Réforme de la Procédure civile : ce qui change au 1er septembre 2020 !

Par Maître Ségolène REYNAL (Green Law Avocats)

Comme nous l’écrivions en décembre dernier, la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 a modernisé substantiellement la procédure civile.

Plusieurs décrets sont successivement intervenus afin de mettre en œuvre la création du Tribunal Judiciaire (TJ), issu de la fusion des Tribunaux de Grande Instance (TGI) et des Tribunaux d’Instance (TI), et organiser les conséquences d’une telle fusion.

A la suite de la publication du décret du 11 décembre 2019 (n° 2019-1333) portant réforme de la procédure civile, le CNB a engagé un recours en référé-suspension devant le Conseil d’Etat (CE, 30 décembre 2019, n°436941) qui a refusé de suspendre l’exécution dudit décret. Toutefois, il a octroyé un report de l’entrée en vigueur d’une partie de la réforme au 1er septembre 2020.

Pour rappel, l’entrée en vigueur de cette réforme s’est faite en trois temps :

  • Par principe, la réforme est applicable au 1er janvier 2020 aux instances en cours et aux affaires nouvelles ;
  • Par dérogation, la réforme est applicable au 1er janvier 2020 pour les dispositions relatives à l’exécution provisoire de droit, à l’extension des pouvoirs du juge de la mise en état, et à la représentation obligatoire par avocat et à la procédure accélérée au fond, pour les affaires introduites à compter du 1er janvier 2020 ;
  • Par dérogation, la réforme entre en vigueur au 1er septembre 2020 pour les affaires nouvelles concernant les dispositions relatives à la généralisation de l’assignation avec prise de date.

Les évolutions majeures en vigueur dès le 1er janvier 2020 concernaient notamment :

  • La suppression du TGI et du TI, au profit de la création du TJ et des chambres de proximité (art. L212-8 du COJ) ;
  • La création d’un juge chargé des contentieux et de la protection (JCP) ;
  • La simplification des modes de saisine ;
  • L’extension de la représentation obligatoire ;
  • L’extension des pouvoirs du juge de mise en état et la convention de procédure participative aux fins de mise en état ;
  • L’exécution provisoire de droit et la fin du principe de l’effet suspensif de l’appel ;
  • La procédure accélérée au fond (PAF).

L’article 55, III du décret n° 2019-1333 du 11 mars 2019 dispose : « jusqu’au 1er septembre 2020, dans les procédures soumises, au 31 décembre 2019, à la procédure écrite ordinaire, la saisine par assignation de la juridiction et la distribution de l’affaire demeurent soumises aux dispositions des articles 56, 752, 757 et 758 du code de procédure civile dans leur rédaction antérieure au présent décret. Jusqu’au 1er septembre 2020, les assignations demeurent soumises aux dispositions de l’article 56 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au présent décret ».

Ainsi, à partir du 1er septembre 2020, seront applicables les dernières dispositions du décret relatives à la généralisation de l’assignation avec prise de date concernant :

> La procédure écrite ordinaire ;

> La procédure prévue aux articles R.202-1 et suivants du livre des procédures fiscales ;

> Les procédures diligentées devant le tribunal paritaire des baux ruraux ;

> Les procédures prévues au Livre IV du code de commerce devant le tribunal judiciaire.

En somme, les procédures susmentionnées devront désormais faire l’objet d’une assignation avec prise de date.

  • L’assignation avec prise de date devant le TJ (nouv. Art. 56 du CPC)

L’article 55 du CPC définit une assignation comme étant « l’acte d’huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaître devant le juge ».

Cette assignation doit contenir des mentions spécifiques devant le Tribunal Judiciaire, à peine de nullité, prévues d’une part à l’article 56 du CPC, dont la nouvelle version entre en vigueur au 1er septembre 2020, et d’autre part, à l’article 751 et suivants du CPC.

En effet, la nouvelle rédaction de l’article 56 du code de procédure civile prévoit que l’assignation contient à peine de nullité […] les lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée ».

Ce mécanisme s’inscrit dans l’idée de modernisation et d’allégement de la procédure civile, en ce qu’elle se doit d’être simplifiée et accessible pour le justiciable. En effet, la prise de permet au justiciable de pouvoir connaître, dès l’introduction de sa demande, la date de la première audience. Corrélativement, ce mécanisme permet de décharger le greffe des convocations et des saisies de données. 

A cet égard, il a donc été préconisé que l’information du défendeur soit désormais effectuée, en priorité, par acte d’huissier de justice, en lieu et place de la convocation par le greffe.

Cette modalité de convocation présente plusieurs avantages :

  • Tout d’abord, ce mode garantit le respect du contradictoire par la délivrance concomitante de l’acte de saisine et des pièces qui viennent à l’appui des demandes, assurant ainsi l’efficacité des échanges en vue de la première audience.
  • Ensuite, le recours à l’acte d’huissier permet au greffier, déchargé des tâches de convocations et de classement des avis de réception, de réinvestir le rôle statutaire qui est le sien d’assistant du magistrat et de garant de la procédure.
  • Enfin, cela permet pour les avocats et les justiciables, de connaître dès l’introduction de leur demande la date d’audience qui correspond à une audience de plaidoiries s’il s’agit d’une procédure orale, ou à une audience d’orientation s’il s’agit d’une procédure écrite ordinaire.
  • Communication de la date de l’audience par tous moyens (art. 751 du CPC)

L’article 751 du CPC prévoit que « la demande formée par assignation est portée à une audience dont la date est communiquée par tout moyen au demandeur selon des modalités définies par arrêté du garde des sceaux. »

L’article 751 du CPC est modifié substantiellement, et permet, au 1er septembre 2020, à un justiciable de former une demande d’assignation, représenté par l’intermédiaire d’un huissier ou d’un avocat ou non, avec une première date d’audience.

À compter du 1er septembre 2020, la communication de la date d’audience se fera par voie électronique, selon les modalités prévues aux articles 748-1 et suivants du CPC.

À réception de la date d’audience il appartiendra alors au demandeur de mentionner dans le corps de l’assignation « les lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée » pour signification de l’acte par voie d’huissier.

Inséré dans la partie consacrée aux dispositions communes au Tribunal Judiciaire, l’article 751 concerne toutes les procédures susceptibles d’être mises en œuvre devant cette juridiction, qu’il s’agisse de procédures écrites ou orales, peu importe qu’elles soient avec ou sans représentation obligatoire.

Cette exigence de prise de date n’intéresse, cependant, que l’introduction de l’instance par voie d’assignation. L’article 751 n’est pas applicable à la procédure sur requête ou lorsque l’instance est introduite au moyen d’une requête conjointe. En outre, ce nouvel état du droit ne constitue pas un changement pour les procédures qui connaissent déjà l’assignation avec prise de date (procédure orale, Juge de l’exécution, référé).

De plus, à partir du 1er septembre 2020, l’assignation en justice doit également indiquer, et ce à peine de nullité, l’accord du demandeur pour que la procédure se déroule sans audience (article 752 du CPC).

Il conviendra donc d’être vigilent sur les actes introductif d’instance déposé dès demain !