Prolongation exceptionnelle d’un permis de recherches d’hydrocarbures

pompons

Par

Marie-Coline Giorno, Avocat (Green Law Avocat)

Aux termes d’un arrêté du 23 février 2015, une prolongation exceptionnelle du permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures a été accordée à une société.

Ce permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures (PERH) avait été accordé par arrêté du 23 juin 2000.

Il avait fait ensuite l’objet de deux prolongations, la première en date du 17 décembre 2004 et la seconde en date du 28 janvier 2009.

La loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique fut promulguée lors de la seconde prolongation.

Le 12 septembre 2011, la société a rendu le rapport exigé par cette loi exposant qu’elle n’aurait pas recours à la fracturation hydraulique dans le cadre de son PERH. Son permis n’a donc pas été abrogé.

Toutefois, la société soutient qu’elle n’aurait pu mener à bien ses principaux projets d’exploration et a demandé une prolongation supplémentaire en invoquant des circonstances exceptionnelles de fait et de droit.
– En ce qui concerne les circonstances de fait exceptionnelles, la société soutient qu’elle n’aurait pu mener à bien ses principaux projets d’exploration en raison du « contexte défavorable pour les activités pétrolières » de 2011 avec l’intervention de la loi interdisant la fracturation hydraulique précitée et les différentes tensions ayant entourées cette loi.

– En ce qui concerne les circonstances de droit exceptionnelles, la société invoque une évolution notable du contexte réglementaire, imposant désormais une étude d’impact préalablement aux travaux d’exploration.

L’abstract publié au journal officiel ne donne pas plus d’informations, « Par arrêté de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique en date du 23 février 2015, la validité du permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures conventionnels liquides ou gazeux dit ….. est prolongée jusqu’au …… sur une surface inchangée. »

Cette prolongation exceptionnelle suscite plusieurs interrogations.

En premier lieu, la prolongation vise la prolongation d’un « permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures conventionnels liquides ou gazeux ». L’utilisation du terme « conventionnels » est surprenante et, à notre sens, dénuée de valeur et d’intérêt juridique.

D’une part, l’article L. 122-1 du nouveau code minier indique que « Le permis exclusif de recherches de substances concessibles confère à son titulaire l’exclusivité du droit d’effectuer tous travaux de recherches dans le périmètre qu’il définit et de disposer librement des produits extraits à l’occasion des recherches et des essais ». En l’espèce, le PERH accordé à la société aux termes de l’arrêté du 23 juin 2000 visait les « hydrocarbures liquides ou gazeux » et ne distinguait nullement leur origine conventionnelle ou non. La précision apportée dans l’arrêté ministériel nous paraît donc erronée

D’autre part, la recherche d’hydrocarbures non-conventionnels ne semble pas pouvoir s’exonérer de l’utilisation de la fracturation hydraulique. Or, cette dernière est interdite depuis la loi du 13 juillet 2011 précitée. Par suite, la recherche d’hydrocarbures non-conventionnels était, de facto, exclue et la précision apportée sur le caractère « conventionnel » des hydrocarbures était superfétatoire.

Dès lors, la précision selon laquelle la prolongation exceptionnelle concerne un « permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures conventionnels liquides ou gazeux » est, selon nous, dépourvue de valeur juridique et superfétatoire : elle ne vise qu’à apaiser les esprits en réaffirmant à mots couverts que la France ne souhaite pas s’engager à ce jour sur la voie des hydrocarbures non-conventionnels.

En deuxième lieu, la motivation de l’arrêté n’est pas disponible sur le site Légifrance : il est précisé que « Le texte complet de l’arrêté peut être consulté dans les locaux du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, direction de l’énergie (bureau exploration et production des hydrocarbures), tour Séquoia, 1, place Carpeaux, 92800 Puteaux, ainsi que dans les bureaux de la direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie d’Ile-de-France, 10, rue Crillon, 75194 Paris Cedex 04. »

La motivation retenue reste donc inconnue. Néanmoins, on peut s’interroger sur la légalité de cette décision.

Aux termes de l’article L142-1 du code minier :

« La validité d’un permis exclusif de recherches peut être prolongée à deux reprises, chaque fois de cinq ans au plus, sans nouvelle mise en concurrence.
Chacune de ces prolongations est de droit, soit pour une durée au moins égale à trois ans, soit pour la durée de validité précédente si cette dernière est inférieure à trois ans, lorsque le titulaire a satisfait à ses obligations et souscrit dans la demande de prolongation un engagement financier au moins égal à l’engagement financier souscrit pour la période de validité précédente, au prorata de la durée de validité et de la superficie sollicitées. »

A la lecture de cet article, deux prolongations paraissent pouvoir être, au maximum, accordées au détenteur du permis.

En l’espèce, le PERH a été prolongé à titre exceptionnel une troisième fois. Il avait, en effet, déjà fait l’objet de deux prolongations auparavant.

Il est donc possible de s’interroger sur la disposition sur laquelle se fonde l’autorité administrative pour accorder une troisième prolongation à titre exceptionnel. Nous ne sommes pas certains qu’elle agisse dans un cadre légal.

En troisième et dernier lieu, aux termes de l’article L. 142-2 du code minier :

« La superficie du permis exclusif de recherches d’hydrocarbures liquides ou gazeux, dit  » permis H « , est réduite de moitié lors du premier renouvellement et du quart de la surface restante lors du deuxième renouvellement. Ces réductions ne peuvent avoir pour effet de fixer pour un permis une superficie inférieure à une limite fixée par voie réglementaire. Les surfaces restantes sont choisies par le titulaire. Elles doivent être comprises à l’intérieur d’un ou de plusieurs périmètres de forme simple.
En cas de circonstances exceptionnelles invoquées par le titulaire ou par l’autorité administrative, la durée de l’une seulement des périodes de validité d’un  » permis H  » peut être prolongée de trois ans au plus, sans réduction de surface. »

Les prolongations entraînent, en principe, une diminution de la superficie du PERH, sauf circonstances exceptionnelles. En l’espèce, on peut s’interroger sur la nature « exceptionnelle » des circonstances invoquées :
– d’une part, le contexte défavorable aux activités pétrolières n’est pas forcément une circonstance suffisante pour justifier une prolongation sans diminution de surface ;
– d’autre part, la réforme notable de textes n’est un phénomène ni exceptionnel ni, en l’espèce, imprévisible.

Il est donc possible de se questionner sur la prolongation sans diminution de surface qui a été accordée et sur l’appréciation éventuelle qui en sera faite par les juridictions.

En conséquence, cet arrêté nous paraît constituer ce qu’il serait possible d’appeler « une usine à gaz » :
– d’une part, il risque d’être suivi de nombreuses prolongations exceptionnelles pour les autres PERH en cours reposant sur les mêmes motivations et de raviver les tensions sur les hydrocarbures non conventionnels ;
– d’autre part, il n’accorde, à notre sens, aucune sécurité juridique au détenteur du PERH eu égard aux insuffisances dont il semble souffrir, sous réserve de la motivation utilisée dans l’arrêté.

Dès lors, aussi bien son bénéficiaire que les opposant à ce PERH pourraient avoir intérêt à le contester… Mais comme le rappelle cette devise des Shadok, « Il vaut mieux pomper même s’il se passe rien que risquer qu’il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas » !