Illégalité pour vice de procédure d’une délibération prescrivant l’élaboration d’un plan local d’urbanisme (PLU) : précisions sur l’application de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme (CE, 23 déc.2014)

Par Maître Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat)  En novembre 2014, le Conseil d’Etat avait admis que l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme ne faisait pas obstacle à ce que l’irrégularité d’un document d’urbanisme soit invoquée au-delà d’un délai de six mois après son adoption lorsqu’il n’est pas encore devenu définitif (voir notre analyse ici). Aux termes d’une décision du 23 décembre 2014, le Conseil d’Etat affine son interprétation des dispositions de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme en examinant une nouvelle situation et en adoptant alors une lecture assez restrictive de cet article (Conseil d’État, 1ère / 6ème SSR, 23 décembre 2014, n°368098, mentionné dans les tables du recueil Lebon). Il s’agit de la décision présentement commentée. En l’espèce, les requérants ont demandé l’annulation d’une délibération approuvant un plan local d’urbanisme. Le Tribunal administratif de Grenoble a fait droit à leur demande par un jugement du 21 juin 2012. Par un arrêt du 5 mars 2013, la Cour administrative d’appel de Lyon a confirmé ce jugement en estimant que le contenu de la convocation des conseillers municipaux à la séance du conseil municipal du 21 octobre 2005, au cours de laquelle avait été adoptée la délibération prescrivant l’élaboration du plan local d’urbanisme, ne satisfaisait pas aux exigences de l’article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales. La commune s’est pourvue en cassation contre cet arrêt. Le Conseil d’Etat a alors censuré l’arrêt de la cour administrative d’appel. Tout d’abord, il a rappelé les dispositions des deux premiers aliénas de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme aux termes desquelles : « L’illégalité pour vice de forme ou de procédure (…) d’un plan local d’urbanisme (…) ne peut être invoquée par voie d’exception, après l’expiration d’un délai de six mois à compter de la date de la prise d’effet du document en cause. / Les dispositions de l’alinéa précédent sont également applicables à l’acte prescrivant l’élaboration ou la révision d’un document d’urbanisme ou créant une zone d’aménagement concerté ». Il a ensuite déduit de ces dispositions « qu’un vice de procédure entachant la délibération prescrivant l’élaboration d’un plan local d’urbanisme ne peut être invoqué par voie d’exception que dans un délai de six mois suivant la date de prise d’effet de cette délibération ». Il a considéré qu’il était constant qu’en l’espèce, « la délibération du 21 octobre 2005 prescrivant l’élaboration du plan local d’urbanisme était entrée en vigueur depuis plus de six mois à la date à laquelle les requérants ont invoqué, à l’appui de leur demande présentée devant le tribunal administratif de Grenoble, l’irrégularité de la convocation des conseillers municipaux à la séance du conseil municipal au cours de laquelle cette délibération avait été adoptée ». Il en a donc conclu « qu’il appartenait à la cour de relever d’office l’irrecevabilité de ce moyen ; qu’en s’abstenant de le faire, elle a commis une erreur de droit ». Cette décision est intéressante en ce qu’elle considère qu’en vertu de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme, un vice de forme ou de procédure entachant la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision d’un PLU ne peut être invoqué par voie d’exception que dans un délai de six mois suivant la date de prise d’effet de cette délibération et que cette règle vaut y compris à l’appui d’un recours dirigé directement contre la délibération approuvant ce plan local d’urbanisme. Elle contribue à sécuriser encore plus la procédure d’élaboration des plans locaux d’urbanisme. En effet, le Conseil d’Etat affirme ainsi que l’irrégularité de la délibération initiale de la procédure d’élaboration d’un PLU ne peut être invoquée plus de six mois plus tard lors de la contestation de la délibération finale approuvant le PLU lorsqu’elle a été correctement publiée (date de prise d’effet). Plus encore, le Conseil d’Etat souligne l’erreur de droit commise par la Cour et prétend qu’elle aurait dû relever d’office l’irrecevabilité du moyen. Notons que cette position du Conseil d’Etat était prévisible au regard des dispositions de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme et ce d’autant plus qu’elle se situe dans la tendance actuelle de limiter le contentieux de l’urbanisme en apportant plus de sécurité juridique aux auteurs des documents d’urbanisme (et, par suite, aux bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme). Au regard de cette décision, nul doute qu’un certain nombre de juridictions vont mettre un terme à plusieurs contentieux en cours sur ce sujet en relevant d’office ce moyen…  

Installations photovoltaïques/ contrat de crédit affecté : une interdépendance confirmée et non sans conséquences.

Par Maître Aurélien BOUDEWEEL (Green Law Avocat) Par un arrêt en date du 12 mars 2015 (Cour d’appel de LIMOGES, 12 mars 2015, RG n°14/00068), la Cour d’appel de LIMOGES censure un jugement de première instance et prononce l’annulation du contrat de crédit signé par les particuliers pour financer leur installation photovoltaïque dès lors que l’annulation du contrat principal est constatée. Cet arrêt de la Cour d’appel confirme donc un courant jurisprudentiel dont nous nous étions fait l’écho dans un précédent article (cf. notre article du 14 avril 2014 sur l’arrêt de la Cour d’appel de LIMOGES du 24 janvier 2014 : RG n°12/01358), En l’espèce, des particuliers avaient contracté auprès d’une société se revendiquant spécialisée dans la fourniture et la pose d’un système solaire photovoltaïque. L’acquisition s’est opérée au moyen d’un contrat de crédit affecté. Sur le plan juridique, les particuliers ont fait valoir que l’ensemble des travaux n’avaient pas été exécutés et qu’il existait des irrégularités du bon de commande au visa des dispositions du code de la consommation. Saisi du litige, la juridiction de premier degré avait débouté les particuliers de leurs demandes d’annulation et les avait condamnés à rembourser le contrat de crédit auprès de l’établissement bancaire. La Cour d’appel de LIMOGES censure cette appréciation en jugeant : « Il est produit un bon de commande aux noms de ERG, M. X… et Mme A…, une ” attestation de mandat ” X…- ERG (apparaissant signée aussi A…) et un contrat de prêt SA Z-M. X… et Mme A…. Ces documents sont en date du 25 août 2010. Le bon de commande mentionne : fait à Eyburie, le contrat de prêt indique : date d’acceptation 25/ 08/ 2010 à Eyburie. Eyburie est la commune du domicile de M. X…. Le bon de commande se réfère expressément aux articles L 121-23/ 24/ 25/ 26 du code de la consommation. Il s’en déduit que M. X… a fait l’objet d’un démarchage à domicile. Si le mandat conclu en l’occurrence accessoirement au contrat principal n’est pas lui-même soumis directement aux règles des articles L 121-23 à 26 du code de la consommation, celles-ci s’appliquent en revanche au bon de commande constituant le contrat principal. Il est produit uniquement (par l’appelant comme par la SA Z) le recto du bon de commande. Ce recto fait état d’un verso. Il est certes pré-imprimé que le signataire reconnait avoir pris connaissance des dispositions des articles L 121-23, L121-24, L 121-25, L 121-26 du code de la consommation et des conditions générales de vente figurant au verso, mais l’absence de production du verso ne permet pas à la juridiction de vérifier elle-même comme il lui appartient de le faire si le contrat mentionne bien, de façon apparente, le texte intégral de ces dispositions. Et cette mention ne justifie pas non plus elle-même suffisamment de la reproduction desdits articles. Il y a donc là une cause de nullité, vu le début de l’article L 121-23 du code de la consommation. Le prêt était un crédit affecté à la prestation objet du bon de commande précité. En application de l’article L 311-32 du code de la consommation, ce crédit est donc lui-même de plein droit annulé. En raison de la faute du prêteur de n’avoir pas vérifié la conformité du contrat principal de son partenaire, M. Y…, à la législation sur le démarchage à domicile puisqu’il apparaît qu’il n’a eu à sa disposition que le recto du bon de commande et donc un document incomplet, la SA Z sera déboutée de sa demande en paiement et il ne sera pas ordonné de restitution à la charge de M. X… consécutivement à l’annulation du prêt». Cet arrêt de la Cour d’appel de LIMOGES rappelle l’interdépendance du contrat principal et du contrat de crédit affecté et l’annulation automatique du contrat de crédit lorsque l’annulation du contrat principal est prononcée. A noter que la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 a réformé plusieurs dispositions du code de la consommation intéressant les opérations de démarchage. On retiendra que le nouvel article L111-1 I du code de la consommation impose même des obligations plus étendues à la charge du professionnel puisque ce dernier doit informer le consommateur les informations suivantes : • Les caractéristiques essentielles du bien ou du service. Il est précisé que cette information doit être faite en fonction du support de communication utilisé : on ne donne pas autant de détail sur les caractéristiques du bien si celui-ci est exposé en vitrine ou si la commande se fait par téléphone ; • Le prix du bien ou du service selon les modalités de l’article L. 113-3 qui n’a pas été modifié ; • La date ou le délai dans lequel le professionnel livrera le bien ou exécutera le service ; • L’identification du professionnel, un décret en Conseil d’État fixe les éléments de cette identification. Ces informations doivent être données au consommateur avant la conclusion du contrat. On rappellera qu’aux termes de l’article L212-21 du Code de la consommation le consommateur dispose dorénavant d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision. L’arrêt de la Cour d’appel de LIMOGES confirme une jurisprudence de plus en plus ferme et tendant à sanctionner les organismes de crédit (professionnels) peu scrupuleux dans la vérification, pourtant obligatoire, de la régularité et conformité du contrat principal (contrat de vente) duquel il dépend. Le consommateur qui est confronté à la disparition de la société auprès de laquelle il a contracté (liquidation ou redressement judiciaire) ne doit donc pas oublier qu’une porte de sortie existe dans le règlement de son litige en cas de conclusion d’un contrat de crédit affecté.

La « Danthonysation » des vices affectant l’ouverture d’une enquête publique

Par Maître Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Le Conseil d’Etat, aux termes de sa décision Danthony, a dégagé un « principe » désormais bien connu : « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ; que l’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte » (Conseil d’Etat, Assemblée, 23 décembre 2011, Danthony et autres, n° 335033, publié au recueil Lebon). Ainsi, une décision affectée d’un vice de procédure n’est illégale que s’il ressort des pièces du dossier que ce vice a été susceptible d’exercer, dans les circonstances de l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie. En pratique, cette décision a impulsé un tournant quant à l’appréciation par le juge des vices de procédure, même si une partie de la doctrine considère encore que « le changement provoqué par l’arrêt Danthony est […] purement cosmétique » (Julien Bétaille, « Insuffisance de l’étude d’impact : Danthony ne change rien, ou presque », Droit de l’Environnement, n°231, Février 2015, p.65). Le praticien qui vit les applications par les juges du fond de la jurisprudence Danthony est sans doute moins enclin à cultiver ce paradoxe… la Danthonisation lui semble injuste pour le requérant, suscitant une frustration tout aussi comparable à celle des pétitionnaires victimes hier d’annulations reposant sur des motifs trop formalistes. Ainsi les positions de principe du Conseil d’Etat masquent les excès du juge du fond. Ainsi l’arrêt Danthony a incontestablement été compris par ces derniers comme un excellent moyen de neutraliser les illégalités formelles. Quoiqu’il en soit, le principe dégagé par la décision Danthony fut notamment appliqué en matière d’ouverture d’enquête publique lorsque cette enquête était prévue par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « 2. Considérant que s’il appartient à l’autorité administrative de procéder à la publicité de l’ouverture de l’enquête publique dans les conditions fixées par les dispositions précitées, la méconnaissance de ces dispositions n’est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l’illégalité de la décision prise à l’issue de l’enquête publique que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l’information de l’ensemble des personnes intéressées par l’opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l’enquête et, par suite, sur la décision de l’autorité administrative ; 3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’enquête publique relative à la création, sur le territoire de la commune de Noisy-le-Grand, d’une liaison piétonne et automobile entre la zone d’aménagement concerté dénommée ” du Clos Saint Vincent ” et la rue Pierre Brossolette a commencé le 7 juin 2005 ; que l’avis d’enquête publique a été publié le 21 mai 2005 dans l’un des deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département intéressé et que cette publication a été renouvelée dans l’édition du 10 juin 2005 du même journal ; que cet avis d’enquête publique a également fait l’objet d’une information résumée accompagnée de renseignements pratiques dans le magazine municipal gratuit ” Noisy-Mag ” le 4 juin 2005 ; que la cour administrative d’appel de Versailles a annulé l’arrêté du 21 octobre 2005 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré d’utilité publique l’acquisition des parcelles nécessaires à la création de la liaison piétonne et automobile projetée au motif de l’absence d’une publication dans un second journal régional ou local répondant aux exigences de l’article R. 11-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique sans rechercher, alors qu’une publication résumée de cet avis était intervenue dans un magazine municipal distribué dans l’ensemble de la commune, si ce manquement était, dans les circonstances de l’espèce, de nature à entacher d’irrégularité l’ensemble de la procédure d’enquête publique pour défaut d’information et de consultation du public ; qu’elle a ainsi commis une erreur de droit ; […] » (Conseil d’État, première et sixième sous-sections réunies, 3 juin 2013, n°345174, mentionné dans les tables du recueil Lebon) Or désormais, le Conseil d’Etat l’applique également en ce qui concerne l’ouverture des enquêtes publiques régies par les dispositions du code de l’environnement. Il s’agit de la décision présentement commentée (Conseil d’Etat, deuxième et septième sous-sections réunies, 27 février 2015, n° 382502, mentionné dans les tables du recueil Lebon).   En l’espèce, trois projets relevant de la maîtrise d’ouvrage de la communauté urbaine de Lyon ont été retenus pour permettre la desserte du projet du Grand Stade de Lyon, Ces trois projets ont été chacun soumis à une enquête publique distincte mais réalisée concomitamment. Par trois arrêtés du 23 janvier 2012, le préfet du Rhône a déclaré d’utilité publique ces trois projets puis par deux arrêtés du 30 mars et par un arrêté du 24 juillet 2012, a déclaré cessibles les parcelles de terrain nécessaires à la réalisation d’un des projets. Ces arrêtés firent l’objet de recours en excès de pouvoir. En première instance, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces recours pour excès de pouvoir par trois jugements du 10 avril 2013. En appel, après avoir relevé que les arrêtés du préfet du Rhône prescrivant l’ouverture des enquêtes publiques et les avis au public relatifs à ces enquêtes avaient omis de mentionner que les projets avaient fait l’objet d’une étude d’impact et que ce document faisait partie du dossier soumis à l’enquête, la cour administrative d’appel de Lyon a estimé que cette méconnaissance des dispositions des articles R. 123-13 et R. 123-14 du code de l’environnement avait été de nature…

ICPE autorisée : un dossier de permis de construire sans étude d’impact (CE, 25 février 2015)

Par David DEHARBE (Green Law Avocat) Dans un arrêt qui sera cité au Recueil, (CE, 25 février 2015, n° 367 335, « Communauté d’agglomération de Mantes-en-Yvelines»), le Conseil d’Etat juge que la Cour administrative de d’appel Versailles (6 décembre 2012, n° 11VE02847) commet une erreur de droit, en déduisant l’obligation de joindre une étude d’impact à la demande de permis de construire des bâtiments, de la seule circonstance que cette étude est exigée pour leur exploitation industrielle, en application du code de l’environnement et au titre de la législation ICPE (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement) : « l’obligation de joindre l’étude d’impact au dossier de demande de permis de construire prévue par l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme ne concerne que les cas où l’étude d’impact est exigée en vertu des dispositions du code de l’environnement pour des projets soumis à autorisation en application du code de l’urbanisme ; que, par suite, en se fondant, pour annuler les permis attaqués, sur l’absence d’étude d’impact sans rechercher si celle-ci était exigée pour un projet soumis à autorisation en application du code de l’urbanisme, la cour a méconnu, au prix d’une erreur de droit, la portée des dispositions de l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme ». Cette solution n’allait pas de soi, surtout à s’en tenir à la lecture du texte régissant la question. En effet, l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme mentionne bien, au nombre des pièces à joindre à la demande de permis de construire, « l’étude d’impact, lorsqu’elle est prévue en application du code de l’environnement ». Ainsi Xavier De Lesquen concède dans ses conclusions sur cette affaire qu’« Il est vrai que le texte de l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme peut troubler, en ce qu’il renvoie sans autre précision et donc sans limitation à l’application du code de l’environnement pour définir les cas dans lesquels l’étude d’impact doit être jointe à la demande de permis de construire ». D’ailleurs tout particulièrement s’agissant de la construction des installations classées soumises à autorisation, la jurisprudence semblait jusqu’ici exiger la production d’impact dans le dossier de permis de construire, de l’étude requise au titre de la seule législation environnementale (Conseil d’Etat, 1 / 4 SSR, du 15 janvier 1999, n° 181652, inédit au recueil Lebon et pour un ex. plus récent : CAA Nancy, 30 juin 2011, Assoc. Air Pur Environnement: req. n° 10NC01074, cité in code de l’environnement, Dalloz 2014). Mais à cela une autre raison essentielle : avant le Grenelle de l’environnement, le Conseil d’Etat lui-même juge encore que « les travaux de construction d’une installation classée relevant du régime de l’autorisation sont soumis à la procédure de l’étude d’impact », ceci en vertu des dispositions du B de l’article 3 du décret du 12 octobre 1977 pris pour l’application de l’article 2 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature (Conseil d’Etat, 1 / 4 SSR, du 15 janvier 1999, n° 181652). Reste que dans notre espèce cette disposition ne jouait pas, dès lors qu’il s’agissait d’un permis de construire relatif à une installation classée déjà existante et pour laquelle était en débat la nécessité même d’exiger une nouvelle autorisation et donc une étude d’impact. Or non seulement la Cour d’appel de Versailles avait conclu à la nécessité de déposer une nouvelle étude au titre des installations classées mais elle avait exigé sa production dans le dossier de permis au visa du seul l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme. Fonder une telle production sur le seul article R. 431-16 du code de l’urbanisme revenait à poser une question en pratique très importante depuis la réforme de l’étude d’impact. On sait en effet que le nouveau champ de l’étude d’impact (cf. le tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement par le Décret n°2011-2019 du 29 décembre 2011) se substitue aux dispositions du B de l’article 3 du décret du 12 octobre 1977. Ainsi et en tout état de cause on ne peut plus en déduire, qu’en lui-même, le permis de l’installation classée autorisée doit être soumis à une étude d’impact.   On mesure alors tout l’enjeu pratique de la question de savoir si l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme ne devait pas imposer a minima que l’étude d’impact ICPE accompagne le dossier de permis de construire l’installation soumise à autorisation d’exploiter. Sans doute peut-on se convaincre, à la lecture (qui s’impose) des conclusions de Xavier De Lesquen, qu’il convient de circonscrire la production dans le dossier de permis de construire d’un exemplaire de l’étude d’impact aux seuls cas où l’étude est exigée pour l’opération de construction en elle-même. Comme le démontre le rapporteur public cette solution trouve un ancrage solide dans le principe d’indépendance des législations : on a trop tendance à oublier que l’acte de construire n’est pas celui d’exploiter et qu’ainsi étudier les effets du second n’a pas grand intérêt pour celui qui instruit le premier. Mais cette solution relativise surtout les risques contentieux et une lecture trop tatillonne du droit pour rappeler à ceux qui l’appliquent qu’ils ne devraient jamais oublier de s’interroger sur ce qui fait le bien-fondé d’une formalité. Bref on l’aura compris, selon le Conseil d’Etat l’étude d’impact n’a plus à figurer dans les pièces du dossier de permis de construire d’une installation classée soumise à autorisation. C’est un pas jurisprudentiel vers le dossier unique. Et si en droit de l’environnement industriel, le véritable choc de simplification était en réalité initié au Palais Royal ? Les évolutions jurisprudentielles les plus récentes en la matière, dont celle-ci, nous incitent de plus en plus à le penser …  

Installation photovoltaïque / crédit affecté: le bon, la brute et le truand (Cass, 10 déc.2014)

  Par Maître Aurélien BOUDEWEEL (Green Law Avocat) Par un arrêt en date du 10 décembre 2014 (Cass. 1ère civ. 10 décembre 2014, pourvoi n°13-22679), la Cour de cassation confirme la résolution du contrat principal relativement à la pose de l’installation photovoltaïque et du contrat de crédit signé par les particuliers destiné à financer leur installation photovoltaïque, en dépit de la signature par ces derniers de la signature d’un certificat de livraison du bien. Cette décision renforce donc un courant jurisprudentiel dont nous nous étions fait l’écho dans un précédent article (Article du 14 avril 2014, C. d’appel de LIMOGES, 24 janvier 2014, RG n°12/01358), Rappelons que le contrat de crédit affecté (on parle aussi de crédit lié) est celui qui est consenti par un organisme de crédit à un consommateur lors de la conclusion d’un contrat de vente ou prestation de services afin de financer cette opération commerciale. Dans ce contrat, une double relation contractuelle se noue entre le professionnel, l’établissement de crédit et le consommateur : Un premier contrat, dit contrat principal, est conclu entre le professionnel et le consommateur, Une autre relation contractuelle se noue entre le consommateur et l’établissement de crédit. Ces deux relations contractuelles sont interdépendantes aux termes des articles L. 311-20 à L. 311-28 anciens du Code de la consommation. Le lien d’interdépendance est d’ailleurs une règle d’ordre public à laquelle le consommateur ne saurait renoncer d’une manière ou d’une autre (Cass 1ère civ., 17 mars 1993 : Bull. civ. 1993, I, n° 116). L’article L. 311-32 du Code de la consommation dans sa version actuellement en vigueur prévoit que le contrat de crédit est résolu de plein droit lorsque le contrat, en vue duquel le prêt avait été conclu, est lui-même résolu (Cass. 1re civ., 2 juill. 1991 : JCP G1991, IV, p. 345. – CA Riom, 25 sept. 2002 : JurisData n° 2002-194658). En l’espèce, des particuliers avaient contracté auprès d’une société spécialisée dans la fourniture et la pose d’un système solaire photovoltaïque. A la suite d’une non-exécution et/ou une mauvaise exécution de ce contrat, les particuliers ont assigné la société installatrice et la banque, avec laquelle ils avaient contracté un contrat de crédit affecté au financement des travaux, pour obtenir la résolution des contrats passés. La Cour d’appel avait confirmé le bien fondé de l’action des particuliers et avait notamment prononcé la résolution du contrat de crédit affecté au motif que si, une attestation de livraison avait bien été signée par les particuliers justifiant le déblocage des fonds par la banque, cette attestation n’était pas suffisamment précise. Saisi du litige, la Cour de cassation valide le raisonnement du juge d’appel en jugeant : « Attendu que la banque fait grief à l’arrêt, qui prononce la résolution des contrats litigieux, de rejeter sa demande en paiement, alors, selon le moyen : 1°/ qu’en imputant à faute à la banque le fait d’avoir débloqué les fonds au vu d’une attestation de livraison qui aurait manqué de précision et de crédibilité s’agissant d’un contrat « destiné à financer la fourniture et l’installation d’un toit photovoltaïque », cependant que l’objet du prêt, tel que précisé dans l’offre préalable de crédit, portait exclusivement sur le financement d’un toit photovoltaïque moyennant le prix de 17 300 euros correspondant au montant dudit prêt, la cour d’appel a dénaturé l’offre préalable en violation de l’article 1134 du code civil ; 2°/ que l’emprunteur qui détermine l’établissement de crédit à verser les fonds au vendeur au vu de la signature par lui du certificat de livraison du bien n’est pas recevable à soutenir ensuite, au détriment du prêteur, que le bien ne lui a pas été livré ou que la prestation accessoire n’a pas été exécutée, de sorte qu’en statuant comme elle a fait bien qu’elle eût constaté que le prêteur avait débloqué les fonds au vu de l’attestation de livraison signée par les emprunteurs, la cour d’appel a violé l’article L. 311-20 ancien du code de la consommation, ensemble l’article 1147 du code civil ; Mais attendu qu’ayant relevé que l’attestation de “livraison-demande de financement” signée par M. Y… le 26 février 2009 n’était pas suffisamment précise pour rendre compte de la complexité de l’opération financée et ainsi permettre au prêteur de s’assurer de l’exécution complète du contrat principal, la cour d’appel a pu en déduire, sans encourir le grief de dénaturation, qu’en libérant la totalité des fonds au seul vu de cette attestation, la banque avait commis une faute excluant le remboursement du capital emprunté ». Cet arrêt de la Cour de cassation décline ici une jurisprudence constante qui veut que l’obligation de l’emprunteur de rembourser le prêt d’argent (dans le cadre d’un crédit affecté) ne commence qu’avec la livraison de la marchandise ou l’exécution de la prestation issue du contrat principal (Cass. 1re civ., 7 janv. 1997 : Contrats, conc. consom. 1997, comm. 86. – Cass. 1re civ., 7 févr. 1995 : Contrats, conc. consom. 1995, comm. 166. – CA Douai, 8 sept. 1994 : Rev. huissiers 1995, p. 116). Surtout, la Haute juridiction semble décider d’aller plus loin face à des organismes de crédit peu scrupuleux qui tentent d’arguer de la signature d’une attestation de livraison pour s’opposer à la résolution du contrat de crédit affecté. En effet la signature d’une attestation ne suffit pas à empêcher la résolution du contrat de crédit affecté dès lors que cette attestation est insuffisamment précise ou rédigée en des termes trop généraux ne permettant pas, malgré lui, à l’organisme de crédit d’apprécier la consistance des prestations, objet du financement.