Par Mathieu DEHARBE , juriste (Green Law Avocats)
Dans un contexte de lutte contre le dérèglement climatique et de guerre en Ukraine, avec ses conséquences géopolitiques sur les circuits d’approvisionnement des produits énergétiques fossiles, produits pétroliers et gaz naturel, le 7 février 2023, le Sénat a définitivement adopté le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (téléchargeable ci-dessous)
Si ce projet de loi a pour objet d’accélérer la production des énergies renouvelables, il fait quand même peser sur les opérateurs éoliens de nouvelles obligations.
- 1) Obligation de prise en compte des installations déjà présentes sur le territoire avant l’implantation de nouvelles éoliennes terrestres
Par un amendement adopté en commission à l’Assemblée Nationale, le Sénat a inscrit à l’article 2 du projet de loi le fait que l’autorisation environnementale en matière d’installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent classées doit tenir compte le cas échéant du nombre d’installations du même type déjà existantes dans le territoire concerné (Assemblée Nationale, Amendement en Commission, CE1207).
La prise en compte du nombre d’installations existantes vise à prévenir les effets de saturation visuelle et de protéger par voie de conséquent les intérêts mentionnés à l’article L. 511‑1 du code de l’environnement.
Les auteurs de l’amendement indiquent que “Les efforts déjà accomplis par certains territoires en faveur des énergies renouvelables doivent être explicitement reconnus. Il convient d’encourager dans ces territoires la diversification des sources de production renouvelables et d’inscrire dans la loi la notion de saturation visuelle pour préserver les paysages“.
Le Gouvernement était défavorable à l’adoption de cet amendement adopté en, commission, estimant que l’étude d’impact préalable à la création d’un projet prenait déjà en compte les effets du projet sur le patrimoine et le paysage environnants.
Et ce d’autant que l’article 35 de la loi n° 2022‑217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (loi “3DS”) renforce déjà la possibilité, pour les plans locaux d’urbanisme des communes et intercommunalités, “de délimiter les secteurs dans lesquels l’implantation d’installations de production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent est soumise à conditions, dès lors qu’elles sont incompatibles avec le voisinage habité ou avec l’usage des terrains situés à proximité ou qu’elles portent atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l’insertion des installations dans le milieu environnant” (JORF n°0044 du 22 février 2022 ; pour en savoir plus sur la “loi 3DS” consulter le commentaire sur le blog).
- 2) Obligation des porteurs de projet de constituer un comité de projet
A l’article 16 , le projet de loi impose au porteur d’un projet d’énergies renouvelables d’une puissance installée supérieure ou égale à un seuil, dépendant du type d’énergie utilisée, et situé en dehors d’une zone d’accélération définie en application de l’article L. 141-5-3 du code de l’environnement organise un comité de projet, à ses frais (Assemblée nationale, Amendement n°1717, séance publique 8 décembre 2022).
Selon l’exposé des motifs de l’amendement adopté en séance publique par les députés, le comité de projet inclut les différentes parties prenantes concernées par le projet, notamment les communes et les établissements publics de coopération intercommunale dont elles sont membres, ainsi que les représentants des communes limitrophes.
L’article 16 prévoit également que les modalités pratiques de fonctionnement de ce comité de projet sont précisées par décret en Conseil d’État, notamment pour ce qui concerne les seuils de puissance installée.
Dans l’exposé des motifs de cet amendement, il est indiqué que le comité a vocation à mettre autour de la table les différentes entités et personnalités intéressées par le projet d’énergie renouvelable, afin de pouvoir échanger à propos du projet et de blocages et adaptations potentielles .
- 3) Équipements compensant la gêne occasionnée par les éoliennes pour le fonctionnement de la défense, de la navigation aérienne civile et de la météorologie
Au sein de l’article 67 du projet de loi (Sénat, Amendement n° 599, 31 octobre 2022 ; Assemblée nationale, Amendement n°CE1375, 24 novembre 2022 ; Assemblée nationale, Amendement n°CE1378, 24 novembre 2022), le législateur a introduit un dispositif permettant au représentant de l’État dans le département de subordonner la construction ou la mise en service de nouvelles installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent soumises à autorisation environnementale :
- à la prise en charge par l’exploitant d'une installation de l’acquisition, de l’installation, de la mise en service et de la maintenance d’équipements destinés à compenser la gêne résultant de son installation pour le fonctionnement des moyens de détection militaires ou pour le fonctionnement des radars et des aides à la navigation utilisés en support de la navigation aérienne civil ;
- à la fourniture de données d’observation afin de compenser la gêne résultant de l'installation de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent pour le fonctionnement des installations de l’établissement public chargé des missions de l’État en matière de sécurité météorologique des personnes et des biens.
La première possibilité ne s’applique qu’aux installations pour lesquelles la demande d’autorisation environnementale n’a pas fait l’objet d’un avis d’enquête publique à la date de publication de la future loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
Pour ce qui est du montant et des modalités de cette prise en charge par l’exploitant, ils sont définis par une convention conclue, selon le cas, avec l’autorité militaire ou avec le ministre chargé de l’aviation civile.
Ces dispositions reprennent le dispositif de l’article 84 de la loi n° 2021-1104 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (JORF n°0196 du 24 août 2021), qui avait été censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu’il s’agissait d’un cavalier législatif (Conseil const., décision n° 2021-825 DC, 13 août 2021).
Ce dispositif est complété par un amendement visant à compenser dans les appels d’offres une partie des frais découlant de la mise en place d’un radar de compensation par un développeur éolien (Assemblée nationale, séance publique 1er décembre 2022, Amendement n°1031).
Le but de cet amendement est d’éviter que les collectivités territoriales ayant fléché des zones prioritaires dans leur SCoT ou leur PLU ne se trouvent bloquées dans leur volonté d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables dans ces zones du fait de la présence d’un radar militaire ou d’un radar de météo France à proximité.