L’étude d’impact nécessaire (ou pas) à un projet autorisé

L’étude d’impact nécessaire (ou pas) à un projet autorisé

L’article 2 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature disposait que :

« Les études préalables à la réalisation d’aménagements ou d’ouvrages qui, par l’importance de leurs dimensions ou leurs incidences sur le milieu naturel, peuvent porter atteinte à ce dernier, doivent comporter une étude d’impact permettant d’en apprécier les conséquences. ».


Cet article a été abrogé mais, bien entendu, l’exigence d’une étude d’impact demeure comme préalable à l’autorisation de certains travaux, ouvrages ou aménagements : ses origines profondes sont d’ailleurs plus anciennes car on a pu faire remonter l’idée au décret impérial du 15 octobre 1810 relatif aux manufactures et ateliers qui répandent une odeur insalubre ou incommode.

C’est désormais dans le cadre de l’autorisation environnementale couplée et articulée avec la réforme dite de l’évaluation environnementale que l’étude d’impact se déploie en droit de l’environnement industriel.

L’article 2 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature disposait que :

« Les études préalables à la réalisation d’aménagements ou d’ouvrages qui, par l’importance de leurs dimensions ou leurs incidences sur le milieu naturel, peuvent porter atteinte à ce dernier, doivent comporter une étude d’impact permettant d’en apprécier les conséquences. ».

Cet article a été abrogé mais, bien entendu, l’exigence d’une étude d’impact demeure comme préalable à l’autorisation de certains travaux, ouvrages ou aménagements : ses origines profondes sont d’ailleurs plus anciennes car on a pu faire remonter l’idée au décret impérial du 15 octobre 1810 relatif aux manufactures et ateliers qui répandent une odeur insalubre ou incommode.

C’est désormais dans le cadre de l’autorisation environnementale couplée et articulée avec la réforme dite de l’évaluation environnementale que l’étude d’impact se déploie en droit de l’environnement industriel.

En vertu d’un arrêté préfectoral du 26 août 2003, la société Daikin Chemical France exploitait sur la commune de Pierre-Bénite une unité de production de polymères fluorés : cette usine a d’ailleurs été à l’origine d’une importante pollution aux PFAS.

En décembre 2021, la société Daikin Chemical France a transmis à la Préfecture du Rhône un dossier relatif à la création, sur ce site, d’une unité de production et de stockage de pré-compound, d’une capacité de production de 9 tonnes par jour et 1500 tonnes par an : cette unité avait pour objet d’incorporer des additifs, et notamment du bisphénol AF, aux plaques de polymères déjà fabriquées sur le site.

Le 1er février 2024, la Préfète du Rhône a autorisé et encadré la création de cette unité.

Le 20 juin 2024, le juge des référés du Tribunal administratif de Lyon a ordonné la suspension de l’exécution de cet arrêté, en estimant qu’une étude d’impact préalable était nécessaire, en raison des émissions de bisphénol AF susceptibles d’être provoquées par le projet situé dans un secteur densément peuplé et connaissant déjà une forte pollution aux PFAS.

Dans la même ordonnance, le juge mettait également en cause l’effet cumulé sur les autres rejets de cette nouvelle installation, au regard des précédentes modifications apportées au projet depuis l’autorisation d’exploiter initiale.

Le 22 août 2024, la société Daikin Chemical France a adressé un nouveau dossier de porter à connaissance relatif à la mise en service de l’unité de production de copolymères, modifié par rapport au projet initial et comportant une évaluation des risques sanitaires : ce dossier a été soumis à l’avis de l’Autorité environnementale, de façon volontaire.

Le projet était donc identique mais il comportait des améliorations afin de réduire, autant que faire se peut, les pollutions.

Le 4 septembre 2024, l’Autorité environnementale a estimé que le projet n’avait pas à être soumis à évaluation environnementale.

Le 15 octobre 2024, la Préfète du Rhône a, par un nouvel arrêté, autorisé l’installation et a imposé des prescriptions complémentaires à la société pétitionnaire.

Le 23 décembre 2024, le juge des référés du Tribunal administratif de Lyon a été saisi par des associations de défense de l’environnement – dont l’Association Bien vivre à Pierre Bénite – et par des habitants des communes voisines, qui lui ont demandé de suspendre ce nouvel arrêté.

D’après les requérants, les habitants de la ville de Pierre-Bénite et des communes avoisinantes allaient être confrontés à une contamination aux PFAS, à des pollutions atmosphériques et à des risques d’accidents.

De plus, la seule constatation de l’absence d’étude d’impact préalable ou de décision de l’Autorité environnementale chargée de l’examen au cas par cas dispensant le projet d’évaluation environnementale suffisait à entraîner la suspension de l’exécution de l’arrêté : il aurait donc dû faire l’objet d’une évaluation environnementale.

Une étude d’impact préalable aurait-elle dû être réalisée ? Quels étaient les moyens pertinents à l’occasion d’une telle demande de suspension ?

Le juge des référés du Tribunal administratif de Lyon, statuant en formation collégiale, a répondu à la première question par la négative (décision commentée : TA Lyon (ord.), 23 janvier 2025, n° 2412963).

S’agissant des moyens invocables, les juges apportent des précisions importantes.

L’article L. 122-2 du Code de l’environnement dispose que :

« Si une requête déposée devant la juridiction administrative contre une autorisation ou une décision d’approbation d’un projet visé au I de l’article L. 122-1 est fondée sur l’absence d’étude d’impact, le juge des référés, saisi d’une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée. ».

Dans un premier temps, les juges des référés précisent leur office :

« En premier lieu, le juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de l’article L. 122-2 du code de l’environnement, doit seulement apprécier si un projet peut être légalement approuvé et mis en œuvre sans qu’une étude d’impact préalable ait été réalisée. Dans ces conditions, et si les requérants peuvent à cette fin contester le sens de l’avis émis par l’autorité environnementale en justifiant qu’une évaluation environnementale était effectivement requise, ils ne peuvent en revanche utilement faire état de vices qui entacheraient selon eux cet avis, au demeurant ici facultatif. Doivent ainsi être écartés comme inopérants les arguments tendant à démontrer la partialité supposée de l’autorité environnementale, l’existence d’erreurs de droit qu’aurait commises la préfète du Rhône ou encore la méconnaissance des principes de précaution et d’information du public » (décision commentée : TA Lyon (ord.), 23 janvier 2025, n° 2412963, point 9).

Dans un second temps, le Tribunal met en perspective l’arrêté querellé avec l’étude d’impact préalable :

« En deuxième lieu, l’arrêté en litige, dont il est demandé la suspension, a été pris en vue d’autoriser et fixer les prescriptions relatives à la seule unité de production et de stockage de copolymères additivés. La nécessité d’une étude d’impact préalable doit s’apprécier au regard des incidences négatives sur l’environnement qu’est susceptible d’entraîner ce projet, le cas échéant, en tenant compte de l’effet cumulé de ces incidences avec celles découlant d’évolutions successives des installations qui n’ont pas donné lieu à étude d’impact. En revanche, les considérations générales mises en avant par les requérants, concernant les pollutions passées sur le site, sont par elles-mêmes sans incidence sur l’appréciation de la nécessité à cet égard d’une étude d’impact. Enfin, et au regard de l’objet précédemment décrit de l’arrêté en cause, il en va de même des considérations des requérants sur la nécessité qu’il y aurait de procéder à un réexamen d’ensemble de l’autorisation d’exploitation » (décision commentée : TA Lyon (ord.), 23 janvier 2025, n° 2412963, point 10).

En ce qui concerne le projet autorisé, les juges ont constaté que le projet d’installation de pré-compound comprenait désormais un préfiltre et une unité de filtration absolue, par des filtres HEPA 14 de très haute efficacité, en plus d’un dépoussiéreur déjà mis en place.

Dans ces conditions, ils ont estimé que les émissions de poussières de cette unité étaient négligeables – de l’ordre de 2 grammes par an – étant précisé qu’il n’était même pas certain que du bisphénol AF serait présent dans ces poussières très résiduelles.

Les juges ont également relevé que la société Daikin chemical France avait installé un système de traitement des effluents gazeux, autorisé en juillet 2024 : ce système réduisait très significativement les émissions de composés organiques volatils, notamment d’hexafluoropropène.

En conséquence, ces émissions étaient désormais inférieures au niveau ayant donné lieu à l’autorisation initiale, quand bien même il serait tenu compte de celles provenant de l’unité de pré-compound, elles-mêmes assez faibles.

La conclusion des juges est donc logiquement la suivante :

« Il résulte de ce qui précède qu’en l’absence d’incidences notables du projet sur l’environnement ou la santé humaine, et de modification substantielle de l’installation, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu’une étude d’impact préalable devait être réalisée, ni à demander que la suspension de l’arrêté contesté soit ordonnée en application de l’article L. 122-2 du code de l’environnement » (décision commentée : TA Lyon (ord.), 23 janvier 2025, n° 2412963, point 14).

Reste que ce type de dossier pose toujours la même difficulté qui devient redoutable depuis l’avènement de l’autorité environnementale.

Or la tentation du juge de se ménager l’expertise administrative des MRAe est ici perceptible alors que l’expertise judiciaire étrangère à la culture du juge administratif en matière environnementale.

Et les associations sont ici démunies face à ce qui constitue souvent une entorse à l’égalité des armes.

Au demeurant, les évaluations partielles initiées par les exploitants d’installations classées par des portés à connaissances, au demeurant validés par une MRAe qui ont généré une pollution historique pose question.

Ainsi la motivation de l’ordonnance semble de ce point de vue se contredire lorsque les magistrats considérèrent d’une part que : « La nécessité d’une étude d’impact préalable doit s’apprécier au regard des incidences négatives sur l’environnement qu’est susceptible d’entraîner ce projet, le cas échéant, en tenant compte de l’effet cumulé de ces incidences avec celles découlant d’évolutions successives des installations qui n’ont pas donné lieu à étude d’impact ».

Mais qu’il relèvent qu’ « En revanche, les considérations générales mises en avant par les requérants, concernant les pollutions passées sur le site, sont par elles-mêmes sans incidence sur l’appréciation de la nécessité à cet égard d’une étude d’impact. Enfin, et au regard de l’objet précédemment décrit de l’arrêté en cause, il en va de même des considérations des requérants sur la nécessité qu’il y aurait de procéder à un réexamen d’ensemble de l’autorisation d’exploitation ».

La remise à plat de l’étude d’impact est pourtant essentielle pour éviter avec la complicité de carences fautives de l’Etat de graves pollutions diffuses, à l’instar de celles des contamination aux PFAS … ce n’est pas sans rappeler les pollutions au plomb et au cadmium en bassin sidérurgique.

Besoin d’un avocat sur le sujet, contactez :

Laissez un commentaire

Votre adresse mail ne sera pas publiée