Energie: poursuite des discussions sur l’autoconsommation et les réseaux fermés

Par Me Jérémy TAUPIN- GREEN LAW AVOCATS Dans l’attente de la consultation publique qui devrait prendre place dans les prochains mois, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) poursuit sa propre consultation sur l’autoconsommation Cette consultation, qui fait suite à la conférence organisée par la CRE le 12 septembre dernier, ainsi qu’aux ateliers menés dans son prolongement (l’ensemble des travaux des divers ateliers sont disponibles en cliquant ici), prend la forme d’appels à contribution sur différents sujets, et est accessible sur le site dédié de la CRE : http://autoconsommation.cre.fr/index.html Les différents acteurs de la filière sont ainsi amenés à répondre à des questions précises sur trois thèmes : les sujets tarifaires le cadre contractuel les mécanismes de soutien à l’autoconsommation Les réponses à ces appels à contributions sont publiées, au fur et à mesure de leur enregistrement, sur le site dédié de la CRE. Actuellement, de nombreuses réponses aux questions sont en cours de traitement. Ces appels à contribution sont un moyen innovant pour la CRE lui permettant de mieux agréger et prendre en compte les attentes des acteurs des filières sur les questions relatives à l’autoconsommation, avant qu’elle ne décide in fine quelles devront être les orientations définitives dans ce domaine (par exemple sur le TURPE, la CSPE, ou encore les modalités de déclaration des installations d’autoconsommation). Parallèlement aux discussions relatives à l’autoconsommation, et dans l’attente du cadre réglementaire définitif relatif aux réseaux fermés de distribution (voir notre précédent article sur le cadre législatif via ce lien), l’actuel projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures introduit la notion de « réseaux intérieurs des bâtiments ». En effet, faisant suite à l’arrêt de la Cour d’appel de Paris dit « Valsophia » (n°2015-15157 du 12 janvier 2017) la rapporteur du projet de loi a entendu sécuriser et pérenniser le schéma de raccordement à emploi unique des bâtiments tertiaires. Par un amendement, elle a ainsi introduit un nouveau chapitre au code de l’énergie, qui distingue les réseaux publics de distribution et les réseaux fermés des réseaux intérieurs. Ce nouveau chapitre ne crée pas de statut spécifique pour les gestionnaires de ces réseaux intérieurs mais permet de lever le régime de non-droit en vigueur et réduit les risques de contentieux futurs. Ainsi, l’actuel projet de loi prévoit un nouvel article L. 345-1 qui énoncerait : « Les réseaux intérieurs sont les installations intérieures d’électricité à haute ou basse tension des bâtiments définis à l’article L. 345‑2 lorsqu’elles ne constituent pas un réseau public de distribution d’électricité tel que défini au dernier alinéa du IV de l’article L. 2224‑31 du code général des collectivités territoriales ni un réseau fermé de distribution d’électricité tel que défini à l’article L. 344‑1 du présent code. » L’article L. 345-2 circonscrirait quant à lui ce type de réseau aux immeubles de bureaux, en énonçant que : « Les réseaux intérieurs peuvent être installés dans les immeubles de bureaux qui appartiennent à un propriétaire unique. Ne peuvent être qualifiées de réseaux intérieurs les installations électriques alimentant : 1° Un ou plusieurs logements ; 2° Plusieurs bâtiments non contigus ou parties distinctes non contiguës d’un même bâtiment ; 3° Un bâtiment appartenant à plusieurs propriétaires. » Il convient désormais d’attendre le passage du texte en commission mixte paritaire afin de connaître la formulation définitive de ces nouvelles dispositions, avant son examen en séance publique.

Droit fondé en titre : rappel intéressant des règles relatives à l’existence et la consistance légale d’une centrale hydroélectrique (CAA Nantes 29 septembre 2017)

Par Fanny Angevin- GREEN LAW AVOCATS Par une décision intéressante du 29 septembre 2017, n°16NT00251, la Cour administrative de Nantes a eu à statuer sur l’existence d’un droit fondé en titre d’une centrale hydroélectrique et sur sa consistance légale. Dans cette affaire, la préfecture de la Manche avait refusé de constater l’existence d’un droit fondé en titre pour une centrale hydroélectrique ainsi que la consistance légale de cet ouvrage. La société exploitant l’ouvrage a donc saisi le Tribunal administratif de Caen de ce refus, qui par un jugement en date du 25 novembre 2015 n°1402525, a rejeté sa demande de reconnaissance d’un droit fondé en titre ainsi que la consistance légale attachée à l’ouvrage. La société exploitante a donc fait appel devant la Cour administrative d’appel de Nantes, qui a annulé le jugement du Tribunal administratif de Caen ainsi que la décision de la préfecture de la Manche. Dans sa décision, la Cour examine successivement, l’existence d’un droit fondé en titre, l’extinction de ce droit et la consistance légale du droit fondé en titre. Sur l’existence du droit fondé en titre La Cour rappelle tout d’abord les règles applicables en matière de reconnaissance d’un droit fondé en titre, en précisant que : « sont notamment regardées comme fondées en titre ou ayant une existence légale, les prises d’eau sur des cours d’eaux non domaniaux qui, soit ont fait l’objet d’une aliénation comme bien national, soit sont établies en vertu d’un acte antérieur à l’abolition des droits féodaux ; qu’une prise d’eau est présumée établie en vertu d’un acte antérieur à l’abolition des droits féodaux dès lors qu’est prouvée son existence matérielle avant cette date ; ». L’existence du droit fondé en titre doit donc pouvoir être démontrée avant 1789. En l’espèce, la société requérante a produit un extrait de l’atlas dit « de Trudaine » réalisé entre le 1er janvier 1745 et le 31 décembre 1780 sous la direction de Daniel-Charles Trudaine, administrateur des Ponts et Chaussées. Cet atlas identifiait notamment au même emplacement le moulin ainsi que les canaux d’amenée et de dérivation. Par conséquent, la Cour en conclut que le moulin est bien fondé en titre. Il est ici intéressant de noter le mode de preuve retenu par la Cour, la difficulté étant pour les exploitants de moulins de trouver des éléments de preuve suffisants datant d’avant 1789. Sont généralement retenus des indices tels que la présence du moulin sur la carte de Cassini ou encore des mentions dans les rapports de l’ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussées. Sur l’extinction du droit fondé en titre La Cour revient tout d’abord sur le principe soulevé dans la décision du Conseil d’Etat du 5 juillet 2004 n°246929 SA Laprade, selon lequel la force motrice produite par l’écoulement d’eaux courantes ne peut faire l’objet que d’un droit d’usage et en aucun cas d’un droit de propriété. Ainsi la Cour rappelle qu’il en résulte que :  « un droit fondé en titre se perd lorsque la force motrice du cours d’eau n’est plus susceptible d’être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d’affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d’eau ; qu’en revanche, ni la circonstance que ces ouvrages n’aient pas été utilisés en tant que tels au cours d’une longue période de temps, ni le délabrement du bâtiment auquel le droit d’eau fondé en titre est attaché, ne sont de nature, à eux seuls, à remettre en cause la pérennité de ce droit ; ». Dans leur décision, les juges nantais estiment que le droit fondé en titre attaché au moulin n’est pas éteint. En effet, la Cour indique que même si des modifications ont été apportées à des ouvrages essentiels du moulin, notamment en ce qui concerne un exhaussement de la hauteur de chute, ces travaux n’ont pas été : entrepris après que ces ouvrages eurent été en état de ruine ; ils n’ont pas eu pour effet d’entraîner un changement d’affectation des ouvrages. La position de la Cour est ici intéressante également en ce que de nombreuses décisions ont déjà constaté l’état de ruine d’un ouvrage anciennement fondé en titre et la perte de ce droit (voir par exemple, CAA, Marseille, 15 décembre 2015, n°14MA01977). L’analyse se fait in concreto. En pratique, nous constatons en effet que les exploitants d’ouvrage doivent veiller à apporter tout élément de preuve nécessaire sur l’absence de ruine de l’ouvrage, avec l’appui si besoin de bureaux d’études spécialisés dans le domaine. Sur la consistance du droit fondé en titre En ce qui concerne la consistance du droit fondé en titre, la Cour fait référence aux modalités de calculs établis dans le code de l’énergie par les articles L. 511-1 et suivants et rappelle également que : « qu’un droit fondé en titre conserve en principe la consistance légale qui était la sienne à l’origine ; qu’à défaut de preuve contraire, cette consistance est présumée conforme à sa consistance actuelle ; que celle-ci correspond, non à la force motrice utile que l’exploitant retire de son installation, compte tenu de l’efficacité plus ou moins grande de l’usine hydroélectrique, mais à la puissance maximale dont il peut en théorie disposer ; que si, en vertu des dispositions de l’article L. 511-4 du code de l’énergie, les ouvrages fondés en titre ne sont pas soumis aux dispositions de son livre V « dispositions relatives à l’utilisation de l’énergie hydraulique », leur puissance maximale est calculée en appliquant la même formule que celle qui figure au troisième alinéa de l’article L. 511-5, c’est-à-dire en faisant le produit de la hauteur de chute par le débit maximum de la dérivation par l’intensité de la pesanteur ; ». Les modalités de calcul de la consistance d’un droit fondé en titre sont très fréquemment sujettes à discussion entre l’administration et les exploitants de moulins fondés en titre. Un arrêt du Conseil d’Etat (CE, 16 décembre 2016, n°393293), a notamment clarifié ces modalités de calcul (voir sur ce point les conclusions de Monsieur le Rapporteur public Xavier de Lesquen sur cet arrêt). En l’espèce, la Cour estime qu’en raison de modifications apportées…

Démolition de la construction sans permis de construire du domicile du prévenu et CEDH

Par David DEHARBE (green law avocats) Le droit pénal de l’urbanisme comporte une matière jurisprudentielle assez peu commentée. Le Cabinet suivra désormais l’actualité de ce contentieux qui devient un enjeu pratique plus sensible ses derniers mois. En témoigne cette décision du 31 janvier 2017 n°16-82945 (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 31 janvier 2017, 16-82.945, Publié au bulletin) : la Chambre criminelle de la Cour de cassation a affirmé la prise en compte de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales (CEDH) relatif au droit au respect de la vie privée et familiale en matière d’urbanisme pénal. Le prévenu avait édifié sa maison à usage d’habitation sans avoir sollicité de permis de construire et violation des dispositions d’un POS et d’un PLU. La Cour d’appel de Montpellier avait alors condamné le prévenu à une amende mais surtout à la remise en état des lieux par la démolition de la construction litigieuse à usage d’habitation. La Cour de cassation reconnaît bien la constitution des infractions. Néanmoins elle note que la Cour d’appel, pour prononcer la démolition de la maison d’habitation, n’a pas recherché si la démolition du domicile du prévenu ne portait pas « une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et à son domicile, dès lors qu’elle visait la maison d’habitation dans laquelle il vivait avec sa femme et ses deux enfants, et que la famille ne disposait pas d’un autre lieu de résidence ». Le juge pénal devra dorénavant effectuer la balance entre les impératifs d’intérêt général poursuivis par la législation en matière d’urbanisme et les impératifs d’intérêts privés protégés par l’article 8 de la CEDH. Cette précision méritait d’être faite par la Chambre criminelle après qu’une occasion ait été manquée dans une précédente espèce où le moyen avait été soulevé pour la première fois en cassation (Crim., 16 février 2016, pourvoi n° 15-82.732, Bull. crim. 2016, n° 48). david.deharbe@green-law-avaocat

Energie: le Ministère annonce des réfactions tarifaires des raccordements aux réseaux de gaz et d’électricité pour certaines installations de production d’énergie renouvelable

Suite au Plan Climat lancé en juillet 2017 par le Ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot, il a été annoncé une baisse des coûts de raccordement aux réseaux gaz et électricité de certaines installations de production d’électricité renouvelable. L’objectif annoncé par le Ministère est de soutenir le développement des énergies renouvelables en France en favorisant leur développement local. Jusqu’ici, les coûts de raccordement des installations de production de biogaz au réseau de gaz étaient entièrement à la charge des producteurs. Cela pouvait être un frein pour le développement de projets de production de biogaz, notamment en zone rurale, où l’éloignement avec les réseaux peut être important. De plus, depuis la loi NOME de décembre 2010, seuls les consommateurs et les gestionnaires de réseaux bénéficiaient d’une réduction sur le prix du raccordement aux réseaux d’électricité, appelée « réfaction tarifaire » (les installations EnR en bénéficiaient auparavant). Désormais, les coûts de raccordement des installations de production de biogaz au réseau de biogaz seront pris en charge jusqu’à 40% du prix total du raccordement. 60% maximum du coût de raccordement resteront à la charge du porteur du projet. En outre, le coût du raccordement au réseau d’électricité sera diminué pour les « petits et moyens producteurs » d’énergie renouvelable. Il sera désormais possible pour les petites et moyennes installations de bénéficier également d’une réduction du prix du raccordement allant jusqu’à 40 %. Le niveau de réfaction diminuera, selon le communiqué, avec l’augmentation de la puissance de l’installation. Les opérateurs seront donc vigilants quant à l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles, qui peuvent peser substantiellement sur l’équilibre économique des projets. Il s’agira en particulier de vérifier les conditions de seuils à respecter.

Exceptions au principe « silence vaut acceptation » : mise à jour du code forestier et du code rural et de la pêche maritime

Me Fanny Angevin- Green Law Avocats   Le décret n°2017-1411 du 27 septembre 2017 modifiant le code forestier et le code rural de la pêche maritime apporte des clarifications quant à l’application du principe « silence vaut acceptation ». Il vise à rendre plus accessible ces exceptions en les codifiant au sein du code forestier et du code rural. Pour rappel, la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, avait modifié la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (aujourd’hui codifiée au sein du code des relations entre le public et l’administration). Cette loi avait notamment instauré le principe selon « le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaut décision d’acceptation » (ancien article 21-I de la loi n°2013-1005 du 12 novembre 2013, aujourd’hui codifié à l’article L. 231-1 du code des relations entre le public et l’administration). Or, plusieurs décrets portaient des exceptions au principe « silence vaut acceptation » dans le domaine de la forêt et de l’agriculture (les décrets n°2014-1296, n°2014-1297, et n°2014-1298 du 23 octobre 2014) mais n’étaient pas pour autant codifiés au sein du code forestier et du code rural. Ainsi, les usagers devaient consulter différents textes afin de pouvoir identifier le cadre juridique applicable à leur situation. Le décret n°2017-1411 du 27 septembre 2017 met fin à cette situation en codifiant ces exceptions au sein du code forestier et du code rural. Sans modifier le droit existant, ce décret vise donc à simplifier l’accès aux règles applicables en matière agricole et forestière.