Dans une décision récente (Conseil d’Etat, 7 novembre 2012, n° 351411, « Société E. ») le Conseil d’Etat se prononce sur deux éléments relatifs à la complétude des dossiers de demande de permis de construire éolien :

– la suffisance de l’étude d’impact en ce qui concerne les risques de chute et de projection à proximité d’une route.

– et la production d’un titre habilitant à construire, pour les dossiers déposés avant le 1er octobre 2007.

 

 

 

  • Tout d’abord, s’agissant de la suffisance de l’étude d’impact, le Conseil d’Etat maintient d’une part l’exigence de proportionnalité de l’étude d’impact avec les risques générés par la construction, respectant ainsi l’esprit de l’article R. 122-5 du code de l’environnement qui prescrit que « le contenu de l’étude d’impact doit être en relation avec l’importance de l’installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l’environnement », et d’autre part, l’exigence du caractère substantiel de l’éventuelle insuffisance censurée, caractérisée comme étant de nature à nuire à l’information de la population.

 Le Conseil d’Etat censure pour erreur de droit un arrêt de Cour administrative d’appel de Marseille ayant annulé un arrêté délivrant un permis de construire éolien au motif de l’insuffisance de l’étude d’impact sur les risques de dysfonctionnement des éoliennes, dès lors que la Cour n’a pas précisé en quoi l’insuffisance de l’étude était en l’espèce de nature à nuire à l’information du public, et alors qu’elle avait relevé la faible occurrence de ces risques :

 « 6. Considérant que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative ; qu’il ressort des énonciations de l’arrêt de la cour que celle-ci a estimé que l’étude d’impact, en se bornant à réaliser une présentation générale des risques de dysfonctionnement générés par les éoliennes et en ne procédant pas à une étude de ces risques au regard de la présence d’une route départementale à proximité de certaines éoliennes, était entachée d’illégalité justifiant l’annulation partielle du permis de construire ; qu’en jugeant ainsi, sans préciser en quoi une telle insuffisance était en l’espèce, et alors que la cour a relevé elle-même la faible occurrence de ces risques et la fréquentation limitée de la route départementale, de nature à avoir nui à l’information complète de la population ou à avoir exercé une influence sur la décision de l’autorité administrative, la cour a commis une erreur de droit ; qu’ainsi, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens fondés sur l’insuffisance de l’étude d’impact, la société requérante est fondée à soutenir que c’est à tort que la cour a estimé que ce motif était de nature à entraîner l’annulation partielle du permis contesté ; » (Conseil d’Etat, 7 novembre 2012, n° 351411, « Société E. »)

 

Sur ces deux aspects, le Conseil d’Etat fait application d’une jurisprudence constante (proportionnalité de l’étude d’impact : Conseil d’Etat, 1 / 4 SSR, du 11 décembre 1996, 173212, publié au recueil Lebon ; caractère substantiel de l’insuffisance invoquée : Conseil d’État, 14 octobre 2011, N° 323257, « Société O »).

 

Dans cette lignée jurisprudentielle, la Cour administrative d’appel de Douai avait pu juger que présente un caractère suffisant, une étude d’impact d’un permis éolien qui ne développe pas d’éléments propres à la prévention du risque de la chute d’éolienne et de projection de pale à proximité du site dès lors que de tels risques sont négligeables eu égard aux données scientifiques connues et que le projet se situe dans un endroit peu fréquenté et à 750 mètres des habitations (Cour administrative d’appel de Douai 22 janvier 2009, N° 08DA00372).

 

Précisons enfin qu’au vu d’un arrêt récent, sur le fond, le risque d’effondrement et de projection de pâles engendré par les éoliennes pour les usagers d’une voie publique située à proximité est qualifié de minime, et en tant que tel, il ne peut justifier un refus de permis de construire sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme:

 « Considérant, d’une part, que l’arrêté de refus de permis de construire attaqué est justifié par le risque engendré pour les usagers des voies publiques par la proximité des éoliennes de deux routes départementales situées à moins de 200 mètres, en particulier, en cas de rupture de mât et de détachement de pâle ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment d’un rapport établi par le conseil général des mines en juillet 2004 sur la sécurité des éoliennes, que la probabilité d’un tel accident,  » tel que la ruine d’une machine ou l’éjection d’une partie d’une machine entraîne un accident de personne ou des dommages aux biens d’un tiers « , est extrêmement faible ; qu’en vertu de l’article R. 111-2 cité ci-dessus, un risque minime, qui n’est pas de nature à porter atteinte à la sécurité publique, ne peut fonder ni un refus de permis de construire, ni l’observation de prescriptions spéciales accompagnant la délivrance du permis ; que, dès lors, le préfet de l’Oise, qui n’apporte aucun élément suffisant de nature à remettre en cause l’étude du conseil général des mines précitée, ne pouvait, sans commettre d’illégalité, prendre l’arrêté attaqué en se fondant sur la violation de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, à ce titre ; » (CAA Douai, 27 septembre 2012, n°11DA00546).

 

Par conséquent, en pratique, le contenu de l’étude des risques de dysfonctionnement des éoliennes (projection de pâles, effondrement) devra être d’autant plus approfondie que les risques peuvent se réaliser, du fait notamment de la fréquentation de la zone, de sa proximité et de son usage.

 

 

  • Par ailleurs, le Conseil d’Etat se prononce sur un autre aspect de la complétude des dossiers de permis relatif, cette fois, à la qualité du pétitionnaire.

 

Attention, il s’agit là de l’application d’une règle aux seuls permis de construire pour lesquels la demande a été effectuée avant le 1er octobre 2007, pour lesquels un titre habilitant à construire devait être fourni dans le dossier de demande (ancien article R. 421-1-1 du code de l’urbanisme).

 Cette obligation substantielle est contrôlée par le juge, lequel n’hésite pas à annuler un permis de construire délivré sans preuve de titre habilitant à construire annexé au dossier de demande (Cour administrative d’appel de Douai, 23 décembre 2011, N° 10DA00973, « L’Association sauvegarde des villages du c. »).

 

Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat confirme l’annulation prononcée par la Cour du permis délivré en raison d’un défaut de production d’un titre habilitant à construire :

 « 8. Considérant que la cour a relevé, d’une part, que la société E. n’était pas propriétaire du terrain d’assiette du projet et ne s’était pas présentée comme telle et, d’autre part, qu’elle n’avait pas produit devant l’administration, avant que celle-ci ne se prononce, un mandat ou un titre l’habilitant à construire dès lors qu’elle avait uniquement joint des autorisations de dépôt de demandes de permis de construire délivrées par le propriétaire du terrain et par le fermier à un tiers ; qu’elle a également jugé que cette carence ne pouvait être régularisée par la production, postérieurement à la décision de l’administration, d’une convention de mandat ; qu’il résulte des dispositions précitées que c’est sans erreur de droit ni erreur de qualification juridique, et par une appréciation exempte de dénaturation, que la cour a pu juger que le permis de construire contesté avait été délivré en méconnaissance des dispositions de l’article R. 421-1-1 du code de l’urbanisme ; que le moyen ainsi retenu est à lui seul de nature à justifier le dispositif de l’arrêt attaqué ; que, par suite, la société n’est pas fondée à demander son annulation ; »

 

Précisons que cette exigence de fournir un titre habilitant à construire dans le dossier de demande de permis a été abandonnée avec la réforme en vigueur depuis le 1er octobre 2007 et n’est donc plus applicable aux demandes de permis déposées depuis cette date.