le Tribunal administratif de Grenoble a récemment eu à traiter de la question de l’affichage sauvage en matière électorale (jugement en date du 4 avril 2017 n°1502189). Une commune avait en effet émis un titre exécutoire à l’encontre de l’association F… sans l’avoir préalablement mis en demeure de procéder à la remise en état des lieux. Le Tribunal administratif de Grenoble considère qu’en ayant omis cette mise en demeure, le titre exécutoire devait être annulé. Ce jugement évoque notamment les règles d’affichage en matière électorale, en cette période d’élections présidentielles. Rappel des règles applicables. Le fait d’apposer ou bien de faire apposer ou encore de maintenir après mise en demeure administrative, une enseigne ou une préenseigne, en l’absence de déclaration du dispositif (articles L. 581-6 et L. 581-26 du code de l’environnement) peut faire l’objet d’une procédure administrative (amende de 1500 euros) (articles L. 581-26 à L. 581-33 du code de l’environnement). Par ailleurs, le fait d’apposer, de faire apposer ou de maintenir après mise en demeure une publicité, une enseigne ou une préenseigne en l’absence d’autorisation de l’autorité administrative, ou pour affichage dans certains lieux ou encore sans avoir observé les dispositions particulières prévues par le règlement local de publicité (article L. 581-34 du code de l’environnement) peut également faire l’objet de sanctions pénales (amende de 7500 euros). L’article L. 581-35 du code de l’environnement, prévoit que : « Est puni des mêmes peines que l’auteur de l’infraction, celui pour le compte duquel la publicité est réalisée, lorsque la publicité ou le dispositif publicitaire ne comporte pas les mentions visées à l’article L. 581-5 ou lorsque celles-ci sont inexactes ou incomplètes.    Dans le cas d’une publicité de caractère électoral, l’autorité administrative compétente met en demeure celui pour le compte duquel cette publicité a été réalisée de la supprimer et de procéder à la remise en état des lieux dans un délai de deux jours francs. Si cette mise en demeure est suivie d’effet, les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables. » Ainsi, en cas d’affichage sauvage de caractère électoral, l’autorité administrative compétente doit mettre en demeure la personne pour le compte duquel la publicité a été réalisée, de supprimer cette publicité et de remettre en état les lieux sous deux jours francs. C’est cette règle de l’obligation de mise en demeure qu’une commune a omis d’effectuer avant de procéder à l’exécution d’office des travaux d’enlèvement des affiches contestées. Une commune avait en effet émis un titre exécutoire à l’encontre de l’association F… national sans l’avoir préalablement mis en demeure de procéder à la remise en état des lieux. Le Tribunal administratif de Grenoble considère donc qu’en ayant omis cette mise en demeure, le titre exécutoire devait être annulé : « Considérant que l’association F…N… soutient que la commune d’E. n’a pas effectué la mise en demeure prévue par les dispositions précitées avant de procéder à l’exécution d’office des travaux d’enlèvement des affiches contestées ; que la commune ne conteste pas cette absence de mise en demeure ; qu’il s’ensuit qu’elle a méconnu les dispositions précitées en émettant un titre exécutoire à l’encontre de l’association Front national sans préalablement la mettre en demeure de procéder à la remise en état des lieux ; que le titre ainsi contesté doit être annulé et ce, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ; » (TA Grenoble, 4 avril 2017, n°1502189). Une attention tout particulière devra donc être maintenue sur la question de l’affichage électoral sauvage et des modalités de mise en demeure, par les communes en cette période d’élections présidentielles, pendant laquelle ces dernières sont évidemment très souvent confrontées à ce type de situation.

Installations Classées : En cas d’indication de délais contradictoires au sein d’un courrier de notification, le délai le plus favorable bénéficie à l’exploitant

Par Jérémy TAUPIN – GREEN LAW AVOCATS Par un arrêt en date du 13 décembre 2016, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a estimé (CAA de Bordeaux, 13 décembre 2016, 15BX01145) que dans le cas où le rapport d’inspection et son courrier de notification laissaient à l’exploitant un mois pour faire ses observations sans quoi il serait mis en demeure, et où le même courrier l’invitait à faire sa réponse sous 15 jours, l’administration devait respecter le délai le plus favorable pour l’exploitant. En l’espèce, une société de transport par autocar, a fait l’acquisition des éléments corporels et incorporels d’une société tierce, laquelle était notamment titulaire d’un récépissé de déclaration pour l’exploitation d’une station de distribution de carburant que le préfet de La Réunion lui avait délivré le 27 juillet 2005 au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Cette station-service a fait l’objet d’une visite de contrôle effectuée le 21 janvier 2013 par l’inspecteur des ICPE, visite à la suite de laquelle l’inspecteur rédigeait, le 6 février 2013, un rapport au terme duquel il proposait au préfet d’adresser à la société une mise en demeure de respecter les prescriptions générales de l’arrêté ministériel fixant les prescriptions générales applicables à ce type d’ICPE Le rapport communiqué, impartissait à l’exploitant un délai d’un mois pour adresser à l’administration le détail des actions à entreprendre en vue de se conformer à la règlementation applicable. Ce délai d’un mois figurait également dans le courrier de notification auquel était annexé le rapport de l’inspecteur des ICPE. Néanmoins, ce même courrier invitait la société à répondre aux observations formulées à son encontre dans un délai de quinze jours, sans quoi un arrêté de mise en demeure serait pris en application de l’article L. 514-5 du code de l’environnement. Le 4 mars 2013, le préfet de La Réunion mettait en demeure la société, en application de l’article L. 514-1 du code de l’environnement alors en vigueur, de déclarer à ses services le changement d’identité de l’exploitant, d’établir un plan à jour de ses installations existantes et de soumettre celles-ci à un contrôle périodique par des organismes agréées. Ainsi, le rapport et sa lettre d’accompagnement comportaient des mentions contradictoires en ce qui concerne le délai dont disposait la société pour faire valoir ses observations. La société relevait ici appel du jugement du tribunal administratif de le Saint-Denis qui a rejeté sa demande d’annulation de l’arrêté préfectoral du 4 mars 2013. La Cour note que : « dans de telles conditions, il appartient à l’administration de respecter le délai le plus favorable pour l’administré parmi ceux qu’elle mentionne. Il en résulte que le préfet de La Réunion ne pouvait, sans commettre d’irrégularité, prendre son arrêté de mise en demeure tant que le délai d’un mois, qui était mentionné aussi bien dans le rapport de l’inspecteur que dans la lettre de notification, n’était pas expiré. Il est constant que tel n’a pas été le cas dès lors que l’arrêté a été signé le 4 mars 2013, soit moins d’un mois après la notification du rapport de l’inspecteur des installations classées laquelle est intervenue, comme dit précédemment, le 8 février 2013. Par suite, l’arrêté de mise en demeure du 4 mars 2013 a été pris à l’issue d’une procédure irrégulière dès lors qu’il a privé la société START OI d’une garantie liée à la possibilité qui lui avait été laissée de présenter ses observations jusqu’au terme du délai d’un mois prévu ». Les exploitants d’ICPE seront donc bien avisés de vérifier les délais leur étant laissé pour répondre aux rapports de visite de l’inspection, notamment lorsque l’inspection préconise une mise en demeure. En tout état de cause, seul le délai le plus favorable doit être pris en compte. Cet arrêt doit être rapproché du principe selon lequel l’erreur de l’administration profite à l’administré, ce qui a déjà été rappelé par le Conseil d’Etat en ce qui concerne les conséquences de l’erreur de l’administration dans l’indication des voies et délais de recours (CE 21 décembre 2007, Groupement d’irrigation des prés de la forge et autres, n°280195).

Air – Un Etat membre de l’UE peut exiger la restitution des quotas d’émission de GES indument attribués à une entreprise (CJUE 8 mars 2017)

Par Jérémy TAUPIN- GREEN LAW AVOCATS Par un arrêt n°C‐321/15 en date du 8 mars 2017, la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après « CJUE ») a estimé qu’un Etat membre peut exiger la restitution des quotas d’émission de GES (ci-après « GES ») non utilisés, et ce sans indemnité, dans le cas où ces quotas ont été attribués de manière indue au bénéficiaire, qui n’a pas respecté son obligation d’informer en temps voulu l’autorité compétente de la cessation de l’exploitation de son installation. Les faits Dans cette affaire, l’entreprise ArcelorMittal Rodange et Schifflange SA (ci-après « Arcelor ») était opposée au Grand­Duché de Luxembourg. En l’espèce, le 2 février 2008, le ministre de l’Environnement du Grand­Duché de Luxembourg avait alloué à Arcelor à titre gratuit, pour son usine sidérurgique de Schifflange (Luxembourg), un total de 405 365 quotas d’émission de GES, pour la période comprise entre le 1 er janvier 2008 et le 31 décembre 2012. Le 19 octobre 2011, l’assemblée Arcelor a décidé de suspendre l’activité de l’aciérie. Cette décision n’a pas été notifiée à l’administration luxembourgeoise. Le 22 février 2012, Arcelor a donc reçu les quotas qui lui avaient été alloués pour l’année 2012. Le 21 décembre 2012, le ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures a communiqué à Arcelor sa décision de modifier rétroactivement le Plan national d’allocation des quotas pour les années 2008-­2011 et d’exiger la restitution de quotas délivrés pour l’année 2012 à l’aciérie de Schifflange. Arcelor ne souhaitant pas procéder à la restitution des quotas, le ministre a enjoint à Arcelor, par un arrêté du 6 juin 2013, de restituer 80 922 quotas d’émission de GES avant le 31 juillet 2013. Arcelor a formé un recours contre cette décision devant le Tribunal administratif, qui a lui-même saisi la Cour constitutionnelle (Luxembourg) d’une demande de décision préjudicielle portant sur la conformité à la Constitution de la disposition de la loi luxembourgeoise transposant la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de GES dans la Communauté, disposition permettant d’exiger la restitution totale ou partielle, sans indemnité, des quotas délivrés mais non utilisés. Dans le cadre de cette procédure préjudicielle, la Cour constitutionnelle a saisi la Cour de justice du présent renvoi préjudiciel. En l’espèce, Arcelor soutenait que les quotas devaient être considérés comme des biens et non comme des autorisations administratives, et qu’il avait ainsi subi une expropriation indue, non conforme à la directive précitée.   La question préjudicielle La question préjudicielle posée à la CJUE contenait en réalité 2 points de droit. Ceux-ci étaient les suivants : La loi établissant un système d’échange de quotas d’émission de GES au Luxembourg, dans la mesure où elle permet au ministre compétent d’exiger la restitution sans indemnité totale ou partielle des quotas délivrés conformément la même loi, mais non utilisés, est­elle conforme à la directive 2003/87/CE ce plus particulièrement à l’économie du système d’échange des quotas ? Dans l’affirmative, quid de la qualification juridique de la restitution de quotas délivrés, mais non utilisés, de même que celle des quotas en eux-mêmes ? » L’appréciation de la Cour L’avocat général Manuel Campos Sanchez­Bordona, après avoir largement rappelé le cadre juridique applicable aux quotas de GES, que ce soit au sein de l’UE ou au Luxembourg, ainsi que la philosophie et le but du système, a estimé, dans ses conclusions en date du 5 juillet 2016, que « le souci d’exactitude des chiffres et des circonstances entourant les quotas répond à la volonté de l’Union d’améliorer le fonctionnement du marché, en évitant les distorsions qui résulteraient de tout doute en ce qui concerne la validité des quotas, eu égard à leur rôle de monnaie d’échange sur ce marché ». De plus, « au‑delà de l’intérêt purement économique ou mercantile du maintien de sa fiabilité et de sa solvabilité, on trouve l’objectif poursuivi par le marché en lui­-même, à savoir sa mission d’instrument de lutte contre la pollution. Garantir la concordance entre les émissions réelles et les émissions autorisées grâce aux quotas constitue, pour cette raison, une priorité impérative du système dans son ensemble » (point 65). La CJUE a largement suivi les conclusions de l’avocat général, en estimant que : “La directive 2003/87/CE doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une législation nationale qui permet à l’autorité compétente d’exiger la restitution sans indemnité, totale ou partielle, de quotas non utilisés qui ont été indûment délivrés à l’exploitant, en conséquence de la violation par ce dernier de l’obligation d’informer en temps voulu l’autorité compétente de la cessation de l’exploitation d’une installation.  Les quotas délivrés après qu’un exploitant a cessé les activités exercées dans l’installation concernée par ces quotas, sans en avoir informé au préalable l’autorité compétente, ne peuvent être qualifiés de « quotas » d’émission, au sens de l’article 3, sous a), de la directive 2003/87“. Ainsi, la Cour ne se prononce en réalité pas sur la qualification juridique des quotas, estimant en l’espèce que les quotas indument délivrés « ne peuvent être qualifiés de quotas ». En réalité, une telle restitution implique non pas l’expropriation d’un bien qui ferait déjà partie intégrante du patrimoine de l’exploitant, mais simplement le retrait de l’acte allouant des quotas. En effet, si une installation a cessé ses activités à une date antérieure à celle de l’allocation de quotas d’émission, ces derniers ne pourront pas, de toute évidence, être utilisés en vue de comptabiliser les émissions de GES qui ne sont plus susceptibles d’être produites par celle­ci. Ainsi, l’injonction de restitution était légitime. Dans ces conditions, le défaut de restitution des quotas litigieux porterait atteinte aux exigences de comptabilité stricte, d’exactitude et de concordance entre les émissions réelles et les émissions autorisées. En effet, la CJUE rappelle, après l’avocat général, que « l’économie générale de la directive 2003/87 repose sur une stricte comptabilité des quotas délivrés, détenus, transférés et annulés, dont le cadre est fixé à l’article 19 de celle-ci. Cette comptabilité précise est inhérente à l’objet même de ladite directive, à savoir l’établissement d’un système communautaire d’échange de quotas…