Par Maître Marie-Coline GIORNO, Avocate of Counsel (Green Law Avocats)
A l’heure où la transition énergétique est urgente, où les tensions géopolitiques actuelles en témoignent, et où nous avons même une ministre dédiée à ce sujet, force est de constater que cette transition peine encore à se traduire dans les faits.
Le rapport annuel de l’autorité environnementale pour l’année 2021 en atteste (téléchargeable ci-dessous).
Au sein d’une partie intitulée « La transition énergétique à l’épreuve des faits » (cf. p. 43 et s. du rapport), l’autorité environnementale rappelle que les objectifs qu’il nous faut atteindre sont inscrits dans la loi.
Elle constate toutefois que les moyens mis en œuvre au soutien de ces ambitions sont encore insuffisants.
Selon son analyse, la transition énergétique ne pourra être mise en œuvre qu’à trois conditions :
- Une plus grande sobriété énergétique ;
- Le développement des énergies renouvelables ;
- La décarbonation des énergies utilisées.
- En premier lieu, bien que la production d’énergies renouvelables poursuive comme objectif la production d’une électricité avec de faibles émissions de gaz à effet de serre, en pratique, la démonstration d’un bilan carbone complet et satisfaisant fait défaut ;
- En second lieu, les impacts des projets doivent être appréciés dans leur ensemble ce qui, d’une part, implique de prendre en compte les incidences des projets sur l’ensemble des thématiques environnementales et, d’autre part, requiert de tenir compte des projets dans leur ensemble. A titre d’exemple, l’autorité environnementale souhaiterait que les projets relatifs au développement des énergies renouvelables qui lui sont soumis pour avis tiennent compte des impacts des raccordements électriques de distribution sur l’environnement de façon exhaustive. ;
Il en résulte que l’autorité environnementale considère qu’ « un suivi consolidé, aux niveaux territorial et national, des émissions de gaz à effet de serre de tous les projets apparaît de plus en plus nécessaire pour mieux apprécier le décalage entre des objectifs de plus en plus ambitieux et la réalité ». Il est fortement probable que les missions régionales d’autorité environnementale prendront cette demande au sérieux et seront plus vigilantes quant aux émissions de gaz à effet de serre des projets qui leur seront soumis pour avis.
En critiquant les moyens dédiés à la transition énergétique et en mettant en exergue un décalage avec les objectifs fixés par la réglementation, l’autorité environnementale rejoint l’avis exprimé par le Haut-Conseil pour le climat qui soulignait dans son rapport annuel de 2021 que les efforts actuels étaient insuffisants pour atteindre les objectifs fixés à l’horizon 2030. Elle rejoint aussi la position émise par le Conseil d’État dans sa décision du 19 novembre 2020 lorsqu’il a enjoint au Gouvernement de prendre des mesures supplémentaires avant le 31 mars 2022 pour atteindre l’objectif de réduction de 40% des gaz à effet de serre d’ici à 2030 (CE, 19 novembre 2020, n° 427301).
Cependant, la transition énergétique ne pourra être effective que si le développement des énergies renouvelables s’accélère. S’inscrivant dans le droit fil de ce rapport, d’autres institutions tentent de faciliter l’essor concret des énergies renouvelables.
Ainsi, le Conseil constitutionnel, aux termes d’une décision QPC du Conseil constitutionnel du 13 mai 2022, a reconnu que le développement des énergies renouvelables poursuivait un motif d’intérêt général (Conseil constitutionnel, 13 mai 2022, n° 2022-991 QPC).
Plus encore, la Commission européenne vient d’ériger la construction et l’exploitation d’installations de production d’énergie à partir de sources renouvelables tels que des aérogénérateurs terrestres comme relevant d’un intérêt public supérieur (recommandation de la Commission européenne du 18 mai 2022 relative à l’accélération des procédures d’octroi de permis pour les projets dans le domaine des énergies renouvelables et à la facilitation des accords d’achat d’électricité, n°C(2022)3219 commentée sur le blog ici)
En conclusion, si, en 2002, M. Chirac, Président de la République française, avait déclaré « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » lors de son discours devant l’assemblée plénière du IVe Sommet de la Terre à Johannesburg, en Afrique du Sud, vingt ans plus tard, nous espérons enfin faire face à l’urgence climatique en réussissant cette transition énergétique grâce à des moyens en adéquation avec nos ambitions.