Vente d’immeuble sans réel raccordement au réseau public d’assainissement : un défaut de conformité, non un vice caché

Par Maître Aurélien BOUDEWEEL (Green Law Avocat) A l’heure où le ministère de l’écologie envisage de mettre en place un système d’information systématique des SPANC (services publics d’assainissement non collectif) sur les transactions immobilières comprenant un assainissement non collectif (Réponse du ministère de l’écologie, publiée au JO Sénat du 19 mars 2015 page 609), l’arrêt de la Cour de cassation en date du 28 janvier 2015 retiendra toute notre attention. Dans cet arrêt publié au bulletin en date du 28 janvier 2015  (C.cass., 3ème civ, 28 janvier 2015 n°13-19945 et 13-27050) la Cour de cassation rappelle dans le cadre du litige qui lui est soumis relativement à la vente d’un immeuble, que l’absence de raccordement au réseau public d’assainissement n’est pas un vice caché mais un défaut de conformité. En l’espèce, après qu’une vente fût signée, les acquéreurs ont sollicité avec succès, par la voie judiciaire, la réparation de leur préjudice résultant de l’absence de raccordement au réseau public d’assainissement sur le fondement de l’article 1604 du code civil et tenant au défaut de conformité de la chose vendue. Précisons que l’acte de vente en cause comportait cette stipulation : « Le Vendeur déclare sous sa seule responsabilité que l’immeuble vendu est raccordé à l’assainissement communal ». Les vendeurs avaient fait appel du jugement aux motifs que la non-conformité de la chose vendue obéit au régime de la garantie des vices cachées et non du défaut de sa conformité. La Cour d’appel avait confirmé la position des premiers juges. Rappelons que l’article 1603 du code civil dispose que le vendeur «a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend ». Deux garanties distinctes découlent de cet article : L’obligation de délivrance conforme : elle est définie à l’article 1604 du Code civil: « la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur ». L’obligation de délivrer une chose conforme consiste pour le vendeur à livrer le bien voulu par l’acheteur, c’est-à-dire un bien répondant aux caractéristiques souhaitées et spécifiées, et sur lesquelles les parties s’étaient mises d’accord. Dès lors, à défaut de délivrer une chose conforme, le vendeur, est susceptible d’engager sa responsabilité contractuelle à l’égard de l’acquéreur, lequel pourra à sa guise opter entre la résolution de la vente ou son exécution ; La garantie légale contre les vices cachés prévue à l’article 1641 du Code civil lequel dispose que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage à laquelle on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix s’il les avait connus ». Cette garantie contre la théorie des vices cachés ne s’applique donc : – qu’en présence d’un vice ; – d’un vice qui était caché lors de la vente ; – et à condition qu’il soit invoqué dans le délai prévu à cet effet. Le vice s’apprécie par rapport à la destination normale de la chose. La formule jurisprudentielle habituelle au visa de l’article 1641 du code civil est celle d’un « défaut ou vice rendant la chose impropre à sa destination normale » (Cass. 3ème Civ., 14 fév. 1996 : Bull. Civ. 3, n° 47 ; Paris, 16 sept. 1997, TA 97, p. 1390). La garantie légale de conformité intègre donc aussi bien les défauts de conformité que les vices cachés. En dehors de cette garantie légale, un acheteur peut tout à fait agir sur le fondement de l’obligation de délivrance conforme issue du Code civil ou celui de la garantie des vices cachés lesquels sont fondamentalement distincts. Dès lors que la chose livrée est différente de celle convenue entre les parties et qu’elle ne présente pas les caractéristiques spécifiées, seul le non-respect de l’obligation de délivrance conforme peut être invoqué. Si la chose n’est pas conforme à sa destination normale et que son utilisation en est diminuée, voire impossible, l’acheteur n’aura alors d’autre choix que d’agir sur le fondement de la garantie des vices cachés En l’espèce, dans le cadre du litige qui lui était soumis, la Cour de cassation confirme l’appréciation portée par la Cour d’appel qui avait rejeté la demande des acquéreurs aux motifs : « Mais attendu qu’ayant relevé que l’immeuble avait été vendu comme étant raccordé au réseau public d’assainissement et constaté que le raccordement n’était pas conforme aux stipulations contractuelles, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que les vendeurs avaient manqué à leur obligation de délivrance». Cet arrêt de la Cour de cassation est intéressant en ce qu’il confirme le raisonnement de la Cour d’appel qui s’était contentée de vérifier l’existence d’un défaut de conformité sans avoir recherché l’existence d’un vice caché, nécessitant pour l’acquéreur lésé une démonstration juridique plus importante au stade de la première instance (démonstration de l’existence d’un vice, lequel doit être caché et ce dans un délai). Notons que les juridictions civiles ont déjà eu l’occasion de rappeler que l’absence de raccordement au réseau collectif ne constitue pas un vice caché dans le cadre de la cession d’une maison d’habitation, même située en plein cœur de la campagne. Dans de telles circonstances, il appartenait en effet à l’acquéreur de se renseigner sur ce point, et éventuellement, d’en faire une condition déterminante de son consentement (CA Rouen, 1ère ch., 16 juin 2004, n°RG 02/01932, Mme de Frémicourt c/ Mme Ducloux : Juris-Data n° 2004-246738). De la même manière, on notera que le non raccordement d’un immeuble au réseau d’assainissement collectif n’est pas constitutif d’un vice caché (Civ. 3e, 28 mars 2007, pourvoi n°06-12.461, Dalloz actualité 05 avril 2007). L’arrêt de la Cour de cassation, publié au bulletin, nous rappelle également l’importance de bien veiller à la rédaction et la lecture des actes de vente et/ou notariés qui peuvent prévoir des régimes exonératoires ou limitatives sur ces questions d’absence de…

Prolongation exceptionnelle d’un permis de recherches d’hydrocarbures

Par Marie-Coline Giorno, Avocat (Green Law Avocat) Aux termes d’un arrêté du 23 février 2015, une prolongation exceptionnelle du permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures a été accordée à une société. Ce permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures (PERH) avait été accordé par arrêté du 23 juin 2000. Il avait fait ensuite l’objet de deux prolongations, la première en date du 17 décembre 2004 et la seconde en date du 28 janvier 2009. La loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique fut promulguée lors de la seconde prolongation. Le 12 septembre 2011, la société a rendu le rapport exigé par cette loi exposant qu’elle n’aurait pas recours à la fracturation hydraulique dans le cadre de son PERH. Son permis n’a donc pas été abrogé. Toutefois, la société soutient qu’elle n’aurait pu mener à bien ses principaux projets d’exploration et a demandé une prolongation supplémentaire en invoquant des circonstances exceptionnelles de fait et de droit. – En ce qui concerne les circonstances de fait exceptionnelles, la société soutient qu’elle n’aurait pu mener à bien ses principaux projets d’exploration en raison du « contexte défavorable pour les activités pétrolières » de 2011 avec l’intervention de la loi interdisant la fracturation hydraulique précitée et les différentes tensions ayant entourées cette loi. – En ce qui concerne les circonstances de droit exceptionnelles, la société invoque une évolution notable du contexte réglementaire, imposant désormais une étude d’impact préalablement aux travaux d’exploration. L’abstract publié au journal officiel ne donne pas plus d’informations, « Par arrêté de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique en date du 23 février 2015, la validité du permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures conventionnels liquides ou gazeux dit ….. est prolongée jusqu’au …… sur une surface inchangée. » Cette prolongation exceptionnelle suscite plusieurs interrogations. En premier lieu, la prolongation vise la prolongation d’un « permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures conventionnels liquides ou gazeux ». L’utilisation du terme « conventionnels » est surprenante et, à notre sens, dénuée de valeur et d’intérêt juridique. D’une part, l’article L. 122-1 du nouveau code minier indique que « Le permis exclusif de recherches de substances concessibles confère à son titulaire l’exclusivité du droit d’effectuer tous travaux de recherches dans le périmètre qu’il définit et de disposer librement des produits extraits à l’occasion des recherches et des essais ». En l’espèce, le PERH accordé à la société aux termes de l’arrêté du 23 juin 2000 visait les « hydrocarbures liquides ou gazeux » et ne distinguait nullement leur origine conventionnelle ou non. La précision apportée dans l’arrêté ministériel nous paraît donc erronée D’autre part, la recherche d’hydrocarbures non-conventionnels ne semble pas pouvoir s’exonérer de l’utilisation de la fracturation hydraulique. Or, cette dernière est interdite depuis la loi du 13 juillet 2011 précitée. Par suite, la recherche d’hydrocarbures non-conventionnels était, de facto, exclue et la précision apportée sur le caractère « conventionnel » des hydrocarbures était superfétatoire. Dès lors, la précision selon laquelle la prolongation exceptionnelle concerne un « permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures conventionnels liquides ou gazeux » est, selon nous, dépourvue de valeur juridique et superfétatoire : elle ne vise qu’à apaiser les esprits en réaffirmant à mots couverts que la France ne souhaite pas s’engager à ce jour sur la voie des hydrocarbures non-conventionnels. En deuxième lieu, la motivation de l’arrêté n’est pas disponible sur le site Légifrance : il est précisé que « Le texte complet de l’arrêté peut être consulté dans les locaux du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, direction de l’énergie (bureau exploration et production des hydrocarbures), tour Séquoia, 1, place Carpeaux, 92800 Puteaux, ainsi que dans les bureaux de la direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie d’Ile-de-France, 10, rue Crillon, 75194 Paris Cedex 04. » La motivation retenue reste donc inconnue. Néanmoins, on peut s’interroger sur la légalité de cette décision. Aux termes de l’article L142-1 du code minier : « La validité d’un permis exclusif de recherches peut être prolongée à deux reprises, chaque fois de cinq ans au plus, sans nouvelle mise en concurrence. Chacune de ces prolongations est de droit, soit pour une durée au moins égale à trois ans, soit pour la durée de validité précédente si cette dernière est inférieure à trois ans, lorsque le titulaire a satisfait à ses obligations et souscrit dans la demande de prolongation un engagement financier au moins égal à l’engagement financier souscrit pour la période de validité précédente, au prorata de la durée de validité et de la superficie sollicitées. » A la lecture de cet article, deux prolongations paraissent pouvoir être, au maximum, accordées au détenteur du permis. En l’espèce, le PERH a été prolongé à titre exceptionnel une troisième fois. Il avait, en effet, déjà fait l’objet de deux prolongations auparavant. Il est donc possible de s’interroger sur la disposition sur laquelle se fonde l’autorité administrative pour accorder une troisième prolongation à titre exceptionnel. Nous ne sommes pas certains qu’elle agisse dans un cadre légal. En troisième et dernier lieu, aux termes de l’article L. 142-2 du code minier : « La superficie du permis exclusif de recherches d’hydrocarbures liquides ou gazeux, dit ” permis H “, est réduite de moitié lors du premier renouvellement et du quart de la surface restante lors du deuxième renouvellement. Ces réductions ne peuvent avoir pour effet de fixer pour un permis une superficie inférieure à une limite fixée par voie réglementaire. Les surfaces restantes sont choisies par le titulaire. Elles doivent être comprises à l’intérieur d’un ou de plusieurs périmètres de forme simple. En cas de circonstances exceptionnelles invoquées par le titulaire ou par l’autorité administrative, la durée de l’une seulement des périodes de validité d’un ” permis H ” peut…

P.P.R.N. SANS LE PUBLIC NI LA CHARTE … LE CONSEIL SIFFLE LA FIN DE LA PARTICIPATION

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) En vertu du paragraphe I de l’article L. 562 1 du code de l’environnement, « L’État élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones ». Toutefois, l’article L. 562-2 du code de l’environnement permet au préfet de rendre immédiatement opposables certaines dispositions du projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles sur le territoire d’une commune, lorsque l’urgence le justifie et après la seule consultation du maire des communes intéressées. Le Conseil Constitutionnel était saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur ces dispositions. Il devait notamment déterminer si la décision de rendre opposable par anticipation certaines dispositions du projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles était conforme aux dispositions de l’article 7 de la Charte de l’environnement. D’autres moyens tirés de la méconnaissance du principe de libre administration des collectivités locales et de l’atteinte aux conditions d’exercice du droit de propriété étaient également invoqués mais, d’un point de vue strictement environnemental, ils ne présentent qu’un intérêt limité : ils ne seront donc pas étudiés. Aux termes de l’article 7 de la Charte de l’environnement : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». Le champ de l’article 7 de la Charte de l’environnement est limité aux décisions publiques « ayant une incidence sur l’environnement ». Le juge constitutionnel n’hésite pas à censurer les décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement qui méconnaissent le principe de participation (pour ne citer qu’un exemple, voir : Conseil constitutionnel, 14 octobre 2011, décision n° 2011-183/184 QPC). Pour ce faire, il est toutefois nécessaire que la décision publique en question ait une incidence « significative » (pour ne citer qu’un exemple, voir : Conseil constitutionnel, 23 novembre 2012, n°2012-282 QPC) ou, tout au moins, qui ne soit pas « indirecte » sur l’environnement (pour ne citer qu’un exemple, voir : Conseil constitutionnel, 24 mai 2013, n°2013-317 QPC) Il appartenait donc aux Sages de vérifier que la décision de rendre opposable par anticipation certaines dispositions du projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles avait une incidence significative ou directe sur l’environnement. En l’espèce, le Conseil constitutionnel s’est prononcé par une décision n°2014-411 QPC du 9 septembre 2014. Sa décision est assez surprenante : il a considéré que le grief tiré de la méconnaissance de cet article était inopérant : en effet, selon son analyse, cette décision « ne constitue pas une décision publique ayant une incidence sur l’environnement au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement ». Il ne se prononce donc ni sur le caractère direct ni sur le caractère significatif de l’incidence sur l’environnement de la décision et constate uniquement que la décision n’a pas d’incidence sur l’environnement. Pour étayer son raisonnement, le Conseil constitutionnel : – Fait primer l’objectif de sécurité des personnes et des biens sur le droit à l’information et à la participation du public ; – Rappelle la condition d’urgence prévue par l’article L.562-2 du code de l’environnement ; – Mentionne la finalité de cette disposition, c’est-à-dire « d’interdire ou de restreindre, à titre provisoire et conservatoire, des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations ». Cette décision est étonnante dans la mesure où, que cette incidence soit positive ou négative, la mise en œuvre anticipée d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles a tout de même une incidence sur l’environnement, en régissant les règles de constructibilité au regard des risques encourus. Par ailleurs, au regard des motifs retenus par le Conseil constitutionnel dans son analyse, on le soupçonne d’avoir voulu faire prévaloir la sécurité publique, dans une situation d’urgence, sur les exigences de la Charte de l’environnement. D’un point de vue de priorités, il est compréhensible, en situation d’urgence, de faire prévaloir la sécurité publique sur l’environnement. Toutefois, il est possible de se demander si l’ombre de Xynthia ne pesait pas au-dessus de la tête des Sages, telle une épée de Damoclès, lors de l’examen de cette QPC. S’ils avaient tranché différemment, auraient-ils voulu prendre la responsabilité d’un dommage causé aux personnes et aux biens durant une éventuelle participation publique qui aurait précédé une application anticipée d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles ? Toutefois, sans pour autant prendre ce risque, les Sages auraient pu tout à fait dire que l’incidence d’une application anticipée du plan sur l’environnement n’était pas significative ou qu’elle était indirecte : cela aurait été, à notre sens, plus exact juridiquement et aurait aussi permis de faire primer la sécurité publique. En conséquence, par cette décision, le Conseil constitutionnel tenterait-il, à mots couverts, de limiter le champ de l’article 7 de la Charte aux décisions ayant une incidence négative sur l’environnement ? Cela n’irait-il pas alors à l’encontre de la lettre du texte ? La doctrine la plus autorisée en la matière n’hésite pour sa part à prendre  cette posture critique (B. DELAUNAY, “Une nouvelle limitation du champ de l’article 7 de la Charte de l’environnement” AJDA n°8/2015, p. 468 et ss.). A tout le moins on peut penser que le Conseil constitutionnel a décidé de siffler la fin de  la partie pour le public, sa participation érigée en principe exposant le code de l’environnement à des coupes claires …

Reconstruction à l’identique après sinistre : précisions du Conseil d’Etat sur la prescription

Par Maître Aurélien BOUDEWEEL (Green Law Avocat) Par un arrêt en date du 21 janvier 2015 (CE, 1ère, 21 janvier 2015 n°382902) le Conseil d‘Etat rappelle que la prescription de dix ans relativement au droit de reconstruction d’un bâtiment détruit par un sinistre ne court qu’à compter de l’entrée en vigueur de la loi n°2009-526 du 12 mai 2009 lorsque le sinistre est antérieur à celle-ci. Rappelons que l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme prévoit aujourd’hui (dans sa version en vigueur depuis la loi du 12 mai 2009) les conditions d’obtention d’une autorisation pour une reconstruction à l’identique : « La reconstruction à l’identique d’un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d’urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement, dès lors qu’il a été régulièrement édifié. Peut également être autorisée, sauf dispositions contraires des documents d’urbanisme et sous réserve des dispositions de l’article L. 421-5, la restauration d’un bâtiment dont il reste l’essentiel des murs porteurs lorsque son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien et sous réserve de respecter les principales caractéristiques de ce bâtiment. » S’agissant d’une autorisation de reconstruction à l’identique, l’autorité d’urbanisme se doit néanmoins de vérifier au sens de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme : – Que le bâtiment détruit pour lequel est sollicité une reconstruction était régulièrement édifié (Cour administrative d’appel de Nantes, 15 février 2013, n°11NT01834) ; – Que la démolition du bâtiment pour lequel est sollicité une reconstruction soit intervenue il y a moins de 10 ans (Conseil d’Etat, 9 mai 2012, n°341259 ; Cour administrative d’appel de Lyon, 31 juil. 2012, n°12LY00839) ; – Que le projet de reconstruction est identique au bâtiment démoli (Cour administrative d’appel de Marseille, 7 févr. 2008, n° 05MA00811 ; CAA Douai, 5 juill. 2007, n° 06DA01662 ; Cour administrative d’appel de Lyon 2 févr. 2006, n° 02LY02286) ; – Que les dispositions de la carte communale ou du plan local d’urbanisme applicables ne s’y opposent pas. – Le cas échéant, un dernier considérant mentionne si le projet de reconstruction à l’identique est soumis ou pas à un risque certain et prévisible de nature à mettre en danger la sécurité des occupants. Précisons que même dans le cas d’une reconstruction à l’identique, le pétitionnaire est tenu de respecter les formalités requises pour la présentation d’un dossier de demande de permis : « [l’article L. 111-3, alinéa 1] n’a ni pour objet ni pour effet de dispenser le pétitionnaire et l’autorité d’urbanisme du respect des formalités prévues par les textes en ce qui concerne la présentation et l’instruction des demandes de permis de construire, quand bien même elles avaient été accomplies lors de la délivrance du permis initial et ce dernier fût-il récent » (Cour administrative d’appel de Lyon, 19 mars 2013, n°12LY01618). De fait, la demande de permis de construire doit respecter les prescriptions prévues par les articles R431-5 à R431-12 du Code de l’urbanisme. En l’espèce, une société avait saisie la juridiction administrative aux fins d’obtenir l’annulation de la décision du maire d’une commune lui refusant un permis de construire en vue d’une reconstruction à l’identique. Sa demande avait été rejetée successivement par le tribunal administratif et la Cour administrative d’appel. La particularité du litige tenait au fait que le sinistre avait été causé antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi nouvelle. Saisi du litige le Conseil d’Etat censure l’arrêt d’appel aux motifs qu’une erreur de droit a été commise relativement à l’interprétation de l’article L111-3 du code de l’urbanisme et rappelle: « Considérant que l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, disposait que : « La reconstruction à l’identique d’un bâtiment détruit par un sinistre est autorisée nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d’urbanisme en dispose autrement, dès lors qu’il a été régulièrement édifié »; que la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures a modifié ces dispositions pour prévoir que : ” La reconstruction à l’identique d’un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d’urbanisme en dispose autrement, dès lors qu’il a été régulièrement édifié. (…) Considérant que lorsqu’une loi nouvelle institue, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d’un droit précédemment ouvert sans condition de délai, ce délai est immédiatement applicable mais ne peut, à peine de rétroactivité, courir qu’à compter de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle ; que si, en adoptant les dispositions de la loi du 13 décembre 2000 insérées à l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme, le législateur n’a pas entendu permettre aux propriétaires d’un bâtiment détruit de le reconstruire au-delà d’un délai raisonnable afin d’échapper à l’application des règles d’urbanisme devenues contraignantes, les modifications apportées à cet article par la loi du 12 mai 2009 ont notamment eu pour objet de créer expressément un délai ayant pour effet d’instituer une prescription extinctive du droit, initialement conféré par la loi du 13 décembre 2000 aux propriétaires d’un bâtiment détruit par un sinistre, de le reconstruire à l’identique ; qu’il résulte de ce qui précède que le délai qu’elle instaure n’a commencé à courir, dans tous les autres cas de destruction d’un bâtiment par un sinistre, qu’à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi du 12 mai 2009 ; que, dès lors, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que les dispositions de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme issues de cette loi, qui n’ont pas d’effet rétroactif, méconnaîtraient le principe de sécurité juridique ainsi que celui d’égalité devant la loi garantis par la Déclaration des droits de l’homme et du…

Limites de rejets de tritium en INB : pas de manque de précaution selon le Conseil d’Etat

Par David DEHARBE Le Comité de réflexion d’information et de lutte anti-nucléaire (CRILAN) avait demandé au Tribunal administratif de Caen l’annulation de l’arrêté du 15 septembre 2010 du ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer et du ministre de l’économie, de l’industrie et l’emploi, portant homologation de la décision n° 2010-DC-0188 de l’autorité de sûreté nucléaire (ASN) du 7 juillet 2010 fixant les limites de rejets dans l’environnement des effluents liquides et gazeux pour l’exploitation des réacteurs “Flamanville 1” (INB n°108), “Flamanville 2” (INB n°109) et “Flamanville 3” (INB n°167). En vertu de l’article R. 351-2 du code de justice administrative la juridiction a transmis l’affaire au Conseil d’Etat qui s’est prononcé par un arrêt du 17 octobre 2014 (Conseil d’État, 6ème / 1ère SSR, 17/10/2014, 361315). Cette espèce retiendra l’attention des spécialiste du droit nucléaire en ce que le Conseil d’Etat se reconnaît compétent sur la base de la nouvelle rédaction de l’article R. 311-1 4° du Code de justice administrative pour connaître en premier et dernier ressort des recours, de plein contentieux, contre les arrêtés ministériels homologuant les décisions prises par l’Autorité de sûreté nucléaire. Cela n’allait pas de soi, l’article R. 311-1 du Code de justice administrative visant les décisions de l’ASN mais par leur homologation par arrêté Ministériel. Pour sa part, l’environnementaliste relève cet arrêt à deux autres titres. D’abord sur le terrain de la suffisance d’impact, le Conseil confirme qu’il n’est pas impossible de compléter dans des circonstances bien particulières une étude d’impact après enquête publique : « l’association requérante soutient que l’étude d’impact serait insuffisante, faute d’analyser les conséquences du rejet dans l’environnement de substances chimiques nocives, susceptibles notamment de provoquer de graves lésions oculaires, provenant de l’utilisation de six tonnes par an de produits dits désincrustants nécessaires au fonctionnement de l’unité de dessalement d’eau de mer de l’EPR, qui doit traiter environ 430 000 m3 d’eau par an ; que l’insuffisance de l’étude d’impact est démontrée, selon elle, par la production d’une étude d’impact complémentaire détaillée traitant ce point, réalisée deux ans après l’enquête publique ; que, toutefois, la circonstance qu’a été réalisée ultérieurement une étude complémentaire afin de préciser certaines modalités d’exécution du projet ne révèle pas par elle-même une insuffisance du dossier de demande d’autorisation ou de l’étude d’impact ; que figurait dans le dossier soumis à enquête publique une annexe B-6c relative à l’unité de dessalement mentionnant l’utilisation de produits désincrustants et comportant une appréciation de la consommation, de la fréquence et des rejets de ces produits ; que, par suite, aucune insuffisance du dossier de demande ou de l’étude d’impact initiale ne peut être regardée en l’espèce comme établie ». On le voit une fois de plus : c’est la vocation intrinsèquement et suffisamment informative (sur cette notion cf. notre commentaire sur le blog de Green Law sous Conseil d’Etat, 15 mai 2013, n°353010), le Conseil d’Etat a été amené, en tant que juge des) de l’étude initiale qui permet au juge d’écarter tout débat sur l’incomplétude prétendument déduite d’une production après enquête publique . L’environnementaliste retiendra encore ce nouveau refus du Conseil d’Etat de censurer un dispositif réglementaire sur la base du principe de précaution. Certes aux visas des articles 1er et 5 dé la Charte de l’environnement, l’arrêt décline en matière d’INB, le considérant initié dans l’espèce Association coordination interrégionale stop tht et autres (CE, 12 avril 2013, , n° 342409 – « La méthodologie du principe de précaution fixée par le Conseil d’Etat », Droit de l’environnement, n°216, octobre 2013) et appliqué en matière d’amiante (Conseil d’État, 1ère / 6ème SSR, 26/02/2014, 351514, note Deharbe AJDA 2014, p. 1566) : « qu’il incombe à l’autorité administrative compétente en matière d’installations nucléaires de base de rechercher s’il existe des éléments circonstanciés de nature à accréditer l’hypothèse de risques de dommages graves et irréversibles pour l’environnement ou d’atteintes à l’environnement susceptibles de nuire de manière grave à la santé, qui justifieraient, en dépit des incertitudes subsistant quant à leur réalité et à leur portée en l’état des connaissances scientifiques, l’application du principe de précaution ». Mais s’agissant de contrôler, l’augmentation des limites des rejets de tritium sous forme gazeuse ou liquide (” eau tritiée “) homologuée par le Ministre, le Conseil d’Etat rejette au fond le moyen en concluant que « l’administration n’a pas commis d’erreur d’appréciation dans l’évaluation des risques de l’installation » dès lors que « ces limites maximales demeurent très inférieures à celles qui sont prévues par la réglementation sanitaire en vigueur; que l’augmentation des limites de rejet du tritium s’accompagne d’une diminution des rejets d’autres substances radioactives ; qu’en outre, les études ou documents les plus récents versés au dossier, notamment le livre blanc du tritium publié le 8 juillet 2010, qui été rédigé sur la base des réflexions des groupes de travail mis en place en 2008 par l’ASN, et les travaux de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), s’ils soulignent la nécessité de poursuivre les recherches, confirment, en l’état des connaissances scientifiques et compte tenu des mesures prises, l’absence de risques graves pour l’environnement ou la santé publique ». On remarquera encore avec le plus grand intérêt,  que le Conseil d’Etat a pris lui-même le soin d’actualiser son appréciation sur le prétendu manque de précaution, dès lors que que l’arrêt précise : « qu’il ne résulte pas de l’instruction que des circonstances nouvelles seraient de nature à remettre en cause l’appréciation portée sur ceux-ci ».