Natura 2000 / Projets en mer: une instruction précise les modalités de constitution de sites au delà de la mer territoriale

Une Instruction du Gouvernement du 15 juillet 2016 relative au processus de désignation des sites Natura 2000 complémentaires au-delà de la mer territoriale a été publiée en août dernier. Elle intéressera notamment les porteurs de projets en mer, au-delà de la mer territoriale, car cette instruction précise les modalités administratives et techniques de constitution de nouvelles propositions de sites Natura 2000 au-delà de la mer territoriale. En application des directives 92/43 CEE « Habitats-faune-flore » et 2009/147/CE « Oiseaux » et de la jurisprudence communautaire (arrêt de la CJUE C-6/04 du 20 octobre 2005), le réseau Natura 2000 en mer doit en effet couvrir aussi bien la mer territoriale que la zone économique exclusive (ZEE) et le plateau continental. La Commission avait relevé lors de séminaires biogéographiques en 2009 et 2010 qu’il était nécessaire de compléter ce réseau en proposant de nouveaux sites pour l’habitat « récifs », le grand dauphin, le marsouin commun et les oiseaux marins au-delà de la mer territoriale au second semestre 2016 (cf la liste indicative française des oiseaux marins susceptibles de justifier la création de zones de protection spéciales.Rapport MNHN-SPN 2007/5).

La doctrine de l’armée en matière d’éoliennes : du vent ? (Conseil d’État, 6ème / 1ère SSR, 11 décembre 2015, n°371567, mentionné dans les tables du recueil Lebon)

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Le Conseil d’Etat, gardien de l’Etat de droit, a, dans une décision du 11 décembre 2015, précisé que les changements de doctrine de l’armée ne devaient pas préjudicier aux opérateurs éoliens lorsqu’ils demandaient une prorogation de permis de construire. Les faits de l’espèce étaient les suivants. Un préfet a délivré à un opérateur éolien un permis de construire pour l’implantation de sept éoliennes et d’un poste de livraison, au vu notamment d’un avis favorable rendu par l’autorité militaire en application de l’article R. 244-1 du code de l’aviation civile. L’opérateur éolien a alors déposé une demande de permis de construire modificatif afin d’augmenter la longueur des pales des sept éoliennes autorisées mais, à la suite d’un avis défavorable de l’autorité militaire, sa demande a été refusée. L’opérateur éolien a également déposé une demande de prorogation du permis de construire, elle aussi rejetée. Ces deux refus ont été contestés devant le tribunal administratif de Rennes. Le tribunal administratif, confirmé ensuite par la Cour administrative d’appel de Nantes dans un arrêt du 12 juillet 2013 (CAA Nantes, 12 juillet 2013, n°12NT03252), a rejeté la requête dirigé contre le refus de prorogation du permis de construire. Le tribunal a, en revanche, fait droit à la demande d’annulation du juillet refus de permis de construire modificatif au motif que le préfet avait porté son appréciation sur l’intégralité du projet et non sur les modifications faisant l’objet du permis de construire modificatif. La Cour administrative d’appel de Nantes a toutefois censuré ce raisonnement dans un autre arrêt du 12 juillet 2013 (CAA Nantes, 12 juillet 2013, n°12NT03253) en estimant que la décision par laquelle le préfet s’était prononcé sur le permis de construire modificatif n’avait pas eu pour objet de retirer le permis de construire initial qui demeure. L’opérateur éolien a alors formé deux pourvois en cassation devant le Conseil d’Etat qui s’est prononcé par une seule décision le 11 décembre 2015. Il s’agit de la décision présentement commentée. (Conseil d’État, 6ème / 1ère SSR, 11 décembre 2015, n°371567, mentionné dans les tables du recueil Lebon). Après s’être prononcé sur le refus de prorogation du permis de construire (I), le Conseil d’Etat a examiné le refus de permis de construire modificatif (II). I. Sur le refus de prorogation du permis de construire Aux termes du premier alinéa de l’article R. 424-21 du code de l’urbanisme alors applicable : ” Le permis de construire, d’aménager ou de démolir ou la décision de non-opposition à une déclaration préalable peut être prorogé pour une année, sur demande de son bénéficiaire si les prescriptions d’urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n’ont pas évolué de façon défavorable à son égard. (…) ». Il convenait donc de déterminer si les servitudes administratives avaient évolué sur le terrain d’assiette du site. En vertu de l’article R. 425-9 du code de l’urbanisme: ” Lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire ou le permis d’aménager tient lieu de l’autorisation prévue par l’article R. 244-1 du code de l’aviation civile dès lors que la décision a fait l’objet d’un accord du ministre chargé de l’aviation civile et du ministre de la défense. ” ; De plus, l’article L. 126-1 du code de l’urbanisme alors en vigueur (désormais codifié à l’article L. 151-43 du code de l’urbanisme) prévoyait que les plans locaux d’urbanisme et les cartes communales devaient comporter en annexe les servitudes d’utilité publique affectant l’utilisation du sol et qui figurent sur une liste dressée par décret en Conseil d’Etat. Parmi cette annexe figuraient les « Servitudes établies à l’extérieur des zones de dégagement en application des articles R. 244-1 et D.244-1 à D. 244-4 du code de l’aviation civile ». Il n’est donc pas contestable que les servitudes aéronautiques issues de l’article R.244-1 du code de l’aviation civile sont des servitudes administratives au sens de l’article L. 424-21 du code de l’urbanisme. Or, l’article R.244-1 du code de l’aviation civile complété par un arrêté du 25 juillet 1990 soumet la construction d’éoliennes à autorisation du ministre chargé de l’aviation civile et du ministre chargé de la défense. Toutefois, en l’espèce, la difficulté résultait dans le fait que si les servitudes aéronautiques n’avaient pas changé, leur appréciation par l’autorité militaire était devenue plus stricte. En effet, une circulaire du 3 mars 2008 créant des lignes directrices, complétée par des études de la défense datant de 2009, conduisait l’autorité militaire à apprécier plus strictement les servitudes issues de l’arrêté du 25 juillet 1990. Celle-ci a donc émis, du fait de cette modification de son appréciation, un avis défavorable sur le projet en cause. La question posée au Conseil d’Etat était donc de savoir si la modification de l’appréciation, par l’autorité militaire, des conditions dans lesquelles une servitude s’appliquait au terrain d’assiette d’un projet éolien devait être considérée comme une modification de la servitude au sens de l’article R.424-21 du code de l’urbanisme. Le Conseil d’Etat répond à cette question en deux temps. Dans un premier temps, il précise que : « l’autorité administrative, saisie d’une demande de prorogation d’un permis de construire par une personne ayant qualité pour présenter une telle demande, ne peut refuser d’y faire droit que si les règles d’urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres s’imposant au projet ont été modifiées, postérieurement à la délivrance du permis de construire, dans un sens qui lui est défavorable ; qu’elle ne peut fonder un refus de prorogation sur une évolution des autres éléments de droit ou circonstances de fait, postérieure à la délivrance de l’autorisation ». Il avait déjà posé ce principe quelques années auparavant, dans une décision du 5 novembre 2003 (Conseil d’Etat, section, 5 novembre 2003, n°230535, publié au recueil Lebon). Il complète ensuite son analyse en ajoutant que : « la modification, dans un sens plus restrictif, de l’appréciation portée par l’autorité administrative…

Eolien/Prise illégale d’intérêts : Personne ne peut contourner la prescription pas même le ministère public! (Cass12 nov.2015)

Par Aurélien Boudeweel Green law avocat Dans un arrêt en date du 12 novembre 2015 (C.cass, 12 novembre 2015, n°14-83.073), la Cour de cassation a censuré une Cour d’appel ayant condamné des élus pour recel de prise illégale d’intérêts. En l’espèce, deux conseillers municipaux, poursuivis initialement du chef de prise illégale d’intérêts, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour avoir recelé des sommes d’argent versées annuellement, correspondant au montant des locations de parcelles leur appartenant et supportant des fermes d’éoliennes dont l’installation avait reçu l’avis favorable du conseil municipal auquel ils ont participé. Les deux conseillers municipaux avaient été condamnés en première instance. En appel, la Cour confirmait le chef de recel aux motifs : « (…)les prévenus contestent que la poursuite pour recel soit possible puisqu’ils seraient déclarés coupables de l’infraction originaire et du recel ; que cependant, ils ne sont pas poursuivis pour prise illégale d’intérêt, ces faits étant atteints par la prescription alors que le recel de l’infraction est un délit continu ; qu’il n’y a donc pas de conflit de qualification ; que par ailleurs, l’ensemble des faits supportant la qualification de recel a été examiné dans le cadre de l’information puisque les prévenus ont été mis en examen pour avoir « étant investis d’un mandat électif public, pris, reçu ou conservé directement ou indirectement un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont ils avaient au moment de l’acte en tout ou partie de la charge d’assurer la surveillance ou l’administration » ; qu’il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré MM. B… et A… coupables des faits reprochés ». La cour de cassation censure l’arrêt d’appel puisque le délit de recel ne pouvait pas être poursuivi dans la mesure où le délit principal était prescrit : « alors que la prescription qui couvre le délit originaire, s’étend au recel lorsque les deux infractions procèdent des mêmes faits ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a expressément constaté que les faits de prise illégale d’intérêts, visés dans la plainte à l’origine des poursuites, étaient atteints par la prescription ; qu’en déclarant MM. A… et B… coupables de recel des fruits de cette même infraction, elle a méconnu les textes et principes susvisés ».   Rappelons que l’article L. 2131-11 du Code général des collectivités territoriales déclare « illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataire ». Le non-respect de cette disposition entraîne l’intervention du juge répressif au visa de l’article 432-12 du Code pénal réprimant la prise illégale d’intérêts. Dans les faits, le délit est constitué quand l’intéressé reçoit ou conserve, directement ou indirectement un intérêt quelconque dans l’entreprise ou l’opération concernée. De plus, il doit avoir au moment de l’acte en tout ou partie la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement de l’entreprise ou de l’opération concernée. Il est de jurisprudence que le maire et les adjoints ne peuvent pas en règle générale se porter acquéreur des biens de la commune ou louer un bien communal (CE, 9 nov. 1984, Maguy Laborde Casteix : Dr. adm. 1984, comm. 503. – TA Lyon, 5 oct. 1993, Duperrat : JCP G 1994, IV, 165). Dans ce cas la délibération du conseil municipal autorisant la vente doit être annulée (CE, 25 mars 1987, Delerue : Gaz. Pal. 1988, 1, pan. dr. adm. p. 63). Il est important de relever qu’en application de l’article 8 du Code de procédure, le délit de prise illégale d’intérêts se prescrit par 3 ans. C’est exactement cette prescription que constate la Cour de cassation dans l’espèce qui lui est soumise. La haute juridiction censure le raisonnement de la Cour d’appel qui avait tenté de contourner la prescription de l’infraction de la prise illégale d’intérêts qui était acquise, en poursuivant les deux élus du chef de « recel » de prise illégale d’intérêts. En affirmant que le ou les auteurs d’une prise illégale d’intérêts ne peuvent pas être poursuivis pour recel de prise illégale d’intérêts, infraction visée par l’article 321-1 du Code pénal, la Cour de cassation met un coup d’arrêt aux comportements des juridictions du fonds qui n’hésitent pas à adapter les chefs de poursuite lorsqu’une prescription est encourue, pour obtenir la condamnation des personnes qu’ils poursuivent.

Schéma régional éolien : annulation du SRE de Basse Normandie pour défaut d’évaluation environnementale (TA Caen, 9 juillet 2015)

Par un jugement du 9 juillet 2015, le Tribunal administratif de CAEN a annulé la décision du Préfet en 2012 ayant approuvé le schéma régional éolien de Basse-Normandie et l’a mis en révision, au motif qu’il s’agissant d’un document devant être précédé d’une évaluation environnementale. Or, une telle évaluation n’ayant pas été faite, la décision méconnait, selon le Tribunal, la directive communautaire du 27 juin 2001 (dont l’effet direct a ici été reconnu) et a exercé une influence sur le sens de la décision. Ce jugement notable, dont on ignore s’il a donné lieu à un appel, soulève différentes interrogations. Rappelons que le schéma régional éolien est un document annexé au SRCAE (schéma régional climat air énergie), qui définit les zones favorables, à l’échelon régional, à l’implantation d’éoliennes. Depuis la loi Brottes du 15 avril 2013, il est prévu que les autorisations d’exploiter ICPE (article L 553-1 du code de l’environnement) doivent tenir compte des parties identifiées comme favorables aux éoliennes. Dans la région Basse-Normandie, la procédure d’élaboration du SRCAE n’a pas abouti à sa publication avant le 30 juin 2012, de sorte que le Préfet de région a poursuivi seul la procédure d’approbation du volet éolien, sous la forme du schéma régional éolien. En l’espèce, plusieurs requérants ont entendu contester la décision d’approbation du SRE. Il s’agissait de plusieurs personnes physiques et d’associations dont l’objet social est la protection de la nature et du patrimoine architectural dans la région. Intérêt à agir contre le SRE : Le Tribunal a ainsi tout d’abord considéré que ces associations présentaient un « intérêt à agir » contre la décision d’approbation du SRE, car ce type de décision tient compte des règles de protections des espaces naturels, des ensembles paysagers notamment (article R 222-2, IV du code de l’environnement). Elles sont donc recevables à contester ce type de décisions au regard de leur objet social. Décision faisant grief : Le Préfet soutenait encore que sa décision d’approbation ne pouvait « faire grief » (c’est-à-dire produire des effets juridiques) dans la mesure où la Loi Brottes du 15 avril 2013 avait supprimé les ZDE (zones de développement éolien) et donc privé les SRE de caractère d’acte faisant grief. Le Tribunal rejette cette analyse et considère de façon assez générale que les autorisations ICPE doivent tenir compte des zones identifiées comme favorables, la décision d’approbation du SRE fait partie des décisions ayant une incidences sur l’environnement Il semblerait que des particularités liées au SRE de Basse Normandie aient également conduit le Tribunal à retenir le caractère d’acte faisant grief : obligation de réaliser une étude de bruit, indication que les parcs doivent être les plus compacts possibles, réalisation d’études préalables obligatoires en forêt, interdiction d’implantation dans l’aire visuelle du Mont St Michel. Pas de transmission de la QPC : Les requérants souhaitaient la transmission au Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité, mais le Tribunal considère que les dispositions contestées ne méconnaissent pas de disposition de la Constitution. Obligation de réaliser une évaluation environnementale : le Tribunal a décidé d’annuler la décision préfectorale d’approuver le SRE au motif qu’elle n’avait pas été précédée d’une évaluation environnementale. C’est là une question juridique pointue à laquelle le Tribunal réponds, après avoir visé la directive européenne du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes et le code de l’environnement en considérant que : le schéma régional éolien constitue un « document de planification relatif à l’énergie » (remplissant ainsi la définition fixée par l’article L 122-4 du code de l’environnement pris pour la transposition de la directive européenne) ; le schéma a, selon le Tribunal, pour « objet de définir le cadre territorial de mise en œuvre de travaux d’installation d’éoliennes soumis à étude d’impact » en application de l’article L 122-1 du code de l’environnement. Il en déduit que le SRE devait donner lieu à une évaluation environnementale préalable, sur le fondement de l’article L 122-4 du code de l’environnement. Le Tribunal relève que si l’obligation d’évaluation préalable n’a été codifiée que le 1er janvier 2013 (soit après la décision du Préfet), il fallait considérer que la directive européenne pouvait s’appliquer immédiatement. Il lui a ainsi reconnu un effet direct, en jugeant au passage que l’article R 122-17 (alors applicable) méconnaissant la directive. Les autres arguments n’ont pas été tranchés, ce qu’on peut regretter car ils auraient permis de tirer un certain nombre d’enseignements pour le prochain schéma que le Préfet sevra donc approuver. L’analyse de la décision peut laisser un peu circonspect dans la mesure où le raisonnement fondé sur le postulat que le schéma a, selon le Tribunal, pour « objet de définir le cadre territorial de mise en œuvre de travaux d’installation d’éoliennes soumis à étude d’impact » est loin d’être évident. En effet, la construction des éoliennes donne lieu à permis de construire (ou à autorisation unique) mais ce n’est pas à cette occasion que les zones favorables identifiées par le SRE trouvent un écho quelconque. Nul doute qu’un recours contre un permis, fondé sur la « méconnaissance » du schéma régional éolien serait rejeté, l’argument étant inopérant. Ce n’est donc pas la construction d’éoliennes qui est même indirectement conditionnée par le SRE. A la rigueur, le code de l’environnement prévoit que les autorisations d’exploiter ICPE doivent « tenir compte » des zones favorables. Et c’est au titre des ICPE qu’une étude d’impact des parcs éoliens doit être réalisée, et non au titre de la construction. Cette approximation dans le jugement laisse donc subsister un doute quant à la validation du jugement par les éventuels juges d’appel. Reste encore la question de savoir si le lien entre l’autorisation ICPE (précédée d’une étude d’impact) et le SRE dont les zones doivent être simplement « prises en compte » suffit à soumettre l’entier document à une évaluation environnementale. Dorénavant, le SRCAE (comportant le SRE) doit réglementairement être précédé d’une évaluation environnementale et on pourrait croire que le débat est déjà sans objet. Cela ne nous semble pas être le cas puisque nombre de SRE sont encore en cours d’élaboration et ont même été approuvés avant la réforme du code. Les incidences de…