Déchets / Activité d’élimination : Inconstitutionnalité dans le temps de l’article L. 541-22 du code de l’environnement (Conseil Constitutionnel, 18 novembre 2016, QPC n°2016-595)

Par Jérémy TAUPIN- Green Law Avocats Par une décision QPC n°2016-595 du 18 novembre 2016 (Société APROCHIM & autres), disponible ici, le Conseil Constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le premier alinéa de l’article L. 541-22 du code de l’environnement (relatif aux catégories de déchets et leur élimination), et ce uniquement pour la période courant du 3 mars 2005 au 13 juillet 2010. Ce faisant, le Conseil constitutionnel précise sa jurisprudence quant à l’application de l’article 7 de la Charte de l’environnement, tout en distinguant plusieurs « phases » possibles de constitutionnalité pour une disposition législative.   Les faits : L’article L. 541-22 du code de l’environnement en question énonçait avant le 14 juillet 2010 : « Pour certaines des catégories de déchets visées à l’article L. 541-7 et précisées par décret, l’administration fixe, sur tout ou partie du territoire national, les conditions d’exercice de l’activité d’élimination telle qu’elle est définie à l’article L. 541-2. Ces mêmes catégories de déchets ne peuvent être traitées que dans les installations pour lesquelles l’exploitant est titulaire d’un agrément de l’administration. Elles cessent de pouvoir être traitées en vue de leur élimination dans les installations existantes pour lesquelles cet agrément n’a pas été accordé à la date d’entrée en vigueur fixée par le décret prévu au précédent alinéa. »   En l’espèce, le 18 décembre 2013, plusieurs sociétés et plusieurs de leurs dirigeants et salariés ont été condamnés par le Tribunal correctionnel de Paris pour certaines infractions à la législation sur les déchets prévues par le Code de l’environnement. Il leur était notamment reprochés d’avoir, entre 2000 et 2006, éliminé de façon irrégulière des déchets, en procédant à la dilution d’huiles contenant des PCB. Ces sociétés ont fait appel de ce jugement devant la cour d’appel de Paris, et, à cette occasion, ont posé une QPC portant sur les articles L. 541-7 et L. 541-22 du code de l’environnement. Selon elles, en renvoyant au pouvoir réglementaire la fixation d’une nomenclature des déchets dangereux (article L. 541-7) ainsi que la définition des conditions d’exercice de l’activité d’élimination de ces déchets (article L. 541-22) sans prévoir une participation du public à l’élaboration de ces décisions, le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence et le principe de participation prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement. La décision du Conseil Constitutionnel : Après avoir rappelé les dispositions de l’article 7 de la Charte de l’environnement, le Conseil Constitutionnel considère que : « En premier lieu, en vertu des dispositions contestées, les conditions d’exercice de l’activité d’élimination de certains déchets par leur producteur ou leur détenteur sont fixées par voie réglementaire. Ces déchets, définis à l’article L. 541-7 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 18 septembre 2000, sont ceux susceptibles, soit en l’état, soit lors de leur élimination, de causer des nuisances à l’environnement. En application de l’article L. 541-2 du même code, dans sa rédaction issue de la même ordonnance, l’activité d’élimination de ces déchets comporte les opérations de collecte, transport, stockage, tri et traitement devant être effectuées dans des conditions propres à éviter de telles nuisances. Par conséquent, les décisions réglementaires prévues au premier alinéa de l’article L. 541-22 du même code, qui fixent les conditions d’exercice de cette activité, constituent des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement. En second lieu, d’une part, avant l’entrée en vigueur de la Charte de l’environnement le 3 mars 2005, les dispositions contestées ne méconnaissaient aucun droit ou liberté que la Constitution garantit. D’autre part, à compter de l’entrée en vigueur de cette Charte et avant celle de la loi du 12 juillet 2010 mentionnée ci-dessus, aucune disposition législative n’assurait la mise en œuvre du principe de participation du public à l’élaboration des décisions publiques prévues au premier alinéa de l’article L. 541-22 du code de l’environnement. Par conséquent, en s’abstenant d’édicter de telles dispositions, le législateur a, pendant cette période, méconnu les exigences de l’article 7 de la Charte de l’environnement. Enfin, la loi du 12 juillet 2010 a inséré dans le code de l’environnement l’article L. 120-1, qui définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement est applicable aux décisions réglementaires de l’Etat et de ses établissements publics ayant une incidence directe et significative sur l’environnement. Ces dispositions prévoient, selon le cas, soit une publication du projet de décision par la voie électronique dans des conditions permettant au public de formuler des observations, soit une publication du projet de décision avant la saisine d’un organisme consultatif comportant des représentants des catégories de personnes intéressées. L’entrée en vigueur de ces dispositions, le 14 juillet 2010, a ainsi mis fin à l’inconstitutionnalité constatée au cours de la période précédente. A compter de cette date, les dispositions contestées ne méconnaissaient aucun droit ou liberté que la Constitution garantit. » Analyse et portée de la décision du Conseil Constitutionnel : Le Conseil confirme et précise donc ici sa jurisprudence relative à l’article 7 de la Charte de l’environnement. Ainsi, le Conseil a en l’espèce vérifié si le législateur avait bien défini « les conditions et les limites » de la participation du public à l’élaboration des décisions relatives aux conditions d’exercice de l’activité d’élimination de déchets telle qu’elle est définie à l’article L. 541-2. Le Conseil considère tout d’abord que cette obligation pesait en effet sur le législateur à compter du 2 mars 2005, soit au moment de l’entrée en vigueur de l’article 7 de la Charte de l’environnement. Auparavant, la Charte n’étant pas en vigueur, le législateur n’était pas tenu de s’assurer du respect du principe de participation. Les dispositions contestées de l’article L. 541-22 ne méconnaissaient donc, avant l’entrée en vigueur de la Charte, aucun droit ou liberté que la Constitution garantit. Le Conseil constitutionnel a ensuite pris en compte les effets de l’entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 2010 précitée. Cette loi a inséré dans le code de l’environnement l’article L. 120-1, qui a défini les…

Green Law obtient une réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 juin 2015 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité initiée par le Cabinet et relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions du tableau du a) du A du 1 de l’article 266 nonies du code des douanes.  La juridiction a rendu sa décision téléchargeable sur son site (décision n°2015-482 QPC du 17 septembre 2015). Les dispositions de ce tableau du code des douanes fixent les tarifs de la taxe générale sur les activités polluantes applicables aux déchets non dangereux qui sont réceptionnés dans une installation de stockage de déchets non dangereux. La société requérante faisait notamment valoir que les tarifs plus favorables prévus par le tableau en cause au profit des installations produisant et valorisant le biogaz, y compris lorsqu’elles réceptionnent des déchets insusceptibles d’en produire, méconnaissent le principe d’égalité devant la loi. Le Conseil constitutionnel a relevé qu’en prévoyant des tarifs plus avantageux pour les déchets susceptibles de produire du biogaz lorsqu’ils sont réceptionnés par les installations de stockage produisant et valorisant le biogaz, le législateur a institué une différence de traitement en adéquation avec l’objectif d’intérêt général poursuivi qui consiste à favoriser la valorisation des déchets au moyen de la production de biogaz. Le Conseil constitutionnel a, en revanche, jugé que l’application des tarifs réduits prévus par les dispositions contestées du tableau aux déchets insusceptibles de produire du biogaz entraînerait une différence de traitement sans rapport direct avec l’objet de la loi. Il en a déduit que ces tarifs réduits ne sauraient être appliqués aux déchets insusceptibles de produire du biogaz réceptionnés par les installations produisant et valorisant le biogaz. Sous cette réserve d’interprétation, le Conseil constitutionnel a donc déclaré les dispositions contestées conformes à la Constitution. Cette décision comme celle de renvoi du Conseil d’Etat (CE, 17 juin 2015, n°389845) nous confirme non seulement l’accessibilité de la justice constitutionnelle mais aussi sa vocation à trancher les questions les plus techniques que posent le droit de l’environnement aux autres matières et en particulier ici au droit douanier. Je remercie toute l’équipe de Green Law Avocats pour l’avoir bien compris et engagé toute l’énergie nécessaire pour obtenir la décision n° 2015-482 QPC. David DEHARBE (Green Law Avocats)

Installations hydroélectriques et droits fondés en titre : refus de transmission d’une QPC sur la conformité de l’article L. 214-6 II du code de l’environnement (CE, 8 juillet 2015)

Par Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Les droits fondés en titre sont des droits d’usage de l’eau attachés à certaines installations hydrauliques (moulins par exemple). Un droit fondé en titre est attaché à une installation hydraulique lorsque celle-ci a été créée avant ne soit instauré le principe d’une autorisation de ces ouvrages sur les cours d’eau. Les ouvrages bénéficiant d’un droit fondé en titre peuvent donc être exploités sans qu’il soit besoin de mettre en œuvre au préalable une procédure d’autorisation ou de renouvellement, sous réserve toutefois du respect de certaines réglementations, notamment de circulation d’espèces migratrices. A titre d’exemple, sur les cours d’eaux non domaniaux, sont regardées comme fondées en titre ou ayant une existence légale les prises d’eau qui, soit ont fait l’objet d’une aliénation comme bien national, soit sont établies en vertu d’un acte antérieur à l’abolition des droits féodaux (voir, en ce sens : Conseil d’Etat, 5 juillet 2004, Société L. Energie, n° 246929, publié au recueil Lebon). Les droits fondés en titre bénéficient d’une existence légale. Ainsi, le deuxième alinéa de l’article L. 210-1 du code de l’environnement dispose que : « Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l’usage de l’eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous. » Plus encore, l’article L. 214-6 II du code de l’environnement précise que : « II.- Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d’une législation ou réglementation relative à l’eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre. » [Souligné par nos soins] A l’occasion d’un recours en excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat tendant à obtenir l’annulation des articles 7 et 17 du décret n° 2014-750 du 1er juillet 2014 harmonisant la procédure d’autorisation des installations hydroélectriques avec celle des installations, ouvrages, travaux et activités prévue à l’article L. 214-3 du code de l’environnement, des requérants ont déposé, par un mémoire distinct, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur les dispositions du II de l’article L. 214-6 du code de l’environnement (dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2005-805 du 18 juillet 2005 portant simplification, harmonisation et adaptation des polices de l’eau et des milieux aquatiques, de la pêche et de l’immersion des déchets). Rappelons qu’une QPC soulevée devant le Conseil d’Etat doit être transmise au Conseil constitutionnel lorsque trois conditions sont remplies : la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ; la disposition contestée n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux. Le Conseil d’Etat vient de se prononcer sur la question de la conformité à la constitution des dispositions de l’article L. 214-6 II du code de l’environnement par une décision du 8 juillet 2015 (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 08 juillet 2015, n°384204, Inédit au recueil Lebon, consultable ici). Il s’agit de la décision présentement commentée. En premier lieu, les requérants soutenaient que les dispositions contestées portaient atteinte au droit de propriété protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et aux situations légalement acquises protégées par l’article 16 de cette même Déclaration. Le Conseil d’Etat a estimé que : « contrairement à ce qui est soutenu, ces dispositions n’ont pas, par elles-mêmes, pour effet de soumettre les installations et ouvrages fondés en titre aux dispositions de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code de l’environnement, mais ont pour seul objet de permettre à leurs propriétaires de conserver leurs droits d’antériorité ». Il en a alors déduit que, « par suite, eu égard à leur portée, le moyen tiré de ce qu’elles portent une atteinte non justifiée, d’une part, au droit de propriété protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, d’autre part, aux situations légalement acquises protégées par l’article 16 de cette même Déclaration ne présente pas un caractère sérieux ». En effet, les dispositions qui ont pour effet de soumettre les installations et ouvrages fondés en titre aux dispositions de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code de l’environnement (ce sont, pour mémoire, les « Régimes d’autorisation ou de déclaration » des IOTA) ne sont pas celles du II de l’article L. 214-6 du code de l’environnement. Il s’agit de celles du VI de l’article L. 214-6 du code de l’environnement aux termes desquelles : « VI.-Les installations, ouvrages et activités visés par les II, III et IV sont soumis aux dispositions de la présente section. ». Le VI de l’article L. 214-6 du code de l’environnement figure d’ailleurs parmi les visas de la décision, ce qui témoigne bien du fondement de la position du Conseil d’Etat. En deuxième lieu, les requérants ont prétendu que les dispositions contestées créaient une différence de traitement injustifiée et une atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques, non conformes à la Constitution. Ils soutenaient en effet que les dispositions de l’article L. 214-6 du code de l’environnement impliquaient que les installations et ouvrages fondés en titre relèvent tous d’un régime d’autorisation. Selon leurs dires, en ne pouvant bénéficier du régime de la déclaration, ils subissaient une différence de traitement injustifiée et une atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques. Le Conseil d’Etat a rappelé les dispositions de l’article L. 214-2 du code de l’environnement aux termes desquelles « Les installations, ouvrages, travaux et activités visés à l’article L. 214-1 sont définis dans une nomenclature, établie par décret en Conseil d’Etat après avis du Comité national de l’eau, et soumis à autorisation ou à déclaration suivant les dangers qu’ils présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques compte tenu notamment de l’existence des zones et périmètres institués pour la protection de l’eau…

Le principe de participation : vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas ! (CE, 7 mars 2014, n°374288)

Il faut s’arrêter un instant sur les causes de cet engouement du justiciable pour invoquer (et les juges de sanctionner) le principe de participation, désormais constitutionnalisé à l’article 7 de la charte de l’environnement. Rappelons qu’aux termes de cette disposition :  « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement » Le dernier exemple en date de cette invocation avec succès de l’article 7 nous est donné par un arrêt du Conseil d’Etat (CE, 7 mars 2014, n°374288) qui menace le schéma régional éolien d’Ile-de-France et plus généralement tous les SRE, issus de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement à la suite d’une QPC posée par la FNE. Sur renvoi du Tribunal administratif de Paris, le Conseil d’Etat accepte de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution et plus précisément à l’article 7 de la Charte de l’environnement des dispositions des articles L. 222-1 à L. 222-3 du code de l’environnement. Pour le Conseil d’Etat, constitue un moyen sérieux celui qui consiste à soutenir que, « faute de prévoir des modalités suffisantes d’information et de participation du public lors de l’élaboration des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie et des schémas régionaux de l’éolien qui y sont annexés, les dispositions des articles L. 222-1 à L. 222-3 du code de l’environnement méconnaissent le droit de toute personne ” de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement “, énoncé à l’article 7 de Charte de l’environnement ». Certes en disposant que le projet de schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie est “mis pendant une durée minimale d’un mois à la disposition du public sous des formes, notamment électroniques, de nature à permettre sa participation”,  l’article L. 222-2 du même code ne semble pas respecter le standard de la participation tel qu’on le conçoit rue de Montpensier (Cons. const., déc., 14 oct. 2011, n° 2011-183/184 QPC ; Cons. const., déc., 13 juill. 2012, n° 2012-262 QPC ; Cons. const., déc., 27 juill. 2012, n° 2012-269 QPC ; Cons. const., déc., 27 juill. 2012, n° 2012-270 QPC ; Cons. const., déc., 23 nov. 2012, n° 2012-282 QPC ; Cons. const., déc., 23 nov. 2012, n° 2012-283 QPC). En effet, pour le Conseil constitutionnel, la portée du droit de participer à la prise de décision environnementale implique non seulement une mise à disposition du public du projet ayant une incidence sur l’environnement, mais aussi a possibilité de faire valoir ses observations à son endroit. C’est du moins ce que l’on peut déduire de l’abrogation (différée) prononcée par le Conseil constitutionnel à l’encontre de la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 512-5 du code de l’environnement qui ne prévoyait qu’une publication, éventuellement par voie électronique, des projets de prescriptions ministérielles en matière d’ICPE (Cons. const., déc., 13 juill. 2012, n° 2012-262 QPC).   Ainsi l’abrogation immédiate ou diférée s’impose, sauf à ce que le juge constitutionnel considère que les SRE ne constituent pas des décisions ayant une incidence significative sur l’environnement (comme il l’a jugé à propos des certains travaux de recherches engagés au titre du code minier de la Nouvelle-Calédonie : Cons. const., déc., 26 avr. 2013, n° 2013-308 QPC ou à propos des délimitations du domaine public maritime naturel : Cons. const., déc., 24 mai 2013, n° 2013-316 QPC). Et le renvoi opéré par le Conseil d’Etat est d’autant plus logique que le régime partiel et spécifique organisé par la loi Grenelle pour le SRE interdit de se considérer en présence d’un silence total du législateur permettant  l’application du régime supplétif imaginé par le législateur (sur cette impossibilité cf. : Cons. const., déc., 13 juill. 2012, n° 2012-262 QPC). D’ailleurs ce régime supplétif  (cf. L. n° 2012-1460, 27 déc. 2012, art. 11 : JO, 28 déc. et Ord. n° 2013-714, 5 août 2013, art. 8 : JO, 6 août  institué donc par ordonnance, ce qui au nom d’une efficacité technique nous fait oublier une fois de plus que la loi devrait ici faire office de garantie…) pour couvrir les décisions réglementaires, d’espèces et individuelles imagine des régimes spécifiques ainsi différenciés et à géométrie variable (pour les communes de moins de 10 000 habitants et leurs groupements de moins de 30 000 habitants). A l’heure de la simplification et surtout de la suppression de la myriade de régimes des enquêtes publiques cela fait un peu usine à gaz ! Gageons que le marché des avocats spécialistes et des bureaux d’étude ne s’en portera que mieux et que ces professionnels sauront diffuser cette technologie juridique renouvelée. Mais l’environnementaliste a surtout le sentiment d’être piégé par ce qui participe d’une constitutionnalisation des enjeux écologiques purement formelle et pilotée par les juges. Leurs décisions donnent à voir un Etat de droit qu’ils prétendent compléter mais de façon purement procédurale et en se gardant bien d’arbitrer au fond les vrais débats constitutionnels que suscitent à notre stade de développement les enjeux sanitaires et environnementaux. Ainsi l’article 1er de la charte de l’environnement (droit à un environnement sain) ou encore l’article 6 (objectif de développement durable) du même texte voient leur portée normative totalement neutralisée  par le Conseil constitutionnel qui s’abrite derrière le pouvoir discrétionnaire du législateur (par ex. sur l’article 6 s’agissant des impacts de choix énergétiques : Décision n° 2013-666 DC du 11 avril 2013 ; par ex. sur l’article 1er et s’agissant du cadre de vie cf. Décision n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012) pour s’auto-limiter et en fait perpétuer les partis économiques et sociaux du siècle dernier. Les Sages feignent de croire à la fiction selon laquelle leur pouvoir d’interprétation serait neutre alors qu’ils participent plus ou moins consciemment et par abstention au statuquo. Mais il y a un autre effet induit de cette évolution : l’application jurisprudentielle du principe de participation constitutionnalisé rend d’autant plus opposable les choix opérés que le public aura été mis à même de les discuter. Dans ce nouveau contexte, on mesure alors  combien…

La liquidation de l’astreinte pénale en matière d’infractions aux règles d’urbanisme n’est pas contraire aux garanties constitutionnelles (Cass, 4 févr.2014, n°13-83492)

Par un intéressant arrêt en date du 04 février 2014 (C.cass, 4 février 2014, n°13-83492), la Cour de cassation confirme la conformité à la constitution de la possibilité pour l’administration en vertu de l’article L 480-8 du Code de l’urbanisme de liquider une astreinte ayant pour partie un caractère pénal consécutivement à un jugement répressif rendu en matière d’infractions au Code de l’urbanisme. La Cour de cassation était saisie d’une demande de Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) formulée comme suit : « Les dispositions de l’article L.480-8 du code de l’urbanisme permettant à l’administration de liquider une astreinte ayant pour partie un caractère pénal, prononcée par le juge répressif qui a ordonné la remise en l’état des lieux en raison d’une infraction aux règles de l’urbanisme, ne sont-elles pas contraires aux garanties constitutionnelles instituées par les articles 2, 8 et 16 de la déclaration des droits de l’homme aux termes desquelles il appartient à la loi sous le contrôle du juge judiciaire de fixer les peines dans le cadre d’un procès juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties? » Reprenant une solution constante en la matière, la Cour refuse de renvoyer la question au Conseil Constitutionnel :  « Attendu que les dispositions contestées sont applicables à la procédure ; Qu’elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ; Mais attendu que la question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle ; Et attendu que la question posée ne présente pas à l’évidence un caractère sérieux dès lors que la créance d’astreinte liquidée trouvant son fondement dans une décision prononcée par une juridiction répressive en application de l’article L. 480-7 du code de l’ urbanisme, le contentieux de son recouvrement ressortit aux juridictions de l’ordre judiciaire, la circonstance que l’Etat a procédé à la liquidation de l’astreinte prononcée, ainsi que le prévoit l’article L. 480-8 du même code, n’ayant pu modifier ni la nature du litige ni la détermination de la compétence » Cet arrêt est l’occasion de rappeler le régime juridique de la liquidation de l’astreinte consécutivement à un jugement rendu en matière pénale. La possibilité d’assortir une condamnation pénale en urbanisme, non seulement d’une obligation de démolition ou de remise en état, mais plus encore d’une astreinte est prévue à l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme : « Le tribunal impartit au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l’utilisation irrégulière du sol un délai pour l’exécution de l’ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation; il peut assortir sa décision d’une astreinte de 7,5 à 75 euros par jour de retard Au cas où le délai n’est pas observé, l’astreinte prononcée, qui ne peut être révisée que dans le cas prévu au troisième alinéa du présent article, court à partir de l’expiration dudit délai jusqu’au jour où l’ordre a été complètement exécuté. Si l’exécution n’est pas intervenue dans l’année de l’expiration du délai, le tribunal peut, sur réquisition du ministère public, relever à une ou plusieurs reprises, le montant de l’astreinte, même au-delà du maximum prévu ci-dessus. Le tribunal peut autoriser le reversement ou dispenser du paiement d’une partie des astreintes pour tenir compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter ». L’astreinte permet alors d’accompagner la sanction d’une pression financière. Il est utile de préciser que selon la Cour de cassation « le délai d’exécution de la mise en conformité ne peut courir avant que la condamnation soit devenue définitive » (Crim., 12 décembre 2000, n°00-81771). Sur le plan de la contestation, il convient de noter que la procédure de contestation à l’”état exécutoire” permet de contester le titre exécutoire procédant au recouvrement d’une astreinte prononcée sur le fondement de l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme. La pratique veut qu’une phase de recouvrement amiable précède une phase de recouvrement contentieux. Ainsi, un titre de perception est tout d’abord adressé par pli simple au débiteur (Décret n°2012-1246 du 07 nov. 2012, art. 115) auquel est jointe une lettre invitant le débiteur à régler sa dette dans un certain délai (généralement un mois). Si passé ce délai, le débiteur ne réagit pas, une lettre de rappel peut lui être adressée, suivie, si celle-ci ne produit toujours pas d’effet, d’un commandement de payer. Cependant, il n’est pas rare que l’administration envoie directement un commandement de payer au débiteur de l’astreinte. Ce commandement de payer va constituer le premier acte de poursuite qui procède du titre de perception. S’agissant de la forme de la contestation, l’« opposition à état exécutoire » devra contester le bien fondé du titre exécutoire, à savoir : –        L’existence de la créance ; –        L’exigibilité de la créance ; –        Le montant de la créance. Cependant, avant de saisir la juridiction compétente, le débiteur devra absolument adresser dans les deux mois qui suivent la notification du titre de perception ou du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause, une réclamation  appuyée de toutes justifications utiles au comptable chargé du recouvrement de l’ordre de recouvrer (Décret n°2012-1246 du 07 nov. 2012, art. 118 ; et article R. 480-5 du code de l’urbanisme). Au sens de l’article 116 du décret n°2012-1246 du 07 novembre 2012, le comptable chargé de la mise en œuvre de l’action en recouvrement « est le comptable public du lieu du domicile du débiteur ». A compter du jour où l’autorité compétente reçoit cette réclamation, date dont elle informe le débiteur en lui délivrant un reçu, elle dispose d’un délai de 6 mois pour statuer sur celle-ci. Si à l’issue de ce délai, l’autorité compétente n’a pas notifiée sa décision au débiteur, son silence vaut rejet. Dès lors qu’une décision explicite ou implicite intervient, le débiteur dispose alors d’un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision explicite, ou à compter du jour où est née la décision implicite pour saisir la juridiction compétente (Décret n°2012-1246 du 07 nov. 2012, art. 119)….