Vente de terrain: le notaire ne peut se dispenser de conseiller même en cas de certificat d’urbanisme positif ! (Cass, 20 mars 2014)

Par un arrêt en date du 20 mars 2014 (C cass, 20 mars 2014, n° de pourvoi 13-14121) la Cour de cassation rappelle que le notaire est tenu à un devoir de conseil dans le cadre d’une vente avant l’obtention d’un permis de construire. Les faits et la procédure En l’espèce, un notaire avait rédigé un acte authentique de vente d’une parcelle de terrain sur la base d’un certificat d’urbanisme indiquant que le terrain pouvait être utilisé pour la réalisation d’un projet de construction situé en zone littoral. Cependant, le certificat était assorti d’une série d’observations sur les réglementations applicables à la zone Par la suite, le juge administratif avait annulé le permis de construire délivré par le maire au motif de la violation de la loi littoral précisément. L’acquéreur du terrain ayant vu son permis annulé et estimant que le notaire avait manqué à son obligation de conseil, a recherché sa responsabilité devant les juridictions civiles.  La Cour d’appel rejeta l’argumentation de l’acquéreur au motif que l’acte authentique se fondait sur un certificat d’urbanisme positif révélant la possibilité de mener sur la parcelle un projet de construction. Toutefois, dans son arrêt en date du 20 mars 2014, la Cour de cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel et rappelle : « […] que pour rejeter les demandes de M. Z…, l’arrêt énonce que M. X…a reçu l’acte authentique de vente sur la base d’un certificat d’urbanisme positif indiquant que le terrain pouvait être utilisé pour la réalisation du projet de construction, cette mention étant précédée d’observations selon lesquelles le terrain était situé ” en partie en zone UB destinée à l’habitation et en partie zone NC protégée en raison de sa valeur agricole ” et ” concerné par les dispositions de la loi du 3 janvier 1986 dite loi littoral en plus de celles du document d’urbanisme applicable de la commune (POS/ PLU) “, que si le permis de construire obtenu le 14 mars 2006 a ensuite été annulé pour violation des dispositions de l’article L. 146-4-1 du code de l’urbanisme en ce que la construction projetée ne s’inscrivait ni en continuité avec les agglomérations et villages existants, ni dans un hameau nouveau intégré à l’environnement, cette circonstance n’induit pas pour autant un manquement de M. X…à son obligation de conseil, dès lors que présumé légal, le certificat d’urbanisme délivré était réputé prendre en compte les restrictions au droit de construire imposées par la loi littoral à laquelle ce document faisait expressément référence ; Qu’en statuant ainsi, alors qu’un certificat d’urbanisme, document purement informatif, n’ayant pas pour objet d’autoriser une construction ou la réalisation d’une opération immobilière, le notaire, informé d’un projet de construction concerné par la loi du 3 janvier 1986 dite loi littoral, se devait d’attirer l’attention de l’acquéreur sur les risques qu’il encourait en s’engageant avant que le permis de construire requis n’ait acquis un caractère définitif, et de l’informer de la possibilité d’insérer une condition résolutoire dans l’acte de vente, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; » La Cour de cassation rappelle les obligations du notaire en cas de vente d’un terrain, fut il l’objet d’un CU positif En tant que professionnel, le notaire aurait donc du en l’espèce attirer l’attention de l’acquéreur sur la situation de la parcelle et la soumission de cette dernière au régime restrictif de la loi Littoral. L’arrêt de la Cour de cassation est intéressant à double titre puisqu’il rappelle :  Que le certificat d’urbanisme est un acte administratif qui n’autorise ni n’interdit rien. A cet égard, la jurisprudence de la Cour de cassation est constante puisque de nombreux arrêts ont déjà pu souligner qu’un certificat d’urbanisme même positif s’analyse comme un acte d’information qui n’a pas pour objet d’autoriser une construction ou la réalisation d’une opération immobilière (en ce sens C.cass, 1ère civ. 9 juin 2010, n°09-12.995). Que le devoir de conseil est un devoir professionnel obligatoire auquel le notaire ne peut se soustraire sous aucun prétexte et quelle que soit la nature de son intervention (C.cass, 3ème civ. 18 octobre 2005, juris-data n°2005-030336). Le devoir de conseil du notaire est donc un devoir absolu. En vertu de ce devoir de conseil, le notaire doit  s’assurer de la validité, de l’utilité, l’efficacité de son acte, éclairer les parties, attirer leur attention sur les conséquences et les risques des actes qu’il authentifie (C.cass, 1ère civ, 26 novembre 1996, bull. civ 2001, 3ème partie n°20). A noter que l’arrêt de Cour de cassation en date du 20 mars 2014 confirme un courant jurisprudentiel selon lequel il appartient au notaire de se renseigner sur la possibilité de construire sur le terrain au regard du POS ou du PLU en vigueur et mettre en garde les acheteurs contre les conséquences d’un refus d’autorisation de construire (C.cass 1ère civ., 21 février 1995). La Cour de cassation va même encore plus loin en estimant que le notaire « se devait d’attirer l’attention de l’acquéreur sur les risques qu’il encourait en s’engageant avant que le permis de construire requis n’ait acquis un caractère définitif, et de l’informer de la possibilité d’insérer une condition résolutoire dans l’acte de vente ». A noter qu’une vigilance particulière doit donc être portée par ces derniers sur la rédaction de l’ensemble des clauses de l’acte authentique puisque seules les carences matérielles de l’acte pourront être sanctionnées par les juridictions judicaires. Les acquéreurs qui sont confrontés à des difficultés en cas de vente avant l’obtention d’un permis de construire ont donc la possibilité de se retourner contre le notaire qui n’aurait pas été suffisamment précis dans l’acte authentique sur les risques entourant l’obtention du permis de construire. Me Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

L’expert judiciaire devant répondre de ses actes : une possibilité qui est loin d’être utopique ! (TGI Paris, 10 avril 2014)

Par une ordonnance en date du 10 avril 2014 le Tribunal de grande instance de Paris (TGI Paris, 10 avril 2014, RG n°13/16986, jurisprudence cabinet) confirme la compétence du juge judiciaire pour connaître de l’action relative à la responsabilité civile et personnelle d’un expert dans le cadre de ses missions d’expertise judiciaire, et ce alors même qu’il avait été désigné par une juridiction administrative.   En l’espèce, l’action est engagée par une société spécialisée dans le développement et l’exploitation de parcs éoliens qui avait contesté des refus de permis de construire devant le juge administratif de l’excès de pouvoir. Par un jugement du Tribunal administratif d’Amiens avant-dire droit en date du 18 octobre 2011(TA Amiens, 18 octobre 2011, jugement n°0903355), la juridiction administrative avait décidé de désigner un expert dans le cadre du litige porté devant lui afin d’apprécier, en substance, les perturbations alléguées des éoliennes sur les radars météorologiques et le risque éventuel pour la sécurité publique.   Au cours des réunions d’expertise, la société a soupçonné la partialité de l’expert de part le comportement complaisant de ce dernier durant les réunions envers l’une des parties et dans la mesure où il reprenait des propos généralement tenus par des personnes par principe hostiles à l’éolien, et ce notamment au travers un site internet où il était nommément identifié Les écrits de l’expert et son attitude lors de l’expertise permettaient à la société de démontrer la violation de l’obligation d’impartialité de l’expert et d’obtenir par voie de conséquence sa révocation devant le juge administratif. Par un jugement en date du 10 avril 2012 (TA Amiens, 10 avril 2012, jugement n°1200428), le Tribunal administratif d’Amiens a fait droit à la demande de récusation de l’expert en estimant qu’il résultait de l’instruction :  « que le commentaire litigieux du 30 décembre 2009 doit être regardé, compte tenu des termes dans lesquels il est rédigé, comme une raison sérieuse de mettre en doute l’impartialité objective de M… pour la réalisation de l’expertise diligentée (…), qu’en conséquence, il y a lieu, par application des dispositions précitées, de déclarer bien fondée la demande de récusation présentée par la SOCIETE … et de procéder au remplacement de l’expert … ».   Devant le préjudice subi par elle, la société a assigné l’expert en vu de voir sa responsabilité civile personnelle engagée. Dans le cadre de sa défense, le Conseil de l’expert a soulevé devant le Tribunal de grande instance de Paris l’incompétence de la juridiction judiciaire pour connaître du litige. Il était soutenu qu’eu égard à la qualité de “collaborateur occasionnel du service public” de l’expert, désigné par une juridiction administrative, sa responsabilité pour faute devait donner lieu à un procès devant le juge administratif et non devant le juge civil.   Toutefois, dans son ordonnance en date du 10 avril 2014, le Tribunal de grande instance de Paris rejette l’exception d’incompétence et relève que : « Dès lors que les fautes reprochées à M….. seraient de nature, si elles étaient établies, à engager sa responsabilité civile personnelle, et non celle de l’Etat, la juridiction judiciaire est compétente pour connaître de l’action engagée par la société… » Ce sera donc au TGI de connaître du fond et de trancher la question de la responsabilité de l’expert à l’égard de la société à l’égard de qui elle a manqué d’impartialité. L’ordonnance rendue par le Tribunal de grande instance de Paris confirme ici une jurisprudence constante et pourtant méconnue par bon nombres puisque si le Conseil d’État, dans un arrêt du 26 février 1971 (CE, 26 février 1971, rec. Page 172), a reconnu à l’expert judiciaire la qualité de « participant au service public de la justice », il n’en demeure pas moins que le caractère personnel de la faute de l’expert judiciaire lui fait perdre sa qualité d’agent public occasionnel. A cet égard, plusieurs juridictions judicaires se sont reconnues compétentes pour juger des actions relatives à la responsabilité civile de l’expert (Cass. 2ème civ., 8 oct. 1986 : Gaz. Pal. 1986, 2, p. 281, TGI CHATEAUROUX, 21 janvier 2003).  Dans un arrêt en date du 19 mars 2002, la Cour de cassation a expressément énoncé que «l’action en responsabilité contre l’expert judiciaire, désigné par la juridiction administrative, devait se tenir devant la juridiction judiciaire puisque les éventuelles fautes commises par lui engageaient sa propre responsabilité et non celle de l’Etat » (Cass.1ère civ, 19 mars 2002, n°00-11.907).   L’ordonnance rendue par le Tribunal de grande instance de Paris est à cet égard intéressante puisqu’elle confirme la responsabilité civile personnelle de l’expert qui bien que désigné par le juge administratif, doit quoiqu’il en soit répondre personnellement de ses fautes causées par sa partialité durant une expertise judiciaire.   Au regard de la place centrale qu’occupe incontestablement l’expert judiciaire dans le cadre de nombreuses procédures judiciaires, une vigilance particulière doit donc être portée sur l’identité de l’expert désigné et son parcours. Les requérants ne doivent pas oublier que des signes ou comportements mettant en relief une violation de l’obligation d’impartialité de l’expert désigné peuvent être de nature à engager sa responsabilité civile La sérénité comme la crédibilité des opérations d’expertise supposent une impartialité objective et subjective.   Me Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Solaire / liquidation des installateurs photovoltaïques : tout n’est pas perdu en cas de conclusion de contrat de crédit affecté !

Dans un arrêt du 24 janvier 2014 (C. d’appel de LIMOGES, 24 janvier 2014, RG n°12/01358), la Cour d’appel de Limoges rend un arrêt extrêmement intéressant pour toute personne ayant conclu un contrat de vente et d’installation de centrale solaire parallèlement à un contrat de crédit affecté. En effet, la Cour d’appel confirme le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Brives ayant prononcée la résolution du contrat signé avec une société installatrice de panneaux photovoltaïques mais également la résolution du contrat de crédit signé par les particuliers pour financer leur installation photovoltaïque. Les faits: En l’espèce, des particuliers avaient contracté auprès de la société D….. la fourniture et la pose d’un système solaire photovoltaïque pour un montant de 27 000 euros. Alors que  le contrat prévoyait « la pose et fourniture et d’un système solaire photovoltaïque d’une puissance de 2,88 kWh en intégration de bâti pour la revente exclusive auprès d’EDF au tarif maxi avec raccordement au client », il était reproché à la société installatrice une inexécution contractuelle tenant à l’absence de mise en service de l’installation. Concrètement, les particuliers avaient payé la centrale, mais l’installateur n’avait jamais mis en service l’installation, qui n’a donc pas pu produire d’électricité. La particularité du litige soumis à la juridiction tenait au fait que les particuliers avaient par ailleurs contracté un contrat de crédit accessoire auprès d’une banque afin de financer ledit projet. Enfin il est utile de préciser que la société D…. , installatrice des panneaux photovoltaïques était tombée entre-temps en liquidation judiciaire. L’interdépendance des contrats peut s’avérer intéressante Pour rappel, il est important de rappeler que le crédit affecté (on parle aussi de crédit lié) est celui qui est consenti par un organisme de crédit à un consommateur lors de la conclusion d’un contrat de vente ou prestation de services afin de financer cette opération commerciale. Dans ce contrat, une double relation contractuelle se noue entre le professionnel, l’établissement de crédit et le consommateur : Un premier contrat, dit contrat principal, est conclu entre le professionnel et le consommateur, Une autre relation contractuelle se noue entre le consommateur et l’établissement de crédit. Ces deux relations contractuelles sont interdépendantes aux termes des articles L. 311-20 à L. 311-28 anciens du code de la consommation. Le lien d’interdépendance est d’ailleurs une règle d’ordre public à laquelle le consommateur ne saurait renoncer d’une manière ou d’une autre (Cass 1ère civ., 17 mars 1993 : Bull. civ. 1993, I, n° 116). L’article L. 311-21 du Code de la consommation prévoit que le contrat de crédit est résolu de plein droit lorsque le contrat, en vue duquel le prêt avait été conclu, est lui-même résolu (Cass. 1re civ., 2 juill. 1991 : JCP G1991, IV, p. 345. – CA Riom, 25 sept. 2002 : JurisData n° 2002-194658). En l’espèce, la Cour d’appel de Limoges fait une exacte application des dispositions précitées puisqu’elle juge dans un premier temps que la mise en service relevait des obligations contractuelles de l’installateur en l’espèce  : « Attendu que selon les termes du bon de commande signé par Mme X… le 12 novembre 2009 l’engagement contractuel de la société D….exerçant sous l’enseigne S…………. avait pour objet « la pose et fourniture et d’un système solaire photovoltaïque d’une puissance de 2, 88 kwh en intégration de bâti pour la revente exclusive auprès d’EDF au tarif maxi avec raccordement au client » ; Que cette société précisait dans ses brochures publicitaires qu’elle réalisait toutes les démarches administratives pour obtenir les autorisations nécessaires, indiquant que pour les panneaux photovoltaïques ces démarches administratives étaient nombreuses pour obtenir les accords de rattachement de l’installation et qu’elle notifiait au client la mise en service de son installation ; Attendu qu’en l’occurrence et malgré les relances écrites émanant des époux Y…la mise en service du système photovoltaïque n’a jamais eu lieu, la société D…….alléguant une complexification des démarches à effectuer en raison notamment de la fourniture d’une attestation de conformité visée par le Consuel (…) ».   Puis dans un second temps, la Cour analyse les conséquences de la résolution du contrat principal sur le contrat de crédit affecté en jugeant : « Attendu que par application des dispositions de l’ancien article L 311-21 du code de la consommation applicable en la cause, la résolution de ce contrat de vente en vue duquel le contrat de crédit avait été consenti par la société BANQUE S…… aux époux Y… a pour conséquence la résolution de plein droit de ce contrat de crédit; Attendu que si cette résolution emporte en principe pour l’emprunteur l’obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, et cela même s’il a été versé directement au vendeur par le prêteur, s’agissant comme en l’espèce d’une prestation de service qui n’était pas à exécution successive, les obligations des emprunteurs ne pouvaient prendre effet qu’à compter de la fourniture de la prestation (ancien article L 311-20 du code de la consommation) laquelle doit correspondre à l’exécution complète de l’engagement contractuel souscrit par le vendeur ; Attendu que la société S………… a remis les fonds prêtés d’un montant de 27 000 euros à la société D………….. sur présentation d’un document portant la seule signature de Mme X… apposée le 3 février 2010 et intitulé « Attestation de livraison Demande de financement » suivant lequel Mme X… confirmait avoir reçu et acceptait la livraison des marchandises, constatait que tous les travaux et prestations qui devaient être effectués à ce titre avaient été pleinement réalisés et demandait en conséquence à S………….. de procéder au décaissement du crédit et d’en verser le montant directement entre les mains de la société SUN ……………..; Mais attendu que Mme X… n’évoquait nullement, expressément, la mise en service du système photovoltaïque ni son raccordement au réseau d’électricité, tous éléments inclus dans le contrat principal et en l’absence desquels la prestation de service restait partielle (…) Attendu qu’eu égard à la résolution du contrat principal intervenue alors qu’il n’a jamais été remédié à cette inexécution il y a lieu de considérer que les obligations des emprunteurs n’ont jamais…

Un nouvel exemple de l’attitude « décomplexée » du juge des référés face à une construction irrégulière

Dans un arrêt du 11 mars 2014 (C.cass, 3ème civ, 11 mars 2014, pourvoi n°13-12361), la Cour de cassation confirme un arrêt de Cour d’appel statuant en référé où la juridiction  reconnaissait sa compétence à l’endroit d’un litige relevant normalement, au fond, du juge répressif. Une commune avait saisi le juge des référés, sur le fondement de l’article 809 du code de procédure civile, afin de faire cesser le trouble manifestement illicite causé par des constructions irrégulières. La décision de la Cour de cassation suscitée par cette action  n’est pas sans rappeler un précédent arrêt du 14 janvier 2014 (C.cass, 14 janvier 2014, pourvoi n°13-10167, commenté ici) confirmant même en matière de police ICPE les pouvoirs étendus du juge des référés, lequel avait ordonné l’arrêt d’une centrale à béton, sous astreinte de 700 euros par jour de retard, au titre de l’existence des troubles anormaux de voisinage. En l’espèce, un particulier avait installé sur son terrain situé en zone naturelle une caravane et réalisé diverses constructions. Il reprochait à la Cour d’appel statuant en référé de s’être reconnue compétente aux motifs que « Les infractions aux règles de l’urbanisme sont de la compétence exclusive du juge pénal judiciaire ; que l’interruption des travaux peut être ordonnée soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête du maire, du fonctionnaire compétent ou de l’une des associations visées à l’article L. 480-1, soit, même d’office, par le juge d’instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel ; qu’en estimant cependant que le juge des référés était compétent pour ordonner l’enlèvement des caravanes et autres implantations installées sur le terrain litigieux situées sur la parcelle litigieuse, la Cour d’appel a violé les articles L. 480-1 et L. 480-2 du code de l’urbanisme ». La Cour de cassation ne fait pas droit à l’argumentation du requérant et relève ainsi : « Attendu que la cour d’appel, statuant en référé, s’est reconnue à bon droit compétente, dès lors que la connaissance du litige dont elle était saisie relevait au fond du juge répressif, lequel appartient au même ordre de juridiction (…). Attendu qu’ayant relevé que le terrain de M. X… se situait en zone 1 NCP du plan d’occupation des sols de la commune de Sorgues, zone agricole inconstructible dans le polygone d’isolement de la Société nationale de poudres et explosifs et que sont interdits dans cette zone notamment les terrains de camping et caravaning, les caravanes isolées et toute forme d’abris provisoires, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de répondre à de simples arguments inopérants, a pu retenir que l’installation, irrégulière au regard de la réglementation d’urbanisme existante, de caravanes ou d’habitation sur ce terrain situé dans une zone protégée et à risque, constituait un trouble manifestement illicite qu’il appartenait au juge des référés de faire cesser ». Cet arrêt souligne la grande liberté dont dispose le juge des référés en présence de « troubles manifestement illicites » au sens de l’article 809 du Code de procédure civile, lequel dispose : « Le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire » Plus concrètement, la Cour de cassation confirme une nouvelle fois que l’illicéité, telle que conçue par l’article 809 du Code de procédure civile, tend à dépasser le sens étymologique et de celui-ci. Il peut s’agir comme elle l’a déjà reconnue de la méconnaissance d’une norme juridique obligatoire, que son origine soit délictuelle ou contractuelle (Cass. 2e civ., 7 juin 2007, n° 07-10.601 ; Cass. 1re civ., 8 déc. 1987 ; Cass. 1re civ., 9 mai 1990 ), législative ou réglementaire (Cass. 1re civ., 12 déc. 1978 : Bull. civ. 1978, I, n° 299 ; Cass. soc., 4 déc. 1980 ; Cass. com., 15 juin 1982 ) de nature civile ou pénale. En l’espèce, force est de relever que les faits qui étaient reprochés au requérant constituaient des infractions, relevant normalement de la compétence du juge pénal au titre des articles L 480-1 et L 480-2 du Code de l’urbanisme (constructions irrégulières en zone naturelle). En présence d’une infraction au Code de l’urbanisme, le juge des référés dispose donc de la possibilité de faire interrompre et cesser des travaux dès lors que ceux-ci contreviennent aux règles d’urbanisme applicables. Compte-tenu des délais très courts dans lesquels le juge des référés statue, il semble acquis que de nombreuses autorités saisiront à l’avenir ce juge pour faire cesser les infractions réprimés par les articles L 480-1 et L480-2 du Code de l’urbanisme.   Me Aurélien BOUDEWEEL (Green LAW Avocat)

Une responsabilité encore accrue de l’architecte en sa qualité de maître d’œuvre

Dans un arrêt en date du 06 novembre 2013 (C.cass, Chambre civile 3, 6 novembre 2013, n°12.15-673) la Cour de cassation casse l’arrêt de Cour d’appel ne reconnaissant pas la responsabilité de l’architecte, chargé d’une mission de maîtrise d’œuvre complète, qui demandait à un entrepreneur de procéder à une démolition sans permis de démolir. En l’espèce, la Cour d’appel de Bordeaux avait refusé de reconnaître l’action d’une SCI (maître d’ouvrage) contre l’architecte tendant à faire reconnaître la responsabilité de ce dernier. La Cour de cassation casse l’arrêt rendu en  appel et reconnaît la responsabilité de l’architecte en relevant ainsi : « Que le maître d’œuvre ayant accepté une mission globale comprenant notamment la direction des travaux et la vérification de leur conformité aux pièces du marché engage sa responsabilité envers le maître de l’ouvrage s’il demande à l’entrepreneur principal de procéder à une démolition non autorisée par le permis de construire ; qu’en jugeant que la démolition illicite avait été réalisée sur les « instructions du maître d’œuvre qui presse l’entreprise de procéder à la démolition dans (sic) ses visites de chantier des 13 janvier, 20 janvier, 3 février, 10 février et 17 février 2006 » (arrêt, p.5§5) et que ledit maître d’œuvre a effectivement commis une « faute » (ibid. p.6§1), mais que sa responsabilité ne pourrait pas être engagée à l’égard du maître de l’ouvrage au motif que celui-ci savait qu’il ne disposait pas de l’autorisation administrative de procéder à la démolition, la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l’article 1147 du Code civil ». Cet arrêt souligne la responsabilité accrue de l’architecte dans le cadre de sa mission de maître d’œuvre et ce, même si en l’espèce, la SCI qui a signé un marché de démolition savait pertinemment qu’il n’avait pas été obtenu ni sollicité de permis de démolir. La Haute juridiction interprète donc de manière très stricte le régime de responsabilité de l’architecte en tant que maître d’œuvre d’un marché de travaux. Aucune cause exonératoire n’est en effet retenue par la Cour de cassation, laquelle se borne simplement à constater la violation des règles d’urbanisme par le professionnel. Au demeurant cet arrêt n’est pas sans mettre en avant l’infraction que constitue en droit de l’urbanisme la démolition sans permis de démolir. Rappelons que le permis de démolir voit son champ défini positivement par les articles R. 421-27 et R. 421-28 du code de l’urbanisme et les dispenses fixées par l’article R. 421-29 du même code. Des règles très strictes sont à respecter avant toute action de démolition d’un ouvrage : En vertu de l’article L 451-1 du Code de l’urbanisme, la demande de permis de démolir précise : – L’identité du ou des demandeurs ; – En cas de démolition partielle, les constructions qui subsisteront sur le terrain et, le cas échéant, les travaux qui seront exécutés sur cette construction – La date approximative à laquelle le ou les bâtiments dont la démolition est envisagée ont été construits. – La demande comporte également le document attestant que le ou les demandeurs sont habilités à déposer une demande de permis de démolir. En vertu de l’article R 450-2 du même Code, le dossier joint à la demande doit par ailleurs comprendre: – Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l’intérieur de la commune ; – Un plan de masse des constructions à démolir ou, s’il y a lieu, à conserver ; – Un document photographique faisant apparaître le ou les bâtiments dont la démolition est envisagée et leur insertion dans les lieux environnants. A réception du dossier de permis de démolir, l’autorité compétente dispose alors du délai classique de de deux mois pour instruire la demande. Un strict respect des règles relatives à la démolition contenues dans le Code de l’urbanisme rappellent doivent donc être respectées par les pétitionnaires ou leurs mandataires. Analyse proposée par Me Aurélien BOUDEWEEL (Green Law Avocat)