La réutilisation de l’eau encadrée par décret

Par Maître Marie KERDILES (Green Law Avocats) L’article L.211-9 du code de l’environnement prévoit que : « Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions dans lesquelles peuvent être imposées les mesures à prendre pour la construction et l’entretien des réseaux et installations publiques et privées dans le but d’éviter le gaspillage de l’eau » . Toutefois depuis l’adoption de la loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (JORF n°0035 du 11 février 2020), l’article L.211-9 du code de l’environnement dispose que « Ce décret définit également les usages et les conditions dans lesquelles les eaux usées traitées peuvent être réutilisées ainsi que les usages et bâtiments pour lesquels les eaux de pluie peuvent être utilisées de manière compatible avec le bon état écologique des eau ». C’est dans ce contexte que le décret n° 2022-336, entré en vigueur le 11 mars 2022, est intervenu pour définir les modalités d’encadrement de nouveaux usages d’eaux usées traitées, autres que ceux déjà encadrés par des réglementations dédiées (NOR : TREL2126743D, JORF n°0059 du 11 mars 2022, téléchargeable ci-dessous et signalé par Actu Environnement). Il précise notamment les caractéristiques des eaux usées traitées pouvant être utilisées, les usages possibles, la procédure d’autorisation des projets d’utilisation (contenu du dossier de demande, durée maximale prévue pour l’autorisation, contenu de l’arrêté préfectoral) et les modalités de suivi et de surveillance à mettre en place pour s’assurer que l’utilisation de ces eaux est compatible avec les exigences de protection de la santé humaine et de l’environnement. Sont concernés les maîtres d’ouvrage et exploitants d’un système d’assainissement collectif permettant la collecte, le transport et le traitement des eaux usées, des installations d’assainissement non collectif et de distribution, de stockage ou d’utilisation des eaux usées traitées et les exploitants des installations classées pour la protection de l’environnement. L’article 2 du décret pose ainsi les principes suivants : I. – L’utilisation des eaux usées traitées peut être autorisée à condition que les caractéristiques de ces eaux et les usages qui en sont faits soient compatibles avec les exigences de protection de la santé humaine et de l’environnement. II. – Les eaux usées traitées dont l’utilisation peut être autorisée sont issues : 1° Des installations relevant de la rubrique 2.1.1.0. de la nomenclature définie à l’article R. 214-1 du code de l’environnement et dont les boues respectent l’ensemble des valeurs limites figurant aux tableaux I a et I b de l’annexe I de l’arrêté du 8 janvier 1998 susvisé ; 2° Des installations relevant de la nomenclature annexée à l’article R. 511-9 du même code. Lorsque ces eaux usées sont issues d’une installation de traitement des eaux usées qui produit des boues, celles-ci doivent respecter l’ensemble des valeurs limites figurant aux tableaux I a et I b de l’annexe VII a de l’arrêté du 2 février 1998 susvisé. Sont exclues les eaux usées issues d’une installation de traitement reliée à un établissement de collecte, d’entreposage, de manipulation après collecte ou de transformation des sous-produits animaux de catégories 1 ou 2 au sens du règlement (CE) n° 1069/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 susvisé et soumis à la réglementation des installations classées au titre des rubriques 2730 ou 2731 ou 3650 ou directement issues de cet établissement, à moins que ces eaux usées aient été préalablement traitées thermiquement à 133°C pendant vingt minutes sous une pression de trois bars. III. – Seuls peuvent être autorisés les usages ne conduisant pas à utiliser les eaux usées traitées à l’intérieur des lieux suivants : 1° Les locaux à usage d’habitation ;2° Les établissements sociaux, médico-sociaux, de santé, d’hébergement de personnes âgées ;3° Les cabinets médicaux ou dentaires, les laboratoires d’analyses de biologie médicale et les établissements de transfusion sanguine ;4° Les crèches, les écoles maternelles et élémentaires ;5° Les autres établissements recevant du public pendant les heures d’ouverture au public. Ne peuvent être autorisés les usages suivants : 1° Alimentaires, dont la boisson, la préparation, la cuisson et la conservation des aliments, le lavage de la vaisselle ;2° L’hygiène du corps et du linge ;3° D’agrément comprenant notamment, l’utilisation d’eau pour les piscines et les bains à remous, la brumisation, les jeux d’eaux, les fontaines décoratives accessibles au public. IV. – Les utilisations d’eau dans les domaines suivants sont régies exclusivement par les dispositions qui leurs sont propres : 1° L’irrigation des cultures et l’arrosage des espaces verts, régie par les dispositions de l’article R. 211-23 du code de l’environnement ;2° La production et la transformation de denrées alimentaires dans les entreprises alimentaires, régies par les dispositions des articles L. 1321-1 et L. 1322-14 du code de la santé publique et le règlement (CE) n° 852/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 susvisé ;3° Les usages dans une installation relevant de la nomenclature annexée à l’article R. 511-9 du code de l’environnement ou de la rubrique 2.1.1.0 de la nomenclature définie à l’article R. 214-1 du même code, tels qu’ils sont autorisés par l’arrêté préfectoral encadrant le fonctionnement de l’installation. Une demande devra donc être déposée, dans les conditions précisées à l’article 3 du décret : La demande d’autorisation d’utilisation des eaux usées traitées est déposée par le producteur ou l’utilisateur des eaux usées traitées auprès du préfet du département où ces eaux usées traitées sont produites, en vue de leur utilisation sur le territoire du département. Elle est accompagnée d’un dossier permettant de justifier de l’intérêt du projet par rapport aux enjeux environnementaux et de démontrer sa compatibilité avec la protection de la santé humaine et de l’environnement. Le dossier comporte :1° La lettre de demande identifiant les parties prenantes et le document prévoyant leurs engagements et obligations réciproques ;2° La description du milieu recevant les eaux usées traitées antérieurement au projet et la description détaillée du projet d’utilisation de ces eaux ;3° Une évaluation des risques sanitaires et environnementaux et des propositions de mesures préventives et correctives pour maîtriser et gérer ces risques, notamment lors des dysfonctionnements de l’installation de traitement des eaux usées ;4° La…

Radar et modélisation des perturbations éoliennes : Qinetiq agréée

Par Maître Marie-Coline GIORNO (Green Law Avocats) Par une décision du 3 février 2022 (téléchargeable ci-dessous) publiée au bulletin officiel du ministère de la transition écologique (NOR : TREP2201124S) le 23 février 2022, le ministère de la transition écologique a reconnu la méthode de modélisation des perturbations générées par les aérogénérateurs sur les radars météorologiques CLOUDSiS 1.0 ainsi que la société Qinetiq Ltd chargée de sa mise en œuvre. Pour mémoire, il résulte de l’article 4 de l’arrêté du 26 août 2011 modifié relatif aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement que « L’installation est implantée de façon à ne pas perturber de manière significative le fonctionnement des radars utilisés dans le cadre des missions de sécurité météorologique des personnes et des biens et de sécurité à la navigation maritime et fluviale. […] ». Pour mémoire, il résulte de l’article 4 de l’arrêté du 26 août 2011 modifié relatif aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement que « L’installation est implantée de façon à ne pas perturber de manière significative le fonctionnement des radars utilisés dans le cadre des missions de sécurité météorologique des personnes et des biens et de sécurité à la navigation maritime et fluviale. […] » Afin de permettre l’implantation des éoliennes terrestres sans perturber les radars météorologiques, le  point 12° d de l’article D. 181-15-2 du code de l’environnement prévoit que lorsque l’implantation des aérogénérateurs est prévue à proximité d’un radar météorologique (cf. distance d’éloignement concernée fixée par le tableau I de l’article 4 de l’arrêté du 26 août 2011 modifié), le dossier de demande d’autorisation environnementale est complété par « une étude des impacts cumulés sur les risques de perturbations des radars météorologiques par les aérogénérateurs implantés en deçà de cette distance ». A propos de cette étude, l’article 4-1 II de l’arrêté du 26 août 2011 modifié ajoute que  cette dernière peut être réalisée selon une méthode reconnue par décision du ministre chargé des installations classées pour la protection de l’environnement. L’article 4-1 III précise que la reconnaissance de cette méthode ainsi que des organismes compétents pour la mettre en œuvre est conditionnée par la fourniture au ministre chargé des installations classées pour la protection de l’environnement d’un certain nombre d’informations  par l’organisme qui souhaite la mettre en œuvre. L’article 4-1 V de l’arrêté du 26 août 2011 énonce, quant à lui, qu’en cas de projet faisant l’objet d’un renouvellement autre qu’un renouvellement à l’identique, les éléments portés à la connaissance du préfet contiennent une étude comparant les impacts sur la situation des radars météorologiques avant et après modification et que cette étude peut être réalisée selon une méthode reconnue par décision du ministre chargé des installations classées pour la protection de l’environnement. C’est dans ce cadre qu’est intervenue la décision du 3 février 2022 du ministère. Aux termes de l’article 1er de cette décision, «  La méthode de modélisation CLOUDSiS 1.0 faisant l’objet du rapport QINETIQ/15/02959/3.0 complété par le rapport QINETIQ/21/04399/1 et la société Qinetiq Ltd (numéro de société 03796233) chargée de la mettre en œuvre, sont reconnues au titre de l’article 4-1.-II, 4-1.III et 4-1.V de l’arrêté du 26 août 2011 modifié susvisé». Il en résulte que la décision du 20 novembre 2015 relative à la reconnaissance de la méthode de modélisation des perturbations générées par les aérogénérateurs sur les radars météorologiques CLOUDSiS 1.0 et de la société Qinetiq Ltd est abrogée. Par ailleurs, un formulaire joint en annexe (téléchargeable-ci-dessous) de la décision du 3 février 2022 doit, en vertu de l’article 4 de cette décision, être rempli par la société Qinetic LTD pour chaque projet éolien ayant fait l’objet d’une modélisation conformément à cette méthode. Enfin, toute modification de la méthode de modélisation ou de l’organisme chargé de sa mise en œuvre doit faire l’objet d’une information préalable de la ministre chargée des installations classées pour la protection de l’environnement. Toute modification de la méthode est soumise aux formalités de la procédure de reconnaissance initiale. La décision relative à la reconnaissance de la méthode de modélisation CLOUDSiS 1.0 ainsi qu’à la reconnaissance de la société Qinetiq Ltd chargée de sa mise en œuvre est entrée en vigueur le 24 février 2022. Decision-TREP2201124S-et-annexes Télécharger

Centrale électrique du Larivot : lorsque le Conseil d’Etat piétine dans la lutte contre le changement climatique

Par Maître Marie-Coline GIORNO (Green Law Avocats) Pour reprendre les termes de l’ancien vice-président du Conseil d’Etat Bruno Lasserre lors des Regards croisés du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation sur le thème « L’environnement : les citoyens, le droit, les juges » en mai 2021 :  « la lutte contre le changement climatique n’en est pas moins devenue la « lutte-mère » ; celle qui, par son ampleur et le fait qu’elle concerne sans exception tous les êtres humains, symbolise aujourd’hui et donne son souffle au mouvement général en faveur de l’environnement. Elle se présente ce faisant comme un laboratoire dans lequel sont élaborés et testés de nouveaux moyens d’action juridiques, derrière lesquels se cachent en réalité le modèle de société dans lequel nous souhaitons vivre demain, et à travers lesquels sont définies les réponses à la question : « quel monde allons-nous laisser aux générations qui nous succéderont ? ».  Le Conseil d’Etat aurait-il déjà oublié ces mots prononcés solennellement quelques mois auparavant ? Il est vrai que l’article 7 du décret n° 2017-457 du 30 mars 2017 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie de la Guyane (JORF n°0078 du 1 avril 2017) a prévu le remplacement de la centrale thermique de Dégrad-des-Cannes, très vétuste, par une nouvelle centrale thermique. Le principe de l’installation sur le territoire de la commune de Matoury, au lieu-dit Le Larivot, a été arrêté par une délibération de la collectivité territoriale de Guyane du 10 février 2017 et dont l’exploitation par la société EDF Production Insulaire (PI) a été autorisée par un arrêté du ministre en charge de l’énergie le 13 juin 2017. Par un arrêté du 19 octobre 2020 portant déclaration de projet, le préfet de la Guyane a déclaré le projet d’intérêt général et mis en compatibilité le plan local d’urbanisme de la commune de Matoury. Par un arrêté du 22 octobre 2020, le préfet a délivré une autorisation environnementale pour l’exploitation de cette centrale (signalé par Actu Environnement). Ce dernier arrêté a été suspendu par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane en date du 27 juillet 2021, prise sur le fondement de l’article L. 554-12 du code de justice administrative (consultable sur le site de juridiction). Cette ordonnance a été commentée par le Cabinet Green Law Avocats sur son blog et, à l’époque, nous nous interrogions déjà sur la présomption d’urgence retenue au regard de l’existence potentielle d’un intérêt public (CE Sect. 16 avril 2012 Commune de Conflans-Sainte-Honorine et autres, req. n° 355792, Lebon 153). Cette ordonnance a fait l’objet de deux pourvois et de deux demandes de sursis à exécution, présentés par la société EDF Production Insulaire et par la ministre de la transition écologique. Suivant les conclusions très étayées de son rapporteur public (disponibles ici), le Conseil d’État a annulé la suspension de l’autorisation environnementale de la future centrale électrique du Larivot décidée par le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane (CE, 10 février 2022, n° 455465, mentionné aux Tables du recueil Lebon : téléchargeable ci-dessous et sur doctrine). Le Conseil d’Etat avait plusieurs possibilités pour censurer l’ordonnance des référés. Il pouvait en effet censurer l’appréciation « radicalement erronée » (selon les termes du rapporteur public)  de la condition d’urgence. A cet égard, le rapporteur public estimait que la perspective de « black-out » du littoral guyanais où se trouve l’essentiel de la population constituait une atteinte d’une particulière gravité à l’intérêt général justifiant de ne pas faire jouer la présomption d’urgence (CE Sect. 16 avril 2012 Commune de Conflans-Sainte-Honorine et autres, req. n° 355792, Lebon 153). La sécurité d’approvisionnement présentent en effet un intérêt public auquel ni le Conseil d’Etat (CE, avis, 29 avril 2010, Burgaud, n°323179) ni la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, gde chambre, 29 juillet 2019, Inter-Environnement Wallonie ASBL, C 411/17) ne restent insensibles. Le Conseil d’Etat a toutefois préféré, suivant les conclusions de son rapporteur public, censurer l’ordonnance de référé du 27 juillet 2021 pour erreur de droit dans l’appréciation du doute sérieux à un double titre : > D’une part, en raison d’une mauvaise application de l’article L. 100-4 du code de l’énergie (I) > Et, d’autre part, en raison d’une mauvaise application de l’article L. 121-40 du code de l’urbanisme (II). I/ Sur l’erreur de droit dans l’application de l’article L. 100-4 du code de l’énergie Le Conseil d’Etat a considéré, dans un premier temps, que : « la prise en compte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 fixés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie est prévue pour les autorisations d’exploiter une installation de production d’électricité par l’article L. 311-5 du code de l’énergie et pour les autorisations environnementales lorsqu’elles tiennent lieu d’une telle autorisation en application de l’article L. 181-3 du code de l’environnement. Il en va en revanche différemment pour les autorisations environnementales qui ne tiennent pas lieu d’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité. » Il en a alors déduit : « qu’en jugeant comme de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l’autorisation environnementale le moyen tiré de la méconnaissance de l’obligation de prise en compte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre résultant de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, alors que cette autorisation ne valait pas autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité au titre du code de l’énergie, laquelle avait été précédemment délivrée par un arrêté du 13 juin 2017, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a commis une erreur de droit. » Pour mémoire, l’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité prévue par l’article L. 311-5 du code de l’énergie est délivrée par l’autorité administrative en tenant compte notamment de l’impact de l’installation sur les objectifs de lutte contre l’aggravation de l’effet de serre. Cette exigence vaut également pour les autorisations environnementales lorsqu’elles tiennent lieu d’une telle autorisation en application de l’article L. 181-3 du code de l’environnement. Le Conseil d’Etat estime qu’il en va en revanche différemment pour les autorisations environnementales qui ne tiennent pas lieu d’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité. Cette position soulève des…

Priorités de l’inspection des ICPE pour 2022 : un programme chargé mais rien de très nouveau

Par Maître Marie-Coline, avocate collaboratrice (Green Law Avocats)

Par une instruction du 22 décembre 2021, mise en ligne le 4 janvier 2022, le ministre de la transition écologique a défini les actions prioritaires de l’inspection des installations classées pour l’année 2022.

La QPC prometteuse qui accouche d’une souris…

Par Maître David DEHARBE (GREEN LAW AVOCATS) Dans une décision n° 2021-953 QPC, le Conseil constitutionnel a finalement admis la conformité au « du principe de nécessité des délits et des peines » du cumul d’une amende administrative forfaitaire et d’une sanction pénale prévu par le droit des polices environnementales (cf. L.173-1, II et L. 171-8 du code de l’environnement). C’est une demi surprise mais on était en droit d’espérer que les sages de la rue de Montpensier reconnaissant une autre portée au principe non bis in idem, invoqué contre le cumul de sanctions administrative et pénale devenu la règle en matière d’environnement . Quelques explications s’imposent pour comprendre notre déception. Selon l’article L. 171-8 du code de l’environnement, en cas de méconnaissance des prescriptions applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement, l’autorité administrative compétente met en demeure l’exploitant de l’installation ou de l’ouvrage classé d’y satisfaire dans un délai qu’elle détermine. Les dispositions du même article prévoient que l’exploitant qui ne s’est pas conformé à cette mise en demeure à l’expiration du délai imparti peut se voir infliger une amende administrative d’un montant maximum de 15 000 euros. Par ailleurs, les dispositions de l’article L. 173-1 du même code prévoient qu’une personne physique reconnue coupable du délit d’exploitation d’une installation classée pour la protection de l’environnement en violation de cette mise en demeure encourt une peine de deux ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende. Lorsqu’il s’applique à une personne morale, ce même délit est, selon l’article L. 173-8 du même code, puni d’une amende de 500 000 euros qui peut s’accompagner, notamment, des peines de dissolution de la personne morale, de placement sous surveillance judiciaire, de fermeture temporaire ou définitive ou d’exclusion des marchés publics à titre temporaire ou définitif L’exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement avait contesté via une QPC la constitutionnalité ce cadre légal en ce qu’il permet l’intervention d’une amende forfaitaire administrative infligée pour non-respect d’une mise en demeure qui l’exposait encore à une sanction pénale. Le principe non bis in idem, selon lequel on ne peut être sanctionné deux fois pour les mêmes faits est effectivement implicitement consacré à l’article à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Selon le Conseil constitutionnel « Si l’éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues » (Cons. const. 28 juillet 1989, n°89-260DC, § 22). Dans sa décision du 3 décembre 2021 le Conseil constitutionnel rappelle que « Les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s’étendent à toute sanction ayant le caractère d’une punition ». Ainsi le Conseil admet que le cumul de sanctions administratives et pénales doit respecter les principes de légalité, de proportionnalité et de  la nécessité des peines. Mais le juge constitutionnel limite la portée pratique du non bis in idem en précisant : « Il découle du principe de nécessité des délits et des peines qu’une même personne ne peut faire l’objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux. Or bien évidemment en l’espèce le juge constitutionnel considère que le cumul n’intéresse pas des sanctions de même nature : « 10. Ainsi, à la différence de l’article L. 171-8 qui prévoit uniquement une sanction de nature pécuniaire, l’article L. 173-1 prévoit une peine d’amende et une peine d’emprisonnement pour les personnes physiques ou, pour les personnes morales, une peine de dissolution, ainsi que les autres peines précédemment mentionnées. 11. Dès lors, les faits prévus et réprimés par les dispositions contestées doivent être regardés comme susceptibles de faire l’objet de sanctions de nature différente. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des peines doit être écarté ». Cette solution est fort discutable dès lors que le principe non bis in idem ne justifie en rien de distinguer selon la nature des peines lorsque, pour partie au moins ou même en totalité, elles peuvent être identiques quand le juge entre en condamnation : l’exploitant ICPE qui ne respecte pas une mise en demeure s’expose au versement d’une somme d’argent tant au titre de l’amende administrative que de la peine contraventionnelle,  au-delà du risque de la peine privative de liberté. Et au demeurant l’amende administrative comme la contravention ont en commun de constituer des mesures à proprement parler répressives qui tendent tout autant à sanctionner, à obtenir l’obéissance et ont une portée prophylactique. Il est d’autant plus regrettable de voir le Conseil opter pour cette solution qu’elle ignore la grande portée en pratique de l’amende administrative : faute de pouvoir en obtenir aisément la suspension par le juge administratif, elle rend le privilège du préalable redoutable en confiant non à un juge mais aux administrations le pouvoir de sanctionner … Mais fait-il le rappeler ? Un tel scenario expose à l’arbitraire. Or c’est pourtant le rôle du Conseil constitutionnel de nous en protéger. Ces QPC prometteuses qui accouchent d’une souris et de renvois qui tournent à vide sont décidément une grande déception pour les avocats aux barreau qui attendent d’une justice constitutionnelle qu’elle soit un peu moins encline à faciliter l’action administrative et un peu plus dévouée à la protection des libertés publiques.