Première suspension d’un arrêté préfectoral autorisant la chasse d’une espèce menacée dans le cadre d’un référé-liberté

L’article L. 521-2 du Code de justice administrative dispose que :
« Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».
Grande nouveauté de la réforme des procédures d’urgence du 30 juin 2000, le référé liberté a octroyé au juge administratif des pouvoirs très larges, sans pour autant lui permettre d’annuler une décision administrative.
Cela étant, depuis l’entrée en vigueur de cette réforme le 1er janvier 2001, nombre de libertés fondamentales ont été consacrées par le juge des référés du Conseil d’État, à commencer par le droit de chacun de vivre dans un environnement sain et respectueux de l’environnement, dans une décision du 20 septembre 2022, M. et Mme C contre Département du Var (n° 451129).
À l’occasion de l’ouverture de la chasse, le 27 septembre 2024, le Préfet de l’Ariège a pris un arrêté instaurant un prélèvement maximal autorisé et fixant des quotas de prélèvements de galliformes de montagne pour la campagne cynégétique 2024-2025.
L’article L. 521-2 du Code de justice administrative dispose que :
« Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».
Grande nouveauté de la réforme des procédures d’urgence du 30 juin 2000, le référé liberté a octroyé au juge administratif des pouvoirs très larges, sans pour autant lui permettre d’annuler une décision administrative.
Cela étant, depuis l’entrée en vigueur de cette réforme le 1er janvier 2001, nombre de libertés fondamentales ont été consacrées par le juge des référés du Conseil d’État, à commencer par le droit de chacun de vivre dans un environnement sain et respectueux de l’environnement, dans une décision du 20 septembre 2022, M. et Mme C contre Département du Var (n° 451129).
À l’occasion de l’ouverture de la chasse, le 27 septembre 2024, le Préfet de l’Ariège a pris un arrêté instaurant un prélèvement maximal autorisé et fixant des quotas de prélèvements de galliformes de montagne pour la campagne cynégétique 2024-2025.
En d’autres termes, il a autorisé la chasse au lagopède alpin en Ariège. Or, chaque année, des associations de protection de l’environnement multiplient les recours contre des arrêtés préfectoraux autorisant les prélèvements de certaines espèces menacées, telles que le lagopède alpin, espèce de galliforme de montagne dont les populations pyrénéennes sont en déclin depuis plusieurs dizaines d’années.
Cela étant, le lagopède alpin demeure chassable, à condition que les prélèvements autorisés ne compromettent pas les efforts de conservation entrepris dans son aire de distribution, conformément à la directive Oiseaux du 30 novembre 2009 (JO L 20 du 26.1.2010, p. 7–25).
Le 4 octobre 2024, à la suite d’une demande en référé liberté de l’Association Comité écologique ariégeois, le juge des référés du Tribunal administratif de Toulouse a suspendu l’exécution de cet arrêté, considérant que les conditions relatives à l’urgence et à l’existence d’une atteinte grave et illégale à la liberté fondamentale de vivre dans un environnement sain et respectueux de la santé étaient réunies.
Le 15 octobre 2024, alors qu’il ne restait plus qu’un seul jour de chasse, la ministre de la Transition écologique a interjeté appel et saisi le juge des référés du Conseil d’État, afin qu’il annule l’ordonnance du 4 octobre 2024 du juge des référés du Tribunal administratif et de Toulouse, et qu’il rejette la demande de l’Association Comité écologique ariégeois.
D’après la ministre, la condition d’urgence n’était pas satisfaite, et il existait des incertitudes quant à l’appréciation des conséquences de l’acte litigieux sur la population du lagopède alpin en Ariège.
L’arrêté préfectoral du 27 septembre 2024 était-il légal ?
Le juge des référés du Conseil d’État a répondu à cette question par la négative, suspendant ainsi pour la première fois un arrêté préfectoral autorisant la chasse d’une espèce menacée, dans le cadre d’un référé liberté (décision commentée : CE (ord.) 18 octobre 2024, n° 498433).
L’article premier de la Charte de l’environnement dispose que :
« Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. »
Conformément à cet article, le juge d’appel a mis en exergue le critère de la gravité de l’atteinte à ce droit, après avoir donné son interprétation de l’article 1er de la directive du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009, et de l’article L. 425-14 du Code de l’environnement :
« Il résulte de ces dispositions que, si la chasse au lagopède alpin, espèce mentionnée aux annexes I et II de la directive du 30 novembre 2009, n’est pas interdite de manière générale et absolue sur l’ensemble du territoire national, elle doit être réglementée de manière à ce que le nombre maximal d’oiseaux chassé ne compromette pas les efforts de conservation de cette espèce dans son aire de distribution. Il s’ensuit que le préfet de l’Ariège pouvait autoriser la chasse de cette espèce dans la mesure seulement où le nombre maximal des oiseaux chassables permettait de ne pas compromettre les efforts de conservation entrepris dans l’aire de distribution de ces espèces, à savoir les Pyrénées. Tel n’est pas le cas lorsque ces efforts ne suffisent pas à empêcher une diminution sensible des effectifs, dès lors qu’une telle diminution est susceptible de conduire, à terme, à la disparition des espèces concernées » (décision commentée : CE (ord.) 18 octobre 2024, n° 498433, point 8).
Le juge des référés a considéré ensuite que :
« le lagopède alpin fait face à un risque élevé de disparition dans les Pyrénées françaises, qui ne permet pas, en l’état des connaissances scientifiques et sans compromettre les efforts de conservation de cette espèce dans son aire de distribution conformément aux principes rappelés au point 8 de la présente ordonnance, que sa chasse soit autorisée, même pour de faibles quantités, la circonstance que d’autres facteurs que l’arrêté litigieux puissent également contribuer à ce risque n’étant pas de nature à réduire les obligations qui pèsent sur l’administration à cet égard » (décision commentée : CE (ord.) 18 octobre 2024, n° 498433, point 11).
Ainsi, le juge des référés du Conseil d’État a mis en application, pour la première fois, le référé liberté dans le domaine de la chasse pour suspendre avec une efficacité immédiate un arrêté portant atteinte à une espèce menacée, deux ans après la consécration comme 39ème liberté fondamentale du droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé (CE, 20 sept. 2022, n° 451129, téléchargeable sur doctrine).
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