Une nouvelle rubrique a ainsi été introduite à la nomenclature ICPE: la rubrique 2980. Sans entrer dans les détails, l’on rappellera que le principe est celui de l’autorisation pour les installations dont les mâts dépassent 50 mètres ou pour les installations comprenant des aérogénérateurs d’une hauteur évoluant entre 12 et 50 mètres et d’une puissance supérieure ou égale à 20 MW. Le régime de la déclaration vaut, quant à lui, pour les aérogénérateurs dont la hauteur varie entre 12 et 50 mètres et dont la puissance est inférieure à 20 MW (décret n° 2011-984).
De nombreuses critiques ont déjà été émises sur ce blog quant à la teneur de ces décrets (D. Debarbe, Classement ICPE des éoliennes : la parution des décrets mais par encore des arrêtés, 25/08/11) ou projets de décrets (D. Deharbe Le classement des éoliennes : l’été sera chaud et venteux, 08/06/2011).
Suivant la position officielle du Ministère de l’Ecologie, les nouveaux textes doivent assurer une meilleure lisibilité des procédures et améliorer l’acceptation des éoliennes par les populations locales. Pour ce faire, les décrets ont rapidement été précisés par des arrêtés ministériels en date du 26 août 2011 (publiés au JORF du 27 août 2011), à savoir :
- L’arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations classées relatif aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement (lequel revient sur la règle des 500 mètres d’éloignement pour les constructions à usage d’habitation et celle des 300 mètres d’éloignement de toute installation nucléaire ainsi que sur la nécessité de ne pas perturber le fonctionnement des installations radars, de navigation aérienne ou météorologique ) ;
- L’arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à déclaration au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement ;
- L’arrêté du 26 août 2011 relatif à la remise en état et à la constitution de garanties financières pour les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent.
Les dispositions en question sont entrées en application dès le 28 août 2011, soit le lendemain de la publication des arrêtés au JORF, pour les demandes d’autorisation, d’extension ou de modification des installations existantes régulières. Néanmoins, pour les installations ayant fait l’objet d’une mise en service industrielle avant le 13 juillet 2011, celles ayant obtenu un permis de construire avant cette même date ainsi que celles pour lesquelles l’arrêté d’ouverture d’enquête publique a été pris avant cette même date, certaines dispositions relatives au suivi environnemental de l’installation, aux consignes de sécurité et aux émissions sonores n’entreront en vigueur qu’à compter du 1er janvier 2012 !
Enfin, pour boucler le nouveau dispositif juridique « éolien », une circulaire en date du 29 août 2011 relative aux conséquences et orientations des éoliennes dans le régime des installations classées (NOR : DEVP1119997C) signée du ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement tend à « éclairer » les services de l’Etat dans la mise en oeuvre de cette nouvelle réglementation et procédure pour l’instruction des dossiers individuels relatifs aux éoliennes terrestres.
Après avoir rappelé les enjeux des arrêtés ministériels – soit la limitation du contentieux contre les autorisations relatives aux champs éoliens ! -, la circulaire énonce les enjeux techniques en cause (Revus à la baisse pour les services de l’Etat) dans les domaines suivants :
– La coexistence avec les radars de l’aviation civile, de la Défense ou de Météo-France (instauration de relations directes entre les pétitionnaires et les opérateurs radars) : par exemple, un accord explicite de l’opérateur radar est requis pour obtenir une autorisation ou démarrer l’exploitation d’un parc soumis à déclaration) ;
– Les règles relatives au bruit (avec la simplification de l’étude d’impact) ;
– Les distances d’éloignement des habitations (dont le rappel de la règle des 300 mètres d’éloignement des installations Seveso et des installations nucléaires de base) ;
– Les études de danger (sachant qu’une étude de dangers-type doit être lancée dès l’automne par le syndicat des énergies renouvelables afin d’alléger la charge d’instruction des inspecteurs des installations classées).
Se prévalant des règles posées au niveau réglementaire national, la circulaire suggère aux représentants de l’Etat dans les départements d’éviter la fixation par arrêtés préfectoraux de prescriptions complémentaires !
Ceci étant, dans l’attente d’une « doctrine nationale » (dont le contenu ne nous laissera probablement indifférent !), la circulaire insiste immédiatement sur la nécessité, pour les services de l’Etat, de s’assurer du respect, au cas par cas, du principe de proportionnalité dans les exigences relatives aux atteintes aux paysages et à la préservation de la biodiversité, sachant que les parcs éoliens soumis à autorisation devront faire l’objet d’une première visite d’inspection dans un délai de 6 mois suivant leur mise en service.
Au delà de ces rappels, un point particulier est développé dans la circulaire quant à la question de l’articulation de la nouvelle procédure avec celle du permis de construire.
Pour les projets dispensés de la procédure d’autorisation ou de déclaration pour lesquels une ouverture d’enquête publique a été faite avant le 13 juillet 2011, la procédure du permis de construire devra être poursuivie jusqu’à son terme.
Pour les autres projets, un dossier ICPE devra être nécessairement être établi. Aux termes de la circulaire, les services de l’Etat ( DDT/DDTM) devraient être libérés de la vérification de l’étude d’impact au titre du nouveau permis de construire. Leur contrôle devrait donc en sortir allégé puisque l’enquête publique est supprimée pour les éoliennes de 50 m et plus (art. R 123-1 du CE). Le permis sera accompagné par le justificatif de demande d’autorisation d’installation classée et par l’étude d’impact, quand bien même, pour cette dernière, les services de l’Etat n’auront plus à vérifier la recevabilité de l’étude d’impact…
Souhaitant véritablement simplifier l’état du droit « éolien », pour les demandes antérieures de permis n’ayant pas atteint le stade de l’enquête publique (complétées par le récépissé de dépôt du dossier ICPE) , la circulaire précise qu’ « il n’apparaît pas juridiquement indispensable que le pétitionnaire ait besoin de redéposer une nouvelle demande de permis de construire et une fois la demande complétée comme ci-dessus celui-ci pourra être instruit » (interprétation ministérielle discutable tant que le juge n’a pas tranché ce point) !
En réalité, loin de faciliter la mise en oeuvre du droit de l’éolien – simplification qui constitue une dimension essentielle pour que l’Etat français par l’Etat puisse parvenir à élever la part d’énergie de sources renouvelables à hauteur de 23 % d’ici 2020 !-, les nouvelles mesures juridiques applicables au droit de l’éolien pourraient bien dérouter tant les services de l’Etat que les promoteurs des fermes éoliennes !
Ne serait-ce que du point de vue contentieux, certes si les délais d’instruction sont revus à la baisse (une année en moyenne), parallèlement, les délais de recours contre l’autorisation d’exploiter sont portés à 6 mois ! Il ne s’agit que d’un exemple des errements juridiques liés à l’introduction des éoliennes dans le droit des installations classées pour la protection de l’environnement !
Loin de satisfaire les acteurs économiques de la filière éolienne, les textes adoptés récemment, censés faciliter les démarches administratives et limiter les contentieux individuels, sont contestés et susceptibles d’être portés devant la justice administrative.
Patricia Demaye-Simoni
Maître de conférences en droit public