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Le 27 mars 2014 entrait en vigueur la loi dite « ALUR » (L. n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme).
Cette loi visant à favoriser l’accès au logement disposait d’un volet relatif aux sites et sols pollués destiné à encourager la reconversion des friches industrielles (voir notre article de l’époque sur ce thème). Parmi ces dispositions environnementales (article 173 de la loi ALUR) figurait notamment la création des « secteurs d’information sur les sols » (les « SIS »), dispositif qui doit permettre, comme l’indique le Président du CSPRT lors de la présentation du projet de décret, que tout aménageur soit en mesure de « disposer d’informations lorsque son projet est localisé sur un site pollué ».
Les préfets sont ainsi chargés de déterminer quels terrains sont soumis à un SIS et les propriétaires des terrains désignés sont soumis à une nouveau type d’obligation d’information précontractuelle s’ils souhaitent les louer ou les vendre.
Le décret n° 2015-1353 du 26 octobre 2015 vient préciser les conditions de mise en œuvre de ce nouveau dispositif.
C’est l’occasion de remarquer que sont précisées les modalités de définition des SIS par le préfet et de souligner les obligations attachées à ce nouvel outil.
- Les modalités de définition des SIS par le préfet
Les terrains concernés par les SIS
Pour rappel, l’article L. 125-6 du code de l’environnement prévoit que
« L’Etat élabore, au regard des informations dont il dispose, des secteurs d’information sur les sols qui comprennent les terrains où la connaissance de la pollution des sols justifie, notamment en cas de changement d’usage, la réalisation d’études de sols et de mesures de gestion de la pollution pour préserver la sécurité, la santé ou la salubrité publiques et l’environnement. »
Il s’agit donc des terrains, comme l’explique le rapporteur du projet de décret au CSPRT, pour lesquels « des preuves de pollution doivent ainsi être en possession de l’Etat ». Le décret précise que la liste des SIS sera établie « sur la base des données dont l’Etat a connaissance entre le 1er janvier 2016 et le 1er janvier 2019 » (R. 125-41-I C.env.).
Pour déterminer quels terrains feront l’objet d’un SIS, le préfet pourra très certainement s’appuyer sur la base de données BASOL, gérée par le ministère en charge de l’environnement et qui répertorie les sols présentant une pollution avérée ou en cours de diagnostic, ainsi que sur les informations que lui fera remonter l’inspection des installations classées.
Le décret exclut certains terrains du dispositif (R. 125-43 C.env.) :
- les terrains d’emprise des ICPE et INB en exploitation (qui ne sont par ailleurs pas non plus couverts par l’obligation d’information précontractuelle environnementale prévue par l’article L. 514-20 du code de l’environnement) ;
- les terrains ayant fait l’objet d’une servitude d’utilité publique en application de l’article L. 515-12 du code de l’environnement ;
- les terrains soumis à des pollutions pyrotechniques (liées aux poudres et composés explosifs ou aux munitions).
La procédure d’élaboration des SIS
En pratique c’est au préfet de département qu’incombe la charge d’élaborer, pour chaque commune et avant le 1er janvier 2019, un ou plusieurs projets de SIS (R. 125-41 C.env.).
Les projets prendront la forme d’un dossier composé des deux éléments suivants (R. 125-42 C.env.) :
- une note présentant les informations détenues par l’Etat sur la pollution des sols ;
- un ou plusieurs documents graphiques à l’échelle cadastrale, délimitant le SIS.
Une fois le dossier constitué, le préfet le transmet (R. 125-44 C.env.) :
- pour avis aux maires des communes (ou présidents d’EPCI) sur lesquels sont situés les projets de SIS. Ceux-ci disposent alors d’un délai de six mois pour transmettre leurs observations et joindre à leur éventuelle demande de modification du projet tout document la justifiant ;
- pour information, par lettre simple, aux propriétaires des terrains concernés par les SIS en leur indiquant les modalités de participation retenues (a priori le site internet où seront publiés les projets).
Au vu des résultats de la consultation le préfet arrête la liste des SIS, publie l’arrêté au recueil des actes administratifs et intègre les SIS dans une base de données dédiée (dont le compte-rendu du CSPRT indique qu’il constituera « un outil informatique de saisie des parcelles cadastrales ») (R. 125-45 C.env.).
On note qu’alors que le projet de décret soumis au CSPRT prévoyait la consultation individuelle des propriétaires dont les terrains font l’objet d’un SIS, cette disposition a été abandonnée au profit d’une simple information des propriétaires.
Enfin, le préfet informe les intéressés en (R. 125-46 C.env.) :
- adressant l’arrêté aux maires (ou présidents d’EPCI) et aux propriétaires concernés ;
- affichant l’arrêté pendant un mois dans chaque mairie (ou siège d’EPCI) concernée ;
- annexant l’arrêté aux documents d’urbanisme des communes (ou EPCI) concernées.
Chaque année, la liste des SIS est révisée par le préfet, notamment sur la base d’informations relatives à l’état des sols communiquées par le maire (ou président d’EPCI) ou par les propriétaires concernés par le SIS, ce qui leur permettra éventuellement de prévenir le préfet des évolutions de leur terrain et d’obtenir la suppression du SIS dont il fait l’objet (R. 125-47 C. env.).
Il est à noter que plusieurs documents d’aide à l’élaboration des SIS sont actuellement en préparation : une note d’instruction, un guide pour accompagner les DREAL dans l’élaboration des SIS ainsi qu’un guide à l’intention des collectivités.
L’intégration des SIS aux documents d’urbanisme
D’une part, les SIS feront l’objet d’une annexe spécifique du plan local d’urbanisme des communes où sont situées les terrains concernés (R. 123-13 C.urb.). Il en va de même pour les plans de sauvegarde et de mise en valeur (R*313-6 C.urb.).
D’autre part, les communes, lorsqu’elles délivreront des certificats d’urbanisme, seront tenues de mentionner si le terrain fait l’objet d’un SIS et s’il est répertorié sur l’outil CASIAS (R. 410-15-1 C.urb.), clairement définie par le décret comme le pendant cartographique de la base de données BASIAS (R. 125-48 C.env.).
- Les obligations attachées aux SIS
L’obligation de réalisation d’une étude des sols et de prendre des mesures de gestion pesant sur le constructeur et l’aménageur
Lorsqu’un terrain soumis à un SIS fait l’objet d’un projet de construction ou d’aménagement prévoyant un changement de l’usage existant, le porteur du projet est désormais dans l’obligation de réaliser une étude de l’état des sols et de prendre les mesures de gestion afin qu’il soit compatible avec l’usage futur (R. 556-1 C.env.).
L’article R. 556-2 du code de l’environnement définit le contenu de l’étude de sols à réaliser :
- les éléments relatifs à l’étude historique, documentaire et mémorielle du site ;
- les éléments relatifs à la vulnérabilité des milieux ;
- la liste des parcelles cadastrales concernées ;
- un plan délimitant l’emprise du site ;
- une cartographie du site localisant les différentes substances utilisées sur le site ;
- la présentation des modalités d’échantillonnage ;
- le détail des mesures, prélèvements, observations et analyses sur les milieux ;
- un plan de gestion qui définit les mesures permettant d’assurer la compatibilité entre l’état des sols et l’usage futur du site au regard de l’efficacité des techniques de réhabilitation dans des conditions économiquement acceptables ainsi que du bilan des coûts et des avantages de la réhabilitation au regard des usages considérés.
Une fois ces mesures réalisées, le porteur de projet devra demander à un bureau d’études certifié que lui soit délivré une attestation garantissant à la fois la réalisation de l’étude et la prise en compte des préconisations de l’étude dans la conception du projet (R. 556-3 C.env.).
Détail pratique, il est précisé que l’attestation et l’étude peuvent être réalisées par le même bureau d’étude.
Cette attestation sera jointe au dossier de demande de délivrance de permis de construire ou d’aménager (R 431-16 C.urb. pour les permis de construire et R. 441-8-1 et R. 442-8-1 du même code pour les permis d’aménager).
Deux arrêtés ministériels viendront définir la typologie des mesures de gestion (R. 556-5 C. env.) ainsi qu’un modèle d’attestation (R. 556-3 C. env.).
L’obligation d’information précontractuelle pesant sur le vendeur et le bailleur
L’information précontractuelle des locataires et acheteurs d’un terrain soumis à un SIS est la principale portée pratique de la création de ce nouvel outil.
L’article L. 125-7, issu de la loi ALUR, prévoyait que lorsqu’un terrain situé en SIS fait l’objet d’une vente ou d’un bail, le vendeur ou le bailleur du terrain est tenu d’en informer par écrit l’acquéreur ou le locataire. Il est précisé que le contrat doit attester de l’accomplissement de cette formalité.
Le vendeur ou bailleur qui n’a pas respecté son obligation d’information prend un risque important.
En effet, si « une pollution constatée rend le terrain impropre à la destination précisée dans le contrat », l’acquéreur ou le locataire dispose d’un délai de deux ans, à compter de la découverte de la pollution, pour :
- soit demander la résolution du contrat de vente ou de bail ;
- soit, selon le cas, se faire restituer une partie du prix de vente ou obtenir une réduction du loyer ;
- soit, option réservée uniquement à l’acquéreur, demander la réhabilitation du terrain aux frais du vendeur lorsque le coût de cette réhabilitation ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente.
La seule précision apportée par le décret quant aux modalités d’application de cette nouvelle obligation porte sur son point de départ, fixé au premier jour du quatrième mois suivant la publication de l’arrêté de création du SIS.
Cette nouvelle obligation d’information vient s’ajouter à celles qui pesaient déjà :
- sur le vendeur d’une ICPE soumise à autorisation ou enregistrement (L. 514-20 C. env.) ;
- sur le vendeur ou bailleur d’un bien immobilier situé dans une zone couverte par un PPRT ou un PPRN ou une zone de sismicité (L. 125-5 C. env.).
Le décret modifie aussi le champ d’application de cette dernière obligation d’information aux « zones exposées aux risques délimitée par un plan de prévention des risques miniers » (R.125-23 C.env.).
La plus grande vigilance est donc de mise pour les aménageurs, constructeurs et propriétaires.