Par Mathieu DEHARBE, Juriste (Green Law Avocats)
Dans son arrêt du 13 juin 2024 n° 473684 (téléchargeable ici), le Conseil d’État a jugé que l’adoption d’un nouveau plan local d’urbanisme (PLU), modifié à la demande du préfet sur le fondement de l’article L.153-25 du Code de l’urbanisme, nécessitait une nouvelle enquête publique lorsque lesdites modifications portent atteinte à l’économie générale du plan.
En effet, ces dispositions admettent sur certains motifs que, dans le mois suivant la transmission de la délibération approuvant un PLU portant sur un territoire n’étant pas soumis à un schéma de cohérence territoriale (SCoT), le préfet peut demander à ses auteurs d’apporter les modifications qu’il estime nécessaires pour devenir exécutoire.
C’est ce contrôle a priori que le Préfet de Gironde a opéré sur le projet de PLU du conseil municipal de Lège-Cap-Ferret.
Par une délibération du 26 septembre 2013, le conseil municipal avait prescrit l’élaboration de son PLU, par la suite adopté dans sa délibération du 12 juillet 2018. Cependant, dans son courrier du 26 juillet 2018, le Préfet a demandé plusieurs modifications sur le fondement de l’article L.153-25 du code de l’urbanisme.
Après avoir procédé aux modifications exigées, le conseil municipal a approuvé le nouveau projet de PLU par une délibération du 18 juillet 2019 – dont le Tribunal Administratif de Bordeaux a été saisi par deux sociétés et administrés de deux recours pour excès de pouvoir.
Après que les juges de première instance ont annulé la délibération litigieuse, la Cour administrative d’appel de Bordeaux confirme les deux jugements en estimant que les modifications exigées par le Préfet et mises en œuvre sur le fondement de l’article L.153-25 du code de l’urbanisme «n’impliquent pas la réalisation d’une nouvelle enquête publique préalablement à leur adoption alors même qu’elles porteraient atteinte à l’économie générale du plan».
Néanmoins, la Haute Juridiction a adopté une position opposée en annulant les deux arrêts de la juridiction d’appel :
« Lorsque le préfet met en oeuvre les pouvoirs qu’il tient de ces dispositions, le plan local d’urbanisme, approuvé après enquête publique, ne peut devenir exécutoire qu’à la condition que la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale qui en est l’auteur lui apporte les modifications demandées par le préfet. Si la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale décide de procéder à ces modifications, il lui appartient de prendre une nouvelle délibération approuvant le plan ainsi modifié, qui a pour effet de substituer celui-ci au plan non exécutoire précédemment approuvé. De telles modifications ne peuvent toutefois intervenir sans être soumises à une nouvelle enquête publique lorsqu’elles portent atteinte à l’économie générale du plan.» (CE, 13 juin 2024, n° 473684 , point 3, téléchargeable ici).
Cette décision découle d’une jurisprudence constante du Conseil d’État admettant que le projet de PLU peut être modifié après l’enquête publique, si lesdites modifications, d’abord procèdent de l’enquête, mais également ne remettent pas en cause l’économie générale du plan (CE, 12 mars 2010, Lille Métropole communauté urbaine, n°312108, considérant 7).
S’appuyant sur cette jurisprudence constante, le rapporteur public a suggéré dans ses conclusions (Cf. page 5, conclusions de Clément MALVERTI dans CE, 13 juin 2024, n° 473684) qu’en cas de mise en œuvre de l’article L.153-25 du code de l’urbanisme, une nouvelle enquête publique n’est pas nécessaire dès lors que :
- Les modifications du PLU procèdent d'injonctions préfectorales ;
- Ces modifications ne remettent pas en cause l’économie générale du plan.
Cette position permet ainsi d’éviter que l’autorité compétente apporte des modifications substantielles au projet de PLU postérieurement à l’enquête publique qui a pour but de garantir le respect du principe d’information et de participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement (article 7 de la charte de l’environnement).
Et ce d’autant que de telles modifications peuvent porter atteinte aux droits des personnes concernées par le PLU sans qu’elles puissent intervenir dans la procédure préalablement à l’adoption du projet.
C’est ce que soulignait dans ses conclusions, le rapporteur public, Edouard GEFFRAY concernant l’affaire «Lille métropole communauté urbaine» :
« «la conséquence d’une procédure d’enquête publique implique nécessairement un certain lien entre la modification apportée a posteriori et les débats intervenus dans le cadre de l’enquête », sauf à permettre à l’autorité compétente «de contourner la procédure d’enquête publique, voire d’attendre sciemment sa fin, pour apporter des modifications suffisamment importantes pour modifier le classement de parcelles et, par suite, porter indirectement une atteinte au droit de propriété des personnes concernées(…)» » (Cf. page 2, conclusions de Clément MALVERTI dans CE, 13 juin 2024, n° 473684)
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