Référé environnemental : le droit de se taire est renforcé par la Cour de cassation

Référé environnemental : le droit de se taire est renforcé par la Cour de cassation

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Par Maître David DEHARBE, Avocat Gérant et Frank ZERDOUMI, juriste (Green Law Avocats) 

Afin de faire cesser les atteintes à l’environnement, le référé environnemental est une procédure d’urgence qui permet au juge pénal d’ordonner toutes mesures utiles en cas de non-respect de certaines dispositions du Code de l’environnement ou du Code minier.

Il a été introduit par la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau, avant d’être codifié à l’article L. 216-13 du Code de l’environnement, dont la dernière version en vigueur date du 25 août 2021.

Le Syndicat d’aménagement de la vallée de l’Indre avait comme projet de restaurer les masses d’eau du Montison et améliorer son état écologique et hydraulique entre Courçay et Pont-de-Ruan.

Malheureusement, les berges étaient encombrées de blocs de béton, gravats bitumeux, carrelages, briques.

Quant au lit de la rivière, il a révélé la présence de plastique, de métaux et de géotextiles.

Le technicien du Syndicat d’aménagement de la vallée de l’Indre ayant été pris en flagrant délit de compactage au rouleau, la Direction départementale des territoires d’Indre-et-Loire a dressé un procès-verbal d’infraction, contesté par le Syndicat.

Après avoir entendu le Président du Syndicat d’aménagement de la vallée de l’Indre, le juge des libertés et de la détention a suspendu les travaux.

Cette décision a été confirmée en appel. Le Syndicat s’est donc pourvu en cassation et a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité.

Dans sa décision n° 2024-1111 QPC du 15 novembre 2024, Syndicat d’aménagement de la vallée de l’Indre, le Conseil constitutionnel a considéré que, dans le cadre de la procédure de référé pénal environnemental, dans la mesure où elle n’est pas mise en cause, la personne intéressée n’a pas à être informée de son droit de se taire avant son audition par le juge pénal.

Cela étant, le Conseil constitutionnel a précisé que, lorsqu’il apparaît qu’elle est déjà suspectée ou poursuivie pénalement pour les faits sur lesquels elle est entendue, dès lors que ses déclarations sont susceptibles d’être portées à la connaissance de la juridiction de jugement, la personne concernée doit être informée de son droit de se taire, avant d’être entendue par le juge des libertés et de la détention.

Tel n’a pas été le cas dans cette affaire : c’est pourquoi la Cour de cassation a censuré la Cour d’appel d’Orléans pour application erronée de la réserve d’interprétation formulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 15 novembre 2024.

L’article L. 216-13 du Code de l’environnement dispose notamment que :

« (…) le juge des libertés et de la détention peut, à la requête du procureur de la République, agissant d’office ou à la demande de l’autorité administrative, de la victime ou d’une Association agréée de protection de l’environnement, ordonner pour une durée d’un an au plus aux personnes physiques et aux personnes morales concernées toute mesure utile, y compris la suspension ou l’interdiction des opérations menées en infraction à la loi pénale. »

Le référé environnemental peut-il s’abstenir de respecter un des principes fondamentaux de la procédure pénale ?

La chambre criminelle de la Cour de cassation a répondu à cette question par la négative, renforçant ainsi le droit de se taire, découlant du principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser (décision commentée : CCA, 28 janvier 2025, n° 24-81.410).

Afin de justifier sa décision de ne pas annuler le procès-verbal d’audition rédigé par le juge des libertés et de la détention sans notification préalable du droit de se taire, la Cour d’appel d’Orléans avait énoncé qu’une telle obligation n’était pas prévue à l’article L. 216-13 du Code de l’environnement, lequel organise une procédure distincte de l’enquête préliminaire en cours qui ne constitue pas une voie de poursuite pénale.

La Cour d’appel a d’ailleurs ajouté que les principes directeurs du procès pénal n’avaient pas vocation à s’appliquer à la personne concernée par un référé environnemental n’ayant pas pour objet d’établir sa responsabilité pénale.

La Cour de cassation a donc appliqué la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel :

« Il résulte de la réserve d’interprétation formulée par cette décision que les dispositions du texte susvisé ne sauraient, sans méconnaître le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire, permettre au juge des libertés et de la détention, saisi d’un référé environnemental, d’entendre la personne concernée par les mesures que ce magistrat est susceptible d’ordonner, sans que ladite personne soit informée de son droit de se taire lorsqu’il apparaît qu’elle est déjà suspectée ou poursuivie pénalement pour les faits sur lesquels elle est entendue, dès lors que ses déclarations sont susceptibles d’être portées à la connaissance de la juridiction de jugement » (décision commentée : CCA, 28 janvier 2025, n° 24-81.410, point 7).

L’analyse de la Cour de cassation est dès lors différente de celle de la Cour d’appel :

« En se déterminant ainsi, alors que la personne concernée a été entendue sur des faits dont était déjà suspectée, dans le cadre d’une enquête préliminaire, la personne morale qu’elle représente, la chambre de l’instruction a fait une application du texte susvisé qui n’est pas conforme à la réserve susmentionnée du Conseil constitutionnel » (décision commentée : CCA, 28 janvier 2025, n° 24-81.410, point 10).

On ne peut qu’apprécier cette décision de la Cour de cassation de renforcer le droit de se taire, et de respecter ainsi les droits de la défense.

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