Par maître Lucas DERMENGHEM (Green law avocats)
L’épaisse fumée dans laquelle l’incendie de l’usine Lubrizol a plongé les rouennais le 26 septembre 2019 a fait resurgir dans le débat public la question des risques liés aux activités industrielles et ranimé le débat quant aux solutions permettant de réduire au maximum leur survenance.
C’est dans ce contexte que la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’incendie du Lubrizol, présidée par le député Christophe Bouillon (PS), a déposé auprès du bureau de l’Assemblée nationale une proposition de loi n°2527 « relative à la création de l’Autorité de sûreté des sites SEVESO : plus de transparence et de sécurité à l’égard de la population ».
Au titre de l’exposé des motifs de cette proposition de loi, la mission d’information a d’abord rappelé que plusieurs évolutions du cadre législatifs sont allées dans le sens d’un renforcement de la sécurité et de la sûreté des sites industriels : loi « Bachelot » n°2003-699 du 30 juillet 2003, décrets et arrêtés ministériels du 26 mai 2014 transposant la directive européenne dite « Seveso 3 ».
Toutefois, la mission d’information fait le procès non pas d’une réglementation insuffisante mais de « failles inhérentes à notre système de contrôle des sites industriels pour l’environnement et la sécurité de la population » et pointe notamment le manque de « moyens institutionnels pour assurer la surveillance » des 1312 sites SEVESO référencés sur le territoire national.
A l’inverse des sites nucléaires contrôlés par une instance spécifique (l’Autorité de Sûreté Nucléaire), les sites SEVESO sont dépourvus de toute autorité de contrôle indépendante. En effet, leur surveillance est assurée par les Directions Régionales de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (D.R.E.A.L), également chargées de réglementer les 500 000 sites relevant de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (I.C.P.E) en France.
Accomplissant en parallèle une kyrielle de missions étatiques, les D.R.E.A.L font également face à un manque de moyens humains et matériels, entrainant une baisse substantielle du nombre d’inspections des sites I.C.P.E et par là-même une défaillance dans la maîtrise du danger lié aux sites les plus sensibles.
Face à cette lacune, la mission d’information propose la création d’une Autorité de sûreté des sites SEVESO, instance « indépendante du gouvernement, avec des inspecteurs dédiés » qui « rendrait public ses rapports et injonctions ». Pour ce faire, elle serait dotée d’un budget propre ainsi que d’un pouvoir de sanction et « ses effectifs ne seraient pas soumis au plafond d’emplois. ».
Cette autorité aurait vocation rebâtir le lien de confiance profondément ébranlé entre la population et les industries en tant que « médiateur, un tiers de confiance, qui puisse intervenir et accompagner les décideurs en cas d’accident ».
La création d’une telle autorité est notamment soutenue par le Syndicat national des ingénieurs de l’industrie et des mines (Sniim), représentant les inspecteurs des installations.
Le gouvernement a quant à lui émis d’autres pistes de réflexion en vue de renforcer la maîtrise du risque lié à ces sites. Ainsi, le 11 février 2020, la ministre de la Transition écologique et solidaire a proposé un « Plan d’action Lubrizol » comprenant notamment :
- une augmentation des contrôles de 50% d’ici la fin du quinquennat ;
- La création d’un bureau d’enquête accidents indépendant et dédié aux risques technologiques afin de tirer toutes les conséquences en cas de survenance d’un accident majeur.
Si les pistes d’amélioration ne manquent pas, le cabinet Green Law Avocats ne peut que saluer cette proposition de loi qui fait écho à une réflexion engagée peu de temps après l’incendie de Lubrizol et suggérant l’idée de la création d’une « Autorité de sûreté des risques technologiques » (lire en ce sens : David DEHARBE et Lucas DERMENGHEM, « Pour une Autorité de sûreté des risques technologiques ! », Droit de l’Environnement, N°283, nov. 2019, page 409).
Les auteurs avaient notamment constaté que si l’étude de dangers du site Lubrizol avait prévu l’hypothèse de l’incendie, elle n’avait pas forcément perçu l’ampleur des conséquences pouvant en découler. Cette étude souffrait également de n’avoir pas fait l’objet de la moindre contre-expertise par les services de contrôle depuis sa réalisation en 2009.