Opérant non plus un partage de certains pouvoirs de police spéciaux entre les maires et le président d’une intercommunalité à fiscalité propre mais un transfert de prérogatives au profit du second, la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales avait prévu que les transferts automatiques des pouvoirs de police spéciale au profit du président d’un établissement public de coopération intercommunale (intervenant dans les domaines de l’assainissement, de l’élimination des déchets ménagers et de la réalisation des aires d’accueil des gens du voyage) devaient intervenir plus tard le premier jour du douzième mois qui suit la promulgation de la présente loi, soit au 1er décembre 2011 (cf. notre brève du 1er avril 2011, « Police de l’assainissement et des déchets ménagers: l’automaticité du transfert pour les EPCI »).
Toutefois, l’article 63 de cette même loi autorisait, avant l’échéance de cette date et dans chacun de ces trois domaines, un ou plusieurs maires à s’opposer au transfert des pouvoirs de police. A cette fin, ils pouvaient notifier leur opposition au président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), le transfert n’ayant pas lieu pour les communes dont le maire a notifié son opposition !
Cependant, alors que dans les six mois suivant l’élection du président d’une intercommunalité et dans l’hypothèse d’une opposition au transfert de leurs pouvoirs de police par un ou plusieurs maires, ce même article 63 (codifié à l’article L. 5211-9-2 du CGCT) autorisait le président d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre à refuser le transfert des pouvoirs de police spéciale des maires des communes membres, aucune disposition législative particulière n’avait été prévue pour que le président d’une intercommunalité à fiscalité propre puisse s’opposer à un tel transfert de prérogatives à son profit avant le 1er décembre 2011. Par voie de conséquence, en raison de l’automaticité des transferts, lorsque certains maires des communes membres des intercommunalités concernées ont manifesté leur opposition au transfert avant le 1er décembre 2011, les présidents des intercommunalités à fiscalité propre et des groupements ont été investis des pouvoirs de police spéciale – qu’ils exercent seuls – dans ces 3 domaines sur une partie seulement du territoire intercommunal. L’élasticité des transferts de compétences automatique, s’ajoutait une modulation territoriale de l’exercice effectif des pouvoirs de police dans un ou plusieurs de ces domaines ! Dès lors qu’aucune disposition transitoire n’avait été adopté par le législateur, l’exercice des prérogatives de police s’en trouvait nécessairement complexifié (cf. Q. n°111407 de M. Jacques Le Nay, JORF, A. N., 21/06/2011, p. 6461 ; réponse ministérielle publiée au JORF, A.N., 06/09/2011, p.9566)
Pour corriger cette lacune de la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010, l’article 9 de la loi n° 2012-281 du 29 février 2012 visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale dite loi « Pélissard » (publiée au JORF du 1er mars 2012) a remanié le contenu de l’article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) et celui de l’article 63 de la loi n° 2010-1563 .
Aux termes de la nouvelle rédaction de l’article 63 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 :
« dans un délai de trois mois suivant la promulgation de la loi n° 2012-281 du 29 février 2012 visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale, si un ou plusieurs maires des communes concernées se sont opposés au transfert de leurs pouvoirs de police, le président de l’établissement public de coopération intercommunale peut renoncer, dans chacun des domaines mentionnés aux trois premiers alinéas dudit I, à ce que les pouvoirs de police spéciale des maires des communes membres lui soient transférés de plein droit. » ; b) A la fin de la dernière phrase, les mots : « n’a pas lieu » sont remplacés par les mots : « prend fin à compter de cette notification ».
Autrement dit, avec la loi n° 2012-281 du 29 février 2012, le président d’un EPCI disposant de transferts de pouvoirs de police spéciale à la carte, entre autres dans les domaines de l’assainissement et des déchets ménagers, peut y renoncer avant le 1er juin 2012. Sa décision de restitution des prérogatives de police est alors notifiée aux maires par courrier.
Ensuite, les conditions de transferts de prérogatives de police en matière de gestion des déchets ménagers qui valent pour l’ensemble des groupements de collectivités (et non pas exclusivement pour les EPCI à fiscalité propre) sont également remaniées. En effet, l’article 79 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit a étendu l’automaticité de transfert de compétence et d’exercice des prérogatives de police du maire. Pour les autres prérogatives de police, tout transfert de pouvoir de police au président d’un syndicat intercommunal ou d’un syndicat mixte est exclu.
Reste que pour des motifs liés à l’efficacité de l’action publique dans la gestion des déchets ménagers (puisque le transfert des pouvoir de police autorise le président à réglementer la présentation des déchets et, de manière plus générale, à fixer les modalités concrète de la collecte des déchets), la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 a ouvert le bénéfice du transfert automatique d’exercice des prérogatives de police au président d’un syndicat compétent en matière de déchets ménagers. Mais, initialement, ici encore, la restitution de compétence – en cas d’opposition des maires – n’était envisagée qu’à la suite de l’élection du président. De surcroît, seuls les maires étaient visés par le transfert de prérogatives de police et non pas l’ensemble des membres d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre membre du groupement de collectivités.
Aussi, des rectificatifs ont été introduits par la loi « Pélissard » du 29 février 2012 : la nouvelle rédaction de l’article 63 de la loi de réforme des collectivités territoriales précise que
« dans un délai de trois mois suivant la promulgation de la loi n° 2012-281 du 29 février 2012 précitée, un ou plusieurs maires peuvent s’opposer, dans le domaine de la gestion des déchets ménagers, au transfert des pouvoirs de police au président d’un groupement de collectivités territoriales autre qu’un établissement public de coopération intercommunale. A cette fin, ils notifient leur opposition au président du groupement de collectivités territoriales. Il est alors mis fin au transfert pour les communes dont les maires ont notifié leur opposition. ».
Quel que soit le mode d’adhésion à un syndicat (direct par la commune ou indirect par l’entremise d’un EPCI), dorénavant, les maires peuvent refuser l’application du dispositif de transfert automatique des prérogatives de police (alors que la rédaction antérieure de ces dispositions législatives prévoyait uniquement cette faculté d’opposition pour les transferts au profit d’un président d’EPCI à fiscalité propre). Quant aux présidents des syndicats compétents en matière de gestion des déchets ménagers, en cas d’opposition d’un ou plusieurs maires exprimée dans le délai de six mois suivant son élection ou suivant la date du transfert de compétence (nouvelle hypothèse introduite par la loi qui vaut tant pour les EPCI à fiscalité propre que pour les syndicats), ils disposent – tout comme les présidents des EPCI à fiscalité propre – de la faculté de renoncer à l’exercice de la compétence dans un délai de six mois à compter de la réception de la première notification d’opposition (nouvelle rédaction de l’article L. 5211-9-2 – III du CGCT).
De plus, les nouvelles dispositions de l’article L. 5211-9-2 du CGCT indiquent que « lorsqu’un groupement de collectivités est compétent en matière de gestion des déchets ménagers, les maires des communes membres de celui-ci ou membres d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre membre du groupement de collectivités transfèrent au président de ce groupement les attributions lui permettant de réglementer cette activité » (souligné par nous ). De cette façon, le législateur a gommé les effets négatifs des imprécisions issues de la lecture combinées des lois du 16 décembre 2010 et du 17 mai 2011 en prévoyant que le pouvoir de police des maires des communes membres d’un EPCI lui-même adhérent à un syndicat mixte est transféré de plein droit au président de ce même syndicat mixte.
La proposition de loi « Pélissard », déposée le 8 novembre 2011, qui s’est concrétisée par la loi n° 2012-281 du 29 février 2012 visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale a permis de rectifier les dispositions législatives incomplètes et les oublis de la loi de réforme des collectivités territoriales dans le domaine des transferts de pouvoirs de police du maire . Mais il ne s’agit pas là de son seul apport puisque cette loi permet de régler les conditions d’achèvement de la carte intercommunale dans les 33 départements pour lesquels le préfet n’avait pas publié le schéma départemental de coopération intercommunale en même temps que d’assouplir le régime des fusions d’intercommunalités ou de différer les règles issues de la loi du 16 décembre 2010 , en ce qui concerne la limitation du nombre de délégués et de vice-présidents des communautés, après la tenue des élections municipales de 2014.
Patricia Demaye-Simoni
Maître de conférences en droit public