Du droit dans la Stratégie régionale du trait de côte

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Le droit ne se loge pas toujours là où on pourrait le penser … Pour preuve, l’Etat, pourtant en charge du contrôle de légalité, se voit opposer par le Tribunal administratif de Montpellier (TA Montpellier 11 mars 2021 n°1905928) sa propre « Stratégie régionale de gestion intégrée du trait de côte » (SRGITC),  document contre lequel le représentant de le sous-préfet de Béziers invoquait « l’absence de caractère décisoire et de portée normative ». On sait que le juge administratif ne s’arrête pas à la forme d’un acte pour lui reconnaître, le cas échéant, un effet décisoire et qu’il peut aller très loin en la matière (instructions, circulaires impératives, contrat verbal, fax …). Dans notre cas commune de Vias (dans l’Hérault) avait décidé de contester les qualifications juridiques retenues par  la Stratégie régionale de gestion intégrée du trait de côte Occitanie (SRGITC), pour la période 2018-2050. A cette occasion le Tribunal montpelliérain écarte en ces termes la fin de non-recevoir opposée par le préfet à la commune : « 3. En l’espèce, alors que la Stratégie régionale de gestion intégrée du trait de côte Occitanie se présente comme une aide à la réflexion et à la décision pour définir les modes de gestion du trait de côte, elle comporte toutefois, dans le document qui la matérialise, des formulations impératives telles que « Les projets de protection seront conformes au tableau prévu au chapitre 5 de la présente stratégie » ou encore « La construction de nouveaux ouvrages de protection dure sur ces espaces est proscrite ». Il ressort toutefois des pièces du dossier que ces prescriptions qui, contrairement à ce que le préfet fait valoir, s’apparentent bien à des lignes directrices pour l’instruction par les services de l’Etat des demandes d’autorisation de travaux sur le domaine public maritime, et de subvention de ceux-ci, présentées par les communes littorales dont la côte, comme en l’espèce celle de la commune de Vias, est soumise à des phénomènes d’érosion constants que de telles lignes directrices sont ainsi susceptibles d’avoir des effets notables sur les territoires de ces communes. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par le préfet doit être écartée ». Le droit mou qui devient dure lorsqu’il est qualifié de « lignes directrices » et illustre une fois de plus son importance en droit de l’environnement… Ce jugement peut être téléchargé depuis ce lien :

Fraude aux CEE : pas de retrait du nouveau compte détenteur

Par Maître David DEHARBE, Green Law Avocats Par un jugement avant dire droit n° 1802640 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Dijon, avant de statuer sur la demande de la Société ayant acquis des certificats d’économie d’énergie (CEE) tendant à l’annulation de la décision du ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en date du 28 juin 2018 prononçant leur retrait, a décidé, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d’Etat, en sollicitant un avis contentieux. Le Tribunal a soumis à l’examen de la la Haute juridiction la question de savoir si, dans l’hypothèse où des certificats ont été obtenus par fraude de leur premier détenteur, l’administration peut se fonder sur cette fraude pour prononcer le retrait du volume correspondant inscrit sur le compte de la société détentrice de ces certificats, alors même qu’aucun élément ne permet de considérer que cette dernière était en mesure d’en connaître le caractère frauduleux lors de leur inscription sur son compte. Le juge du fond, en cas de réponse positive à la question précédente, demandait encore au Conseil d’Etat s’il y a lieu d’élargir les conditions d’application de la solution dégagée par la décision du Conseil d’Etat n° 407149, 407198 du 5 février 2018 et de considérer que, lorsque l’administration constate que les certificats d’économie d’énergie inscrits au compte d’une société ont été obtenus par fraude de leur détenteur initial, elle doit apprécier, sous le contrôle restreint du juge, l’opportunité de procéder ou non au “retrait” de ces certificats du compte de cette société, compte tenu notamment de la gravité de la fraude et des atteintes aux divers intérêts publics ou privés en présence susceptibles de résulter soit du maintien de ces certificats soit de leur retrait. Le Conseil d’Etat répond dans un avis rendu le 24 février 2021 n°447326 (téléchargeable ici) que le second détenteur de certificat d’énergie ne peut pas se les voir annuler en raison de la fraude commise par leur premier détenteur. Etait en cause l’articulation des dispositions du Code de l’énergie et du CRPA (code des relations entre le public et l’administration) relative au cadre général du retrait des actes administratifs. On sait que l’article L. 241-2 du CRPA dispose que “Par dérogation aux dispositions du présent titre, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré.” Aux visas des articles L. 221-1, L. 221-7, L. 221-8, R. 221-26 et L. 222-8 du code de l’énergie, le Conseil d’Etat considère « qu’en définissant aux articles L. 22262 et L. 22-8 du code de l’énergie que les sanctions administratives et pénales auxquelles s’expose l’auteur d’un manquement aux dispositions législatives et réglementaires relatives aux certificats d’économie d’énergie, le législateur a déterminé l’ensemble des conséquences légales susceptibles d’être tirées d’un tel manquement ». « Par suite, lorsque le ministre chargé de l’énergie établit que les certificats d’économie d’énergie ont été obtenus de manière frauduleuse par leur premier détenteur, il peut prononcer à l’encontre de celui-ci, dans les conditions et selon la procédure prévue au code l’énergie, les sanctions mentionnées à l’article L. 222-2 de ce code et notamment, en application du 3° de cet article, l’annulation des certificats d’économie d’énergie qu’il déteint, pour un volume égal à celui concerné par la fraude. Mais ces dispositions particulières font obstacle à ce que le ministre puisse, indépendamment de leur mise en œuvre, prononcer le retrait de la décision d’octroi des certificats sur le fondement des dispositions générales de l’article L. 241-2 du code des relations entre le public et l’administration […] et à ce qu’il procède à l’annulation de ces certificats en conséquence de ce retrait ». « Il s’ensuit qu’en l’absence de toute disposition du code de l’énergie l’y habilitant, le ministre chargé de l’énergie ne peut, dans l’hypothèse où les certificats d’économie d’énergie acquis de manière frauduleuse par leur premier détenteur ont été cédé à un tiers, faire procéder à l’annulation des certificats litigieux dans le compte du nouveau détenteur ».

Manèges et troubles anormaux sur le domaine public

Par maître Isabeau LESTIENNE (Green Law Avocats) Par un jugement du 23 décembre 2020 (TA Lyon 23 décembre 2020 1606996 et 1608567), le tribunal administratif de Lyon a admis la demande indemnitaire d’une riveraine de Lyon pour obtenir réparation des préjudices qu’elle subissait du fait de l’installation de la « Grande Roue » sur la place Bellecour. Depuis 2006, le maire de Lyon autorise les exploitants de l’attraction foraine la « Grande roue » à installer celle-ci sur la place Bellecour. L’installation est autorisée chaque année  pour une durée de 100 jours et fonctionne sur de larges amplitudes d’horaires. La requérante soutenait que la responsabilité de la commune devait être engagée, même en l’absence de faute, en raison de la dégradation de son état de santé du fait du fonctionnement de la « Grande roue ». Elle réclamait 562 464 euros en réparation du préjudice professionnel et 40 000 euros en réparation des préjudices de toute nature que lui ont causés les autorisations du maire de Lyon d’installer une attraction foraine sur le domaine public.  Le tribunal, prenant appui sur le rapport judiciaire d’expertise médicale du 10 novembre 2011, a constaté que la requérante présentait différents symptômes affectant tant « son équilibre physique que psychologique et qui sont liés au mouvement circulaire de l’attraction foraine de type « Grande roue » située à proximité des fenêtres de son habitation principale, qui, dans leur majorité, ouvrent sur cette place ». Ces préjudices relatifs aux troubles physiques et psychiques provoqués par les effets lumineux pendant les phases d’exploitation de la « Grande Roue » avaient déjà été reconnus par la Cour administrative d’appel de Lyon (2 avril 2015 n°14LY00178). Effectivement dans cette affaire le juge avait admis le caractère anormal et spécial du préjudice concernant les troubles de toute nature dans ses conditions d’existence. Ce préjudice est anormal en raison du caractère invalidant des vertiges dont est affecté la requérante et spécial puisqu’il est susceptible d’affecter les seuls riverains de la place victimes de vertiges dus à la stimulation optocinétique que peut générer ce type d’installation. Le tribunal constate alors que les troubles subis par la requérante outrepassent ceux qu’un riverain du domaine public doit normalement supporter et ne sont pas équivalents à ceux auxquels sont communément exposés les riverains des axes de circulation. Le juge considère donc que la requérante est fondée à demander réparation de ce préjudice anormal. Cependant le tribunal recadre le montant du préjudice réclamé par la requérante et fixe celui-ci à 12 000 euros. En effet le tribunal a estimé que la requérante n’avait pas démontré que ses arrêts de travail prolongés après l’enlèvement de la « Grande roue » étaient bien imputables au manège ni même son placement en invalidité.

Feuille de route 2021 de l’Inspection

Par Maître David DEHARBE (GREEN LAW AVOCATS) Comme chaque année, le ministère de la transition écologique a présenté dans le cadre de l’instruction ministérielle du 15 décembre 2020, les actions prioritaires de l’inspection des installations classées pour l’année 2021.  Sans doute, la prise en compte de l’accidentologie, en particulier l’incendie de l’usine de Lubrizol et l’explosion du port de Beyrouth, a-t-elle influencé les choix du ministère. Le texte identifie des actions thématiques prioritaires qui constituent des axes d’efforts à mener au niveau national auxquelles s’ajoutent des « actions au choix » limitativement énumérées, que le Préfet met en œuvre en fonction des spécificités et besoins de chaque région.  Ainsi, pour l’année 2021 seront considérées comme actions prioritaires : De la même manière, les actions régionales pourront concerner : Pour les besoins de la mise en œuvre de ces actions, outre la présence renforcée d’agents de terrain et l’augmentation des effectifs, Barbara Pompili évoque la mise en place d’un dispositif de vigilance renforcée s’agissant des sites faisant ou ayant fait  l’objet « d’incidents, d’accidents réguliers ou de non-conformités », précisant qu’« un plan d’actions spécifique sera demandé aux exploitants et fera l’objet de contrôles supplémentaires de la part de l’inspection des installations classées afin d’en vérifier la bonne mise en œuvre ».  Pour ces raisons, il conviendra pour les exploitants, d’anticiper le renforcement des contrôles éventuellement inopinés de la part des services de l’inspection des installation classées en s’assurant dans les meilleurs délais de la conformité de leur installation au regard des prescriptions de l’arrêté préfectoral permettant leur exploitation.

La loi ASAP et la remise en état des ICPE

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) La loi dite ASAP, LOI n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, a d’une manière générale pour objet d’alléger les procédures administratives et de sécuriser la réglementation applicable aux porteurs de projets en matière environnementale pour permettre le développement de l’activité industrielle. Et, cette même loi est venue modifier le régime de la remise en état en matière d’ICPE par adoption de ses articles 57 et 58. Le régime de la remise en état des sites applicable aux ICPE à l’occasion de l’arrêt définitif d’une installation classée pour la protection de l’environnement est d’ores et déjà encadré  par le code de l’environnement. En effet, le code de l’environnement prévoit que l’exploitant doit notifier au préfet la date de l’arrêt définitif au moins 3 mois avant cet arrêt, conformément à l’article R.512-46-25 du code de l’environnement pour les installations soumises à enregistrement. Ce délai est également de 3 mois en ce qui concerne les ICPE soumises à autorisation et peut être porté à 6 mois pour les autorisations à durée limitée conformément à l’article R.512-39-1 du code de l’environnement. Concernant les ICPE soumises à déclaration, l’exploitant notifie au préfet la date de l’arrêt définitif au moins 1 mois avant cet arrêt (article R.512-66-1 du code de l’environnement). La notification ainsi prévu doit indiquer les mesures prises ou prévues pour assurer, dès l’arrêt de l’exploitation, la mise en sécurité du site et ces mesures comportent, notamment : 1° L’évacuation ou l’élimination des produits dangereux et la gestion des déchets présents sur le site ; 2° Des interdictions ou limitations d’accès au site ; 3° La suppression des risques d’incendie et d’explosion ; 4° La surveillance des effets de l’installation sur son environnement. Mais les obligations liées à la cessation d’activité ne sont pas limitées à la mise en sécurité du site. L’exploitant d’une installation doit encore réhabiliter le site pour rendre compatible les sols avec un usage futur conformément au code de l’environnement ou permettre un usage comparable à celui de la dernière période d’exploitation de l’installation mise à l’arrêt. Quel que soit le régime applicable à l’installation, l’exploitant doit placer le site de l’installation dans un état tel qu’il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement et en fonction du type d’installations : qu’il permette un usage futur du site déterminé selon les dispositions des articles R. 512-39-2 et R. 512-39-3 conformément à l’article R. 512-39-1 du code de l’environnement concernant le régime de l’autorisation. qu’il permette un usage futur du site déterminé selon les dispositions des articles R. 512-46-26 et R. 512-46-27 conformément aux dispositions de l’article R512-46-25 du code de l’environnement concernant le régime de l’enregistrement. qu’il permette un usage futur du site comparable à celui de la dernière période d’exploitation de l’installation  pour ce qui concerne les installations soumises à déclaration conformément aux dispositions de l’article R512-66-1 du code de l’environnement. Les réhabilitations de sites ICPE, notamment sous le régime de l’autorisation et de l’enregistrement, peuvent impliquer la validation du projet et de l’usage futur par le préfet. Et l’article R512-66-2 du code de l’environnement dispose qu’à tout moment et même après la remise en état du site, le préfet peut imposer à l’exploitant, les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1. En cas de modification ultérieure de l’usage du site, l’exploitant ne peut se voir imposer de mesures complémentaires induites par ce nouvel usage sauf s’il est lui-même à l’initiative de ce changement d’usage. La procédure de réhabilitation peut donc s’avérer longue et complexe et nécessiter de nombreux échanges avec la DREAL et le préfet, plus particulièrement lorsque le site a été l’objet de pollutions historiques. C’est pourquoi le nouvel exploitant ou l’aménageur du SSP peut souhaiter se substituer à l’exploitant en prenant à sa charge cette réhabilitation. Le code de l’environnement prévoit  en effet la possibilité pour l’exploitant qui cesse l’exploitation d’avoir recours à un «tiers demandeur» qui souhaiterait changer l’usage actuel du site, de se substituer à l’exploitant, pour réaliser les travaux de réhabilitation en fonction de l’usage que ce tiers envisage pour le terrain concerné. Cette possibilité est prévue et encadrée par l’article L. 512-21 du code de l’environnement depuis la loi ALUR. Cette substitution n’est possible que si la demande en est faite auprès des services de l’Etat du département. Le tiers demandeur adresse au représentant de l’Etat dans le département un mémoire de réhabilitation définissant les mesures permettant d’assurer la compatibilité entre l’usage futur envisagé et l’état des sols. Le représentant de l’Etat se prononce alors sur l’usage proposé et peut prescrire au tiers demandeur les mesures de réhabilitation nécessaires pour l’usage envisagé. La loi ASAP est venue modifier le régime de la remise en état applicable aux ICPE en consacrant à l’article 57 le recours à des entreprises certifiées pour attester d’une remise en état effective du site pollué (I.), et en élargissant la possibilité de transférer l’obligation de remise en état à un tiers (II.). La loi ASAP a également modifié l’article L. 512-6-1 du code de l’environnement en imposant aux installations mises à l’arrêt et soumises à autorisation de ne pas porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 211-1 du même code, et elle a ajouté à l’article L. 514-8 du code de l’environnement, les dépenses que l’Etat a engagées ou fait engager dans le cadre de la gestion ou du suivi des impacts et conséquences d’une situation accidentelle (III.). Pour finir la loi d’accélération et de simplification de l’action publique édicte à son article 58 la possibilité pour le préfet de fixer un délai contraignant pour les opérations de réhabilitation et de remise en état des sites ayant accueilli des ICPE (IV.). La consécration du recours à une entreprise certifiée pour attester de la remise en état du site  L’article 57 de la loi ASAP a inséré aux articles L. 512-6-1 et L. 512-7-6 qui concernent les installations soumises à enregistrement et autorisation…