Hydroélectricité: le projet de cahier des charges pour les petites installations est en consultation

Le 13 novembre dernier, a été lancée la consultation relative au cahier des charges du premier appel d’offres relatif aux petites installations hydroélectriques. Rappelons que cet appel d’offres s’inscrit dans la lignée du nouveau décret simplifiant la procédure d’appel d’offres, qui a été présenté au Conseil supérieur de l’énergie (CSE) le 10 novembre dernier. Sur le plan procédural, le projet de cahier des charges est également soumis à l’avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) avant le lancement de l’appel d’offres, prévu début 2016, tandis que les lauréats ne seront désignés que début 2017. Le gouvernement indique que cet appel d’offres doit permettre de développer plus de 60 mégawatts (MW) de nouvelles capacités dans tous les champs de la petite hydroélectricité: Réhabilitation d’anciens moulins et équipements de petits ouvrages existants pour une puissance entre 36 et 150 kW ; Installations nouvelles situées dans des zones propices, de puissance supérieure à 500 kW ; Equipement d’ouvrages déjà existants mais ne produisant pas d’électricité, ayant par exemple un usage de navigation ou d’alimentation en eau potable, à partir d’une puissance supérieure à 150 kW.   Cet appel d’offres intéressera donc de nombreux acteurs, non seulement les acteurs professionnels du secteur, mais également les personnes intéressées par une réhabilitation d’anciens ouvrages. Ces derniers sont déjà confrontés à des problématiques de continuité écologique qui peuvent, certes légitimement, grever la rentabilité financière d’une réhabilitation.   La consultation est ouverte à tous sur le site du Ministère.

Les sites internet dédiés viennent au secours des modalités classiques d’enquête publique (Schéma directeur IDF: Conseil d’État, 23 oct. 2015, n°375814)

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Par un décret n°2013-1241 du 27 décembre 2013, le Premier ministre a approuvé le schéma directeur de la région d’Ile-de-France. Plusieurs requêtes ont été introduites afin de demander l’annulation de ce schéma. Jointes, elles ont donné lieu, le 23 octobre 2015, à une décision de rejet du Conseil d’Etat. Il s’agit de la décision présentement commentée (consultable ici). Deux motifs sur les trente-quatre que comporte cette décision nous intéressent particulièrement. Il s’agit des motifs n°6 et n°8, relatifs à l’utilisation des sites internet dédiés lors des enquêtes publiques. Le Conseil d’Etat s’est en effet prononcé sur l’utilité des sites internet dédiés lors des enquêtes publiques. En premier lieu, il était soutenu que le nombre et les horaires d’ouverture des lieux de l’enquête publique étaient insuffisants.  Rappelons, à cet égard, qu’aux termes de l’article L. 123-1 du code de l’environnement, « L’enquête publique a pour objet d’assurer l’information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers […] ». Cette participation du public peut notamment s’effectuer par voie électronique. Ainsi, le premier alinéa de l’article L. 123-13 du code de l’environnement dispose que « I. ― Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête conduit l’enquête de manière à permettre au public de disposer d’une information complète sur le projet, plan ou programme, et de participer effectivement au processus de décision en lui permettant de présenter ses observations et propositions. Dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, la participation du public peut s’effectuer par voie électronique » [souligné par nos soins] Le public est averti de la possibilité de participer par voie électronique grâce à l’arrêté informant des modalités d’enquêtes publiques. L’article R.123-9 du code de l’environnement précise, en effet, que: « L’autorité compétente pour ouvrir et organiser l’enquête précise par arrêté, quinze jours au moins avant l’ouverture de l’enquête et après concertation avec le commissaire enquêteur ou le président de […] 12° Le cas échéant, l’adresse du site internet sur lequel des informations relatives à l’enquête pourront être consultées, ou les moyens offerts au public de communiquer ses observations par voie électronique. […] » Aux termes de l’article R. 123-13 du code de l’environnement, « […] Les observations, propositions et contre-propositions peuvent également être adressées par correspondance au commissaire enquêteur ou au président de la commission d’enquête au siège de l’enquête, et le cas échéant, selon les moyens de communication électronique indiqués dans l’arrêté d’ouverture de l’enquête. Elles sont tenues à la disposition du public au siège de l’enquête dans les meilleurs délais.  […] » En l’espèce, le dossier soumis à l’enquête publique ne pouvait être consulté que dans vingt-cinq mairies de communes, à l’hôtel de région, ainsi que dans trois mairies d’arrondissements de Paris, aux jours et heures habituels d’ouverture de ces établissements. Néanmoins, il était également prévu que le dossier soumis à enquête publique soit mis en ligne sur un site internet dédié et qu’il soit possible pour le public d’y présenter ses observations. Une publicité importante avait été faite sur le fait que le dossier soumis à enquête publique serait consultable et téléchargeable sur le site internet dédié. La question posée au Conseil d’Etat était donc de déterminer si la publication sur un site internet du dossier d’enquête publique et la possibilité pour le public de présenter ses observations sur ce même site étaient suffisants pour assurer la participation du public. Après avoir rappelé les modalités d’organisation de l’enquête publique et avoir constaté que les conditions de la participation avaient été « globalement satisfaisantes » (2303 observations, notamment de manière dématérialisée), le Conseil d’Etat a conclu que « dès lors, en dépit du nombre limité de lieux d’enquête au regard de l’objet du schéma soumis à l’enquête publique, il ne ressort pas des pièces des dossiers que les modalités d’organisation de cette enquête n’auraient pas permis à l’ensemble des personnes et des groupements intéressés de prendre connaissance du projet, d’en mesurer les impacts et d’émettre leurs observations ; que, contrairement à ce que soutient Mme D…, aucune disposition n’imposait la mise à disposition du dossier soumis à l’enquête publique dans les mairies de chacune des communes de la région ; que, par suite, le moyen tiré du caractère insuffisant du nombre et des horaires d’ouverture des lieux de l’enquête publique doit être écarté ; ». En conséquence, la création d’un site internet dédié paraît pouvoir pallier le caractère limité du nombre de lieux d’enquête. Le Conseil d’Etat revient ainsi, semble-t-il, sur une position qu’avait adoptée la Cour administrative d’appel de Lyon dans une autre affaire où plusieurs communes n’avaient pas affiché les avis d’ouverture de l’enquête. Ainsi, en dépit du fait de la mise en ligne du dossier d’enquête publique, l’enquête publique avait été jugée irrégulière. Dans cette affaire, il convient néanmoins de relever, qu’à la différence de celle jugée par le Conseil d’Etat, c’est la publicité de l’ouverture de l’enquête publique qui était insuffisante et, qu’en outre, une très faible participation du public avait été constatée (CAA Lyon, 25 avril 2013, n°12LY00718 ou, également en ce sens, CAA Nantes, 28 mars 2007, n° 06NT00557).   En second lieu, les requérants soutenaient que la note de présentation non technique était initialement absente du dossier d’enquête publique mis à la disposition du public dans chacun des lieux d’enquêtes, ce qui était de nature, selon eu, à vicier la procédure. Après avoir constaté que ce document avait été mis à la disposition du public sur le site internet dès le début de l’enquête publique, le Conseil d’Etat a considéré que : « s’il appartient à l’autorité administrative de mettre à la disposition du public, pendant toute la durée de l’enquête, un dossier d’enquête publique comportant l’ensemble des documents mentionnés notamment par l’article L. 123-12 du code de l’environnement, la méconnaissance de ces dispositions n’est toutefois de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l’illégalité de la décision prise à l’issue de l’enquête publique que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l’information de l’ensemble des personnes intéressées ou si elle a été de nature à exercer…

Nouvelles exceptions au silence valant acceptation (décrets 10 nov.2015)

  Par David DEHARBE (Green Law Avocat) Dans sa rédaction tirée de la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 (Journal Officiel 13 Novembre 2013), l’article 21 de la loi du 12 avril 2000 (L. n° 2000-321, 12 avr. 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations) prévoit désormais que le silence gardé pendant deux mois par l’Administration sur une demande vaut décision d’acceptation. Près de 1200 exceptions à ce principe ont été instituées par une administration qui a voulu s’octroyer des délais en tous genres pour maintenir le principe du silence valant rejet. Jamais sans doute nos administrations centrales n’auront aussi bien fait la preuve de leur capacité à neutraliser les objectifs des politiques publiques qu’elles ont pourtant pour mission de mettre en œuvre. Mais dès lors que le législateur lui-même leurs donnait des bases juridiques pour instaurer par la voie réglementaire des exceptions au principe, il ne faut pas s’étonner qu’elles se soient multipliées. Le juriste environnementaliste n’a pu que lister celles très nombreuses le concernant (Décret n° 2014-1273 du 30 octobre 2014) : – pour l’autorisation d’un projet soumis à étude d’impact environnemental (Articles L. 122-1, L. 122-3 et R. 122-14 du code de l’environnement), le silence vaut toujours rejet selon des délais prévus par la législation particulière au projet ; – pour l’Autorisation unique de l’expérimentation d’installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement (articles L. 214-3 et suivants du code de l’environnement), le délai de refus est celui prévu par les textes visés ; – pour la dérogation individuelle à un arrêté ministériel de prescriptions générales applicable à une ICPE soumise à autorisation (2ème alinéa de l’article L. 512-5), le délai de refus est de deux mois ; – s’agissant de l’édiction de prescriptions spéciales sur demande d’un tiers pour une ICPE soumise à déclaration (Article L. 512-12 du code de l’environnement), le délai de refus est de deux mois ; – pour l’autorisation temporaire d’exploiter une ICPE pour une durée de 6 mois renouvelable une fois (Article R. 512-37 code de l’environnement), le délai de refus est de 6 mois – pour la modification des prescriptions applicables à l’installation sur demande de l’exploitant d’une ICPE soumise à déclaration (Article R. 512-52), le délai de refus est de 3 mois ; – s’agissant de l’autorisation de changement d’exploitant pour les installations soumises à garanties financières par les 3° et 4° de l’article R. 516-1 (Article R. 516-1), le délai de refus est de 3 mois ; – pour la dérogation à l’interdiction d’opérer des mélanges de déchets dangereux de catégories différentes, de déchets dangereux avec des déchets non dangereux et de déchets dangereux avec des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets (Article L. 542-7-1 et articles D. 541-12-1 et suivants ), le délai de refus est de 6 mois ; – pour l’autorisation d’exploitation de stockage de déchets inertes (Articles R. 541-68 et R.541-71), le délai est de refus est de 9 mois ; – s’agissant de la sortie du statut de déchet pour des déchets spécifiques à une installation (articles D.541-12-4 à D. 541-12-15) le délai est de 12 mois -pour l’agrément des collecteurs de déchets de pneumatiques non liés par contrat à un organisme collectif représentant les producteurs de pneumatiques (article R. 543-145 du code de l’environnement) le délai de refus est de 6 mois … Au-delà du fait que la variation du délai de refus de 3, 6, 9 mois semble parfaitement arbitraire, cette liste comporte encore son lot d’abus inadmissibles. Ainsi pour la fixation des prescriptions de réhabilitation et des mesures de surveillance après la mise à l’arrêt définitif d’une ICPE soumise à autorisation ou à enregistrement, s’agissant de l’accord sur le mémoire proposé par l’exploitant (II de l’article R. 512-39-3 et II de l’article R. 512-46-28 du code de l’environnement) le délai est d’un an ! De même s’agissant de l’autorisation de travaux de recherche de formations ou de cavités géologiques susceptibles d’être utilisées pour le stockage souterrain de déchets ultimes en l’absence de consentement du propriétaire du sol (article L. 541-17) le délai est de 2 ans ! Quatre nouveaux décrets du 10 novembre 2015 établissent les exceptions au principe selon lequel le silence gardé pendant plus de deux mois par l’administration sur une demande vaut acceptation. Ces décrets listent les procédures dans lesquelles le silence de l’administration vaut décision de rejet à l’échéance des deux mois ou d’un autre délai qu’ils précisent et celles pour lesquelles le silence vaut acceptation à la fin d’un délai autre que de deux mois : – Décret n° 2015-1451 du 10 novembre 2015 relatif aux exceptions à l’application du principe “silence vaut acceptation” sur le fondement du II de l’article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (organismes chargés d’une mission de service public), JO du 11 novembre 2015 ; – Décret n° 2015-1452 du 10 novembre 2015 relatif aux exceptions à l’application du principe “silence vaut acceptation” sur le fondement du 4° du I de l’article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ainsi qu’aux exceptions au délai de deux mois de naissance des décisions implicites, sur le fondement du II de cet article (organismes chargés d’une mission de service public), JO du 11 novembre 2015 ; – Décret n° 2015-1459 du 10 novembre 2015 relatif aux exceptions à l’application du principe “silence vaut acceptation” pour les actes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics sur le fondement du 4° du I de l’article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ainsi qu’aux exceptions au délai de deux mois de naissance des décisions implicites sur le fondement du II de cet article, JO du 11 novembre 2015 ; –…

Urbanisme / responsabilité administrative : l’absence de contestation d’une décision illégale n’empêche pas nécessairement le pétitionnaire d’engager la responsabilité pour faute de l’administration (CE, 21 sept. 2015, n°371205)

On sait que le contentieux urbanistique est abondant et qu’il n’est pas rare que des décisions administratives soient jugées illégales. On oublie toutefois souvent qu’une telle décision peut ensuite fonder une action indemnitaire contre la personne publique auteur de la décision. En effet, la responsabilité extracontractuelle de l’autorité administrative dans l’exercice de ses compétences d’urbanisme peut être engagée par le pétitionnaire qui a subi un dommage en raison d’une décision ou d’un agissement illégal. Une telle action doit être portée devant le juge administratif, et elle suppose la démonstration de trois éléments : une faute, un dommage et un lien de causalité. Pour faire échec à un tel recours, l’administration peut néanmoins invoquer des causes exonératoires : il a ainsi déjà été jugé que l’imprudence ou la faute du demandeur est de nature à justifier une atténuation de la responsabilité de l’administration, voire une exonération totale (CE, 2 oct. 2002, n° 232720 ; CE, 25 avr. 2003, n° 237888 ; CAA Paris, 27 avr. 1999, n° 96PA00435 ; CAA Bordeaux, 26 avr. 2011, n° 10BX01153 ; TA Versailles, 3e ch., 6 nov. 1997, n° 913211 ; CAA Lyon, 26 nov. 2009, n° 07LY01503 ; CE, 1er oct. 1993, n° 84593). En effet, dans cette hypothèse, le juge estime que le dommage découle non pas de la faute de l’administration mais de celle de la victime, et que le lien de causalité est alors rompu (CAA Lyon, 9 juill. 2013, n° 12LY02382). C’est précisément sur ce point que porte l’arrêt commenté (CE, 21 sept. 2015, n° 371205, consultable ici). En l’espèce, le maire d’une commune avait délivré à une société puis retiré un permis de construire portant sur un projet de station de distribution de carburant. Ayant déjà engagé des travaux d’aménagement à la date du retrait du permis, la société avait alors engagé la responsabilité de la commune pour être indemnisée des préjudices que lui avait causés cette décision. Les juges du fond avaient toutefois rejeté ses demandes au motif que, n’ayant pas contesté le retrait illégal (elle n’avait pas demandé au Tribunal administratif de l’annuler en d’autres termes), elle avait elle-même contribué à la réalisation de son préjudice, ce qui faisait obstacle à la reconnaissance du lien de causalité requis : « Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’après avoir présenté un recours gracieux contre le retrait du permis de construire qui lui avait été accordé, la société TC s’est engagée avec la commune dans un processus transactionnel consistant à rechercher, en contrepartie de l’abandon de son projet, un autre terrain lui permettant d’implanter une station de distribution de carburant ; que la société requérante n’a pas, bien que la recherche d’une transaction n’y aurait pas fait obstacle, présenté, à titre conservatoire, de recours tendant à l’annulation de l’arrêté portant retrait du permis de construire ni n’a demandé la suspension de l’exécution de cette décision sur le fondement de l’article L.521-1 du code de justice administrative ; que la société TC  s’est finalement bornée, par la requête enregistrée sous le n° 0900101, à présenter devant le tribunal administratif de Fort-de-France des conclusions tendant à la condamnation de la commune du Lamentin au versement d’indemnités qu’elle n’avait pu obtenir par voie transactionnelle ; qu’en s’abstenant ainsi de mettre en œuvre les recours effectifs dont elle disposait pour solliciter la suspension et l’annulation du retrait de permis de construire, lesquels lui auraient permis d’obtenir satisfaction au regard du motif d’illégalité précédemment rappelé, et en préférant la stratégie consistant à s’engager dans la négociation d’un échange de parcelles avec la commune ou d’une transaction, la société TC doit être regardée comme ayant abandonné son projet initial, dont il ressort au demeurant des pièces du dossier qu’il avait principalement pour objet d’empêcher l’installation d’un concurrent ; que cette circonstance fait obstacle à ce que les préjudices qu’elle allègue puissent être regardés comme en lien direct avec l’illégalité de la décision portant retrait du permis de construire ; que, par suite, la société TC n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté ses demandes indemnitaires ; » (CAA Bordeaux, 16 mai 2013, n°11BX01823) Or le Conseil d’Etat censure ce raisonnement : la Haute Juridiction considère ainsi que le choix du pétitionnaire de ne pas attaquer l’acte litigieux sur le terrain de la légalité ne peut avoir pour effet de rendre indirect le lien de causalité entre les préjudices allégués et l’illégalité fautive qu’elle avait constatée : « Considérant qu’en statuant ainsi, alors que les faits relevés n’étaient pas de nature à faire apparaître que l’abandon du projet de construction ne résultait pas du retrait illégal du permis de construire et, qu’en tout état de cause, l’absence d’exercice de voies de recours contre ce retrait ne peut avoir pour effet de rendre indirect le lien de causalité entre les préjudices allégués et l’illégalité fautive qu’elle avait constatée, la cour administrative d’appel a procédé à une inexacte qualification juridique des faits ; qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen du pourvoi, que son arrêt doit être annulé ; »   Notons que cette décision peut sembler contredire un arrêt rendu en novembre 2014 (CE, 14 nov. 2014, n° 366614, voir notre analyse ici), dans lequel le Conseil d’Etat avait jugé que des requérants ne pouvaient engager la responsabilité d’une commune alors que leur dommage n’était pas imputable à la décision illégale du maire, mais au manque de diligence dont ils avaient fait preuve pour prévenir la réalisation de leur dommage, en n’engageant la procédure de référé adéquate que plus de deux ans après l’intervention de ladite décision… En réalité, les deux affaires diffèrent, puisque dans l’arrêt de 2015, le juge précise bien que « les faits relevés n’étaient pas de nature à faire apparaître que l’abandon du projet de construction ne résultait pas du retrait illégal du permis de construire » : l’origine du dommage n’était donc pas certaine. C’est donc à la Cour administrative d’appel de Bordeaux, à qui l’affaire a été renvoyée, qu’il appartiendra de déterminer si le dommage de la société requérante a été causé…

Distribution d’eau : condamnation au civil pour mauvaise qualité

Par Me Aurélien BOUDEWEEL (Green Law Avocat) Par un arrêt en date du 17 septembre 2015, la Cour d’appel de PARIS (décision 14 05396 CA paris) condamne deux sociétés de fourniture d’eau au regard de la mauvaise qualité de l’eau qui a été fournie à un usager. En l’espèce, un particulier était devenu propriétaire d’une maison d’habitation dont la distribution d’eau n’était pas conforme en termes de qualité aux réglementations en vigueur, comme le relevait des analyses effectuées par un laboratoire spécialisé en 2007 et 2012. Débouté en première instance, le particulier a interjeté appel. La Cour d’appel de PARIS réforme le jugement. Le juge d’appel détermine dans un premier temps le cadre juridique du rapport né entre l’usager, le fournisseur et le distributeur d’eau : « En conséquence, la société X, au visa des articles du contrat d’affermage ci dessus rappelé, se trouve responsable vis à vis des tiers de la qualité des eaux fournies notamment au regard de l’article 6.4, ainsi que la société Y au titre du contrat d’abonnement souscrit par M. A, étant par ailleurs démontré, notamment dans son courrier du 20 juillet 2011, que la société Y s’est trouvée au cœur de la résolution de cette affaire par sa connaissance du dossier, ses interventions techniques et sa demande d’autorisation de travaux auprès du président de la SIAEPB (article 2.7 du contrat modification des installations à l’initiative du délégataire)(…)» Au « cœur » de cette relation juridique le distributeur d’eau est débiteur d’une obligation de résultat : « En effet l’abonné est en droit d’exiger que l’eau du service public soit potable et propre aux divers usages auxquels elle est employée, ainsi que le rappelle la recommandation n° 85 -1 de la Commission des clauses abusives relative aux contrats de distribution de l’eau qui relève : «que, quelque soit le mode juridique de distribution, les relations entre l’usager et le service chargé de la distribution d’eau communément appelé « service des eaux », résulte d’un contrat d’abonnement appelé « règlement du service des d’eau » et que ce contrat se trouve, du fait de sa nature même, soumis au régime de droit privé, que sa responsabilité est régie par les règles de la responsabilité civile, que l’obligation de fournir une eau propre à la consommation humaine est une obligation de résultat qui procède des règles d’ordre public qui ne cède que devant la preuve d’une impossibilité d’exécution due à un cas de force majeure »; en l’espèce, la non-conformité de l’eau n’était pas un événement inévitable, irrésistible, insurmontable puisqu’il trouvait sa cause dans un problème technique parfaitement identifié tant par la société Y que par la société X et pour lequel il existait une solution dont la réalisation a seulement tardé ; Il s’ensuit que la société Y et la société X ont manqué à leur obligation qui est une obligation de résultat ». Cet arrêt de la Cour d’appel de PARIS est l’occasion de rappeler que les litiges relatifs à la prestation du service public industriel et commercial de distribution d’eau délivrée à l’usager relèvent des juridictions judiciaires. Le contrat conclu avec l’abonné oblige le distributeur à délivrer une eau conforme à sa destination, c’est-à-dire une eau propre à la consommation (art. L. 1321-1 du Code de Santé Publique), qui puisse satisfaire les usages de boisson, de cuisson, de préparation d’aliments, les autres usages domestiques ainsi que tous les usages agro-alimentaires (art. R. 1321-1 Code de Santé publique). Les obligations relatives à la fourniture de la prestation sont des obligations de résultat. Les usagers peuvent engager la responsabilité du service dès lors qu’ils ont subi un dommage, sans avoir à apporter la preuve d’une faute du service. Les jurisprudences rendues jusqu’à présent avaient permis de déterminer la notion de qualité d’eau potable : ainsi doit être considérée comme potable l’eau qui, à la fois, est propre à la consommation humaine et répond aux normes légales et réglementaires définies jusqu’en décembre 2003 par le décret du 3 janvier 1989, puis par des dispositions du Code de la Santé Publique. Désormais les eaux doivent être conformes à des limites de qualité (cf. art. R1321-2 code de la santé publique) et des références de qualité (cf. art.R1321-3 de la santé publique). Les limites et référence de qualité sont fixées par arrêté ministériel (cf. Arrêté du 11 janvier 2007 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine mentionnées aux articles R. 1321-2, R. 1321-3, R. 1321-7 et R. 1321-38 du code de la santé publique). Cette non-conformité a été reconnue pour le paramètre nitrate (TI St Brieuc, 18 juill. 1994, CA Rennes, 14 nov. 1996, n° 770 et Cass. 1re civ., 5 nov. 1996, n° 94-20.027P : CA Grenoble, 27 avr. 1999, n° 96/1974 et 96/01940), pour les paramètres nitrates et pesticides (CA Rennes, 2 mai 2003, n° 02/04/669), mais également pour le paramètre fer (CA Montpellier, 21 déc. 1988, n° 034309), aluminium (CA Lyon, 3 mai 2001, n° 153949) ou manganèse (TI Nancy, 12 avr. 2000, n° 1205/1999, Cie des Eaux et de l’ozone). Notons comme le rappelle la Cour que le distributeur peut atténuer ou s’exonérer de sa responsabilité contractuelle dans trois hypothèses : –  le fait d’un tiers : ce dernier peut être retenu lorsque le dommage provient directement d’une dégradation des ouvrages ou de la qualité de l’eau réalisée par une personne extérieure au service ; – La faute de la victime pour sa part peut être retenue en cas de non conformité de ses réseaux intérieurs ou par un manque de prudence (CA Poitiers, 12 févr. 1986, n° 046442, SAUR, responsabilité partielle de la victime n’ayant pas purgé complètement ses installations après une interruption de trois semaines de l’activité). – La force majeure : il devra alors être démontré le caractère imprévisible, irrésistible et irréversible. Le caractère irrésistible n’est pas retenu dès lors que la non conformité est réversible, que ce soit par une reconquête de la qualité des eaux brutes ou par…