Pollution agricole des eaux : programme d’action et zonages pataugent dans le contentieux

Au titre de la directive du 12 décembre 1991 (91/676/CEE) dite « directive Nitrates », les Etats membres se sont engagés à établir des programmes d’actions afin de réduire et prévenir toute pollution des eaux provoquée ou induite par les nitrates à partir de sources agricoles. Afin de cibler les actions sur les zones concernées, une délimitation des zones vulnérables, réactualisée tous les 4 ans, a été imposée aux Etats-membres. La dernière révision a été engagée en 2012, et s’est achevée par la prise de plusieurs arrêtés délimitant les zones vulnérables. Ils concernent les zones qui alimentent des eaux dont la teneur en nitrates excède 40mg/litre ou qui sont soumises à une eutrophisation susceptible d’être efficacement combattue par une réduction des apports azotés (C. envir., art. R. 211-75 et R. 211-76, créés par D. no 93-1038, 27 août 1993, art. 1er : JO, 3 sept.). Cette campagne de révision s’est traduite par le classement de 1 440 communes supplémentaires par rapport aux quelques 18 400 communes déjà concernées (surtout localisées dans les bassins Adour-Garonne, Loire-Bretagne, Rhône-Méditerranée et Seine-Normandie). Parallèlement, 617 communes ont été déclassées. Désormais, environ 55 % de la surface agricole de la France est classée en zone vulnérable ; cela correspond aux régions où l’activité agricole est la plus importante. Cette question cruciale, notamment en raison des conséquences financières importantes qu’engendre le classement d’un terrain en zone vulnérable pour les agriculteurs, promet déjà une vague de contentieux importante, tant au niveau national qu’européen. Au niveau interne, tout porte à croire que les conséquences financières qui découlent du classement d’un terrain incitent les communes et les acteurs du secteur agricole concernés à s’engouffrer dans la voie contentieuse. Ce sont les arrêtés des préfets de la région Centre, coordonnateurs des bassins Français et délimitant les zones vulnérables à la pollution par les nitrates d’origine agricole qui sont ici exposés. Les premiers contentieux ont pour l’instant épargné l’Etat (par ex. : TA Orléans, 31 décembre 2013, n°1300565). Au niveau européen, le contexte est brulant. La France a en effet été condamnée le 13 juin 2013 pour ne pas avoir correctement désigné les zones vulnérables à la pollution des eaux par les nitrates et pourrait l’être à nouveau prochainement en raison de l’insuffisance des mesures de protection adoptées. En effet, dans ses conclusions (téléchargeables ici) rendues le 16 janvier 2014 (Affaire C‑237/12 Commission européenne contre République française), l’avocat général Juliane Kokott juge insuffisante  la mise en œuvre des programmes de lutte contre les nitrates. Il est notamment reproché à la France d’être trop souple quant aux mesures liées à l’interdiction et les limitations à l’épandage, d’être imprécise sur l’obligation de fertilisation équilibrée, de sous-estimer les normes de productions d’azote pour plusieurs espèces d’animaux. Il est vrai que le gouvernement peine à donner pleine application à la directive « Nitrates », tant l’équilibre entre les exigences européennes, les objectifs écologiques et l’intérêt des agriculteurs est difficile à trouver. Cela ressort notamment des difficultés rencontrées dans le processus de redéfinition actuellement en cours du dispositif de réglementation de l’usage des fertilisants azotés et des pratiques agricoles associées. On en veut pour preuve que la première génération de programmes régionaux qui devait s’appliquer au plus tard le 31 juin 2013, en prenant le relais des programmes départementaux jusque là opposables a été retardée et repoussée au plus tard au 31 août 2014 (D. n°.2013-786, 28 août 2013 : JO, 30 août). Neda ARMBRUSTER – Docteur en droit – Elève avocat

ICPE: les élevages de porcs soumis au régime de l’enregistrement, une nouvelle rubrique pour le traitement de déchets de PCB

Les exploitants d’ICPE veilleront aux modifications suivantes apportées à la nomenclature. Le décret n°2013-1301 du 27 décembre 2013 (NOR:  DEVP1328917D) introduit les changements suivants : – deux nouvelles rubriques de la nomenclature des ICPE sont soumises au régime de l’enregistrement : les élevages de porcs, d’une part, l’activité de transformation de polymères (matières plastiques, caoutchouc, etc., rubrique n°2661), d’autre part. Nous parlions ici de cette réforme sujette à débat. – et des rubriques consacrées au traitement des déchets sont également modifiées : ainsi, la rubrique 1180 intégrant des activités de traitement de déchets est supprimée, tandis qu’une rubrique relative au traitement des déchets de PCB est créée (la rubrique 2792).   Sont publiés le même jour les arrêtés de prescriptions générales pour la rubrique relative aux polymères (disponible ici pour la rubrique 2661, et là pour les élevages de porcs).  

Elevage de porcs: les textes modifiant la nomenclature sont soumis à consultation jusqu’au 15 novembre

Comme nous l’avions récemment écrit sur le blog (cf. article sur la mise en place d’un permis unique), le Gouvernement annonçait qu’il publiera prochainement les textes réglementaires permettant de soumettre au seul régime de l’enregistrement les élevages de porcs d’une taille inférieure au seuil européen fixé par la directive 2010/75 du 24 novembre 2010 dite directive « IED ». A l’heure actuelle, les élevages dépassant le seuil de 450 animaux sont soumis au régime de l’autorisation tandis que ceux dont le cheptel est compris entre 50 et 450 têtes relèvent du régime de la déclaration. Le projet de décret en consultation tend à modifier la rubrique 2102 de la nomenclature ICPE relative aux établissements d’élevage, vente et de transit de porcs en stabulation ou en plein air. Au sein de la rubrique serait crée un régime d’enregistrement venant remplacer dans les mêmes termes celui de l’autorisation (élevages de plus de 450 porcs). Le nouveau régime de l’autorisation viendrait se conformer au droit communautaire, plus précisément à la directive « IED » qui prévoit que soient soumis au régime de l’autorisation les projets d’élevages porcins de plus de 2000 emplacement de porcs charcutiers ou plus de 750 truies. Enfin, conséquence de la mise en place d’un régime d’enregistrement, les élevages précédemment soumis au régime de l’autorisation sans être soumis aux seuils « IED » susmentionnés pouvaient bénéficier des dispositions de la section 7 du chapitre V du titre Ier du livre V de la partie réglementaire du code de l’environnement pour les procédures d’autorisation en cas de regroupement. La création du régime de l’enregistrement rend donc ces dispositions inutiles pour ces élevages. Le projet de décret propose de les supprimer par la même occasion. Le projet de texte est actuellement soumis à la consultation du public sur le site du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie depuis le 25 octobre et ce jusqu’au 15 novembre 2013. Les personnes intéressées- et on sait qu’elles sont nombreuses-  peuvent faire valoir leurs observations sur le projet de texte avant son passage en Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques du 19 novembre 2013. Valentin Guner Green Law Avocat

La possible indemnisation du propriétaire d’une parcelle déclassée en raison de la création d’un périmètre de protection rapprochée d’un plan d’eau

Dans un arrêt en date du 09 octobre 2013 (Civ. 3e, 9 oct. 2013, FS-P+B, n° 12-13.694), la Cour de cassation souligne le droit à indemnisation d’un propriétaire de parcelles déclassées à la suite de la modification du zonage d’un plan d’occupation des sols (POS), conséquence de la création d’un périmètre de protection rapprochée d’un prélèvement d’eau. En l’espèce les faits soumis à la Cour de cassation étaient classiques en la matière : Le préfet avait déclaré d’utilité publique la dérivation des eaux d’une rivière et avait instauré, en application de l’article L. 1321-2 du code de la santé publique, un périmètre de protection rapprochée d’une prise d’eau située sur la commune d’Itteville. L’arrêté qui avait été pris précisé que les zones de ce périmètre devaient être classées en zones agricoles. Il s’en était suivi une modification par la commune de son plan d’occupation des sols. Le propriétaire de plusieurs parcelles avait été indemnisé par le juge de l’expropriation au titre de l’article L 1321-3 du Code de santé publique. Le syndicat intercommunal au profit duquel le prélèvement d’eau avait été déclaré d’utilité publique contestait la décision des juges du fonds d’accorder au propriétaire une indemnisation liée au déclassement des parcelles. Confirmant la décision de Cour d’appel, la Cour de cassation rejette les arguments du syndicat intercommunal et rappelle le bien fondé des éléments de fait appréciés par les juges du fond qui ont permis de conclure à l’indemnisation du propriétaire terrien: « Mais attendu qu’ayant exactement retenu que le classement en zone NC ou ND de parcelles classées à la date de l’arrêté préfectoral du 21 février 2003 en zone d’urbanisme NAUI et NAUL ainsi que l’interdiction de certaines activités et les restrictions apportées à d’autres, caractérisaient une restriction au droit de jouissance du bien et que la diminution importante de leur usage subie par les parcelles était consécutive non pas à leur classement en zone non constructible mais à leur inclusion dans un périmètre de protection, leur classement n’étant que la technique utilisée par l’administration pour faire respecter le périmètre de protection, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes et qui a déduit à bon droit de ces seuls motifs, sans excéder ses pouvoirs, que cette diminution d’usage devait être indemnisée, a légalement justifié sa décision » ; Cette décision de la Cour de cassation a le mérite de mettre en lumière l’indemnisation de propriétaires terriens qui subissent un déclassement de leur parcelles dans le cadre de la création d’un périmètre de protection rapprochée d’un plan d’eau prise au titre de l’article L 1321-2 du Code de santé publique. Surtout, on ne pourra que constater qu’en se plaçant sur le terrain de la restriction d’usage  pour justifier l’indemnisation du propriétaire, la Cour de cassation répond par ailleurs à l’argumentation du syndicat qui contestait l’appréciation qui avait été faite de l’indemnisation allouée, puisqu’elle précise que les juges du fond n’était tenu, ni de fixer une date de référence, ni de rechercher l’usage effectif des parcelles à cette date ni de préciser à quelle date il se plaçait pour évaluer cette dépréciation. Une telle liberté d’appréciation est pour le moins détonante eu égard aux règles très strictes édictées notamment en matière d’expropriation. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Gaz de schiste: la loi interdisant la technique de fracturation est jugée conforme à la Constitution

Le Conseil constitutionnel a rejeté l’ensemble des griefs d’une société spécialisée dans l’exploration de gaz de schiste à l’encontre des articles 1er et 3 de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 (Décision n°2013-346 du 11 octobre 2013) Rappelons que cette loi vise à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique. La société avait soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à l’encontre de cette loi, et le Conseil d’Etat avait transmis le 12 juillet dernier la QPC au Conseil constitutionnel. Différents arguments étaient soulevés: la violation du principe d’égalité devant la loi (la technique de fracturation n’était pas interdite pour la géothermie); la violation du principe de la liberté d’entreprendre la violation du principe de précaution consacré par l’article 5 de la Charte de l’environnement ; la violation du droit de propriété ; la violation du principe de conciliation des politiques publiques avec la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social consacré par l’article 6 de la Charte de l’environnement. Dans sa décision du 11 octobre 2013, le Conseil constitutionnel rejette la question prioritaire en considérant que Premièrement, “que la différence de traitement entre les deux procédés de fracturation hydraulique de la roche qui résulte de l’article 1er est en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ;”, et que par conséquent, le principe d’égalité n’était pas méconnu. Deuxièmement, s’agissant de la liberté d’entreprise, le Conseil considère “que l’interdiction de recourir à des forages suivis de la fracturation hydraulique de la roche pour rechercher ou exploiter des hydrocarbures sur le territoire national est générale et absolue ; qu’elle a pour effet de faire obstacle non seulement au développement de la recherche d’hydrocarbures « non conventionnels » mais également à la poursuite de l’exploitation d’hydrocarbures « conventionnels » au moyen de ce procédé ; qu’en interdisant le recours à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche pour l’ensemble des recherches et exploitations d’hydrocarbures, lesquelles sont soumises à un régime d’autorisation administrative, le législateur a poursuivi un but d’intérêt général de protection de l’environnement ; que la restriction ainsi apportée tant à la recherche qu’à l’exploitation des hydrocarbures, qui résulte de l’article 1er de la loi du 13 juillet 2011, ne revêt pas, en l’état des connaissances et des techniques, un caractère disproportionné au regard de l’objectif poursuivi.” Troisièmement, s’agissant du droit de propriété, il est jugé que l’article 3 de la loi ne porte pas atteinte à une situation légalement acquise et que “les autorisations de recherche minière accordées dans des périmètres définis et pour une durée limitée par l’autorité administrative ne sauraient être assimilées à des biens objets pour leurs titulaires d’un droit de propriété ; que, par suite, les dispositions contestées n’entraînent ni une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 ni une atteinte contraire à l’article 2 de la Déclaration de 1789.” Quatrièmement, au sujet de l’article 6 de la Charte de l’environnement qui prévoit que « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social », le Conseil considère que “cette disposition n’institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que sa méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution ;” Enfin, que le grief tiré de la violation du principe de précaution est “en tout état de cause inopérant” car le législateur s’est fondé sur le principe de prévention.